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L’anxiété d’être et la finitude d’exister dans Temporalidad, de Carlos Astrada

1- Les esclaves marrons et le temps

L’esclave marron ne maîtrise pas la notion du temps d’après les allégations des Colons, leurs maîtres au XVIIe siècle. Il n’est bon que pour des basses besognes, à l’instar du travail harassant qu’il accomplit

211Idem.

212Nina Simona de Friedemann, et Carlos Patiño Rosseli, Lengua y sociedad en el palenque de San Basilio, Bogota, Instituto Carro y Cuervo, 1983, p. 18.

213Marc Mve Bekale, Traite négrière & Expérience du temps dans le roman afro-américain, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 163.

inlassablement chaque jour, dans les plantations, les mines ainsi que dans le service domestique. L’intensité du travail et sa pénibilité donnent matière à sa surexploitation et à sa chosification. Point n’est besoin d’imager qu’il peut avoir, dans sa culture, les éléments lui permettant de concevoir le temps. C’est pourquoi, dans cette construction de l’identité de l’esclave marron, le temps doit être pris en compte pour enfin lever l’équivoque qui a toujours plané sur son incapacité à donner un sens à sa vie d’opprimé. Le problème posé sous cet angle nous pousse à considérer que son animalisation est sans doute une pratique légitime et idéologiquement admise tant sa psychomorphologie suscite des débats houleux afférents de son humanité. Alors nous nous situons du côté de ceux qui, ontologiquement ont recherché chez ces malheureux esclaves quelques brides d’humanité qu’ils pouvent avoir dans leur rapport au temps.

Un animal dans le sens premier du terme pourra-t-il se projeter dans l’avenir ? En formulant cette interrogation, nous dirons que lorsque Hegel, dans la raison dans l’histoire, affirme qu’il n’y a aucune humanité chez l’homme noir, cela sous-entend qu’il ne pense pas. Or, dans les luttes que mènent quotidiennement les nègres marrons, la quête de la liberté fait partie de leur idéal. La projection vers un avenir libre et meilleur constitue en somme leur principal combat. De ce fait, la temporalité dans le sens heideggérien est « ainsi le phénomène unitaire de l’avenir ayant-été-présentifiant comme hors-de-soi originaire qui rend possible non seulement l’être-résolu, mais aussi l’ensemble des existentiaux »214. L’expérience du temps est donc inhérente à l’être humain. Seul les humains ont la capacité de se projeter vers l’avenir en vue d’anticiper les éventuels écueils pouvant entraver le cours de leur existence terrestre.

Heidegger défend la temporalité radicale comme résultat d’un désir personnel, c’est-à-dire de soi, apte à se lancer dans une aventure devant avoir lieu dans le futur. L’avenir ici apparaît comme un indicateur relevant de la conscience de soi. Le temps vécu dans l’univers esclavagiste constitue ainsi, tel que précise Jean-Marie Vaysse, reprenant heidegger

« l’horizon transcendantal de toute compréhension de l’être »215. Pour

214 Jean-Marie Vaysse, Dictionnaire Heidegger, Paris, ellipse, 2007, p. 169.

215 Ibidem, p. 170.

construire cet univers temporel, nous considérerons trois aspects fondamentaux de l’histoire des marrons. D’abord, leur situation en tant qu’esclave. Ensuite leur projection vers l’avenir, en conquérant sa liberté après la fuite. Enfin, leur vie une fois dans la forêt.

Pour appréhender ces trois grands moments mettant en lumière les caractéristiques du temps en période esclavagiste, signalons trois périodes fortes faisant état de la psychologie de l’esclave face au temps.

C’est ce que nous appelons « la tritemporalité » ou « tri-temporalité », c’est-à-dire les trois temps qui caractérisent la vie d’un esclave dans les sociétés esclavagistes.

Le temps de l’esclavage

Ce temps est caractérisé par le fouet, la douleur physique, l’assujettissement, la réification et la perte de tous les moyens de défense dont disposent les esclaves. Le jour joue un rôle important, car c’est à ce moment que les esclaves travaillent durement dans les plantations de cannes à sucre et dans les mines216 sous le contrôle de son maître. La pénibilité du travail ne change pas les traitements psychosomatiques que leur infligent leurs propriétaires. Ce temps appartient sans conteste aux propriétaires d’esclaves. Mais pour l’esclave, ce temps est statique et immobile car comme dit Mircea Éliade, c’est le temps de la « mort spirituelle ». Temps monotone, temps douloureux, routinier et mortel, il ne structure nullement la vie des esclaves.

Le temps du marronnage

Ce temps correspond à la préparation des marrons à la fuite vers les montagnes. Car, c’est durant ce moment que le Nègre dispose des possibilités de se libérer de l’esclavage au travers de la fugue. C’est la période où l’on note le plus grand nombre d’évasions au sein de la population esclave. En effet, le temps du marronnage se déroule la nuit et varie entre le projet de la reconstruction de soi et la réédification d’un

216 C. S. Akomo-Zoghe, « Cimarronaje y temporalidad como formas de socialización de los esclavizados en los Palenques colombianos (Cartagena de Indias siglo XVII) » op. cit., p. 24.

nouvel environnement capable d’améliorer leurs conditions sociales. La nuit est de ce fait, un instant de recueillement, une sorte de renaissance, un « baptême de Liberté » à prendre pour quiconque souhaite acquérir sa liberté de façon héroïque. La nuit étant destinée au repos et à la régénération de tous, c’est-à-dire des maîtres et de leurs sujets, elle symbolise l’espoir, c’est l’instant pendant lequel les nègres marrons ourdissent les plus grands complots et soulèvements de leur histoire. Elle est aussi considérée comme une sorte de délivrance, car au-delà du repos dont ils bénéficient après de longues journées de labeur, les nègres marrons pouvaient enfin se réjouir, se comporter comme ils le souhaitent à leur guise à ce moment précis217. La nuit est donc le moment le plus stratégique et plus propice pour ces derniers en vue d’exprimer leur soif de liberté. Ce temps cadre essentiellement avec la résistance.

Le temps des rémanences culturelles

Le temps des rémanences culturelles est celui de la reproduction, par les marrons, de la culture d’origine africaine. Évidemment, une fois enfuit dans la forêt, l’esclave marron se remémore une Afrique « perdue » pour s’adapter à son nouvel environnement. De ce fait, il matérialise ses réminiscences sur le plan militaire, religieux, artistique et gastronomique. Comme l’indique Miguel Barnet suite au récit de l’ancien esclave marron, Esteban Montejo que le marron vit comme un demi-sauvage218. Ce fut le temps de la « réinterprétation » culturelle à la manière décrite par Herskovits219 et de l’adaptation en fonction du nouvel univers : ce temps est fortement ritualisé220.

217 A.G.N., mapoteca 2, ref. 1240.

218 M. Barnet, Esclave à Cuba « Bibliographie d’un cimarron » du colonialisme à l’indépendance, [1998] trad.

C. Couffon, Paris, Gallimard, 1998, p. 50.

219 Herskovits voit dans la famille des communautés nègres une survivance des formes de la famille africaine.

Pour lui, le mariage, en effet, se présente en Afrique comme un accord entre les parents, et la règle en est celle de la polygénie, cf., The Myth of the Negro Past, repris par Roger Bastide, Les Amériques noires, op. cit., p. 37. En plus, dans le contexte colonial en Amérique Latine et dans la Caraïbe, nous savons que la christianisation avait eu pour conséquence l’occidentalisation des peuples indigènes et noirs (postulat défendu par Allier). Herskovits voit dans ces changements une apparente assimilation de ces populations à la culture euro-américaine et posera alors le postulat de la réinterprétation, à travers lequel la mentalité africaine aurait survécu à l’occidentalisation, cf., H. Nguema Allo « Des théories raciales aux théories culturelles en Amérique Latine et dans les Caraïbes » in, Ngou-Mvé, Nicolas (Coord.) Kilombo n°5, Libreville, EDICERA, 2009, p. 45.

220C. Wulf, Une anthropologie historique et culturelle. Rituels, mimésis sociale et performativité, Paris, Téraèdre, 2007, p. 113.

En outre, la notion du temps chez les nègres marrons semble être une préoccupation majeure dans la mesure où ils l’appréhendent de la façon suivante : premièrement, ils considèrent le temps solaire comme échelle de temps fondée sur le mouvement apparent d’un soleil fictif qui se déplacerait à une vitesse uniforme tout au long de l’année. C’est-à-dire que pour le nègre marron, le temps lui échappe en ce sens que les référents au temps solaire ne sont pas les mêmes qu’en Afrique. Le temps devient immobile, linéaire et statique. Il n’évolue pas et fait du sur place.

Ensuite, le temps comme moyen d’orientation, d’expression ou d’indication quotidienne en vue de s’approprier leur histoire, leur passée et de pouvoir se redéfinir dans l’avenir. Cette nouvelle approche du temps résume chez le marron toute sa philosophie de vie dans le Nouveau Monde. A chaque jour suffit sa peine. Chaque jour qui passe constitue une victoire. La lutte pour la survie est le défi quotidien auxquels ils sont directement confrontés. Profitant ainsi des jours fériés, les nègres essaient de mettre leur temps à profit pour cultiver leur jardin dans le but de se nourrir. Ils font tout avec excès car un brin de liberté qu’on leur accorde se transforme en un défoulement collectif ou individuel dans l’objectif d’oublier les dommages physiques et moraux qu’ils subissent fréquemment. En effet, chercher les éléments, les indicateurs dans un univers parsemé de mystères, d’embûches et le manque de repères développent chez l’esclave marron des facultés à pouvoir transcender la souffrance, la misère, l’éloignement et l’exil. La finalité dans cette nouvelle approche est la mise en œuvre de l’instinct de survie. Le temps devient donc, pour le marron un alibi de pugnacité contre la dépravation des mœurs, l’acculturation, l’assujettissement, l’immobilisme etc. Le temps perçu sous cet angle joue un rôle de catalyseur décisif pour la reconstruction mémorielle des nègres marrons.

Toujours dans le souci de se rapproprier le temps, les esclaves marrons ont aussi choisi la forêt comme moyen par excellence de réalisation. Car, dans la conception africaine de l’univers, la forêt constitue la force nécessaire, le Tout harmonieux et naturel dont l’Homme doit s’inspirer afin de résoudre tous ses problèmes. C’est à partir de cet instant que la forêt devient pour les esclaves fugitifs une

priorité à atteindre, nous dirions mieux un moyen de rupture entre la vie en tant qu’esclave et le désir de se libérer des chaînes de l’esclavage.

Sans oublier que dans l’histoire de la conquête de l’Afrique centrale, c’est-à-dire l’ancien royaume du Kongo, la forêt a permis aux Africains non seulement de résister et de se replier afin de se reconstituer pour lutter contre les envahisseurs portugais, mais elle a également servi de lieu de reconstruction de la mémoire individuelle et collective à travers la reproduction des rites, cultes et autres gris-gris afin de vaincre contre l’ennemi.221 Nous saisissons dans ce mouvement intentionnel de fuite, un symbole, pour le sujet opprimé, de projection vers un devenir plus perspectiviste ayant pour parangon l’égalité et la liberté. C’est dans ce cadre que nous apercevons une véritable préoccupation fondamentale de l’esclave : celle de renouer avec le temps africain au travers de ce que Paul Ricoeur appelle le « temps cosmologique »222, c’est-à-dire qui relève des sciences naturelles telles que la physique, l’astrophysique… ainsi que leurs phénomènes matériels tels que le climat, le jour, la nuit, le soleil, les étoiles, la lune, le cri des oiseaux, le chant des coqs, le bruit des eaux, symbole de la purification qui constituent un refuge, un lieu d’évasion et servent aux esclaves fugitifs de ressort psychologique. Ce temps, nous le désignons comme le temps sidéral, c’est-à-dire l’échelle de temps fondé sur la rotation de la terre mesurée par rapport aux étoiles.

Le temps et l’amour de la liberté des esclaves marrons

Nous empruntons l’expression de Paul Ricoeur qui désigne ce temps par « temps vécu »223, c’est-à-dire l’idée de remettre en pratique leurs anciennes croyances vécues personnellement par les esclaves afin de lutter contre le temps conventionnel dans la société qu’ils ne maîtrisent plus. Ce « temps vécu », appelé aussi « temps historique » est caractérisé selon Ricoeur par les attentes, angoisses, craintes, projets, etc.224 Enfin, ce qui vient trancher ces deux types de temps évoqués par

221 Cyriaque Simon Pierre Akomo Zoghe, la religiosidad bantú y el evangelio en África y América siglos XVI-XVIII, Bogotá, Ediciones Pluma de Mompox, 2008, p. 86.

222Paul Ricoeur : « Histoire et Temps ». Dans, Dominique Bollinger (coordonateur des entretiens) Penseurs de notre temps. Perspectives philosophiques. Paris, Éditions Scénarén, p. 92.

223 Paul Ricoeur : « Histoire et Temps ».

224 Paul Ricoeur : « Histoire et Temps ».

Ricoeur est notamment ce qu’il appelle le « Tiers-Temps »225 qui se situe entre le « temps cosmologique » et le « temps vécu », c’est à ce moment que l’histoire commence, conclut-il.226 Arrazóla Roberto montre bien l’attachement et l’amour irrévocables que les nègres marrons éprouvent pour la liberté dans la société esclavagiste colombienne, suite aux multiples rixes qui les opposent aux différentes armées espagnoles de l’époque.227 D’ailleurs, il souligne que les innombrables luttes d’esclaves marrons des palenques de la ville de Carthagène des Indes, symbolisent dans l’historiographie nationale colombienne, les premiers véritables mouvements libertaires de l’indépendance de ce pays ; mouvements qui, par extension, précipite l’esprit de la Déclaration absolue de l’indépendance de Carthagène des Indes el 11 novembre 1811.228 De ce fait, le calme, le noir, le sommeil des maîtres, les cris de rapaces, etc., concourent indubitablement à l’idée de fuir vers les contreforts afin de se libérer des chaînes de l’esclavage. Contrairement à la nuit, le jour était le temps de la vie en commun des hommes, etc., la circonstance pendant laquelle, l’esclave n’avait aucune liberté. Seuls comptait, la parole du maître et le fouet.

Dans tous les palenques de la Nouvelle Grenade l’ordre du temps structure la vie des nègres marrons. Ces derniers devaient apprendre à ajuster à cet ordre du temps la satisfaction de leurs besoins. Ainsi, très tôt, le temps devient « le pouvoir » qui ordonne la vie des nègres marrons. Par lui, sont transmises les normes et les valeurs sociales que les ritualisations - éminemment soumises au temps – ancrent dans le corps desdits marrons. En faisant l’expérience du temps comme « temps social construit », le nègre incorpore les schémas et les valeurs qui sont associés à sa construction. La ritualisation du temps constitue une condition générale de la formation d’un savoir rituel et d’une compétence sociale. Dès les premiers établissements des palenques en Colombie coloniale, le nègre marron fait l’expérience de l’ordre social par le biais du savoir rituel et de ses temporalités.229

225 Idem.

226 Idem.

227 Roberto Arrázola, Palenque primer pueblo libre de América, Cartagena de Indias, Casa Editorial, 2002, p. 8.

228 Idem.

229Christoph Wulf, op. cit., p. 114.

La danse comme moyen de domestication du temps

La danse est aussi un moyen de transcender la pénibilité des travaux dans les champs de canne à sucre ; le travail dans les mines ; les tâches domestiques, etc. Considérons dans cette étude que la danse est à l’origine des nombreuses victoires des marrons face aux autorités coloniales de l’époque. En guise d’illustration, Rosemain, cité par Gabriel Entiope nous parle du calenda ou kalenda qui est une danse que certains chercheurs rattachent au rite et/ou au culte de la fécondité. Elle est certainement avec du vodou, la plus longuement décrite par les chroniqueurs.230 Cette danse rituelle, à partir de son articulation dans la société palenquera, cherche à conjurer le mal, la peur, la misère ainsi que tous les autres maux qui caractérisent l’univers des esclaves marrons ; elle a une valeur de transcendance, de dépassement de la condition immédiate de luttes perpétuelles contre les colons ; elle est donc à la fois rite et révolte. Les nègres marrons se replient sur eux-mêmes, se retranchent dans le souvenir de leur ancienne patrie, l’Afrique. C’est alors que leur voyage intérieur épouse les contours d’une cérémonie d’anamnèse, laquelle semble se rattacher ici aux cultes des ancêtres d’Afrique noire, avec son principal corollaire : la quête de protection.231 Labat quant à lui, cité par Gabriel Entiope, souligne que le calenda est la danse qui leur plait davantage et celle qui est la plus ordinaire. Selon lui, cette danse vient de la Côte de Guinée et suivant toutes les apparences du Royaume d’Arda.232 Il faut aussi préciser que le calenda en tant que danse rituelle des nègres ne laisse pas insensible les Autorités coloniales espagnoles de la Nouvelle Grenade, qui, de jour en jour gagne du terrain en sympathie et en admiration. Devenue incontournable dans la société colombienne coloniale, elle fait partie de leurs divertissements de prédilection, et entre même dans leurs dévotions ; elle a remonté le temps et a échappé au présent de l’esclavage. A fortiori, la danse vue sous cet angle, révèle ainsi les ruses de la conscience, ses efforts de résistance aux épreuves du marronnage. Elle recouvre, au-delà du

230 Gabriel Entiope, op. cit., p. 105.

231 Marc Mvé Bekale, op. cit., p. 159.

232Gabriel Entiope, op. cit., p. 105.

symbolisme magique, une signification éminemment politique, en ce sens qu’elle évoque tout aussi bien l’image de la roue de l’histoire dont les marrons tentent d’inverser le mouvement. En choisissant le refuge mythique, les nègres marrons a pu simultanément court-circuiter la temporalité esclavagiste, qui « faisait du surplace, sans avancer ni reculer »233. Prisonniers d’un environnement sans repères, les nègres marrons organisent leur survie mentale par une projection simultanée en arrière et au devant de soi. Aussi bien les Espagnols créoles que les nègres sans oublier les Indiens, dansent le calenda dans leurs Églises, et dans leurs processions. Les religieuses ne manquent guère de la danser la nuit de Noël sur un théâtre élevé dans leur chœur, vis-à-vis de leur grille, qui est ouverte afin que le peuple ait sa part de joie que ces bonnes âmes témoignent pour la naissance du sauveur, précise L’Abbé Bergier.234

2-Le rapport à l’Afrique et au temps.

Djibril Samb souligne que la question du temps, dans la philosophie africaine, a été ravivée en 1969 par le théologien John Mbiti dans un ouvrage intitulé African Religions and Phylosophy. Selon lui, affirme Djibril Samb, « en Afrique noire, le temps n’est pas une réalité mathématique, neutre et objective. Il est une suite d’événements et, par conséquent, tout ce qui est non événementiel appartient à la catégorie du non-temps (no time) »235. Cela revient à dire qu’en Afrique c’est la succession des faits et des événements en vigueur dans la société des hommes que le temps retrouve son sens premier. Point d’événements point de temps nécessaire. Dans cette logique le passé historique et le présent jouent ainsi un rôle prépondérant chez les Africains quant à la conception du temps. Djibril Samb réitère : « le temps réel n’est donc composé que du passé et du présent, si bien que le mouvement réel du temps se porte vers l’arrière plutôt que vers l’avant – temps régressif plutôt que progressif, temps peut-être « circonvolutif » selon le mot admirable de S.B. Diagne »236. C’est « cette rétro-structure de la

233 Marc Mvé Bekale, op. cit., p. 159.

234Gabriel Entiope, op. cit., p. 106.

235 Djibril, Samb, Le Vocabulaire des philosophes africains, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 183.

236 Ibidem, p. 184.

temporalité, fixée par les seules coordonnées du passé et du présent, qui détermine l’ensemble de la vision africaine du monde, de l’individu à l’univers en passant par la communauté – vision tournée vers le passé, qu’elle connaît, et non vers un futur irréel »237. Le passé servant de référents aux Africains constitue le lieu dans lequel ils puisent leur force afin de vivre l’instant présent avec sérénité.

temporalité, fixée par les seules coordonnées du passé et du présent, qui détermine l’ensemble de la vision africaine du monde, de l’individu à l’univers en passant par la communauté – vision tournée vers le passé, qu’elle connaît, et non vers un futur irréel »237. Le passé servant de référents aux Africains constitue le lieu dans lequel ils puisent leur force afin de vivre l’instant présent avec sérénité.