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Ce n’est que très récemment que l’on s’est intéressé aux méthodes d’estimations non paramétriques pour les appliquer aux cartes de contrôle.

Alloway et Raghavachi [All 91]50 ont proposé une carte de contrôle utilisant l’estimateur de Hodges-Lehmann pour remplacer la carte X . L’estimateur de Hodges-Lehmann possède la caractéristique essentielle d’offrir une grande tolérance aux valeurs extrêmes. De plus, il ne postule aucune loi a priori.

Présentation de l’estimateur de Hodges-Lehmann

Nous nous plaçons tout d’abord dans le cas d’un modèle non paramétrique de localisation. On considère une variable aléatoire X telle que X-q a une fonction de répartition F vérifiant F(0) = ½.

Le paramètre de localisation q est la médiane.

L’estimateur de Hodges-Lehmann, associé aux statistiques de rang signées de Wilcoxon permet de résoudre le problème de test suivant :

{

HH0: q1: q¹0=0

Sous l’hypothèse H0, la loi de l’estimateur de Hodges-Lehmann est symétrique par rapport à son espérance.

On construit l’estimateur de Hodges-Lehmann de la manière suivante :

· Pour chaque échantillon de taille n, on calcule les M=n(n+1)/2 moyennes de Walsh définies par : Wi , j=XiX j

2 avec 1 ≤ijn

· On ordonne les moyennes de Walsh : Wi,1 ≤Wi,2 L≤Wi , M Où W(i,k) est la statistique d’ordre k des moyennes de Walsh ordonnées de l’échantillon i.

L’estimateur de Hodges Lehmann est alors défini par (Eq 0) :

q=md iane

Wi,1 , Wi,2 , L , Wi , M

Eq 0

50 ALLOWAY J. A. RAGHAVACHI M. Control charts based on the Hodges-Lehmann Estimator Journal of Quality Technology - N°23 - pp336-347 - 1991

Si M est impair q=W

i ,M21

Si M est pair

q=

W

i ,M2

W

i ,M21

2

Si la population est symétrique par rapport à la médiane q, alors q est distribué symétriquement par rapport à q. De plus q est un estimateur non biaisé de q (quand les moments de X existent) et équivariant par translation.

Les limites de contrôle

Les limites de contrôle de la carte de Hodges-Lehmann sont calculées expérimentalement à partir de m échantillons de taille n.

LIC=md iane

W1,k,W2,k, K , Wm , k

LSC=md iane

W1,M−k1 , W2,M−k1 , K , Wm , M−k1

L’ordre k des moyennes de Walsh est déterminé à l’aide de la relation suivante : P

[

Wi , kqWi , Mk1

]

»1−α

Cette relation fait appel aux statistiques de rang signées de Wilcoxon. Seul un nombre limité des tests d’hypothèse sont réalisables puisque les statistiques de rang signées de Wilcoxon sont discrètes. On trouve par exemple pour un échantillon de taille n= 8 et pour k=2 que l’intervalle de confiance est de 98.4%, ce qui semble tout à fait acceptable pour une application SPC.

Les performances de la carte de contrôle de Hodges-Lehmann

Alloway et Raghavachi ont mis en évidence que la taille d’un échantillon ne devait pas être inférieure à n=10 de manière à obtenir des risques a de l’ordre de 0.27%.

Si on prend les moyennes de Walsh extrêmes, pour un échantillon de taille 10, on montre que 99.8% de la population est entre les limites de la carte. Ainsi la Période Opérationnelle Moyenne théorique pour un procédé centré (POM0=1/a) est de l’ordre de 500.

Les résultats de simulation de E. Pappanastos & Adams [Pap 96]51 montrent que les limites de la carte de Hodges-Lehmann basées sur les distribution de Wilcoxon fournissent une POM0 nettement supérieure à la POM théorique.

51 PAPPANASTOS E.A. & ADAMS B.M. Alternative Designs of Hodges-Lehmann Control Chart Journal of Quality Technology Vol 28 N°2 - 1996

Comparaison entre la carte de Shewhart et la carte de Hodges-Lehmann On note d=m−m0

s le décentrage du procédé. Pappanastos & Adams ont comparés la POM des cartes de Shewhart et de Hodges-Lehmann pour différentes valeurs du décentrage d et des

échantillons d’effectif n=10.

d 0 0.25 0.50 0.75 1

POM X 494.62 108.42 16.54 4.43 1.86

POM HL 20820.89 8317.32 7926.39 7710.20 7732.00

On peut conclure aisément en se référant au tableau ci-dessus que la carte de Hodges-Lehmann n’est absolument pas sensible aux décentrages du procédé.

D’autres méthodes de calcul des limites de contrôle ont été proposées par E. Pappanastos. Il s’agit notamment de construire les limites de contrôle à partir d’une équation de la forme :q¿±C2¿

S2 .

q¿ est la médiane des estimations précédentes q1 , q2 , ... , qm . S2 est la moyenne des variances des échantillons.

Le coefficient C2* est choisi pour fournir la POM0 souhaitée.

Cette alternative (HL*) permet de rendre la carte de contrôle Hodges-Lehmann plus sensible aux décentrages du procédé grâce à des limites de contrôle plus resserrées.

Malgré cet accroissement de sensibilité, la carte de contrôle de Shewhart reste beaucoup plus sensible que la carte de Hodges-Lehmann à un décentrage du procédé. Ceci a pu être constaté pour plusieurs types de distributions : loi normale, loi uniforme et double exponentielle (Figure 31).

d 0.00 0.25 0.50 0.75 1.00

Distribution normale

X 366.78 89.33 14.63 4.02 1.82

HL* 373 107.4 18.01 4.74 2.05

Distribution uniforme

X 198.79 48.60 9.00 2.95 1.58

HL* 158.37 56.56 13.48 4.49 2.07

Distribution double exponentielle

X 293.66 96.85 18.17 4.79 1.98

HL* 672.56 197.04 31.24 6.41 2.11

Figure 31

Critique des résultats

Papanastos et Adams concluent à la suite de ces résultats que l’utilisation de cartes de contrôle mettant en œuvre l’estimateur de Hodges-Lehmann pour un paramètre de localisation, n’est absolument pas viable.

Même si leur conclusion peut s’avérer juste dans bon nombre de cas, il faut garder à l’esprit que l’estimateur de Hodges-Lehmann a une variance asymptotique inférieure à celle de la moyenne pour les lois à tendance leptokurtique. Ce résultat n’est a priori pas surprenant car la médiane a de très bonnes performances lorsque la distribution de la population est de nature leptokurtique.

Un théorème énonce d’ailleurs les propriétés d’efficacité relative asymptotique de l’estimateur de Hodges-Lehmann pour les lois fortement unimodales [Cap 88].

0 .864≤ERAq ,X=VX

Vq3

L’idée de loi fortement unimodale est assez vague. Elle concerne en fait toutes les lois dont le poids des queues est compris entre la loi uniforme U[-1,1] et la loi de Dirichlet De(0,1) selon le critère de Van Zwet [Van 64]52. Ce critère permet de classifier les lois selon le poids de leurs queues.

Si l’on interprète ce théorème, on s’aperçoit que la variance de la moyenne est légèrement

inférieure à celle de l’estimateur de Hodges-Lehmann lorsque la loi est proche d’une loi uniforme.

Au contraire celle-ci devient nettement supérieure quand la loi tend vers une loi de Dirichlet.

On retrouve ces résultats en examinant les périodes opérationnelles des cartes X et HL* de la Figure 31. Les limites ayant été placées systématiquement à ±3 s/

n , on peut constater que la POM0 de l’estimateur de Hodges-Lehmann est plus faible que celle de la moyenne pour la loi normale. La variance de l’estimateur de Hodges-Lehmann est donc bien supérieure à celle de la moyenne. On note au contraire que la POM0 est très nettement supérieure lorsque l’on est dans le cas de la loi double exponentielle.

L’estimateur de Hodges-Lehmann n’est donc pas si inintéressant que Pappanastos le prétend. Il suffirait d’ajuster convenablement les limites de contrôle pour avoir une meilleure Période Opérationnelle Moyenne.

Un point important sur lequel les auteurs ne se sont pas trompés, concerne l’applicabilité de la carte HL. En effet nous avons vu que les caractéristiques de l’estimateur de Hodges-Lehmann étaient particulièrement intéressantes pour des lois à tendance leptokurtiques, mais qu’en revanche elles étaient médiocres pour des lois platikurtiques.

En outre, on peut se demander si les objectifs visés ne sont pas contradictoires. En effet, en

appliquant l’estimateur de Hodges-Lehmann à la M.S.P, on cherche à détecter des évolutions de la population avec un estimateur qui se caractérise par une très grande robustesse ; donc une faible sensibilité aux évolutions.

52 VAN ZWET W. R. Convex Transformations of Random Variables- Mathematisch Centrum - 1964