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1.4 Comportement dynamique de la glace : expériences et modélisation

1.4.2 Essais d’impact de glace : Expériences et modélisation numérique

Essais d’impact expérimentaux

Deux configurations d’essais d’impact sont couramment utilisées dans la littérature. La première consiste à impacter des cibles en métal ou en composites afin de caractériser le comportement sous impact de ces structures, notamment concernant les processus de déformation (Mahinfalah and Skordahl, 1998;

des cibles rigides ou semi-rigides pour cette fois-ci caractériser le comportement du projectile, c’est à dire de la glace, sous impact (Kim et al.,2003; Pereira et al., 2006;Tippmann et al., 2013; Dousset, 2019). Ce type d’essai renseigne sur les processus de fragmentation de la glace et sur les effort générés pendant l’impact. Bien qu’utile pour la validation des modèles numériques d’impact de glace (que nous aborderons dans la section suivante), ces essais ne permettent pas d’identifier directement les paramètres matériaux relatifs au comportement mécanique de la glace.

L’objectif étant de se rapprocher des conditions réelles d’un impact de grêlon, les échantillons arti-ficiels utilisés au cours des essais d’impact sont généralement sphériques, exception faite des études de

Pereira et al.(2006) etCombescure et al.(2011) où des cylindres de glace ont été projetés. Les auteurs ont conscience que la microstructure des échantillons testés est loin d’être représentative de la microstructure d’un grêlon. C’est pourquoi les projectiles sphériques de glace utilisés sont communément dénommés SHI pour Simulated Hail Ice.

Figure 1.18 – Microstructure supposée des SHI testés dans (Kim and Kedward, 2000) (à gauche et au centre).

Kim and Kedward(2000) etKim et al.(2003) ont considéré deux types de SHI de plusieurs diamètres (25.4 mm, 42.7 mm et 50.8 mm) afin d’évaluer le rôle de la microstructure par rapport à l’énergie cinétique sur les forces d’impact (cf figure 1.18). Les SHI sont produits en laboratoire où des moules sphériques en aluminium sont saturés d’eau pure et placés dans un environnement à -26C. Les SHI de type monolithique (cf figure 1.18) croissent en une seule étape, tandis que les SHI "multi-couches" sont produits via plusieurs étapes de solidification par ajouts successifs d’eau pure.Kim and Kedward(2000) etKim et al.(2003) n’ont noté qu’une faible différence de comportement sous impact entre ces deux types de SHI, et ce pour des vitesses d’impact allant de 30 m.s−1 à 200 m.s−1. Ils ont par contre remarqué une augmentation linéaire de la force d’impact avec l’énergie cinétique des projectiles, la taille des SHI ne semble pas avoir eu d’influence sur les résultats (pour une même énergie cinétique d’impact, cf figure

1.19).

L’influence de l’énergie cinétique sur l’effort maximal mesuré à l’impact est par contre indéniable, il est toutefois difficile de juger de l’effet de la microstructure vu qu’aucune information ne transparaît sur les propriétés microstructurales des SHI testés (mis à part des protocoles de croissances, peu précis en l’occurrence). D’autant qu’avec ces méthodes de croissance, la présence de nombreux défauts dans la microstructure est attendue. Dans ses travaux de thèse,Dousset (2019) a analysé, avec un analyseur automatique de texture, des lames minces d’échantillons ayant été formés dans des conditions similaires à celles des études deKim and Kedward(2000) etKim et al.(2003). Il s’est avéré que les sphères de glace étaient composées de seulement quelques cristaux, avec une concentration notable de la porosité au centre des échantillons (cf figure1.20). Comme pour les essais de compression simple aux barres d’Hopkinson, les échantillons testés par essais d’impact sont loin d’être représentatif du polycristal et leur microstructure n’est pas reproductible. De plus, dans (Kim and Kedward,2000) et (Kim et al.,2003), le profil de la force d’impact au cours du temps est mesuré par un capteur piézoéletrique (protégé par une plaque en titane). Cette méthode de mesure est source de fortes oscillations du signal en raison de la mise en résonance de la structure. Les résultats deKim and Kedward(2000) etKim et al.(2003) sont donc à interpréter avec

(a) (b)

Figure 1.19 – Variation de la force maximale mesurée à l’impact en fonction de l’énergie cinétique des SHI selon (a) Kim and Kedward(2000) et (b)Kim et al. (2003).

précaution.

(a) (b)

Figure 1.20 – Lames minces de SHI de (a) 30 mm et (b) 50 mm vues sous analyseur automatique de texture (Dousset, 2019).

Prenant cet effet en considération,Tippmann et al.(2013) et Dousset(2019) ont préféré réaliser des essais d’impact sur une barre d’Hopkinson. Le pulse généré par l’impact du SHI sur la barre d’Hopkinson est mesuré par des jauges de déformation. Étant donné que les propriétés élastiques de la barre d’Hop-kinson et la distance entre l’extrémité de la barre et les jauges sont parfaitement connues, il est possible de remonter à l’historique des forces développées au cours de l’impact. Les courbes d’effort ainsi déter-minées ne souffrent d’aucune oscillation et le bruit est limité. Dans l’étude deTippmann et al.(2013), la dispersion des forces maximales, pour une même énergie cinétique de projectile, est beaucoup plus impor-tante qu’observée dans les études précédentes (cf figure1.21a), en particulier sur l’intervalle [0 J : 400 J]. Pourtant le protocole de croissance des échantillons est identique à celui des SHI monolithiques produits

parKim and Kedward (2000) etKim et al. (2003). Ce résultat est plus en accord avec le caractère non reproductible des échantillons testés.Dousset(2019) a réalisé des essais d’impact en considérant des SHI de 30 mm et 50 mm de diamètre pour des vitesses d’impact allant de 37 m.s−1 à 212 m.s−1. Il a alors observé que les maximums d’effort mesurés montrent deux tendances différentes en fonction de la taille des SHI (cf figure1.21b). Il est évident que les microstructures diffèrent selon la taille des SHI considérés, mais parvenir à une conclusion sur le rôle de la taille des grains, de l’orientation des grains ou encore de la porosité, est difficile au vu de la faible reproductibilité des échantillons.

(a) (b)

Figure 1.21 – Variation de la force maximale mesurée à l’impact en fonction de l’énergie cinétique des SHI selon (a) Tippmann et al.(2013) et (b)Dousset(2019).

Pereira et al.(2006) proposent une des rares études qui analyse la sensibilité de la force maximale d’impact aux paramètres de la microstructure. Ils ont ainsi réalisé des essais d’impact d’échantillons cylindriques de glace monocristalline et de glace polycristalline colonnaire avec ou sans défauts. L’effet de la porosité a également été étudié en considérant de la glace équiaxe très poreuse (densité de 650 kg.m−3) formée par compaction de germes de glaces. Les résultats sur les différents types de glace non poreuses semblent montrer une certaine insensibilité de l’effort maximal d’impact avec la microstructure, alors que la porosité semble elle réduire la force d’impact. Encore une fois ces résultats sont à considérer avec précaution, de fortes oscillations ayant été observées sur les signaux de mesures (utilisation d’un capteur piézoélectrique). De plus le système de mesure n’était pas adapté aux mesures des hautes fréquences. Modèles de comportement d’impact de glace

L’étude deKim and Kedward (2000) est l’une des premières à avoir proposé un modèle d’impact de glace. Leur travail se base sur un modèle élasto-plastique avec rupture, fourni par le logiciel DYNA3D. Ce modèle de comportement suppose un écrouissage du matériau jusqu’à une valeur de déformation plastique seuil où la rupture s’opère. Au-delà, toutes les composantes de contraintes en cisaillement sont considé-rées comme étant nulles. Il y a également rupture lorsque la résistance du matériau est atteinte. Cette résistance est considérée comme étant identique pour un chargement en traction et en compression. Une fois la résistance en traction atteinte, le matériau ne peut que transmettre des efforts de compression. Les modules d’élasticité et de cisaillement sont issus des données de la littérature. Le reste des paramètres, tels que le module d’écrouissage, la déformation plastique à rupture et les contraintes à rupture, sont ajustés par comparaison entre les résultats numériques et expérimentaux. Ce modèle est indépendant de la vitesse de déformation, de la température et de la pression de confinement. Les auteurs sont conscients des limites évidentes de ce modèle de comportement et le considèrent comme une première approche dans la modélisation des impacts de glace. Les résultats sont par ailleurs mitigés, la comparaison des courbes expérimentales et numériques de la force d’impact montre que seul l’ordre de grandeur de l’effort maximal est plus ou moins bien représenté (cf figure1.22).

Figure 1.22 – Comparaison des courbes de force d’impact numérique et expérimentale dans le cas de l’impact d’un SHI de 42.7 mm de diamètre à 95.4 m.s−1 (Kim and Kedward,2000).

Quelques années plus tard,Carney et al. (2006) ont proposé un modèle de comportement bien plus complet que celui deKim and Kedward(2000). Ils ont également pris le parti d’un comportement élasto-plastique avec rupture en intégrant un comportement post-rupture de type granulaire. La sensibilité à la vitesse de déformation et à la pression hydrostatique de la glace est implémentée à travers la contrainte d’écrouissage ¯σ, qui est définie selon le produit de deux fonctions tabulées ˆs et ˆσ (respectivement une fonction d’échelle et la contrainte d’écrouissage isotrope statique) :

¯

σ = ˆs(|D|, P ).ˆσ(¯εp) (1.4)

où P est la pression hydrostatique, |D| la norme du tenseur de la vitesse de déformation et ¯εp la déformation plastique. L’évolution de la pression hydrostatique en fonction de la déformation volumique est évaluée à l’aide d’une équation d’état tabulée (cf figure1.23a). Comme pourKim and Kedward(2000), deux critères de rupture sont considérés. Soit lorsque la déformation plastique atteint une valeur limite, soit lorsque la résistance en compression ou en traction du matériau est atteinte. Sauf que cette fois-ci, contrairement à Kim and Kedward(2000), les valeurs de contraintes à rupture sont dépendantes de l’état du chargement (compression ou traction) et proviennent des données de la littérature. Ce modèle nécessite toutefois de calibrer la loi de compaction utilisée (cf figure 1.23a) et la déformation plastique à rupture par une étude paramétrique. De plus, il est avant tout dédié à la modélisation d’impact de glace monocristalline, même si une adaptation à de la glace polycristalline est envisageable. Les résultats des simulations d’impact de cylindre sur une cible rigide sont comparés aux résultats expérimentaux de

Pereira et al. (2006) (cf figure 1.23b). La concordance entre les deux pics de force est prometteuse mais on note tout de même un phénomène d’oscillation au niveau de la force résiduelle post-pic.

Le modèle deCarney et al.(2006) a servi de base de travail pour de nombreux modèles de compor-tement d’impact de glace développés par la suite. On pourra par exemple citer le modèle de Sain and Narasimhan (2011) qui introduit une loi d’écoulement visco-plastique et un modèle d’endommagement progressif pour tenir compte des phénomènes de fissuration. Pernas-Sánchez et al. (2012) considèrent également une loi d’écoulement visco-plastique, et propose d’inclure une dépendance à la pression hydro-statique pour le calcul de la déformation plastique par l’utilisation d’un critère du type Drucker-Prager. Le modèle proposé par Tippmann et al. (2013) est probablement celui permettant de représenter au mieux à la fois le pic de force et la force résiduelle post-pic d’un impact. Ils ont ainsi introduit une dépendance directe de la contrainte à rupture en compression à la vitesse de déformation, en se basant

(a) (b)

Figure 1.23 – (a) Évolution de la pression hydrostatique avec la déformation volumique selon la loi de compaction utilisée dans le modèle de Carney et al. (2006). (b) Comparaison des courbes de force d’impact numérique et expérimentale dans le cas d’un impact d’un cylindre de glace monocristalline à 152.4 m.s−1 (Carney et al.,2006).

sur les travaux menés avec les barres d’Hopkinson (cf figure 1.24a). Dans ce modèle, la relation entre la pression hydrostatique et la déformation volumique est calculée à partir du module de compressibilité iso-statique K (lui même déterminé avec le module d’élasticité E et le coefficient de Poisson ν). Finalement, le seul paramètre à régler manuellement est la résistance en traction du matériau, rendant ce modèle plus "universel". Comme montré sur la figure1.24b, l’effort maximal est relativement bien représenté en fonction de l’énergie cinétique d’impact. Les courbes de force prédites par ce modèle présentent toutefois certaines limitations, notamment pour les premiers instants de l’impact. De plus, comme pour la majorité des modèles de comportement d’impact de glace, le modèle deTippmann et al.(2013) a des difficultés à simuler correctement des impacts à basses vitesses.

(a) (b)

Figure 1.24 – (a) Sensibilité de la résistance en compression à la vitesse de déformation implémentée dans le modèle deTippmann et al. (2013). 3 relations linéaires sont considérées pour tenir compte de la dispersion des résultats expérimentaux. (b) Variation de la force maximale mesurée à l’impact en fonction de l’énergie cinétique des SHI, comparaison avec les essais expérimentaux (Tippmann et al.,2013).

Chuzel (2009) et Ortiz et al. (2015) présentent le seul modèle ayant pris en considération une pos-sible évolution de la résistance en traction de la glace avec la vitesse de déformation. Pour cela, ils ont optimisé le modèle deMazars(1984), originellement développé pour décrire le comportement des bétons en quasi-statique, pour des conditions de chargement dynamique. Le modèle de comportement utilisé est ainsi élasto-fragile. La dualité du comportement mécanique de la glace selon le signe du chargement (compression ou traction) est modélisée par la prise en compte de deux lois d’endommagement différentes. De par l’absence de données expérimentales sur la résistance en traction dynamique de la glace, il est supposé dans le modèle que la résistance en compression de la glace est 10 fois supérieure à sa résistance en traction. Ce ratio est constant pour n’importe quelle vitesse de déformation considérée. L’inconvé-nient de ce modèle étant qu’il nécessite un calibrage conséquent des paramètres d’entrée pour obtenir

des résultats comparables aux résultats expérimentaux. Ce modèle propose néanmoins un comportement élasto-fragile, ce qui est plus en accord avec la réponse fragile de la glace à hautes vitesses de chargement.

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