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6.2

Les d´etecteurs de protons `a l’avant

6.2.1 Etat des lieux´

Au LHC, certaines interactions de haute ou basse ´energie, comme par exemple la diffusion ´elastique [167], l’´echange in´elastique de pomeron [163], ou encore les interac- tions `a deux photons (voir partie V), laissent un ou deux des protons intacts dans l’´etat final. Les protons sont alors diffract´es `a petits angles (ou de fa¸con ´equivalente, tr`es haute pseudo-rapidit´e), et restent dans le tube du faisceau apr`es interaction. Dans ce cas, les faisceaux en sortie du d´etecteur central contiennent en g´en´eral des protons n’ayant pas int´eragi, des d´ebris de collision divers, ainsi que les protons intacts diffract´es. Les dif- f´erentes particules passent ensuite dans plusieurs aimants destin´es `a re-collimater les paquets et `a ´eliminer les d´ebris de collision. Les aimants agissent comme un spectro- m`etre pour les protons diffract´es ayant perdu une partie de leur ´energie en les ´ecartant l´eg`erement du faisceau, ce qui leur permet de pouvoir ˆetre d´etect´es par la suite dans des stations d´edi´ees tr`es proches du tube faisceau et situ´ees `a plusieurs centaines de m`etres de leur point d’interaction.

Des d´etecteurs de protons `a l’avant `a environ deux cents m`etres de part et d’autre des points d’interaction d’ATLAS et CMS sont op´erationnels depuis les premi`eres don- n´ees du LHC. Il s’agit des d´etecteurs de la collaboration TOTEM [128] qui sont si- tu´es `a proximit´e de CMS, et des d´etecteurs d’ALFA [168], partie int´egrante de la collaboration ATLAS (voir section 5.6.2). N´eanmoins, ces d´etecteurs, con¸cus principa- lement pour la mesure des sections efficaces ´elastiques et in´elastiques totales proton- proton [136, 167, 169, 170], ne sont pas adapt´es aux hautes luminosit´es instantan´ees et donc prennent des donn´ees uniquement lors de runs d´edi´es `a plus basse luminosit´e.

Les projets AFP (ATLAS forward proton) [171] et CT-PPS (CMS-TOTEM pre- cision proton spectrometer ) [73] visent `a installer des d´etecteurs de protons `a l’avant pouvant fonctionner pendant les prises de donn´ees nominales du LHC `a partir de la seconde prise de donn´ees (voir section 4.4). Les deux projets sont approuv´es pour leur premi`ere phase, consistant `a d´eployer les d´etecteurs au plus tard d´ebut 2017 et `a prendre des donn´ees pendant les runs d´edi´es `a basse luminosit´e, afin de d´emontrer la faisabilit´e d’une op´eration `a plus haute luminosit´e. CT-PPS a pris de l’avance et devrait ˆetre en mesure de prendre des donn´ees `a toutes les luminosit´es d’ici l’´et´e 2016. Un sch´ema simplifi´e des d´etecteurs d’AFP est repr´esent´e dans la figure 41. Une configuration simi- laire est pr´evue de l’autre cˆot´e du point d’interaction d’ATLAS. Le syst`eme retenu par CT-PPS diff`ere l´eg`erement mais suit la mˆeme logique et pr´esente des caract´eristiques largement similaires.

AFP inclut deux stations situ´ees `a environ 200 m`etres de part et d’autre du point d’interaction d’ATLAS. Chaque station est plac´ee `a une distance du faisceau correspon- dant `a entre dix et vingt fois sa largeur, ce qui repr´esente un espacement de un `a trois milim`etres seulement. Deux d´etecteurs `a pixels utilisant une technologie similaire `a celle du d´etecteur interne d’ATLAS (voir section 5.3.1) assurent la mesure de la trajectoire des protons et un d´etecteur de temps de vol mesure leur temps d’arriv´ee. Dans un pre- mier temps, la mesure du temps sera assur´ee par un d´etecteur Tcherenkov utilisant des barres de quartz. Le signal sera amplifi´e par une galette `a microcanaux (MCP, micro- channel plate) coupl´ee `a un photomultiplicateur. Il sera ensuite lu par une ´electronique rapide classique de lecture de temps (TDC, time-to-digital converter ). Cependant, il est

Fig. 41 – Repr´esentation simplifi´ee des d´etecteurs d’AFP. Une configuration similaire est pr´evue de l’autre cˆot´e du point d’interaction d’ATLAS [172].

envisag´e de passer `a des d´etecteurs rapides `a base de diamant [173] lus par la carte SAMPIC pour les prises de donn´ees `a plus haute luminosit´e, qui comportent un tr`es bon potentiel en terme de r´esolution et une pixellisation facilit´ee (voir partie VI). CT- PPS pr´evoit d’utiliser cette technologie d`es la premi`ere phase du projet, install´ee sur les d´etecteurs de TOTEM depuis l’hiver 2015. Des d´etecteurs `a silicium ultra-rapide [174] pourraient ´egalement ˆetre test´es au cours de la premi`ere phase.

6.2.2 Mesures, r´esolution et acceptance

La mesure de la trajectoire des protons par les couches de pixels permet de recons- truire l’impulsion perdue par le proton, souvent exprim´ee en fraction et not´ee ξ. Une excellente pr´ecision allant de 5 `a 10 GeV est attendue sur cette mesure grˆace `a la tr`es bonne qualit´e des aimants du LHC (voir figure 42, gauche). La trajectoire des protons permet ´egalement de mesurer leur petite impulsion transverse avec une pr´ecision d’en- viron 100 MeV (voir figure 42, droite). D’autre part, la mesure du temps de vol est importante pour rejeter le bruit de fond venant des d´ebris entourant le faisceau (halo). Elle est ´egalement fondamentale pour distinguer les protons de signal des protons ve- nant de l’empilement lors d’une op´eration `a haute luminosit´e, `a condition d’avoir une r´esolution en temps suffisante de l’ordre de 10 `a 15 ps (voir section 6.3) [172].

Pour des collisions proton-proton nominales au LHC `a haute luminosit´e, l’accep- tance de chaque station en terme de fraction d’impulsion manquante ξ est limit´ee et donn´ee approximativement par l’´equation 31 :

0.015 < ξ < 0.15. (31) Les fractions d’impulsion trop basses sont ind´etectables car les protons diffract´es restent trop proches du faisceau, tandis que les fractions d’impulsion trop hautes sont ´ecart´ees par les collimateurs magn´etiques. En revanche, l’acceptance en impulsion trans- verse pT n’est pas limitante dans cette configuration. D’une fa¸con g´en´erale, les accep-

tances en (ξ, pT) d´ependent fortement des r´eglages du LHC, ce qui permet d’´etudier

des processus diff´erents en fonction des runs (runs nominaux, runs d´edi´es) et des d´etec- teurs consid´er´es (ALFA, TOTEM, AFP, CT-PPS). Par exemple, des configurations alternatives d’injection du faisceau mises en place lors de runs d´edi´es permettent d’aug-

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Fig. 42 – R´esolutions attendues sur la mesure d’´energie perdue (gauche) et d’impulsion transverse (droite) des protons `a l’avant reconstruits dans les d´etecteurs d’AFP, dans le cas de collisions proton-proton nominale `a 14 TeV au LHC. Ces r´esultats ont ´et´e obtenus `a l’aide d’une simulation compl`ete des d´etecteurs [171].

menter l’acceptance enξ au prix d’une r´eduction tr`es importante de luminosit´e int´egr´ee (voir section 20.2). Sauf mention contraire, la configuration nominale sera suppos´ee dans la suite.

Dans le cas d’une interaction laissant les deux protons intacts dans l’´etat final, on s’attend `a une d´etection en co¨ıncidence dans les deux d´etecteurs d’AFP (ou de CT- PPS), c’est `a dire une d´etection `a droite et une d´etection `a gauche du point d’interaction principal pour un mˆeme croisement de faisceaux. Il est alors possible de reconstruire la masse et la rapidit´e manquante du syst`eme di-proton grˆace aux formules suivantes :

mmiss pp = p ξ1ξ2s ; yppmiss = 1 2ln ξ1 ξ2 , (32)

o`u mmisspp etymisspp sont la masse et la rapidit´e manquante, respectivement. √s est l’´ener- gie de collisions proton-proton dans le centre de masse et les ξ1,2 sont les mesures

des fractions d’impulsion manquantes des protons. L’´equation 31 entraˆıne cependant automatiquement une acceptance limit´ee en masse manquante, repr´esent´ee dans la fi- gure 43. Ainsi, uniquement les masses manquantes comprises entre 200 GeV et 2 TeV peuvent ˆetre d´etect´ees pour des collisions proton-proton nominales `a haute luminosit´e et √s = 14 TeV au LHC. Cependant, cette mesure pr´esente une excellente r´esolution de l’ordre de quelques pourcents, ce qui est comparable voir meilleur qu’une mesure typique r´ealis´ee avec le d´etecteur central, qui d´epend largement de l’´etat final consid´er´e (jets, photons,W±, ...).

La d´etection des protons `a l’avant permet ainsi de r´ealiser de nouvelles mesures au LHC, en particulier pour contraindre les mod`eles de nouvelle physique. En effet, la baisse de section efficace engendr´ee par la demande de deux protons intacts dans l’acceptance des d´etecteurs est dans certains cas largement compens´ee par un bien meilleur contrˆole du bruit de fond, grˆace aux contraintes impos´ees par les protons sur la cin´ematique (voir partie V). Or, le bruit de fond est bien souvent un des facteurs principaux limitant la

Fig. 43 – Acceptance en terme de masse manquante des d´etecteurs d’AFP lors d’une d´etection de paires de proton intacts en co¨ıncidence. Trois espacements possibles entre le faisceau et les d´etecteurs `a pixels sont consid´er´es [175].

sensibilit´e.

Dans la section suivante, les probl´ematiques principales reli´ees `a la mesure de temps dans le cadre des d´etecteurs `a protons `a l’avant au LHC sont introduites. Celles-ci seront utiles `a la bonne compr´ehension de la partie VI sur les tests de la carte SAMPIC, effectu´ees dans le cadre de la tˆache technique pour figurer sur la liste d’auteur qualifi´e d’ATLAS.