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CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE

1.5 P ERTINENCE DE LA RECHERCHE

Pour ce qui est d’abord de la pertinence de la recherche, nous l’aborderons sous deux angles : social et scientifique.

Du côté de la pertinence sociale, ce qui capte d’abord notre intérêt pour un tel sujet, c’est l’augmentation continuelle du nombre d’Haïtiens en terre étrangère d’année en année. Selon certaines estimations, deux millions d’Haïtiens (sans compter leurs enfants nés à l’étranger) seraient à l’extérieur du pays d’origine. Et beaucoup d’entre eux ont acquis des connaissances pendant qu’ils sont à l’extérieur d’Haïti. Pourtant, en Haïti il y a un besoin urgent de mettre en place des infrastructures et d’assurer des services sociaux de base à la population. Des publications sur la relation entre la migration et le développement nous montrent que certains pays du continent africain tels que le Rwanda et le Burundi se sont appuyés sur le soutien de leur diaspora pour favoriser leur développement socioéconomique. Dans le cas de la diaspora haïtienne, il existe plusieurs associations et organismes dont le but est de travailler au développement du pays d’origine. Mais ces initiatives sont peut-être méconnues par l’État haïtien ou d’autres organismes internationaux qui financent des projets de développement en Haïti. En d’autres termes, cette motivation des membres de la diaspora à s’ériger en associations pour promouvoir le développement dans les localités du pays d’origine pourrait être interprétée comme une responsabilité sociale envers Haïti dont ils gardent encore des liens affectifs.

D’ailleurs des auteurs tels que Collin (2016), Klein (2008) et Vachon (1993) partagent tous l’idée qu’un fort sentiment d’appartenance amène une conscience collective qui peut déboucher par la suite sur des actions collectives visant le développement durable des territoires. Lorsque nous considérons que beaucoup de gens de la diaspora ont acquis des connaissances en terre étrangère, nous pensons qu’ils pourraient mettre ces connaissances à la disposition de leur pays d’origine. Par exemple, après le séisme de janvier 2010, beaucoup de médecins et d’autres personnels de la santé d’origine haïtienne se sont rendus en Haïti sur une base volontaire pour prodiguer des soins de santé à la

population. Ces types d’initiatives de la diaspora doivent être encouragés non pas seulement dans les situations d’urgence, mais régulièrement et de manière coordonnée pour des résultats plus durables.

C’est dans ce contexte que nous pensons que cette étude sur la participation de la diaspora au développement local en Haïti à travers des associations a toute son importance. L’étude met l’accent sur un groupe d’acteurs qu’est la diaspora, qui a des aspirations pour le changement en Haïti, et qui dispose de quelques ressources matérielles et humaines pouvant être utilisées pour le bien des localités d’Haïti. En d’autres termes, le développement d’Haïti devrait passer par une prise de conscience et l’implication de tous les secteurs de la société haïtienne y compris la grande majorité des personnes de la diaspora qui continue d’exprimer leur identité haïtienne quoique à l’étranger.

Pour ce qui a trait à la pertinence scientifique, nous avons pu constater le manque de documents traitant du lien entre la diaspora haïtienne et le développement local en Haïti. Quelques articles disponibles sur le sujet mettent l’accent sur la contribution financière des Haïtiens de l’étranger dans la prise en charge des membres de leurs familles demeurant en Haïti, ou sur l’impact des actions de la diaspora haïtienne dans le pays en général. Pour notre part, nous comptons creuser un peu le sujet en nous intéressant particulièrement aux associations de la diaspora haïtienne du Québec qui s’investissent dans des localités spécifiques en Haïti. À cet effet, ce que nous visons c’est la motivation des membres de la diaspora haïtienne à s’ériger en associations par localités d’origine. Elisdort (2006) dans son mémoire de maîtrise s’est intéressé aux motivations des membres de la diaspora haïtienne à soutenir le regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement (ROCAHD). Nos recherches présentent des similitudes dans le fait que nos principaux répondants ont abordé le sentiment d’appartenance comme facteur les poussant à s’impliquer dans des organisations ou associations pour le développement d’Haïti. Mais la différence est que le ROCAHD est un regroupement de plusieurs organismes et associations canadiens ou haïtiens au Canada, alors que nous nous intéresserons à des regroupements de gens de la diaspora ayant plutôt une même localité d’origine. Étant

donné que ces formes d’associations commencent à gagner du terrain à Montréal, nous pensons que la diaspora haïtienne perçoit sa localité d’origine d’une manière qui la pousse à agir en sa faveur. Et c’est toute la raison de notre intérêt pour cette recherche.

Fagen (2009) dans ses travaux s’intéresse à la manière dont les grands réseaux diasporiques haïtiens en Amérique du Nord, particulièrement à New York, Boston, Miami et Montréal contribuent à la satisfaction des services de base en Haïti. Pour cette auteure, l’impact des actions des associations de la diaspora est frappant dans les localités rurales d’Haïti. De plus, elle reconnait que l’une des formes de regroupement privilégiée par la diaspora haïtienne dans ses grands centres urbains est le regroupement par localités d’origine. Toutefois, notre travail diffère de la sienne, car elle met l’accent plutôt sur les différents projets de ces associations en santé, en éducation ou en microfinance. Tandis que de notre côté, même si nous prenons en compte les projets des associations, nous nous intéresserons davantage à ce qui motive les membres de la diaspora à se regrouper par localités d’origine. Ainsi, nous comprendrons mieux pourquoi leurs actions visent tel type de projet mais pas d’autres, ou encore telle localité en particulier.

Si les écrits scientifiques sur la contribution des associations de la diaspora haïtienne sont rares, nous avons répertorié par ailleurs, plusieurs auteurs dont Assogba (2002), Meyer (2008), Mujawiyera (2011), Rannveig et Newland (2012), qui ont écrit sur la contribution des membres de la diaspora africaine au développement de leur pays d’origine. Quoiqu’elles ne visent pas la même réalité géographique que la nôtre, ces recherches nous ont quand même permis de mieux situer le contexte de notre recherche.

Ainsi, par cette recherche nous comptons apporter une contribution scientifique aux écrits sur le lien entre la diaspora haïtienne et les initiatives de développement dans les localités en Haïti, à travers la création d’associations regroupant cette diaspora par localités d’origine au Québec.