, et l’on constate que l’´equation ´equivaut `aσqX=AX , o`u l’on fait agirσqsur chaque composante du vecteur X et o`u A=
0 1
−µ λ
∈GL2(C(z)). Le fait que la matrice A du syst`eme est inversible n’est pas fortuit. Il vient de ce que l’on a n´ecessairement µ6=0. En effet, une ´equation du second ordre avec “terme constant” nulσ2qφ−λσqφ=0 se ram`ene imm´ediatement `a une ´equation du premier ordre σqφ−σ−1q (λ)φ=0, cela, parce queσqest un automorphisme du corps C(z).
D’apr`es l’exercice ci-dessus, si c6∈qZ, on a trouv´e une solution matricielle fondamentaleX∈GL2(M(C∗)).
Toute solution vectorielle X∈M(C∗)2s’´ecrit alors X=XV avec V ∈M(C∗)2constant, c’est-`a-dire tel queσqV=V . Le corps des constantes de la th´eorie est donc le corps :
M(C∗)σq ={f ∈M(C∗)/σqf= f}.
Ce corps n’est pas r´eduit `a C, on l’explicitera au chapitre 6. Les solutions vectorielles du syst`emeσqX=AX forment donc un espace vectoriel de dimension 2 sur ce corps, les colonnes de la solution fondamentaleX en constituant une base.
5.2 Equations et syst`emes
Tout ce qui suit garde un sens sur un corps aux diff´erences quelconque, c’est-`a-dire un couple(K,σ), o`uσest un automorphisme du corps commutatif K : voir par exemple [37] pour de telles g´en´eralit´es. Nous prendrons pour K l’un des corps de fonctions C(z), C({z}), C((z)), et aussiM(C)qui joue un plus grand rˆole dans le cas des ´equations aux q-diff´erences que dans le cas des ´equations diff´erentielles : il suffit de penser `a ce que l’on a prouv´e sur le domaine de d´efinition de la fonction hyperg´eom´etrique basique. Nous prendrons pourσl’automorphismeσqde K d´efini parσqf(z) = f(qz). Nous parlerons alors plutˆot de corps aux q-diff´erences.
Le corps K ci-dessus est le corps des coefficients des ´equations, syst`emes ... que nous ´etudierons, mais les solutions seront `a chercher dans un ensemble plus grand. On se donne donc une alg`ebre aux diff´erences sur(K,σ): c’est une K-alg`ebreAmunie d’un automorphisme qui ´etendσ=σq, et que nous noterons de la mˆeme mani`ere. Pour nous, l’alg`ebreAsera presque toujoursM(C∗)(donc un corps) et son automorphisme seraσqencore d´efini parσqf(z) = f(qz). On parlera donc d’alg`ebre aux q-diff´erences.
5.2.1 Op´erateurs, ´equations
Un op´erateur aux q-diff´erences sur K est un op´erateur de la forme∑akσkq, avec des coefficients ak∈K (nuls sauf un nombre fini) et les exposants k∈Z. Il agit surA par f 7→∑akσkq(f). Ces op´erateurs forment
une sous-alg`ebre de l’alg`ebre des endomorphismes du C-espace vectorielA. On prendra garde que, comme les op´erateurs diff´erentiels (dont ils sont les cousins), ils sont bien C-lin´eaires mais pas K-lin´eaires.
La structure de cette sous-alg`ebre est r´esum´ee par le fait qu’elle est l’image d’une alg`ebre de polynˆomes de Laurent non commutatifs :
Dq,K=K<σ,σ−1>,
dans laquelle la multiplication est totalement sp´ecifi´ee par le fait que c’est une alg`ebre qui, comme K-espace vectoriel admet pour base la famille desσk,k∈Z et par la r`egle de (non-) commutation suivante :
∀a∈K,∀k∈Z,σka=σkq(a)σk.
Cette r`egle se comprend bien si l’on observe queσka repr´esente le compos´e des op´erateurs (d´efinis surA) : f 7→a f etσkq, donc l’op´erateur f7→σkq(a f) =σkq(a)σkq(f).
Exercice 5.2.1 V´erifier que l’on obtient ainsi une K-alg`ebre.
Exercice 5.2.2 Soit∂ une d´erivation de K, par exemple D=d/dz ouδ=z d/dz. D´efinir les op´erateurs diff´erentiels∑ak∂k(ici, tous les k≥0) sur une alg`ebre diff´erentielleA, puis l’alg`ebre de polynˆomes non commutatifs correspondante K<∂>.
Indication : ici, on doit d´eduire la r`egle de commutation de la formule de Leibnitz :∂(ab) =a∂(b) +∂(a)b, donc poser∂.a=∂(a) +a∂. Il faut ensuite d´efinir∂k.a pour k∈N quelconque.
Du fait queσqest inversible et que K est un corps, on peut ´ecrire toute ´equation aux q-diff´erences sous la forme :
(Ea) σnqf+a1σn−1q f+· · ·+anf =0,an6=0, donc sous la forme P.f =0, o`u P est un op´erateur entier, unitaire :
P=σn+a1σn−1+· · ·+an.
On peut mˆeme supposer P propre, c’est-`a-dire an6=0. En fait, tout ´el´ement deDq,Kest de la forme u.P avec u inversible et P entier, unitaire, propre.
D´efinition 5.2.3 L’´equation(Ea)est dite fuchsienne en 0 si tous les aisont holomorphes en 0 et si de plus an(0)6=0.
Exercice 5.2.4 On suppose l’´equation(Ea)fuchsienne en 0. Dire `a quelle condition cette ´equation admet une solution s´erie f telle que f(0) =1. Dire `a quelle condition elle admet une solution de la forme edf , o`u f est une s´erie telle que f(0) =1 et, o`u la fonction edv´erifie la relationσqed=dedpour un certain d∈C∗. Indication : on doit trouver une “´equation caract´eristique” dont d est solution, comme dans le cas des hyperg´eom´etriques basiques ou dans le cas des ´equations diff´erentielles.
Enfin, on vectorialisera l’´equation(Ea)en posant X=
5.2.2 Syst`emes
D´efinition 5.2.5 Un syst`eme aux q-diff´erences de rang n sur K est un syst`eme : (SA) σqX=AX,A∈GLn(K).
Exercice 5.2.6 Montrer que si A∈Mn(K)est singuli`ere (d´eterminant nul), le syst`emeσqX =AX peut se ramener `a un syst`eme de rang inf´erieur.
Indication : si le rang de A est p<n, on peut (`a conjugaison pr`es) supposer que toutes ses lignes sont combinaison lin´eaires des p premi`eres ; on peut alors ´ecrire A= (σqP)A0avec P=
Ip C
. On a B=A0P∈ GLp(K)et les solutions X de(SA)sont les X=PY , o`u Y est solution de(SB).
D´efinition 5.2.7 Une solution fondamentale de(SA)dansAest une matriceX ∈GLn(A)telle queσqX = AX.
Proposition 5.2.8 S’il existe une solution fondamentale de(SA)dansA, les solutions (vectorielles) de(SA) dansA forment un module libre de rangnsur l’alg`ebreAσq des ´el´ementsσqinvariants deA; une base de ce module est constitu´ee par les colonnes deX.
Preuve. - On peut toujours ´ecrire X =XC avec C∈An (puisque X est inversible), et l’on a alors les
´equivalences suivantes :
σqX=AX ⇔ σq(XC) =A(XC)
⇔ (σqX)(σqC) =AXC
⇔ σqC=C puisqueσqX =AX ∈GLn(A)
⇔ C∈(Aσq)n.
Exercice 5.2.9 Le rang de l’espace des solutions est toujours (ind´ependamment de l’existence d’une solu-tion fondamentale) major´e par n.
D´efinition 5.2.10 L’alg`ebre des constantes est l’alg`ebre des ´el´ementsσq-invariants deA: Aσq ={f ∈A/σqf=f}.
En particulier, siA est un corps,Aσqest aussi un corps et, dans la proposition, les solutions forment un espace vectoriel de dimension n sur le corps des constantes. Si, par exemple,A =M(C∗)(qui sera notre favori), le corps des constantes est un corps de fonctions elliptiques, comme on le verra au 6.1.3
Exemple 5.2.11 L’´equation la plus simple est l’´equation de rang 1 : σqf =f,
(`a comparer avec son analogue diff´erentiel D f =0), dont les solutions forment leAσq-moduleAσq. Exemple 5.2.12 L’´equation la plus simple suivante est l’´equation de rang 1 :
σqf =c f,c∈C∗,
(`a comparer avec son analogue diff´erentielδf =c f,c6=0). Si ec est une solution inversible dansA, ses solutions forment leAσq-moduleAσqec.
HYPOTH `ESE : nous supposerons queA contient, pour chaque c∈C∗, un ´el´ement inversible ectel que σqec=cec.
Exercice 5.2.13 Montrer que,∀c,d∈C∗,φc,d=eeced
cd ∈Aσq.
Exemple 5.2.14 Premier syst`eme ne se ramenant pas `a des ´equations de rang 1 : σqX=
; pour la compl´eter en une solution fondamentale, il faut prendre g inversible ; si l’on d´eshomog´en´eise en posant f =lg, il faut σql=l+1 ; dans ce cas, g=1 et
Exercice 5.2.15 Montrer, avec ces seules hypoth`eses, que l’on peut r´esoudre tous les syst`emes `a coeffi-cients constants (leur trouver une solution fondamentale).
Indication : reprendre la m´ethode via la d´ecomposition de Dunford utilis´ee pour les syst`emes fuchsiens standards ; ou bien voir le chapitre 6.
D´efinition 5.2.16 Soit A∈GLn(K)(matrice d’un syst`eme aux q-diff´erences). Pour tout F∈GLn(K), ma-trice d’une transformation de jauge, nous notons :
F[A] = (σqF)AF−1,
et nous disons que B=F[A] est ´equivalent `a A : rationnellement si K =C(z), m´eromorphiquement si K=M(C)ou C({z}), etc ...
On fait ainsi op´erer le groupe GLn(K) `a gauche sur l’ensemble des syst`emes aux q-diff´erences. Si B=F[A]et si(SA)admet la solution fondamentaleX, alors FX est une solution fondamentale de(SB); plus g´en´eralement, X est une solution (vectorielle) de(SA)si et seulement si FX est une solution de(SB).
R´eciproquement, siX etY sont respectivement solutions fondamentales des syst`emes de rang n(SA)et (SB)dansA, alors F=Y X−1∈GLn(A)v´erifie F[A] =B ; mais, bien sˆur, cela ne dit pas que F∈GLn(K)! Notre but principal est la classification rationnelle des syst`emes aux q-diff´erences lin´eaires rationnels.
Pratiquement, nous nous cantonnerons aux syst`emes fuchsiens.
5.2.3 Le lemme du vecteur cyclique
Une preuve alg´ebrique g´en´erale en sera donn´ee en expos´e (voir 8.5). La jolie d´emonstration qui suit est adapt´ee de Birkhoff (et reproduite telle quelle de [47]). Elle est r´edig´ee pour le cas o`u K=C(z)mais reste valable si K=M(C)ou C({z}).
D´efinition 5.2.17 Le lieu singulier d’une matrice A∈GLn(K)est : S(A) = Pˆoles de A∪ Pˆoles de A−1
= Pˆoles de A∪ Z´eros de det A.
Dire que(σqF)AF−1est de la forme Aa, c’est dire que les lignes f(1), . . . ,f(n)de F sont lin´eairement ind´ependantes et queσqf(i)A= f(i+1)pour 1≤i≤n−1. Nous cherchons donc f = (f1, . . . ,fn)∈C(z)n tel que, en posant
(f(1)=f
f(i+1)=σqf(i)A pour 1≤i≤n−1 on obtienne une base(f(1), . . . ,f(n))de C(z)n.
On choisit pour cela z0∈C∗−q−{0,...,n−1}S(A), autrement dit, tel que A(z0), . . . ,A(qn−1z0)∈GLn(C) et l’on impose les conditions :
(f1(z0), . . . ,fn(z0)) =e1
(f1(qz0), . . . ,fn(qz0)) =e2A(z0)−1 . . .
(f1(qn−1z0), . . . ,fn(qn−1z0)) =enA(z0)−1A(qz0)−1· · ·A(qn−1z0)−1
o`u(e1, . . . ,en)d´esigne la base canonique de C(z)n. Ces conditions sont ´evidemment r´ealisables avec f1, . . . ,fn∈ C(z). Elles signifient que la matrice F∈Mn(C(z))de lignes f(1), . . . ,f(n) v´erifie F(z0) =In, donc que F∈GLn(C(z)). On en d´eduit :
Th´eor`eme 5.2.18 Tout syst`eme auxq-diff´erences (lin´eaire, `a coefficients rationnels) de rangnest ration-nellement ´equivalent au syst`eme associ´e `a une ´equation auxq-diff´erences (lin´eaire, `a coefficients rationnels)
d’ordren.