• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : BIOLOGIE ET PATHOLOGIES DU PANCREAS

C. L’adénocarcinome pancréatique

1. Etiologie

1.1. Facteurs environnementaux

Le risque de développer un ADK augmente avec l’âge et affecte rarement les individus de moins de 45 ans, avec une médiane de diagnostic à 71 ans. Le principal risque environnemental est lié à la consommation de tabac, en particulier à cause de la nicotine, avec un risque relatif de 2 à 3. L’obésité est associée à un état inflammatoire chronique, qui

29 entretient l’environnement tumorigène, mais aussi à une insulino-résistance, qui favorise l’apparition du diabète de type 2. Le diabète de type 2 lui-même semble être favorable au développement d’un ADK (risque relatif : 2), alors qu’un diabète récent est plutôt considéré comme une conséquence de la néoplasie. Les patients atteints de pancréatite chronique non- héréditaire présentent un fort risque d’ADK (risque relatif 6 à 15), en revanche le dépistage n’est pas justifié à cause d’un risque absolu limité (4% à 20 ans).

1.2. Facteurs génétiques

Selon les études, la proportion d’ADK lié à une histoire familiale oscille entre 1 et 10% des cas. Les formes héréditaires sont classiquement séparées en deux groupes : les syndromes génétiques et l’agrégation familiale.

Le syndrome de Peutz-Jeghers est une maladie autosomique dominante causée par une mutation du suppresseur de tumeur LKB1. Les individus atteints présentent un risque 132 fois supérieur à la population générale de développer un ADK, avec un risque cumulé de 36% à 64 ans (Giardiello et al. 2000). Les mélanomes atypiques multiples familiaux (FAMMM) sont associés à une mutation du suppresseur de tumeur CDKN2A (p16INK4A). Certaines familles présentant une mutation de sous-type p16-Leiden ont un risque relatif compris entre 20 et 34 de développer un ADK, avec un risque cumulé de 17% à l’âge de 75 ans (Vasen et al. 2000). Le syndrome héréditaire de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire (HBOC) est associé à des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Il semblerait que les individus porteurs de la mutation de BRCA2 présentent un risque jusqu’à 10 fois supérieur de développer un ADK, avec un risque cumulé de 5% au cours de la vie (Asperen et al. 2005). Le syndrome de Lynch (HNPCC) et la polypose familiale (FAP) prédisposent aussi à l’ADK, avec un risque 8,6 fois supérieur pour l’HNPCC et 4,6 fois supérieur pour la FAP.

Les syndromes de pancréatite héréditaire et de fibrose kystique évoqués plus tôt sont aussi à inclure dans les prédispositions génétiques à l’ADK. Les sujets atteints de pancréatite héréditaire, associée à la mutation de PRSS1, présentent un risque de 60 à 100 fois supérieur de développer un ADK, avec un risque cumulé de 40% au cours de la vie, pouvant atteindre 75% en cas de consommation de tabac (Rebours et al. 2008). La fibrose kystique, causée par la mutation du gène CFTR et à l’origine de la mucoviscidose, entraîne un risque relatif de développer un ADK de 5,3.

30 La forme familiale est définie par la présence d’un ADK chez au moins deux parents de premier degré du patient, ou au moins trois, quel que soit le degré de parenté. La proportion de patients âgés de moins de 50 ans est plus importante dans ces familles (16%) que dans la population générale. Par ailleurs, le risque de développer un ADK est augmenté de 2 à 3,7 fois par la consommation de tabac, avec une apparition de la maladie avancée de 10 ans. Les risques cumulés sont supérieurs pour les individus ayant trois parents de premier degré affectés (16-30%) que pour ceux en ayant deux (8-12%) (Rustgi 2014). Récemment, de grandes études d’association génétique pangénomiques (GWAS) ont permis d’identifier plusieurs loci de susceptibilité, notamment celle menée par une équipe de l’Université Johns Hopkins, qui incluait en tout 9925 ADK et 11569 contrôles sains, d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Australie (Childs et al. 2015). Cette étude confirme les loci précédemment identifiés à promixité des gènes ABO, KLF5, TERT, PDX1, NR5A2, et met en évidence de nouvelles associations à proximité de SUGCT, TP63 et ETAA1.

2. Traitements de l’adénocarcinome pancréatique

La survie médiane tout stade confondu est généralement inférieure à 6 mois, alors que le statut de tumeur « résécable » fait augmenter cette survie à 18 mois, faisant de la chirurgie la seule option considérée comme curative. L’âge des patients est souvent le premier critère analysé. Avec un pic d’incidence à 70 ans, la faisabilité d’une chirurgie pancréatique lourde telle que la duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC ou Whipple) est souvent à remettre en question. Dans 80% des cas, les patients ne sont pas opérables et présentent pour la plupart des métastases à distance (foie et poumon majoritairement). Le traitement chimiothérapeutique est alors immédiatement envisagé.

2.1. Tumeur opérable

Les ADK opérables représentent de 15 à 20% des cas. En plus de l’âge, l’état général du patient, la présence de métastases à distance, ou l’envahissement local sont à prendre en compte. Au niveau locorégional, l’envahissement du réseau artériel est le principal critère d’exclusion, ainsi que l’envahissement des ganglions hépatiques, mésentériques et péritonéaux. Les tumeurs de la tête (70% à 80% des cas) sont opérées par duodéno- pancréatectomie céphalique et celles du corps ou de la queue par spléno-pancréatectomie gauche. Même en cas de résection complète de la tumeur, la survie médiane est de 18 mois avec un taux de survie à 5 ans inférieur à 20%. La chimiothérapie adjuvante (gemcitabine le plus fréquemment) sur 6 mois est désormais systématique en France, alors que les traitements

31 néoadjuvants chimiothérapeutiques peuvent être proposés en essais thérapeutiques pour les tumeurs dites « borderline » (Hammel et al. 2015).

2.2. Stade métastatique

Historiquement, très peu de molécules ont été utilisées dans le traitement de l’ADK. D’un point de vue histologique, les ADK sont caractérisés par un stroma excessivement dense, qui est vraisemblablement impliqué dans l’inefficacité des traitements (Olive et al. 2009). Depuis 1997, la gemcitabine constituait la chimiothérapie de référence pour le traitement de l’ADK métastatique, au vu des nombreux échecs visant à la combiner à d’autres agents. En 2011, le protocole FOLFIRINOX combinant 5FU, leucovirine, oxaliplatine et irinotecan a démontré une survie globale de 11,1 mois contre 6,8 mois pour le bras gemcitabine, dans une cohorte sélectionnée de patients (ECOG 0-1 ou bon état général et absence de cholestase) (Conroy et al. 2011). En 2013, la combinaison de la gemcitabine à des nanoparticules de nab-paclitaxel a démontré une survie de 8,5 mois contre 6,7 mois pour la gemcitabine seule (Von Hoff et al. 2013). Ces protocoles constituent désormais les traitements standards en première ligne pour les patients en bon état général. En pratique, seulement 25% et 45% des ADK métastatiques sont respectivement éligibles pour les protocoles FOLFIRINOX et gemcitabine plus nab-paclitaxel (Peixoto et al. 2015).

Documents relatifs