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Essai méthodologique

Dans le document N 74/75 A.N.A.E. (Page 91-94)

C. MADELIN*, B. WEBER**, C. P. OUÉDRAOGO***, B. GUIBERT****

* MEMISA, Paris.

** Unisahel, Paris.

*** ASECD, Ouagadougou.

**** Tembo, Les Herbiers.

RÉSUME :Développement psychomoteur d’enfants burkinabés évalué par trois tests à deux mois d’intervalle. Essai méthodologique.

Trois tests de développement psychomoteur, figure de Rey, test du bonhomme, mémoire immé-diate de chiffres, ont été pratiqués à deux mois d’intervalle chez des enfants de 4 à 9 ans suivis dans une centre de prévention sociale en zone suburbaine de Ouagadougou (Burkina-Faso). Une adaptation de leur cotation est nécessaire, compte tenu de l’imprécision de l’âge d’état civil de plusieurs d’entre eux.

Les résultats obtenus montrent qu’il n’existe pas de différence flagrante avec ceux publiés ail-leurs. Malgré une adaptation nécessaire due aux conditions locales de passation, ils permettent de proposer un suivi de l’évolution scolaire et parascolaire de ces enfants dans le cadre de l’institution qui les prend en charge.

Mots clés :Développement psychomoteur — Burkina Fasso — Tests.

U

ne recherche sur le rapport éventuel entre l’état nutritionnel et les performances scolaires est menée auprès d’enfants de 4 à 10 ans vivant en zone suburbaine défavorisée, accueillis dans un centre socioculturel non gouvernemental d’aide à l’enfance en danger. Trois tests classiques ont été répétés à un mois d’intervalle. Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un mémoire de fin d’études de logistique humanitaire.

MATÉRIEL ET MÉTHODE Population

Les dix-huit garçons et vingt filles de 4 à 10 ans qui fré-quentent régulièrement le centre ont été répartis en deux groupes : les animateurs ont constitué d’approximation en approximation dix-neuf paires d’enfants se ressemblant autant que possible sur trois critères principaux, âge, scola-risation, comportement, le sexe n’intervenant qu’en critère complémentaire lorsque les deux groupes risquaient de devenir trop dissemblables sur ce plan. Pour cet essai de méthode, les résultats ont été répartis entre garçons et filles.

Tests

Les trois utilisés ont été choisis comme, d’une part, étant réalisables dans les conditions de terrain assez inhabituel où ils devaient être pratiqués et, d’autre part, bénéficiant d’un recul et d’une validation suffisants pour ne pas prêter à contestation ; soit la figure de Rey, le bonhomme et la mémoire des chiffres.

La figure de Rey comporte deux tracés géométriques, complexe (A) et simple (B) et deux modalités ; reproduc-tion pour laquelle il est demandé à l’enfant de recopier le dessin qu’il a sous les yeux, restitution où il lui est demandé de le reproduire quelques minutes après qu’il lui a été soustrait. Ce test perceptivo-moteur fait appel à l’intelligence générale de l’enfant ainsi qu’à ses aptitudes à la structuration perceptive. La figure A est habituellement présentée à des enfants de plus de 7 ans scolarisés. Dans les conditions de ce travail, étant donné l’imprécision sur l’âge de certains enfants dont certains ont moins de 7 ans et la variabilité de leur scolarisation, la figure simple, B, a été systématiquement présentée en première intention et la complexe, A, en un second temps lorsque la première était

A.N.A.E.,

2003 ; 74-75 ; 275-277 DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR D’ENFANTS BURKINABÉS ÉVALUÉ PAR TROIS TESTS C. MADELIN, B. WEBER, C. P. OUÉDRAOGO, B. GUIBERT

réussie. Son appréciation comporte habituellement deux cotations, la manière dont il est pratiqué qui demande la présence d’un observateur compétent puis le nombre d’éléments reproduits. Dans les conditions de présentation du test, seule cette deuxième cotation, fonction du nombre de détails correctement reproduits, a été pratiquée.

Le test du bonhomme

Il est demandé à l’enfant de dessiner « un bonhomme ou une bonne femme, comme tu voudras », sans autre indica-tion mais sur une feuille de dimensions standard (A4) pro-posée horizontalement et avec des crayons de couleur identiques. Ses résultats ont été examinés dans un premier temps en points, correspondant chacun à un élément du dessin, puis, pour la détermination de l’âge, à partir du chiffrage de référence comme il l’est en Europe.

La mémoire des chiffres

C’est un subtest optionnel du WISCIII (échelle d’in-telligence de Weschler pour enfants) [4]. Il est demandé à l’enfant de reproduire, soit dans l’ordre où elle lui a été lue soit dans l’ordre inverse, une séquence prédéterminée de chiffres. Chaque série reproduite correctement entraînant l’essai d’une série plus longue. L’essai est arrêté lorsque la dernière série est incomplète ou fausse. Dans les condi-tions d’exécution de cet essai, ont été retenues les cotacondi-tions brutes et non celles, habituelles, rapportées à l’âge précis (en année, mois, jour) des enfants.

Protocole

Tous les tests ont été présentés par l’infirmière bénévole du Centre à un enfant à la fois, dans une pièce isolée et dans les mêmes termes pour chacun. Chacun des éléments du matériel nécessaire (feuilles de recueil, de dessin, crayons de couleur...) ont été préparés en France en nombre suffisant pour que des incidents ne compromet-tent pas leur homogénéité et apportés sur place par une mission de l’ONG Unisahel (janvier-février 2002).

Résultats

Figure de Rey simple

Tableau 1.Évolution en huit semaines des valeurs de cotation de la forme simple de la figure de Rey par des filles (n= 20)

et des garçons (n= 17) (de 4 à 10 ans) des zones suburbaines déshéritées de Ouagadougou, régulièrement suivis par une équipe de prévention sociale.

Le gain de performance, validé (test de Student pour valeurs appariées), est plus important chez les filles que chez les garçons alors que l’âge moyen est comparable

(différence entre les deux groupes non significative).

Simple Mars Mai Student Gain

Copie

En huit semaines, ces enfants améliorent tous leur perfor-mance à ce test, les filles plus que les garçons : la diffé-rence entre les scores moyens est plus importante et la dif-férence statistiquement mieux validée pour elles que pour eux (tableau 1).

Figure de Rey complexe

Recopier la figure complexe semble trop difficile pour les plus jeunes de ces enfants ; un certain nombre ne l’ont pas fait. Lorsque l’on compare les âges (approximatifs étant donné les conditions d’état civil au Burkina-Faso), il appa-raît que cette difficulté lui est probablement liée. Il n’existe de différence significative entre les âges des garçons et des filles ni pour les enfants qui ont exécuté le dessin de la figure complexe ni pour ceux qui ne l’ont pas fait ; par contre cette différence est significative pour les filles et moins nettement pour les garçons entre ceux qui ont réussi et les autres (tableau 2).

Tableau 2.Âge moyen des enfant ayant réalisé ou n’ayant pas fait le dessin de la figure complexe de Rey à l’essai initial.

L’âge est probablement le facteur discriminant de la réussite plus que la scolarisation : complète chez les grandes filles,

60 % chez les grands garçons, 27 % chez les petites filles, 50 % chez les petits garçons.

Figure de

Student 0,0005 <p< 0,005 0,025 <p< 0,05 Tableau 3.Score de la figure de Rey complexe (A)

pour les enfants qui ont pu la reproduire.

Copie Restitution

Filles (n= 8) 7,7 ± 3,3 11,7 ± 3,6

Garçons (n= 10) 7,6 ± 1,6 7,6 ± 2,2

Student NS NS

Pour ceux qui l’ont exécutée, il n’existe de différence signi-ficative de score entre filles et garçons ni pour la copie ni pour la restitution (tableau 3).

Test du bonhomme

Lorsque le résultat est exprimé en points de cotation il n’existe de différence entre le groupe des filles et celui des garçons, ni en mars, ni en mai ; par contre lorsque cette cota-tion est exprimée en âge, comme il est habituel de le faire, les filles apparaissent (significativement) un peu plus jeunes et les garçons nettement plus jeunes que ne le voudrait l’état civil(tableau 4). Il n’existe cependant de différence signifi-cative, au test de Student, ni entre les âges d’état civil ni entre les âges estimés par le test, des filles et des garçons.

Entre mars et mai, ni la progression en points, ni la pro-gression en âge apparent ne sont significatives ; et il n’existe pas plus de différence entre filles et garçons en mars qu’en mai. Cette absence de variation d’âge apparent laisse inchangé son rapport à l’âge d’état civil.

Tableau 4.Test du bonhomme : cotation en points ou en âge par rapport à la référence d’âge d’état civil.

L’âge apparent n’a pas varié entre mars et mai ; il est significativement différent de l’âge d’état civil et plus chez les garçons (qu’il qualifie donc de plus de retard)

que chez les filles.

Points Âge (années)

Mars Mai État civil Estimé mars Estimé mai Filles 15,8 ± 1,7 16,3 ± 1,6 6,95 ± 3,42 6,47 ± 4,48 6,50 ± 4,25 Student NS 0,025 <p< 0,005 NS

Garçons 13,5 ± 1,7 15,3 ± 1,7 7,06 ± 2,99 5,96 ± 3,99 6,23 ± 4,13 Student NS 0,005 <p< 0,0005 NS

C. MADELIN, B. WEBER, C. P. OUÉDRAOGO, B. GUIBERT

Mémoire des chiffres

Le codage de la mémoire immédiate est établi en fonction de l’âge ; il a utilisé les données établies en Europe. Seuls ont donc été établis ceux des enfants estimés avoir plus de 6 ans ; pour les plus jeunes un autre test aurait été néces-saire. Dix des vingt filles et treize des dix-huit garçons (72 %) sont concernés ; cette différence de proportion est significative (p< 0,001) au test duc2. Dans ces conditions, le score moyen progresse peu mais significativement pour les deux groupes (tableau 5).

Tableau 5.Scores moyens du test de mémoire des chiffres.

N’ont été retenus que les résultats des enfants de plus de 6 ans.

La progression des valeurs moyennes, faible mais significative, masque probablement une relative imprécision de la cotation

dans les conditions où elle a été pratiquée.

Mars Mai Student

Filles

n= 10 6,9 ± 1,1 7,2 ± 0,4 0,1 <p< 0,05 Garçons

n= 13 7,3 ± 0,7 8,9 ± 0,8 0,01 <p< 0,001

Cependant, cette petite amélioration des moyennes traduit mal la disparité des progressions individuelles. En effet, chez les dix filles, cinq améliorent le score, deux le main-tiennent égal, trois le voient diminuer ; chez les treize gar-çons, ces chiffres sont respectivement de neuf, deux et deux. La diminution ne dépasse chez aucun des enfants une valeur de 3 points alors que l’augmentation est parfois plus nette. Il est alors possible de supposer que cette four-chette de 3 points correspond aux incertitudes de la méthode telle qu’elle est pratiquée dans les conditions de cet essai et que ne peuvent être considérées comme amélio-ration que celles supérieures à 3 points. C’est le cas de trois filles dont les scores s’améliorent respectivement de 4, 4 et 5 points et de trois garçons de 4, 4 et 6 points ; des trois filles, 7, 7, et 9 ans, l’une n’est pas scolarisée, la seconde est en CE, la troisième est en CP ; les trois gar-çons, 6, 7, et 9 ans, sont en CP.

DISCUSSION

Chacun des tests, retenu dans ce but, apporte donc des élé-ments particuliers sur le niveau estimé de ces enfants.

Lafigure de Rey simple met en évidence une progression significative en huit semaines des scores moyens, un peu plus nette chez les filles que chez les garçons. Si letest du bonhommesemble indiquer que l’âge apparent des enfants, mais plus encore celui des garçons est en retard sur leur âge d’état civil, il existe une certaine cohérence entre ces deux données. Mais l’hypothèse d’un retard relatif des gar-çons est évidemment sujette à de nombreuses restrictions étant donné l’incertitude fréquente non seulement des dates de naissance mais même parfois de l’année de nais-sance de ces enfants ; et il n’était évidemment pas question dans les conditions de ce travail de déterminer un âge bio-logique par quelque procédé que ce soit. Le passage de la cotation en points à l’estimation de l’âge a été faite selon les règles dégagées par les études métropolitaines dont il n’est pas dit qu’elles soient directement utilisables au Bur-kina-Faso. Par contre, il n’apparaît pas de différence notable entre les enfants pour lesquels la date de naissance

est certaine (carnet de santé) et les autres. Ce résultat peut alors être provisoirement considéré, malgré les restrictions théoriques, comme pratiquement utilisable, surtout dans l’analyse longitudinale d’évolution de chacun des enfants.

Or, si le score du test de Rey simple s’améliore en deux mois, celui du test du bonhomme (tableau 4) ne bouge pas.

La figure de Rey complexe semble trop difficile pour être réussie, même en reproduction, par tous ces enfants. La moyenne d’âge des filles et des garçons est comparable, pour ceux qui réussissent comme pour ceux qui échouent ; mais les âges de ceux qui réussissent, garçons ou filles, sont significativement plus élevés que ceux des défaillants, plus pour les filles que pour les garçons (tableau 3); les filles les plus jeunes sont aussi moins scolarisées (trois en CP pour huit non scolarisées) que les garçons du même âge civil (trois en CP pour trois non scolarisés). Or le tra-vail de M. de Agostiniet al., avait montré que la restitu-tion de cette figure semble plus liée à la scolarisarestitu-tion qu’à l’âge [1]. Il est, en outre, à remarquer que le gain observé en deux mois pour la figure de Rey simple a été plus important pour la restitution que pour la simple copie : la tranche d’âge 6-7 ans qui correspond à la majorité des enfants de cet essai mérite sans doute une attention parti-culière dans un suivi longitudinal.

Mémoire des chiffres

Les valeurs moyennes des scores indique, pour les filles et les garçons, une évolution en huit semaines : la différence entre celles de mars et celles de mai est significative pour les filles, très significative pour les garçons (tableau 5).

Cependant cette augmentation n’apparaît que chez neuf des treize garçons et dix des vingt filles qui ont pu le prati-quer, restant égale chez deux filles et deux garçons, et diminuant chez trois filles et trois garçons. Si l’on consi-dère alors que cette diminution de 3 points ou moins (qui n’a aucune raison vraisemblable d’exister) correspond à la marge d’appréciation du test dans les conditions où il a été pratiqué et que les augmentations équivalent de ce fait à une stabilité, trois filles et trois garçons seulement amélio-rent leur score.

Il semble donc qu’il sera prudent, pour juger des évolu-tions possibles sur une plus longue durée, d’utiliser pour ce test des outils statistiques non paramétriques prenant en compte le nombre d’enfants progressant de plus de 3 points plutôt qu’une comparaison de moyenne, à moins qu’un délai d’observation plus long ne mette en évidence une augmentation du score de tous les enfants et supé-rieure à 3 points pour chacun d’eux.

RÉFÉRENCES

[1] AGOSTINI (M. de), KREMIN (H.), CURT (F.), DELLATOLAS (G.) : « Immediate memory in children aged 3 to 8. Digits, familial words, unfamilial words, picture and corsi,ANAE,8,1, 36, 1996, pp. 4-10.

[2] Anonyme : Le Test du bonhomme, de F.E. Goodenough, Médecine et Enfance,1998.

[3] Anonyme : Test de copie d’une figure complexe de A. Rey, ECPA,Paris, 1959.

[4] Anonyme :Wisc III R. Échelle d’intelligence de Weschler pour enfants,ECPA, 3eéd., Paris, 1991.

Dans le document N 74/75 A.N.A.E. (Page 91-94)