• Aucun résultat trouvé

3 Organiser l’accès aux ressources – bibliothèque et interfaces

3.3 Solutions logicielles et techniques d’accès aux ressources

3.3.3 Ergonomie des interfaces

L’infrastructure technico-organisationnelle est un élément important de préoccupation des bibliothécaires, mais les usages et les usagers le sont même plus.

Comme résume Grégory Colcanap [14, CARBONE, p. 138], l’utilisateur n'a pas de conscience des contraintes techniques qui ont favorisé l'émergence des dispositifs parallèles d'accès, et n'a pas de raison de s'y intéresser. C’est pourtant lui qui se retrouve au centre de cette organisation – système à entrées multiples dont il ne maîtrise pas la logique.

De même manière, il n’a pas forcément conscience de l’historique de l’évolution de ce système qui justifie une certaine rigidité des langages documentaires, éloignés des pratiques qui se font dans l’environnement web [24, LAHARY, p. 87-89].

Il ne suffit pas que les utilisateurs aient conscience des ressources qui sont à leur disposition pour qu’ils les utilisent. Plusieurs facteurs rentrent en compte, dont le plus important est la pertinence de l’offre. La pertinence d’un produit ou d’un service, tel qu’une bibliothèque numérique, se définit entre le « gain » et le « coût » liés à son utilisation. Plus l'utilisateur tire un gain du traitement des informations contenues dans une bibliothèque numérique et plus cette bibliothèque va être perçue comme pertinente. Mais, pour être utile, elle doit être utilisable : l'utilité se réfère à un gain cognitif (ce qu’apporte le dispositif) et se définit par rapport à un champ thématique, alors que l'utilisabilité correspond au coût cognitif (ce qu’il demande comme effort cognitif) et est définie par rapport à l’utilisateur, ses compétences et habiletés [39, PAPY, p. 47, 250-251].

L’utilisabilité est un terme employé en ergonomie, qui traite des interactions entre l’humain et les composantes d’un système et les étudie pour améliorer leur efficacité globale. La norme ISO 9241 définit l’utilisabilité comme « le degré selon lequel un système, un produit ou un service peut être utilisé par des utilisateurs identifiés pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d'utilisation spécifié »24.

Elle s’appuie sur trois critères de base :

- l'efficacité : le fait que le produit permet à ses utilisateurs d'atteindre le résultat prévu ;

- l'efficience : la notion de moindre effort ou de temps minimal requis pour atteindre ce résultat ;

- la satisfaction : un critère subjectif de l’évaluation de l’interaction par l’utilisateur, lié tant à l’efficacité qu’à l’efficience.

À ces critères s’ajoutent également :

- l'apprenabilité : la facilité et/ou la rapidité avec laquelle un utilisateur apprend à utiliser le système ou la partie de ce système ;

- la mémorisation : la capacité pour un utilisateur de se souvenir des étapes et de manière générale du fonctionnement du système ;

- la fiabilité : la capacité du système à gérer et à prévenir les erreurs [39, PAPY p. 250-251].

Les critères ergonomiques, spécifiques aux interfaces des bibliothèques numériques, portent sur :

- la représentation des bases ; - leur contenu et leurs transitions ; - la qualité de la collection ; - l'efficacité du système ;

- les fonctionnalités de navigation, recherche, exploration, lecture plein texte, tris, exportation ;

- la cohérence dans la variété des ressources ; - la personnalisation par domaines ;

- la modernisation du catalogue incrustant des liens avec d'autres ressources sur internet ;

- les services indissociables entre la bibliothèque physique et la bibliothèque numérique ;

- les aides en ligne ;

- la formation [39, PAPY, p. 48].

Ils sont déterminants pour la collaboration entre la bibliothèque et l'interface

Parmi les éléments les plus contraignants dans les systèmes d’accès aux ressources proposés par les bibliothèques figurent la dispersion des accès et les méthodes d’interrogation. La multitude d’interfaces demande un effort, constamment renouvelé, pour comprendre quel contenu est proposé derrière et comment l’atteindre (méthodes d’interrogation, de navigation, d’exploration).

24 ISO 9241-210:2009, 2.13

Les pratiques de l’utilisateur, habitué à l’environnement web et au fonctionnement de moteurs de recherche comme Google, se heurtent au manque de souplesse de la part du système d’interrogation par les moyens de langages documentaires prédéfinis. « L'utilisateur ne parle pas le langage documentaire » [24, LAHARY, p. 104] et c’est aux techniques documentaires de suivre et de s’adapter aux usages qui évoluent, notamment avec la dichotomie bruit/silence : les outils traditionnels sont paramétrés de manière à éviter le bruit, alors que dans les usages du web, c’est le bruit qui domine. On remarque la tension entre l’idéal de précision illustré par le silence (seuls les résultats répondant strictement à la requête ressortent) et la souplesse et le désordre du bruit, qui favorisent la découverte. Il semble que le compromis entre l’utilité et l’utilisabilité dans ce cas serait un bruit ordonné : maîtrisé par la possibilité de trier et de filtrer les résultats a posteriori.

Ces méthodes d’interrogation ont été adoptées par les outils de « nouvelle génération », tels que les grandes plateformes de fournisseurs de contenu ou, justement, les discovery tools. Si les interfaces de la bibliothèque ne sont pas toujours utilisables, c’est parce que les spécialistes d’utilisabilité et d’ergonomie ne font que rarement partie des projets entrepris par les bibliothèques. C’est donc l’intégration des compétences en ergonomie par les spécialistes de l’information et leur mise en œuvre dès la conception fonctionnelle de l’outil qui peut garantir une meilleure utilisabilité des bibliothèques numériques, et hybrides, et augmenter leur pertinence.

Les enquêtes d’usage, en constatant des non-usages malgré une objective pertinence du système peuvent donner le signal d’un problème d’ergonomie des interfaces. Cette hypothèse peut être confirmée par des tests d’utilisabilité qui permettent d’évaluer les interfaces et les interactions selon de critères établis.

4 Usages et organisation des bibliothèques