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Etirement d'une bre de chromatine

Avant de présenter brièvement l'état de l'art des expériences d'étirement sur la chro-matine, nous rappellerons les quelques techniques de reconstitution de la chromatine. Le terme "chromatine" désigne un complexe presque propre à chaque expérience, selon la manière adoptée pour la reconstituer ou la conguration expérimentale. Néanmoins des caractères communs dans la réponse élastique se dégagent nettement (chapitre 5). Dans ce type d'expérience, le terme de chromatine désigne en réalité un large panel de substrats, d'associations plus ou moins articielles entre l'ADN et les histones. L'originalité de nos expériences réside d'ailleurs en partie dans le fait que nous avons travailler avec la plupart de ces chromatines, acquérant ainsi une bonne connaissance des propriétés de chacune et des écueils à éviter lors de l'interprétation.

"collant" qui doit être manipulé dans des conditions précises de salinité et de pH. C'est pour ces raisons que bon nombre d'expériences de biophysique se sont tournés vers des échantillons de chromatine reconstituée mieux dénie et donc, dont l'information est plus facile à extraire.

Chromatine reconstituée Il existe trois grandes catégories de chromatine reconsti-tuée : la chromatine reconstireconsti-tuée à partir d'extraits d'÷ufs d'amphibien ou d'embryon de drosophile, la chromatine reconstituée sur une séquence répétée positionnant les nu-cléosomes par dialyse, ou la chromatine reconstituée à l'aide de protéines chaperons des histones de c÷ur. Pour chaque type, les protocoles de reconstitution peuvent diérer ; un bon résumé des méthodes existantes est fait dans [152] et [98].

Avec extrait d'÷ufs de Xenopus Laevis Pour constituer des bres de chroma-tine, il sut de mélanger l'ADN et l'extrait. Xenopus Laevis est un amphibien originaire d'Afrique du sud. Ses ÷ufs, relativement gros (1.2 mm de diamètre en moyenne), pos-sèdent la particularité de pouvoir donner naissance à plus de quatre mille cellules lles sans apport extérieur. Cela signie qu'ils sont très riches en protéines, nucléotides, et autres facteurs de transcription en tout genre. C'est un matériel très recherché par les biologistes : les grenouilles sont alors élevées en captivité et il est possible de provoquer la ponte de ces ÷ufs pour en disposer toute l'année.

L'extrait ne contient pas d'ADN, mais toute la machinerie utile pour constituer de la chromatine à partir d'un substrat d'ADN. Ainsi, l'extrait est aussi employé entre autre pour constituer des chromosomes métaphasiques à partir de noyaux de sperme de Xenopus Laevis.

D'autre part, cette technique de reconstitution d'une bre de chromatine a déjà été employée pour étudier la cinétique de formation de la chromatine par uorescence et avec ux hydrodynamique [155][80]. Le nombre de nucléosomes formés ne peut être qu'estimé

à partir de la longueur de l'ADN xée et de la longueur moyenne d'ADN contenue dans la structure du nucléosome.

Ces bres de chromatine ne contiennent pas de véritable histone de liaison (absentes de l'extrait) ; Mais elles sont formées avec une protéine B4 supposée jouer un rôle similaire à l'histone de liaison. On pense aussi que des protéines comme les HMG protéines peuvent venir se xer entre les deux brins d'ADN à la sortie de la NCP, comme l'histone de liaison. Avec des protéines chaperons d'histones de c÷ur Pour travailler sur un sys-tème mieux déni, on peut limiter le nombre d'intervenants dans la phase de reconstitu-tion. Une possibilité serait de n'utiliser que l'ADN et les histones, mais comme nous le verrons par la suite, il ne sut naturellement pas de mélanger ceux-ci dans les conditions physiologiques pour qu'apparaissent immédiatement une structure ordonnée en "collier de perles". Créer une structure si dénie nécessite une dépense d'énergie : Les chaperons d'histones comme Nap-1, N1+nucléoplasmine, permettent de former une bre de 10 nm dans laquelle les nucléosomes sont disposés aléatoirement, de façon désordonnée. Il est possible d'espacer régulièrement les nucléosomes en ajoutant des facteurs de remodelage de la chromatine (ACF) qui, eux, sont ATP-dépendants.

Sur une séquence répétée d'ADN positionnant le nucléosome Enn, il est aussi envisageable de reconstituer une bre de chromatine régulière sans avoir recours aux chaperons d'histones. Il sut d'utiliser des séquences d'ADN pour lesquelles l'octamère d'histones à une grande anité.

Des séquences d'ADN possèdent une courbure spontanée (énergie d'interaction entre paire de bases successives), qui diminue l'énergie de courbure contre laquelle il faut lutter pour pouvoir enrouler l'ADN autour de l'octamère d'histones. Le nucléosome se constitue préférentiellement sur ce type de séquence. Il faudrait ensuite prendre aussi en compte le pas de l'hélice un peu distordu pour que l'ADN s'ajuste le mieux possible avec les sites de liaisons de l'octamère [96][118].

Une séquence répétée de 5S ADN-r ("r" pour ribosomal) issue d'oursins [131] permet ainsi de constituer par dialyse des bres ordonnées [35][26][27]. Une autre séquence, la séquence 601, plus récemment isolée [160], possède une plus grande anité encore vis à vis de l'octamère d'histones.

Que ce soit à l'aide de chaperons d'histones de c÷ur ou à l'aide d'une séquence parti-culière d'ADN, les bres de chromatine ainsi reconstituées n'ont pas d'histone de liaison. Il est très dicile de reconstituer une bre avec cette histone car c'est un macro-cation, donc il s'associe avec l'ADN de manière non spécique. Mais une récente étude de micro-scopie électronique a relevé le challenge en utilisant l'histone de liaison H5 qui a une plus grande anité pour la NCP [69].

Le chromosome mitotique

Les premières expériences d'étirement de la chromatine ont été réalisée sur des chro-mosomes entiers de Salamandre ou de Xenopus Laevis [68]. Ces études réalisées sur une chromatine fortement condensée, impliquant d'autres protéines que les histones, ont sondé l'organisation du chromosome métaphasique, (Fig 1.29).

Fig. 1.29 Schéma d'un chromosome mitotique.Le chromosome est constitué par quelques axes semi-rigides enveloppés dans une gangue de chromatine. La chromatine est attachées à ces axes. Ce modèle a été proposé par Houchmandzadeh et Dimitrov [67] pour expliquer leurs résultats de mesures de module d'Young et de module de exion sur des chromosomes mitotiques de Xenopus Laevis. S. Almagro a étudié les composants de ce squelette semi-rigide, composé d'ADN et de protéines structurantes SMC (Structurale Maintenance of the Chromosome) [5]. Adapté de [67]

A une échelle inférieure, il est envisageable d'utiliser des techniques similaires. Cepen-dant, la chromatine reste complexe et délicate à manipuler. Ainsi les bres se collent de façon non spéciques aux parois de verre [177], en particulier dans les expériences avec AFM [86][179].

Les pinces optiques permettent de s'éloigner des parois. Elles ont permis des expé-riences sur trois types de chromatine diérentes : native [173], reconstituée avec un extrait

d'÷ufs de Xenopus Laevis [21] [115], et reconstituée sur une séquence particulière, répétée, d'ADN [27] [26].

Sur des bres de 10 et 30 nm.

Sur la bre de chromatine de 10 ou 30 nm, deux grandes classes d'expériences de type molécule unique ont jusqu'alors été réalisées : expériences avec une des extrémités de la bre libre et expériences d'étirements, d'élasticité. Dans ce premier type d'expérience, la bre à été reconstituée à partir d'extraits [80] ou avec seulement les histones et un de leurs chaperons, NAP-1 [84][155]. Ces études montrent entre autre que la vitesse de reconsti-tution dépend de la force exercée (respectivement par ux hydrodynamique et traction magnétique) sur la bre en formation : cela renseigne sur la dynamique d'assemblage du nucléosome [80][155]. Au-delà d'une tension de 10 pN, la chromatine ne s'assemble plus. Les temps caractéristique d'assemblage de la bre de chromatine [80], quelques dizaines de secondes, est beaucoup plus court que celui déjà trouvé dans des expériences en volume de biologie moléculaire [136][43], de l'ordre de l'heure. Nous discuterons de cette diérence à la section 5.1.1.

Des expériences plus directes d'étirement de la bre déjà (re)constituée ont aussi été élaborées : Sur la bre de chromatine native tout d'abord [42], sur la bre reconstituée à partir d'÷ufs de Xenopus Laevis [21][115] et sur la bre reconstituée sur une séquence répétée de 5S ADN-r [27][26]. D'autre expériences d'étirements et d'imagerie sur les bres de chromatine ont été élaborées [86] mais des artefacts dus à l'adhésion des bres sur la surface furent rencontrés [178].

Tout d'abord, les premières courbes force-extension ont été réalisé sur des bres de chromatine native (issues de noyaux d'érythrocytes de poulet). Elles présentent un plateau autour de 5 pN, pour des concentrations saline comprises entre 40 et 150 mM [42]. Ce plateau a été interprété comme la signature d'une interaction entre nucléosomes. De plus, le caractère irréversible des étirements au-delà de 20 pN est une signature (indirecte) de la rupture individuelle de nucléosomes.

Ensuite, sur la chromatine reconstituée à partir d'extraits d'÷ufs de Xenopus Laevis, Bennink & al. ont obtenus des courbes force-extension en dents de scie (Fig 1.30). Chaque dent est interprétée comme la signature de la rupture individuelle d'un nucléosomes ou plusieurs. Lorsqu'un nucléosome est se dissocie, l'ADN correspondant se libère. La Fig (1.30) détermine une longueur∆x dominante de 65 nm, longueur dicile à concilier avec les connaissance de la structure du nucléosome. Sur ce même type de chromatine, les auteurs ont récemment mis en évidence deux populations d'ADN libéré : Autour de 30 et de 59 nm [115]. Ces longueurs sont interpretées comme la libération d'ADN associé à des nucléosomes plus ou moins complets. La force correspondante qui dépend de la vitesse de l'étirement, se situe entre 20 et 40 pN environ.

Enn, des bres de chromatine reconstituées sur une séquence répétées (17×) de 5S ADN-r présentent aussi ce prol en dents de scie [27]. La gammes de forces est comparable

Fig. 1.30 Courbe d'étirement, force-extension d'une bre de chromatine. la bre a été reconstituée à partir d'extrait d'÷ufs de Xenopus Laevis. a Prol complet (noir extension, gris relaxation) et comparaison avec celui d'une molécule d'ADN de même longueur (insert). b Détail montrant la possibilité de mesurer la longueur libérée ∆x, lors de la rupture d'un ou plusieurs nucléosomes. Image tirée de [21].

à celle obtenue par Bennink & al., même si ces chromatines sont très diérentes. Les lon-gueurs d'ADN relâchées, plus courtes, ont une distribution centrée autour de 25 nm. Plus récemment [26], cette équipe semble avoir réussi à dégager une inuence de l'acétylation des histones et de leur extrémités N-terminale dans la stabilisation de la NCP.

Très récemment [61], l'étirement de bres de chromatine reconstituées sur un ADN de séquence aléatoire avec NAP-1 et ACF (facteur de remodelage) trouve une distribution en force plus étalée et un ∆x aussi de 25 nm.

Nous allons ici décrire notre dispositif expérimental et expliquer nos choix concernant la partie optique et la réalisation de la chambre d'expérimentation, schéma Fig. 2.1 . Puis nous indiquerons les méthodes de calibrations que nous avons utilisées. Nous détaillerons ensuite la modication que nous avons apportée à la conguration de base, an de pouvoir appliquer un couple aux molécules d'ADN, et à plus long terme, aux bres de chroma-tine. Enn nous présenterons les préparations biochimiques des billes, de l'ADN et des diérentes bres de chromatine, réalisées en majeure partie au laboratoire.

Fig. 2.1 Schéma d'une expérience : l'ADN, marqué à ses extrémités par biotine et digoxi-génine, est accroché entre deux billes. La première est maintenue par succion à l'embouchure de la micro-pipette, l'autre se trouve dans le piège optique. Celui-ci est xe, et c'est la micro-pipette solidaire du support qui est translatée de façon contrôlée en utilisant une platine piézo-électrique XY.