On a maintenant tous les outils n´ecessaires `a la preuve de notre r´esultat principale sur les g´eod´esiques sous-riemanniennes en dimension infinie. Commen¸cons par la proposition suivante, cons´equence im-m´ediate de la proposition 2.4.
Proposition 2.5. G´eod´esiques normales Soit τ∗M un espace cotangent relatif adapt´e `
a (H, ξ, g) sur M . On suppose que l’application (q, p) 7→ u(q, p) est de classe C1, et que le hamiltonien r´eduit h : τ∗M → R poss`ede un gradient symplectique ∇ωh en tout point, et que ce champ de gradient est de classe C1.
Soit (q0, p0) ∈ τ∗M . Alors il existe une unique courbe maximale (¯q, ¯p) : I 3 0 → T∗M de
classe Hloc1 , avec I un intervalle, telle que (q(0), p(0)) = (q0, p0) et (q, p) satisfasse l’´equation
hamiltonienne des g´eod´esiques
2.8. ´EQUATION HAMILTONIENNE DES G ´EOD ´ESIQUES 39
Alors ¯q est une g´eod´esique normale, et donc point critique de l’action `a extr´emit´es fix´ees. De plus, t 7→ ku(¯q(t), ¯p(t))k2q(t)¯ est constante.
On dit que (¯q, ¯p) satisfait l’´equation hamiltonnienne des g´eod´esiques sur τ∗M .
Preuve. Le fait que ¯q soit g´eod´esique normale dans le cas o`u le champ de gradients est de classe C1 est ´evident. De plus,
t 7→ ku(¯q(t), ¯p(t))k2q(t)¯ = 2h(¯q(t), ¯p(t))
est constante ´egale `a 2h(q0, p0) car une fonction est constante le long des trajectoires de son
gradient symplectique (voir l’appendice de [Mon02]).
Lorsque le gradient symplectique de h est plus r´egulier, on peut montrer que les g´eod´esiques normales sont bien des g´eod´esiques locales. C’est le r´esultat principal de cette partie.
Th´eor`eme 2.1. G´eod´esiques normales. Supposons que le champ de gradients symplec-
tiques ∇ωh soit de classe C2 sur τ∗M . Soit (q0, p0) ∈ τ∗M , tel que im(ξq0) ne soit pas incluse
dans ker p0, et soit (q, p) : I 3 0 → τ∗M la solution maximale de l’´equation hamiltonienne
des g´eod´esiques telle que (q(0), p(0)) = (q0, p0).
Alors ¯q est une g´eod´esique locale. Si la structure est forte, c’est donc une g´eod´esique.
Remark 2.10. Ce th´eor`eme implique le th´eor`eme 1.5 sur les g´eod´esiques normales en di- mension finie.
Remark 2.11. L’espace cotangent relatif adapt´e n’est pas forc´ement unique. Selon celui que l’on choisit, on peut obtenir plus ou moins de g´eod´esiques normales.
Remark 2.12. Dans le cas d’une structure forte, T∗M est toujours adapt´e, et le hamiltonien r´eduit admet toujours un gradient symplectique lisse. On a donc une unique g´eod´esique normale de point initial q0 et et de covecteur initial p0 pour tout (q0, p0) ∈ T∗M .
Preuve. La preuve s’inspire `a la fois du cas riemannien classique et du cas sous-riemannien de dimension finie. On commence par choisir un voisinage de coordonn´ees U de q0 dans M , qu’on identifie `a l’espace de Banach B sur lequel M est model´e.
Il reste donc `a montrer le point principal, c’est-`a-dire que si ∇ωh est de classe C2, alors ¯q
est une g´eod´esique locale. Autrement dit, que pour 0 < t1 assez petit, il existe un voisinage
¯
U de ¯q([0, t1]) tel que pour tout syst`eme horizontal (q, u) : [0, 1] → H| ¯U avec q(0) = q0 et
q(1) = ¯q(t1), on ait
L(¯q, ¯u) ≤ L(q, u).
Soit U un syst`eme de coordonn´ees au voisinage de q0, que l’on identifiera `a un ouvert
d’un espace de Banach B. On va travailler sur une trivialisation τ∗M ⊕
M
H|U ' B × G × H, o`u G est isomorphe `a τq∗
0M et H `a Hq0.
On va montrer qu’on peut trouver une calibration de la trajectoire t 7→ ¯q(t) au voisinage
de q0. C’est-`a-dire une 1-forme ferm´ee θ telle qu’il existe une constante c > 0 pour tout t
assez proche de 0, θq(t)¯ ( ˙¯q(t)) = c q h(¯q(t), ¯p(t)) = c q gq(t)¯ u(¯q(t), ¯p(t)), u(¯q(t), ¯p(t))
et telle que pour tout (q, u) ∈ H avec q au voisinage de q0,
θq(ξqu) ≤ c
q
Une fois θ trouv´ee, quitte `a r´eduire le voisinage, on peut supposer que θ est exacte. Soit (q, u) ∈ ΩHq
0 tel que q reste au voisinage de q0, q0 = q(0) et ¯q(t1) = q(1), avec t1 > 0 assez
petit. Alors L(q, u) = Z 1 0 q gq(t)(u(t), u(t))dt ≥ 1 c Z 1 0 θq(t)(ξq(t)u(t) | {z } = ˙q(t) )dt = 1 c Z q θ.
Puisque θ est exacte, on a
Z q θ = Z ¯ q|[0,t1] θ. On obtient donc L(q, u) ≥ 1 c Z ¯ q|[0,t1] θ = 1 c Z t1 0 θ( ˙¯q(t))dt = Z t1 0 q gq(t)¯ u(t), ¯¯ u(t) dt = L(¯q|[0,t1], ¯u|[0,t1]),
o`u on a not´e ¯u(t) = u(¯q(t), ¯p(t)) : (¯q, ¯u) est bien une g´eod´esique locale au voisinage de q0.
Il reste `a construire la forme θ. On va utiliser le flot Φ du champ de gradient symplectique de h. En effet, comme ∇ωh est, par hypoth`ese, un champ de vecteurs C2 sur τ∗M , il poss`ede
un flot local, soit une application
Φ = (ΦM, Φτ) :] − ε, ε[×U0× V0 → U1× V1,
de classe C2, avec U0et U1des voisinages de q0dans B, V0et V1 des voisinages de p0dans G, et
ε > 0. `A t fix´e (q, p) 7→ Φ(t, q, p) est un diff´eomorphisme sur son image, avec Φ(0, q, p) = (q, p). D’un autre cˆot´e, p0 s’identifie `a un ´el´ement de B∗. On note U00 = ker p0∩ U0. On peut
alors d´efinir l’application ϕ :] − ε, ε[×U0→ U1 par
ϕ(t, q) = ΦM t, q, s h(q, p0) h(q0, p0) p0 ! .
Pour faire plus court, on notera n(q) =
r
h(q0,p0)
h(q,p0). Ce nombre est un facteur de normalisation :
∀q ∈ U00, h(q, n(q)p0) = h(q0, p0).
Notons que un tel q, la courbe t 7→ ϕ(t, q) est la projection sur M de la g´eod´esique normale de condition initiale (q, n(q)p0) dans nos coordonn´ees locales.
On prouve alors le lemme suivant.
Lemme 2.3. Quitte `a r´eduire U00 et ε, ϕ est un diff´eomorphisme de ] − ε, ε[×U00 sur U2 =
ϕ(] − ε, ε[×U00)
Preuve. En effet, pour tout δq dans ker p0, on obtient
∂qϕ(0, q0)δq = ∂q(ΦM(0, q0, p0))δq = δq.
Mais ∂tϕ(0, q0) = ˙¯q(0) = ξq0u(q0, p0). Comme im(ξq0) * ker p0, u(q0, p0) est non nul. Donc
h(q0, p0) =
1
2p0ξq0u(q0, p0) 6= 0,
d’o`u le fait que ∂tϕ(0, q0) n’appartienne pas `a ker p0. Donc dϕ(0, q0) est un isomorphisme
2.8. ´EQUATION HAMILTONIENNE DES G ´EOD ´ESIQUES 41 On ´ecrira, pour q dans U2, ϕ−1(q) = (t(q), q0(q)). Cela nous permet alors de d´efinir sur
U2 la 1-forme
θq= Φτ(tq, q0(q), n(q0(q))p0) ∈ τq∗M ⊂ Tq∗M.
Autrement dit, θq est le moment en tq de la g´eod´esique hamiltonienne partant de q0(q) et de moment initial n(q0(q))p0. Cette remarque a plusieurs cons´equences :
– On a θq(t)¯ = ¯p(t) pour tout t, d’o`u
θq(t)¯ q(t) = ¯˙ p(t)ξ¯q(t)u(t) = g(¯¯ u(t), ¯u(t)) =
q
2h(q0, p0)
q
gq(t)¯ (¯u(t), ¯u(t)).
– Pour tout (q, u) dans U2× H,
θqξqu = gq(u(q, θq), u) ≤
q
gq(u(q, θq), u(q, θq))
q
gq(u, u). (2.4) De plus, comme le hamiltonien est constant le long des trajectoires de son gradient, on obtient
gq(u(q, θq), u(q, θq)) = 2h(q, θq) = 2h(q0, n(q0(q))p0) = 2h(q0, p0).
En injectant cette remarque dans (2.4), on obtient
θqξqu ≤
q
2h(q0, p0)
q
gq(u, u).
On en d´eduit que si θ est ferm´ee, c’est bien une calibration de ¯q sur un voisinage de q0.
Il ne nous reste donc plus qu’`a montrer que θ est effectivement ferm´ee sur U2. Comme ϕ
est un diff´eomorphisme sur U2, il suffit de montrer que ϕ∗θ est ferm´ee.
Maintenant, fixons (t, q) dans ] − ε, ε[×U00. Pour tout (δt, δq) ∈ R × ker p0, on a
ϕ∗θt,q(δt, δq) = θϕ(t,q)(∂tϕ(t, q)δt + ∂qϕ(t, q)δq)
= Φτ(t, q, n(q)p0)(∂tϕ(t, q)δt + ∂qϕ(t, q)δq) = p(t)(∂tϕ(t, q)δt + ∂qϕ(t, q)δq),
o`u p(t) est telle que la courbe t 7→ (q(t), p(t)) soit la solution de l’´equation g´eod´esique de condition initiale (q, n(q)p0) sur ] − ε, ε[ (on a alors ϕ(t, q) = q(t) et p(t) = θq(t)).
Mais comme ϕ(t, q) = q(t), on obtient ∂tϕ(t, q) = ˙q(t), d’o`u
p(t)(∂tϕ(t, q)δt) = p(t)ξq(t)(u(q(t), p(t)), u(q(t), p(t))) = 2h(q(t), p(t)) = 2h(q0, p0).
Il reste `a calculer p(t)(∂qϕ(t, q)δq). Lemme 2.4. On a p(t)(∂qϕ(t, q)δq) = 0.
Preuve. Commen¸cons par calculer ∂qϕ(t, q)δq. On pose, pour un r´eel s assez proche de 0, et
r dans [0, t], qs(r) = ϕ(r, q + sδq). Remarquons que q(r) = q0(r) pour tout r.
L’application (s, t) 7→ qs(t) est de classe C2, et chaque courbe r 7→ qs(r) est une la trajectoire g´eod´esique normale et v´erifie
˙
qs(r) = ξqs(r)ur(s),
o`u ur(s) = u(qs(r), θqs(r)) est de classe C1. On notera u0(r) = u(r). Enfin, toutes ces courbes ont la mˆeme action
A(qs, us) = h(q0, p0)t.
Pour plus de simplicit´e, on va noter
∂s(qs(r))s=0 = δq(r), r ∈ [0, t], et
∂s(us(r))s=0 = δu(r), r ∈ [0, t]. Comme les d´eriv´ees partielles commutent, on obtient
˙δq(r) = ∂q(ξq(r)u(r))δq(r) + ξq(r)δu(r). (2.5) D’un autre cˆot´e, ∂sA(qs, us)s=0 = 0, donc
0 =
Z t
0
1
2∂q(gq(r)(u(r), u(r))δq(r) + gq(r)(u(r), δu(r))dr. (2.6) Or, r 7→ p(r) v´erifie
˙
p(r)δq(r) = −∂qh(q(r), p(r))δq(r) = −∂qH(q(r), p(r), u(r))δq(r)
= 1
2∂q(gq(r)(u(r), u(r))δq(r) − p(r)∂q(ξq(r)u(r))δq(r).
En injectant cette expression dans (2.6), et en utilisant successivement l’´egalit´e p(t)ξq(t) =
gq(t)(u(t), ·) puis (2.5) on obtient 0 =
Z t
0
˙
p(r)δq(r) + p(r)∂q(ξq(r)u(r))δq(r) + gq(r)(u(r), δu(r))dr = Z t 0 ˙ p(r)δq(r) + p(r)∂q(ξq(r)u(r))δq(r) + ξq(r)δu(r) dr = Z t 0 ˙ p(r)δq(r) + p(r) ˙δq(r)dr = Z 1 0 ˙ (pδq)(r)dr = p(t)δq(t) − p(0)δq(0).
Autrement dit, la quantit´e t 7→ p(t)δq(t) est conserv´ee le long de la trajectoire. Comme
δq(0) = δq ∈ ker p0 et p(0) = n(q(0))p0, on a p(0)δq(0) = 0, d’o`u p(t)δq(t) = p(t)∂qϕ(t, q)δq = 0. Finalement, ϕ∗θt,q(δt, δq) = 2h(q0, p0)δt, d’o`u ϕ∗θt,q = 2h(q0, p0)dt.
2.9. EXEMPLE : LE GROUPE DES DIFF ´EOMORPHISMES DE RD 43