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2.4 Identité d’apprenant

2.4.2 Envisager l’apprenant dans un contexte plus large que l’école

Au cours de notre recherche et alors que nous tentions de circonscrire ce qu’était l’identité d’apprenant, nous nous sommes heurtée à ce questionnement : lorsque l’on considère une personne dans une situation d’apprentissage, et a fortiori lorsqu’on envisage l’identité comme étant systémique, ne faut-il pas s’intéresser à des représentations socialement partagées ? Si on se définit comme apprenant ou apprenante par appartenance ou non-appartenance à certains groupes, ne serait-il pas intéressant de chercher à comprendre qui sont ces groupes ?

S’intéresser à ses parents, leurs représentations, celles de la société dans laquelle évolue l’apprenant ou l’apprenante, c’est aussi mettre à profit le modèle de Gallant (2013), exposé plus haut et qui propose une prise de position de par rapport à des autruis plus généralisés que les rapports interpersonnels immédiats. Cela nous a amenée à nous tourner, pour comprendre ce phénomène, vers la sociologie de l’éducation. Or, si l’on se tourne vers la sociologie de l’éducation, Sirota (1993), s’intéressant au milieu scolaire, proposait trois figures, soit trois types de positionnements de l’élève face à sa scolarité7 :

6 Nous développerons plus avant le concept d’activité socioculturelle dans la partie suivante.

7 Notons que Sirota ne parle pas d’apprentissage, mais bel et bien d’expérience globale de la scolarité. Toutefois, il nous semble qu’en

milieu scolaire, les apprentissages sont une des composantes de la scolarité et que par conséquent, cette classification est pertinente pour la formation de l’identité d’apprenant.

– L’héritier ou l’héritière : cœur de la théorie de l’habitus de Bourdieu et Passeron (1964), la figure de l’héritier ou héritière (ou de l’habitus) indique que l’élève pose ses actions scolaires dépendamment de la distance entre les attentes culturelles de son milieu et les attentes de l’institution dans laquelle elle ou il est scolarisé. Cela pourrait donc créer un tiraillement entre sa perception des valeurs transmises par sa famille ou son milieu d’origine, et sa perception des valeurs institutionnelles qu’on lui demande de respecter, tiraillement d’autant plus important si ces valeurs diffèrent grandement. Il est alors aisé d’imaginer qu’en l’absence de compromis qui lui convienne, il ou elle se positionne plus proche de l’un que de l’autre, créant des tensions avec le milieu qui lui convient le moins.

– Le ou la stratège : dans le cadre du milieu scolaire, les actions sont ici posées en fonction des buts. On choisit de s’investir ou non, ainsi que le degré de cet investissement, selon une stratégie permettant d’atteindre ses objectifs. Il est intéressant de noter que Sirota mentionne l’importance de la famille, qui joue un rôle dans l’établissement de ces stratégies. Aussi, l’élève se trouve à choisir son implication non seulement en fonction de ses propres buts, mais aussi en fonction de son positionnement par rapport à ceux que sa famille fixe pour lui ou elle. Dans le cadre de la formation de l’identité d’apprenant, il est possible d’inférer qu’une ou un apprenant ayant des buts d’apprentissage clairs et des motivations bien définies, choisira d’investir son effort d’apprentissage en fonction de ces propres buts. Cet investissement aura donc trait non seulement à la nature de l’apprentissage et à ce qu’il ou elle en perçoit, mais aussi à sa perception des attentes de sa famille, du contexte scolaire, et à la concordance de ces perceptions avec celle qu’il a de lui-même ou d’elle-même.

– Le consommateur ou la consommatrice : cette figure est celle de l’élève qui considère que le milieu scolaire doit correspondre à ses besoins. Sirota le définit comme un usager ou une usagère qui n’a pas de pouvoir. S’il ou elle n’a pas de pouvoir sur les contenus qui lui sont enseignés ni sur la forme qu’ils prennent, nous considérons toutefois qu’il ou elle a le pouvoir de se positionner par rapport à ceux-ci. Dans le cas où l’élève considère que ce qu’il ou elle perçoit du contenu et du contexte ne correspond pas à ses besoin, son choix peut être de ne pas s’engager dans la tâche, et inversement.

Ce qui nous semble particulièrement intéressant dans de telles approches, c’est la prise en compte d’un héritage culturel et social face auquel l’élève doit se positionner. Si de telles catégorisation ne s’intéressent pas à la formation de l’identité, nous pensons néanmoins qu’elles permettent d’en approcher les préalables. Toutefois, nous persistons à penser que lors de la formation de l’identité, l’objectivité n’a que peu de place et seule compte vraiment la perception que la personne en a. Ainsi, si ces théories permettent selon nous de comprendre différents positionnements qui peuvent être pris, elles ne permettent pas d’en expliquer la genèse identitaire. Nous nous sommes également intéressée à la théorie des représentations sociales, à la suite de Moscovici (1961). Cette théorie emprunte à la fois à la psychologie et aux sciences sociales (Jodelet, 1989). D’ailleurs, ainsi que souligné par Abric (1994), parmi les fonctions des représentations sociales se trouve la fonction identitaire – les autres fonctions étant le savoir, l’orientation et la justification. D’après Fontaine (2010, p. 76),

« les interactions complexes qui sont en jeu dans les situations éducatives, avec les systèmes de croyances et de valeurs mobilisés par les groupes sociaux en présence, correspondent aux fondements des représentations sociales ». Nous rejoignons ici l’idée précédemment développée que la personne se trouve aux prises, dans toute situation d’apprentissage, avec l’interaction entre elle et les autres participants à cette activité, mais également à des organisations moins visibles et explicites que sont les valeurs et les croyances. Les représentations sociales ont également une fonction de création de sens pour une personne et lui permettent de définir sa place, ainsi que de s’adapter au contexte dans lequel elle évolue (Abric, 1994). Il semblerait donc que des similarités existent entre cette théorie des représentations sociales et la formation de l’identité telle que nous l’avons définie ici. Nous souhaitons toutefois nous en distancier en cela que nous ne cherchons pas à expliciter la nature des liens qui unissent les membres d’un groupe, ce que cherche à faire la théorie des représentations sociales. En effet, nous cherchons plutôt à expliciter de quelle façon une personne se positionne par rapport à ce qu’elle-même perçoit de ces liens.

Les théories évoquées ici nous semblent pouvoir compléter notre compréhension contextuelle de la formation de l’identité d’apprenant. En effet, cette théorie des représentations sociales nous permet d’appréhender et de situer les relations qu’une personne entretient avec le monde, et donc, la perception qu’elle en a, et sur laquelle elle s’appuie pour agir et prendre position dans ce contexte (Fontaine, 2010). En d’autres termes, cela nous permet de comprendre le contexte en relation avec lequel l’identité s’élabore.