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Etat de l’art expérimental des mesures de diffusion à ce jour

II.2 Qu’est-ce qu’une membrane ?

II.2.4 Etat de l’art expérimental des mesures de diffusion à ce jour

II.2.4.1 Comment mesure-t-on le coefficient de diffusion des lipides et des protéines (dans des systèmes modèles) ?.

Comme je l’ai mentionné plus haut, la membrane peut être considérée comme un fluide à 2 dimensions dans lequel les lipides et les protéines diffusent librement suivant le mouvement brownien. De nos jours, il existe trois grandes méthodes expérimentales de mesure du coefficient de diffusion des lipides et des protéines dans les membranes, in vivo ou in vitro :

 Le recouvrement de fluorescence après photoblanchiment (FRAP),  La spectroscopie de corrélation de fluorescence (FCS),

 Le suivi de particule unique (single particule tracking ou SPT) ou de molécule unique (single molecule tracking ou SMT)

Ces méthodes ont fait l’objet de revues récentes (Rayan et al. 2010) (Bates et al. 2006) (Owen et al. 2009) (Macháň and Hof 2010). Ces méthodes sont utilisées sur des montage de microscopie optique et utilisent les propriétés de fluorescence des objets. Les méthodes de FRAP et FCS réalisent une mesure moyenne, alors que les SPT et SMT suivent des molécules uniques et permettent une caractérisation détaillée de sous-populations (Marguet et al. 2006). Nous allons décrire les principes généraux des trois méthodes.

II.2.4.1.1 Recouvrement de fluorescence après photoblanchiment (FRAP)

Le recouvrement de fluorescence après photoblanchiment (FRAP) est une méthode très populaire, ancienne, largement utilisée et accessible sur la plupart des microscopes confocaux (Axelrod et al. 1976) (Vaz and Dieter 1983) (Davoust et al. 1982) (Yguerabide et al. 1982) (Almeida et al. 1992) (C. Liu et al. 1997). Le FRAP permet de mesurer la mobilité latérale bidimensionnelle des molécules fluorescentes. En pratique, une petite zone sur la surface fluorescente, appelée « région d’intérêt » (ROI) de taille connue et en général circulaire, est photoblanchie (bleachée) pendant un temps court par une brève exposition à un intense

faisceau laser concentré. Le recouvrement de la fluorescence est alors mesuré dans cette même zone, en utilisant le même faisceau laser, mais très atténué. Les coefficients de transport sont déterminés en mesurant le taux de récupération de la fluorescence (𝑓𝑘(𝑡)) qui résulte du transport, par diffusion et/ou écoulement, du fluorophore dans la région bleachée à partir de parties non bleachée du système (voir Figure 42). 𝑓𝑘(𝑡) est donné par (Guo et al. 2008):

𝑓𝑘(𝑡) = 𝐹𝑘 (t) − 𝐹𝑘 (0)

𝐹𝑘 (∞) − 𝐹𝑘 (0) (27)

Où 𝐹𝑘 (t) est l’intensité de fluorescence après recouvrement en fonction du temps.

Les courbes de récupération fractionnée obtenues sont ensuite ajustées avec un modèle prenant en compte les conditions d'illumination du disque uniforme (Figure 42 A). L’équation du modèle est de la forme :

𝑓(𝑡) = 𝑒2𝜏𝑡𝐷 [ 𝐼0(2𝜏𝐷

𝑡 ) + 𝐼1( 2𝜏𝐷

𝑡 ) ] (28)

Où 𝐼0 et 𝐼1 sont les fonctions de Bessel modifiées et 𝜏𝐷 le temps caractéristique du recouvrement (Guo et al. 2008).

A partir de l’équation (28) on peut relier 𝜏𝐷 au coefficient de diffusion D via la formule (Guo et al. 2008)

𝐷 = 𝑤2

4𝜏𝐷 (29)

où w est le rayon de la région d’intérêt bleachée (Figure 42 A).

Généralement la constante de diffusion D se situe dans une gamme comprise entre 10−3 et 10 μm2.s-1) (Salomé et al. 2006). La molécule marquée par fluorescence est initialement supposée être uniformément répartie dans la membrane. La linéarité entre D et 𝑤2 confirme que la diffusion est normale (brownienne).

II.2.4.1.2 Corrélation spectroscopique de fluorescence (FCS)

La spectroscopie de corrélation de fluorescence (FCS ) est une méthode, utilisée depuis les années 70 (Elson and Magde 1974) (Magde et al. 1974). Toutefois, contrairement à la méthode de FRAP, elle n’a été bien connue et vulgarisée que dans les années 2000 où elle a fait l’objet de nombreuses publications (Kriegsmann et al. 2009) (Ramadurai et al. 2009) (Weiβ et al. 2013) (Simeonov et al. 2013) (Doeven et al. 2005) (Bacia et al. 2004) (Heinemann et al. 2012) (Przybylo et al. 2006) (Petrášek et al. 2010) (Ries and Schwille 2008) (García-Sáez and Schwille 2008), notamment pour l’étude de la diffusion membranaire. Cette méthode repose sur la mesure des fluctuations de fluorescence produites par un petit nombre de molécules entrant et sortant d’un volume d’observation d’une fraction de femto-litre, défini par un faisceau laser focalisé (Figure 42 B). Le temps de diffusion 𝜏𝐷 d’une espèce moléculaire est déduit de la fonction d’auto-corrélation temporelle G(τ) (Ramadurai et al. 2009). La fonction d'autocorrélation G(τ) décrit les fluctuations de fluorescence du signal à l’intérieur de disque éclairé sur la membrane.

𝐺(𝜏) =⟨𝛿𝐹(𝑡). 𝛿𝐹(𝑡 + 𝜏)⟩

⟨𝐹(𝑡)⟩2 (30)

Dans le cas simple d’une diffusion normale ou brownienne libre, la fonction précédente peut se ré-écrire : 𝐺𝐷(𝜏) = 1 𝑁 1 (1 + 𝜏𝜏 𝐷) (31)

Où N est le nombre moyen de molécules dans la surface d’observation et 𝜏𝐷 est relié à la taille w du faisceau laser focalisé et à la constante de diffusion D par :

𝜏𝐷 =𝑤2

4𝐷 (32)

La dynamique temporelle du FCS est excellente parce que la fonction d’autocorrélation temporelle est construite pour des τ très faible (de nanoseconde à la minute), et une résolution spatiale limitée par la diffraction optique (environ 200 nm) (Marguet et al. 2006) (Salomé et al. 2006)

Le FCS ne fonctionne pas lorsque la concentration des molécules fluorescentes est supérieure à 1000 marqueurs.μm−2, dans le cas d’une diffusion à 2D (Ries and Schwille 2008), ni lorsque le régime de diffusion est trop lent (Ries and Schwille 2008). D’autre part, le FCS en photon unique peut dans certains cas ne pas suivre la fonction d’autocorrélation, compte tenu du profile non-gaussien du volume d’observation. La mesure du coefficient de diffusion et du temps caractéristique est alors biaisée (Hess and Webb 2002) (Enderlein et al. 2005). Pour pallier à ce souci, le développement du FCS par excitation à deux photons a été nécessaire. Ce dernier permet de détecter avec précision le volume de détection. Cependant, il est nécessaire de tenir compte du photoblanchiment car si le temps de résidence d’une molécule fluorescente est supérieur à son temps de photoblanchiment, les deux temps peuvent être confondus conduisant à des mesures du coefficient de diffusion beaucoup plus rapides qu’attendu. C’est pour cette raison que d’autres variantes ont été développées par Ries et al. (Ries and Schwille 2008) : le « scanning FCS » ou le Z-Scan FCS mesurent des fonctions d’autocorrélation à différentes positions axiales, et permettent de pallier la difficulté de circonscrire verticalement le volume de détection, et d’éviter à la fois les problèmes de photoblanchiment et de fluctuations de membrane ; la spectroscopie STD de super résolution de corrélation de fluorescence (scanning STED-FCS, sSTED-FCS) pour caractériser l'hétérogénéité spatio-temporelle des interactions lipidiques (Honigmann et al. 2014).

Figure 42 : Principes du FRAP et de la FCS. Ces deux méthodes utilisent un laser pour éclairer une petite région de la membrane (en vert) et collectent la fluorescence de molécules marquées (en rouge) à l’aide d’un montage confocal. D’après (Marguet et al. 2006)

II.2.4.1.3 Le suivi de molécule unique (SPT et SMT)

Le suivi de particule unique (single particule tracking ou SPT) ou de molécule unique (single molecule tracking ou SMT) est une méthode de microscopie optique qui mesure la position et le déplacement de particules ou de molécules individuelles. Cette technique donne accès à la distribution complète du comportement des particules ou des molécules. Cette technique permet de mesurer les dynamiques spatio-temporelles des particules. Elle a été utilisée depuis en 1982 (Barak and Webb 1982), puis en 1997 (Saxton and Jacobson 1997) et très largement depuis (Owen et al. 2009) (Kusumi et al. 2005) (Ott et al. 2013)(Quemeneur et al. 2014). Elle permet de détecter la position instantanée de molécules puis de reconstruire leur trajectoire. Celles-ci permettent d'extraire les informations physiques sur les propriétés de diffusion de la particule ou les propriétés physiques du milieu environnant. Cette technique a vu le jour grâce aux progrès technologiques de la décennie passée qui ont notamment permis le développement du SPT ou SMT par vidéo microscopie couplée à l’analyse d’images. Dans le cas de suivi de particule unique ou SPT les sondes utilisées sont des particules submicrométriques (particules de latex, nanocristaux (par exemple de quantum dots), ou colloïdes d’or, couplés à la molécule d’intérêt par un anticorps). Dans le cas de suivi de molécule unique ou SMT les sondes utilisées sont des molécules fluorescentes Figure 43-A. La résolution spatiale est de l’ordre du nanomètre et dépend de la sensibilité de la caméra. La résolution temporelle généralement imposée par la cadence vidéo peut atteindre plusieurs centaines de Hz. A partir des trajectoires des particules, on peut calculer le déplacement quadratique moyen (MSD) en fonction du temps. Ce dernier permet de déterminer les modes de diffusion. A une diffusion rapide et confinée aux temps courts se superpose une diffusion lente aux temps longs Figure 43-B.

Figure 43 : (A) Le schéma de principe du « suivi de molécule unique ». La particule ou molécule (ici un colloïde d’or) est greffée à la protéine ou au lipide d’intérêt par l’intermédiaire d’un anticorps, en bleu ; (B) en haut, une trajectoire acquise par détection de position en vidéo microscopie (pendant 2 mn), en bas le déplacement quadratique moyen (MSD) de la position en fonction du temps, calculé à partir de cette trajectoire. A une diffusion lente aux temps longs se superpose une diffusion rapide et confinée aux temps courts. D’après (Salomé et al. 2006)

La méthode de SPT peut donner des valeurs du coefficient de diffusion erronées dans plusieurs situations : si la fréquence d’acquisition est mal choisie ou si le rapport signal sur bruit est trop faible, cela entraîne une erreur sur la position de la particule entraînant une sous-diffusion apparente (Owen et al. 2009) (Martin et al. 2002).

Les méthodes de FRAP et FCS réalisent une mesure moyenne, alors que les SPT et SMT suivent des molécules uniques et permettent une caractérisation plus fine des sous-populations (Marguet et al. 2006). C’est pourquoi dans ce travail, j’ai utilisé cette dernière méthode pour suivre les lipides et les protéines dans des GUVs contenant des protéines.