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Les acteurs de la scène montréalaise sont essentiellement des institutions publiques. Celles-ci peuvent être regroupées en deux grandes catégories, soit, d'une part, les organismes ministériels déconcentrés et, d'autre part, les organismes issus d'une décentralisation des pouvoirs aux collectivités territoriales. Ainsi, nous pouvons identifier deux grands acteurs métropolitains, soit l'Agence métropolitaine de transport (AMT) et la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

L'AMT, qui relève du ministère des Transports du Québec (MTQ), a pour mandat d'assurer une cohérence en matière de transport sur l'ensemble de la métropole. L'AMT dispose d'une variété d'instruments pour mettre en œuvre son mandat, à partir d'une politique de tarification commune à une coordination de l'offre de service de transport, en passant par une planification des réseaux de transport métropolitain et la redistribution de subventions d'exploitation. À ce titre, l'AMT dispose de bureaux d'étude et de moyens financiers issus du MTQ. Elle est à la fois planificatrice, coordonnatrice et opératrice du réseau de transport public. Ainsi, l'AMT a en charge la coordination des 14 organismes de transport que compte la région métropolitaine de Montréal, dont notamment la Société de transport de Montréal (STM) et la Société de transport de Laval (STL), organismes fonctionnant comme des entreprises privées, ne répondant pas du gouvernement. Enfin, outre cette coordination, l'AMT opère elle-même une partie du réseau, via la gestion des trains de banlieue. Apparaissant comme une institution déconcentrée du MTQ, l'AMT jouit d'une forte légitimité technique et politique qui lui permet de coordonner et de planifier les transports métropolitains montréalais.

Quant à la CMM, celle-ci est un organisme décentralisé imposé aux maires de 82 municipalités de la grande région métropolitaine, en vertu de la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal (Gouvernement du Québec, 2010). Équivalent des Municipalités régionales de comté (MRC), mais singulière du fait de la situation particulière de la métropole au plan législatif, la CMM a notamment le mandat de rédiger le Schéma d'aménagement et de développement de la métropole (SAD), et donc de traduire les orientations du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du

4 Cette section a été rédigée en collaboration avec Gregory Le Laurent, stagiaire au Département de science

territoire (MAMROT). Administrée par des élus locaux, maires ou conseillers municipaux, la CMM possède le mandat et la légitimité nécessaires pour développer ce type de document. Néanmoins, bien que possédant une double légitimité conférée par la législation et par son administration composée d'élus, certaines dissensions internes apparaissent du fait que chaque élu doit concilier les intérêts métropolitains avec ses intérêts locaux. Ainsi, tel que le souligne un répondant :

«(...) Jusqu'où les élus peuvent aller actuellement, c'est de favoriser le métropolitain, mais jamais au détriment de leur propre municipalité... ils n'ont pas intérêt...ils sont dans une espèce de conflit d'intérêts entre le niveau métropolitain et le niveau local. » (Transcription 1 : 7)

Outre ces problèmes de représentation qui minent l'avancement de ses travaux, aux dires de certains répondants, la CMM est une création provinciale quelque peu malvenue aux yeux des élus locaux. Ainsi, bien que la CMM ait pour mandat d'administrer les affaires de la métropole de manière cohérente, ce qui justifie sa création, il n'en reste pas moins que les élus locaux semblent difficilement prêts à assumer cette réalité :

« C'est un peu tout le problème de la CMM, c'est qu'on a voulu créer un palier intermédiaire presqu'uniquement avec des compétences historiques du palier inférieur. Il n'y a personne, que ça soit privé ou public comme organisation, qui aime se faire prendre sa compétence et qu'on lui dise quoi faire, ce qui fait que ça donne des choses très délicates. Ça s'est passé, la CMM vis-à-vis des municipalités et STM vis-à-vis de l'Agence. » (Transcription 4 :81)

La CMM se trouverait alors dans une situation délicate, obligée de respecter une loi qui déplait à bien des élus locaux. En conséquence, plusieurs dénoncent le Schéma d'aménagement et de développement de la métropole, qui serait soumis à la logique du plus petit dénominateur commun et dont l'adoption par chaque conseil municipal s'avère ardue (Transcription 1 : 8). De plus, une autre difficulté à laquelle fait face la CMM réside dans le fait qu'elle ne dispose pas de moyens juridiques pour prélever des taxes ou des impôts et n'a d'autres ressources que les contributions gouvernementales et municipales, ce qui semble la mettre dans une position d'infériorité, notamment lorsqu'il s'agit de faire adopter

un schéma d'aménagement efficace et contraignant aux municipalités (Transcription 4 : 67).

Ainsi, bien que possédant des mandats de cohérence métropolitaine importants, il apparait aux yeux des répondants qu'en termes de transports publics, l'acteur de premier plan est l'AMT qui, forte de sa légitimité administrative et technique, possède une plus grande marge de manœuvre. Outre ces deux acteurs, les sociétés de transport constituent sans doute un incontournable dans la gestion des transports collectifs, car elles représentent le maillon final de la chaine de service à l'usager. Cependant, symptôme de l'absence de coercition gouvernementale, l'ensemble des politiques de réduction des GES mises en œuvre par la STM ne leur sont pas imposées, car, contrairement à l'AMT, la STM n'est pas contrainte à produire une stratégie de réduction de GES, en vertu la Loi sur le développement durable (Transcription 3 : 42)

Quant au gouvernement du Québec, celui-ci semble jouer un double jeu. En effet, d'un côté, il décentralise certaines fonctions à la métropole comme à la CMM, mais de l'autre, il semble vouloir garder une certaine mainmise sur la situation, d'une part, via son organe déconcentré, l'AMT, mais d'autre part, certaines fois directement en son nom. En effet, durant l'épisode de la construction du prolongement du métro à Laval, le MTQ qui, bien que n'ayant pas la légitimité locale pour intervenir, mais possédant le financement, a décidé de son propre chef d'un tracé contraire à celui proposé conjointement par l'AMT et les élus métropolitains. Les passages suivants décrivent cette situation :

Dans le fond, c'est clair qu'il y a beaucoup d'acteurs, qu'il y a beaucoup d'acteurs qui possèdent les mêmes compétences et en fait, les vrais acteurs ne sont pas ceux à qui on a donné la responsabilité. Le MTQ, dans le fond, c'est l'acteur déterminant et pourtant, nulle part dans les lois, les textes, on dit qu'ils sont responsables de la planification et des transports à Montréal mais en pratique, c'est le MTQ qui décide. Dans le fond, la loi donne la responsabilité du transport collectif à la CMM et à l'AMT sans qu'on sache trop qui est responsable de quoi précisément; donc, il y a un chevauchement, il y a une sorte de chevauchement avec les villes qui font aussi des plans de transport et dans le fond, l'acteur déterminant reste le MTQ.[...]

Tantôt, on parlait du prolongement du métro vers Laval mais en fait, ce qu'il faut rappeler, c'est qu'on a pris la décision de le prolonger sur la ligne 2 Est, alors que dans le plan de l'AMT, on proposait de prolonger dans l'axe 2 Ouest pour une raison bien simple, c'est que dans l'axe 2 Est, il n'y avait pas de place dans le métro alors que dans la ligne 2 Ouest, il y avait de la place dans le métro [...] mais en gros, le plan de l'AMT disait clairement : on prolonge 2 Ouest et puis le gouvernement a décidé de prolonger 2 Est. (Transcription 9 : 166-167).

Finalement, le gouvernement fédéral intervient par le biais du financement des immobilisations, à travers la Société de financement des infrastructures locales (SOFIL), laquelle est placée sous l'autorité du ministre des Finances du Québec. Les subventions aux sociétés de transport sont ainsi distribuées par le gouvernement provincial, car c'est celui-ci qui dispose de la compétence en matière de transport.

La gouvernance des transports à Montréal s'avère donc complexe. Conflits internes à la métropole et implications (ingérence) du gouvernement provincial, telle est la situation à laquelle est confrontée la région métropolitaine de Montréal. Le schéma ci-dessous illustre cette complexité institutionnelle.

Figure 6

Schéma institutionnel de la gestion des transports à Montréal

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