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Et la problématique des modalités du procès ?

Dans le document Des représentations du temps en wolof (Page 80-200)

ANNEXE 2 : LE SYNTAGME NOMINAL CIRCONSTANCIEL COMPOSÉ D’UN

E. Et la problématique des modalités du procès ?

Si on a l’habitude d’associer la problématique des modalités avec celles de la temporalité et de l’aspectualité des procès, c’est déjà parce ces trois sortes de relation sont généralement portées par la conjugaison mais c’est aussi et surtout parce qu’elles sont intrinsèquement liées les unes aux autres. En effet, nous avons pu remarquer précédemment comment temps et aspect étaient associés. Mais comment cela se fait-il pour les modalités du procès ?

Selon une définition énonciative1, on appelle modalité l’ensemble des :

« Déterminations énonciatives d’une lexis prédiquée par lesquelles

l’énonciateur indique dans quelle mesure il attribue à ce qu’il prédique une valeur de référence. L’énonciateur peut soit spécifier dans ce but le degré et

1

les conditions de la validité de la lexis, soit se placer en-dehors de ce plan (passage au plan du fictif). » (M.-L. Groussier & C. Rivière, 1996 : 120)

On distingue ainsi quatre types de modalités1 :

- Les modalités du premier ordre qui renvoient au choix du plan modal de la part du sujet-énonciateur : plan de ce que l’énonciateur considère comme un fait (affirmatif ou négatif, interrogation), plan du fictif (le sujet-énonciateur se dégage des faits), plan de l’injonction et de la performation.

- Les modalités du deuxième ordre sont relatives à ce que le sujet-énonciateur considère comme susceptible de devenir un fait sous certaines conditions (conditions, probabilités, éventualité, projection dans l’avenir…).

- Les modalités du troisième ordre ou modalités appréciatives (jugement favorable ou défavorable, normalité…).

- Les modalités du quatrième ordre ou modalités du sujet de l’énoncé (volonté, obligation, nécessité…).

La problématique des modalités du procès ne fera pas, au cours de cette thèse, l’objet d’une étude particulière. Nous avons préféré nous limiter uniquement aux relations conceptuelles strictement temporelles au sens large du terme2 (donc, au niveau linguistique, ce qui se rapporte à des relations temporelles et aspectuelles), même si certaines relations modales impliquant de façon significative des déterminations d’ordre temporelles seront systématiquement abordées3. Nous avons bien conscience qu’une telle scission obstrue un pan complet de la conceptualisation du temps par l’appareil cognitif de l’homme. Car la valeur modale qu’attribue le sujet-énonciateur à un événement est en partie fonction de la situation temporelle et/ou aspectuelle de cet événement. Comment en effet ne pas prendre en compte la situation temporelle d’un événement lorsqu’il est envisagé sur le plan de la fiction4 ? Il en va de même pour les conditions qui renvoient à des relations de causalité entre des types de faits5. Il ne s’agit donc pas, dans ce cas, d’envisager des événements dans leur réalisation (niveau aspectuel observationnel) mais en tant que phénomène (niveau aspectuel aoristique). En ce sens, la manière dont un sujet énonciateur envisage un fait induit une vision aspectuelle particulière.

Néanmoins, une telle restriction – à partir des définitions suffisamment limitatives que nous avons posées des relations aspectuelles et temporelles – ne nous semble pas un obstacle à la collecte de représentations impliquant de la temporalité. De plus, nous le répétons à nouveau, l’objectif de ce travail n’est pas de recenser l’ensemble des

1

D’après M.-L. Groussier & C. Rivière, 1996, pp. 120-121.

2

Tant qu’il s’agit d’une opération de repérage temporelle d’un événement par rapport à un autre.

3

Notamment lorsqu’il sera question de la conjugaison (chapitre 1) et de l’étude des subordonnées temporelles et hypothétiques (chapitre 3).

4

Cela permet d’expliquer, en autres et en partie, pourquoi des marqueurs explicitant une valeur de passé peuvent servir à stipuler un repérage sur un plan fictif. Voir dans le chapitre 3 consacré aux subordonnées temporelles et hypothétiques, en 2. 2. C. et en 2. 5.

5

représentations – linguistiques et mentales – impliquant de la temporalité, mais d’en rassembler suffisamment en en donnant la cohérence systématique de manière à pouvoir apporter quelques éléments de réponse quant à la nature des représentations et aux processus cognitifs et/ou linguistiques qu’ils impliquent1.

1

C’est également, semble-t-il, la même attitude qu’a choisi d’adopter Gosselin (1996) ; puisque dans son ouvrage « Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l’aspect », il ne s’est intéressé qu’aux relations strictement aspectuelles et temporelles ; et il termine actuellement un ouvrage consacré aux relations entre temporalité et modalités.

Chapitre 1 :

___

LE REPÉRAGE FONDAMENTAL :

AKTIONSART, CONJUGAISONS

ET MARQUEURS ASPECTUELS SUPPLÉMENTAIRES

1. LE REPÉRAGE FONDAMENTAL : INTRODUCTION... 77

1

ERE

PARTIE : LA PROBLEMATIQUE DE L’AKTIONSART ... 80

2. ASPECT VERBAL ET TYPOLOGIES DES PROCÈS ... 80

2. 1. LA CLASSIFICATION DES TYPES DE PROCÈS DE VENDLER ... 81 A. Les critères de détermination ... 81 B. La typologie de Vendler et les procès du wolof... 84 2. 2. LA TYPOLOGIE DES PROCÈS SELON PAILLARD ... 87 A. Définition ... 87 B. Opposition compact, discret, dense dans le système verbal wolof ... 90 2. 3. ANALYSE COMPARÉE DES DEUX CLASSIFICATIONS ... 94 A. Problématique autour de la notion de « bornage » ... 94 B. Téléonomie et télicité... 99

2

EME

PARTIE : ÉTUDE DES MARQUES DE LA CONJUGAISON... 101

3. PRÉSENTATION DU SYSTÈME DES CONJUGAISONS ... 101

4. LES PARADIGMES VERBAUX ÉLÉMENTAIRES ... 106

4. 1. LE ‘PARFAIT’... 106 A. Visée atteinte d’un terme ... 107 B. Aoriste du discours... 112 C. Révolu anticipé ... 113 D. Compatibilité du ‘parfait’ avec les autres morphèmes verbaux ... 114 4. 2. LES MODALITÉS EMPHATIQUES ... 116 A. Focalisation et aoristique ... 118 B. Emplois ... 124 C. Compatibilité des paradigmes avec les autres morphèmes verbaux... 125 4. 3. LES PARADIGMES DU PRÉSENTATIF ET DU NARRATIF... 128 A. Présentatif, narratif et aoristique ... 129 B. Les emplois du narratif... 131 C. Les emplois du présentatif ... 138

4. 4. LES MODALITÉS INJONCTIVES ... 144 A. Présentation... 144 B. Opérations induites par l’obligatif et l’injonctif ... 146

5. LES DEUX MARQUEURS DE L’INACCOMPLI ... 149

5. 1. LE MARQUEUR /-Y/... 149 A. Comme marqueur de l’inaccompli... 149 B. Comme marqueur de l’irréel présent... 154 C. Comme marqueur temporel de la simultanéité ... 154 5. 2. ‘DI’ : L’AUTRE MARQUEUR DE L’INACCOMPLI ?... 155 A. Comme marqueur du futur... 156 B. Irréel présent ... 158 C. Comme marqueur de l’inaccompli... 158 D. ‘Di’, variante de l’inaccompli en /-y/... 159 E. Comme morphème corrélateur ... 160

6. LES MARQUEURS DU PASSÉ ET DE L’IRRÉEL ... 162

6. 1. LA TRANSLATION DANS LE PASSÉ ... 163 A. La translation dans le passé ... 163 B. Le cas des subordonnées relatives temporelles indirectes ... 169 6. 2. L’IRRÉEL ET LA TRANSLATION DANS LE PASSÉ ... 173 A. /-oon/, doon et les subordonnées contrefactuelles ... 173 B. L’irréel en /-oon/ et le fictif sans condition... 177 C. Koon, le véritable marqueur de l’irréel ... 177

7. CONCLUSION SUR LE SYSTÈME VERBAL ... 181

7. 1 RÉCAPITULATIF DES VALEURS EXPLICITÉES... 181 7. 2. ESSAI DE DÉCOMPOSITION DU SYSTÈME VERBAL ... 182

3

EME

PARTIE : LES MARQUES ASPECTUELLES SUPPLEMENTAIRES186

8. LES TERMES ASPECTUELS NON FLEXIONNELS ... 186

8. 1. ONOMASIOLOGIE DES MARQUEURS ASPECTUELS... 187 A. Définition des marqueurs aspectuels ... 187 B. Reconstitution onomasiologique... 189 8. 2. APPROCHE SÉMASIOLOGIQUE ... 193 A. Adverbes et locution adverbiales ... 194 B. Le cas du nominal yoon (yoon b- et yoon w-) ... 196 C. Syntagmes prépositionnels et propositionnels en ba : “jusqu’à”... 198 D. Les auxiliaires et semi-auxiliaires aspectuels ... 200 E. Les suffixes verbaux aspectuels ... 204 8. 3. EN GUISE DE CONCLUSION... 208

1. LE REPÉRAGE FONDAMENTAL : INTRODUCTION

Rappelons que dans toutes langues, le repérage dit fondamental d’un événement concerne :

- L’Aktionsart – appelé encore aspect du procès ou aspect lexical – qui a à voir avec la manière dont l’intervalle temporel auquel réfère un procès est envisagé au travers de sa notion1, en dehors du point de vue du sujet énonciateur (alors que c’est son point de vue qui est impliqué dans l’aspect grammatical)

- Le repérage temporel du procès depuis un repère-origine. Il peut s’agir soit du moment de l’énonciation (noté T0), soit d’un repère translaté de T0 dans le passé ou le futur (noté T0’), soit d’un repère fictif, en rupture vis-à-vis du plan de la réalité (noté T01)

- L’aspect lié à la manière dont le procès est envisagé par le sujet énonciateur ou aspect grammatical. Il oppose le niveau observationnel au niveau aoristique ainsi que l’événement constitué d’une occurrence unique par contraste à l’événement dit sériel.

D’une manière générale, on peut dire que l’Aktionsart concerne le lexème verbal et que le repérage-origine et l’aspect grammatical concernent les marqueurs de la conjugaison – qu’il s’agisse de morphèmes autonomes ou d’affixes. Néanmoins, en wolof, il existe aussi des formes ayant trait à l’aspect grammatical qui ne sont pas associables aux paradigmes que constituent les conjugaisons du système verbal. Certes, de telles formes se rapportent pour beaucoup à des marqueurs grammaticaux tels que des suffixes itératifs ou des verbes opérateurs tels que faral : “(faire qq. chose) pour la première fois”. Cependant, on compte aussi beaucoup de formes présentant un caractère plus lexical telles que des adverbes ou locutions adverbiales comme ba pare : “déjà” (littéralement “jusqu’à finir”) ainsi que des semi-auxiliaires2 comme noppi : “terminer”.

De telle sorte que l’on peut se demander si cette étiquette de « grammatical » est bien appropriée à la dénomination de ce type de relations aspectuelles. Est-ce que les formes employées pour décrire les valeurs aspectuelles relatives au point de vue du sujet énonciateur sont-elles bien toutes des formes systématiquement grammaticales ? Que dire alors de verbes pleins comme tàmbali : “commencer” ou noppi : “finir” qui peuvent être catégorisée comme auxiliaires aspectuels ? Finalement, parle-t-on d’aspect grammatical pour faire contraster trivialement ces valeurs aspectuelles avec celles liées à l’Aktionsart qui concerne la notion des lexèmes verbaux comme le suggère Laurent Gosselin3 ?

1

Mais attention, non borné notionnellement ne signifie pas non bornable… par un circonstanciel de temps par exemple (d’après M.-L. Groussier & C. Rivière, 1996, p. 26).

2

Les semi-auxiliaires se distinguent des verbes opérateurs (ou auxiliaires) en ce fait qu’ils présentent également un fonctionnement

3

En fait, selon nous, ce qui caractérise ces morphèmes aspectuels, c’est le fait qu’ils fonctionnement bien souvent comme des marqueurs supplémentaires qui viennent préciser (voire pour insister sur) l’une des valeurs possibles d’une conjugaison particulière.

Ainsi, on peut prendre l’exemple du paradigme dit du ‘parfait’1 qui peut aussi bien renvoyer à une valeur d’accompli que de parfait. Ce sont alors soit la locution ba noppi : “avoir fini de” (littéralement “jusqu’à finir”), soit la locution ba pare : “déjà” (littéralement “jusqu’à être prêt”), qui permettent de préciser qu’il s’agit, avec la première locution d’un accompli, et dans la deuxième d’un parfait (il en va de même avec le passé composé en français).

Avec Lekk naa : “j’ai mangé” ⇔ “j’ai fini de mangé” ou “j’ai déjà mangé”2 → Lekk naa ba noppi

Manger 1sg+parfait jusqu’à finir J’ai fini de manger

→ Lekk naa ba pare

Manger 1sg+parfait jusqu’à être_prêt J’ai déjà mangé

Pour une meilleur compréhension, rappelons3 également que le système des conjugaisons du wolof repose sur des formes appelées IPAM – Indice Personne Aspect- temps Mode – qui, comme l’indique l’acronyme, sont des morphèmes amalgamant les marqueurs de personne, d’aspect, de temps et de mode. Ainsi, en wolof, le pronom sujet n’est pas seulement fonction de la personne qu’il reprend, mais des valeurs aspectuelles, temporelles et modales du procès.

Dans le premier temps du repérage fondamental, nous commencerons par nous intéresser à l’Aktionsart, selon les points de vue théoriques de Zeno Vendler et de Denis Paillard. Puis, dans une seconde partie, nous entamerons une étude des conjugaisons du wolof à partir de la description énonciativiste qu’en a donné Stéphane Robert. Enfin, nous finir par nous occuper de ces formes aspectuelles qui ne sont pas associable au système verbal et qui fonctionnent généralement comme des marqueurs aspectuels supplémentaires.

1

Afin d’éviter toute ambiguïté, on notera < ‘parfait’ > (avec les guillemets) la conjugaison, et < parfait > la valeur aspectuelle.

2

D’après S. Robert, 1991, p.47.

3

□ Expression du repérage fondamental Le repérage fondamental

Aktionsart Repérage temporel origine Aspect grammatical

lexème verbal

1ère partie

conjugaisons

2ème partie

formes supplémentaires (adverbes, nom, verbes opérateurs, suffixes verbaux)

1

ère

partie : La problématique de l’Aktionsart

2. ASPECT VERBAL ET TYPOLOGIES DES PROCÈS

Avant d’étudier l’ensemble des composants linguistiques participant au repérage aspecto-temporel d’une occurrence de procès depuis un quelconque repère-origine, nous allons commencer par aborder le problème de l’aspect verbal ou Aktionsart qui a à voir avec le mode d’inscription du procès dans le temps tel qu’il a été défini au travers de sa notion (c’est pourquoi on parle aussi d’aspect lexical). Certes, l’Aktionsart a toujours à voir avec le temps interne au procès, mais il n’implique pas le point de vue du sujet énonciateur (par opposition à l’aspect dit grammatical). La distinction la plus commune de l’aspect verbal concerne l’opposition entre verbes d’état et verbes d’action (d’autres parlent également d’états et de processus). Cependant, ce terme d’Aktionsart est susceptible de couvrir d’autres oppositions de nature aspectuelle que la dynamicité1, comme le bornage (télicité versus atélicité) ou la ponctualité.

Pour réaliser cette étude des procès du wolof, nous ferons usage de deux classifications de l’aspect verbal.

- La première, de Zeno Vendler, qui s’appuie sur des considérations d’ordre cognitive, consiste à opposer activités, accomplissements, achèvements (trois différents types d’action) et états.

- La seconde, de Denis Paillard, qui pose une distinction entre (i) procès compacts renvoyant à un verbe d’état ou à une propriété, (ii) procès discrets renvoyant à une action et (iii) procès denses, malléables du point de vue aspectuel2, qui fonctionnent soit comme des procès compacts soit comme des procès discrets3.

La classification élaborée par Denis Paillard4 qui s’inscrit dans le cadre de la Théorie des Opérations Prédicative et Enonciatives de Culioli est celle dont nous avons fait usage lors l’étude des conjugaisons5. Cette classification est constituée d’une opposition ternaire entre procès compacts, procès discrets et procès denses. Nous avons pu observer au travers des travaux de Stéphane Robert6 qu’elle était adéquate à la description du système verbal de la langue wolof. Néanmoins, afin que notre étude des

1

Car c’est le caractère dynamique d’un procès qui fonde l’opposition entre verbes d’état (non dynamique) et verbes d’action (dynamique). D’après Gosselin, 1996, p. 41.

2

Et parfois polysémique. Ainsi le terme dëgg peut aussi bien signifier “entendre” (discret) que “comprendre [une langue]” (compact).

3

C’est d’ailleurs cette classification que nous avons utilisée pendant l’étude du système verbal.

4

1988, pp. 92-107.

5

Et déjà utilisée par Stéphane Robert dans son étude du système verbal du wolof, 1991.

6

procès du wolof soit plus complète, nous avons souhaité également utiliser la classification plus connue du philosophe Zeno Vendler, qui propose une distinction entre les états, les activités, les accomplissements et les achèvements. A la différence de la classification de Paillard qui s’est appuyé sur des critères liés au comportement linguistique des procès, la typologie proposée par Vendler est fondée, quant à elle, à partir du comportement cognitive et anthropologique de l’homme (la manière dont l’homme catégorise les événements).

Nous observerons dans cette étude de l’Aktionsart en quoi chacune de ces deux approches est pertinente dans la description des représentations du temps au travers des procès en wolof ; voire aussi en quoi ces deux classifications peuvent s’enrichir mutuellement à partir de l’exemple du wolof.

2. 1. LA CLASSIFICATION DES TYPES DE PROCÈS DE VENDLER

A. Les critères de détermination

La classification des procès qui fait autorité dans le monde de la linguistique est sans doute celle du philosophe Zeno Vendler1. D’ailleurs, pour établir son modèle calculatoire et géométrique de la temporalité linguistique, Laurent Gosselin2 s’est appuyé sur les travaux de Vendler afin de traiter les relations aspecto-temporelles liées à la problématique de l’Aktionsart.

Vendler a établi sa classification des procès en adoptant tout à la fois un point de vue cognitif et linguistique visant à prédire la manière dont vont se comporter ces unités linguistiques à partir de la manière dont tout sujet cognitif appréhende les événements3. Pour se faire, il distingue trois traits caractéristiques à toute occurrence d’événement qui vont servir de critères à l’établissement d’une classification. Ces trois critères, qui obéissent à un comportement binaire (soit le critère caractérise un procès, soit le critère ne permet pas de caractériser un procès), sont la dynamicité, le bornage et la ponctualité. La dynamicité caractérise un événement qui se résume à une somme de changements ; le bornage concerne la manière dont est pris en compte le terme d’une occurrence d’événement (on parle aussi de télicité) et le trait ponctuel vaut pour des procès renvoyant à des événements qui ne présentent pas de durée interne.

Ainsi, à partir de ces trois critères, Vendler parvient à dégager quatre types de comportements cognitifs vis-à-vis des événements qui permettent de classer les procès (nous utiliserons des verbes issus du français pour illustrer ces quatre catégories) :

1 1967. 2 1996, pp. 41-72. 3

Autrement dit, les comportements cognitifs possibles (catégories) qu’est susceptible d’avoir un homme face aux événements qui se produisent devant lui.

- Les états qui sont non dynamiques, non bornés et non ponctuels

xonq : “être rouge”, nekk : “se trouver”, sant : “avoir pour nom”, feebar : “être

malade”…

- Les activités qui sont dynamiques mais non bornées et non ponctuelles

liggéey : “travailler”, lekk : “manger”, xaar : “attendre”…

- Les accomplissements qui sont dynamiques et bornés mais non ponctuels

dem : “aller”, jàll : “traverser”...

- Les achèvements qui sont dynamiques, bornés et ponctuels

nelaw : “s’endormir”…

Les états renvoient à une propriété, à une situation stable. Il existe deux sortes d’états : les états nécessaires qui ne comportent ni début ni fin et les états contingents qui comportent un début et une fin. Pour autant, explique Laurent Gosselin1, la borne initiale et la borne finale des états contingents ne sont pas perçues comme appartenant au procès (au travers de sa notion) mais comme des limitations extrinsèques. Voici la représentation métalinguistique qu’en donne Gosselin :

Quant aux activités, elles sont uniquement caractérisées par la dynamicité, c’est-à-dire, selon Gosselin2, comme une série de changements (comme une situation ayant un début et une fin, sans que ce début et cette fin soient envisagées comme impliquées par le procès). Gosselin représente les activités de la façon suivante :

1

1996, p. 54.

2

Idem.

Sit = état / propriété immuable - un état nécessaire

Sit1 Sit2 = état / propriété Sit3 Chgt2 Chgt1

Les accomplissements se définissent donc comme une série de changement prise comme stable mais dont le début et la fin sont perçus comme intrinsèques au procès lui- même1 :

Enfin, les achèvements renvoient à un changement atomique, à une durée indivisible dans le temps. Voici comment Gosselin représente ce dernier type d’événements :

Jacques François et Laurent Gosselin2, à partir de cette classification, ont déterminé pour le français un certain nombre de tests linguistiques fondés sur les relations de compatibilité/incompatibilité entre les prédicats verbaux et certaines expressions (circonstanciels de durée, périphrases verbales) permettant de révéler ces différents traits de dynamicité, de bornage et de ponctualité.

Ainsi, si un prédicat verbal est compatible avec la locution “être en train de”, cela permet de mettre en évidence le trait < + dynamique >. En effet, une telle locution permet de rendre particulièrement saillante la caractéristique de la dynamicité (la mise en relation

1

L. Gosselin, 1996, p. 55.

2

1991, pp. 19-86.

Sit1 Sit2 = série de changements Sit3 Chgt2 Chgt1

- une activité

Sit1 Sit2 = série de changements Sit3 Chgt2 Chgt1 - un accomplissement Sit1 Sit2 Chgt - un achèvement

d’une succession d’actes identiques), comme cela se passe à l’aspect progressif pour toutes actions1 :

*il est en train d’aimer Marie

→ non dynamique donc le verbe “aimer” exprime un état

De la même manière, pour mettre en évidence les propriétés de télicité d’un procès, Gosselin et François2 remarquent que si le prédicat est compatible avec la préposition [pendant + durée] et incompatible avec la préposition [en + durée], il s’agira d’un prédicat non borné. Le procès de ce type de prédicats est aussi qualifié de « atélique ». Alors que si le prédicat est incompatible avec la préposition [pendant + durée] mais compatible avec la préposition [en + durée], il s’agira d’un prédicat borné (ou à caractère télique) :

Il a parlé pendant deux heures / *Il a parlé en deux heures

→ - borné donc “parler” exprime ici une activité

Enfin, un prédicat est considéré comme ponctuel si, explique Gosselin, il est compatible avec la locution “mettre n temps à/pour P” pour indiquer la durée qui précède la réalisation de P. Sinon, si le prédicat est compatible avec la locution “mettre n temps à/pour P” non plus pour indiquer la durée qui précède la réalisation de P mais pour indiquer la durée de P, il s’agira en ce cas d’un procès non-ponctuel :

Il a mis dix minutes à s’endormir ≈ il a mis dix minutes avant de s’endormir

→ + ponctuel donc “s’endormir” exprime ici un achèvement.

Il a mis dix minutes à boire son verre ≠ il a mis dix minutes avant de boire son verre

Dans le document Des représentations du temps en wolof (Page 80-200)

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