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Chapitre 5: Présentation et analyse des résultats

5.4. Entrevues

Les entretiens ayant été effectués avec cinq des acteurs de l’industrie touristique hivernale de Charlevoix ont tous été retranscrits et des extraits seront présentés dans cette section de la recherche. Ces entrevues ont été analysées entre elles afin d’obtenir un point de vue général par rapport au sujet de cette étude. Cette analyse a permis de révéler qu’il y a plus d’entreprises qui voient la saisonnalité de façon négative que de façon positive. Toutefois, certaines d’entre elles ne semblaient pas nécessairement perturbées de façon importante par la saisonnalité. Autrement dit, elles ne semblaient pas être préoccupées par cet enjeu. Néanmoins, plusieurs constats concernant la région touristique de Charlevoix ont pu être établis à la lumière de l’analyse des entrevues.

Tout d’abord, liées à la catégorie d’innovation des produits et services, la diversification des produits et la création ou la participation à des évènements ou des festivals sont mentionnées comme des méthodes pour contrer la saisonnalité et sont souvent utilisées par les acteurs interrogés. Dans la catégorie des innovations de procédé, le développement et l’amélioration d’équipement et d’établissement sont une tactique utilisée par les entreprises et organisations interrogées. À cet effet, les entrevues ont mis en lumière l’utilisation de motoneiges spécialement adaptées pour les conditions propres à la fin de la saison hivernale et aussi l’utilisation de canons à

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neige par les centres de ski de la région. Voici un exemple tiré des retranscriptions des entrevues réalisées dans le cadre de cette recherche:

«Organisation: On utilise du matériel approprié aussi. En ce moment, soit en fin de saison, on utilise certains types de motoneige…

«…»

Organisation: …qui sont moins coûteuses à faire rouler. Donc, il y a des

modèles qui vont user plus vite dans les conditions de printemps. Puisque c'est moins payant en ce moment, nous prenons les motoneiges qui consomment un peu moins de gaz.»

De plus, les entretiens ont dévoilé un moyen pour déplacer toutes les composantes nécessaires pour effectuer du traineau à chiens à cette même période de l’année. Ce moyen consiste à utiliser un camion avec une remorque spécialement conçue pour transporter des chiens et l’équipement pour faire du traineau à chiens, dans l’objectif de rejoindre des territoires en altitude lorsque la neige se fait rare à certains endroits. À ce sujet, voici un extrait d’une des entrevues:

«Organisation: Alors, il y a une remorque et un camion. Il y a de l’espace pour 28 chiens et 5 clients. Ainsi, pour lutter contre le manque de neige de début et de fin de saison, il est toujours possible de déplacer mon entreprise à des endroits plus en altitude afin de pouvoir avoir des clients sur une plus longue période de temps.

«…»

Organisation: Je peux prendre mes chiens et aller à la ZEC des martres, où

est-ce qu’il va y avoir plus de neige.»

Par la suite, les entrevues ont permis de découvrir des méthodes pour contrer la saisonnalité liées à la catégorie d’innovation de gestion, portant sur gestion de la main d’œuvre. Par exemple, le fait d’étirer les heures d’ouverture d’un établissement durant la saison hivernale et estivale aurait pour effet de réduire l’aspect «saisonnier» de certains emplois. Ainsi, cette extension permet d’offrir des emplois un peu plus stables et qui seraient plus attrayants pour la main d’œuvre. Voici ce qui a été dit à ce sujet dans une des entrevues réalisées:

«Organisation: On travaille beaucoup pour essayer d'étirer l'été, autant du côté du printemps, mais surtout du côté de l'automne, où c'est plus populaire. Donc, on essaie d'étirer nos heures d'ouverture vers l'automne de façon graduelle. Surtout en ayant une offre de villégiature qui devient de plus en plus importante, ça devient intéressant parce qu'on a une masse critique qui

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permet, à ce moment-là, d'ouvrir plus tard et des revenus qui nous permettent de justifier ça. […] Alors, on travaille à essayer d'offrir de plus en plus d'activités tard l'automne et puis là on déborde sur l'hiver. Cet hiver, on a fait un test et il y a des randonnées guidées qui ont été offertes…

«…»

Organisation:…des randonnées au flambeau. Aussi, on a essayé d'étirer un

peu les heures d'ouverture des accueils, qui sont actuellement ouvertes uniquement les fins de semaine l'hiver.»

L’idée de créer un partenariat permettant le partage des employés entre deux entreprises saisonnières (l’une étant ouverte l’été et l’autre étant ouverte durant l’hiver) pourrait accroître l’attractivité des emplois caractérisés comme saisonniers en offrant une employabilité sur l’ensemble de l’année.

Par ailleurs, les stratégies concernant la catégorie d’innovation liée à la commercialisation sont grandement utilisées par plusieurs des acteurs de l’industrie touristique interrogés. Par exemple, la variation des prix, selon le moment de l’année et même pour les périodes aux extrémités de la saison hivernale, est un moyen souvent utilisé par les entreprises et organisations. À ce sujet, voici un extrait d’une des entrevues réalisées:

«Organisation: […] Changer le produit aide aussi à contrer la saisonnalité. En ce moment, on fait des tours de motoneige de 2 heures «spécial printemps». »

Ces dernières utilisent aussi la variation du prix du produit ou du service en fonction la clientèle recherchée (jeunes adultes, étudiants). Dans la même idée, de la publicité et de la forfaitisation sont effectuées afin d’attirer différents types de clientèle à différents moments durant la saison touristique.

Les moyens pour contrer la saisonnalité, utilisés dans le cadre de la catégorie d’innovation institutionnelle, réfèrent aux associations et aux partenariats. Dans les entrevues réalisées, des associations caractérisées comme complémentaires entre deux entreprises et d’autres réalisées avec des entreprises de même nature ont été mises en lumière. Par contre, il est important de mentionner que certains partenariats présentés dans les entrevues ne représentaient pas des éléments permettant de contribuer à réduire les effets de la saisonnalité. Autrement dit, ils ne permettaient pas d’amener concrètement des éléments afin de contrer la saisonnalité. Un bon exemple

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qui permettrait de contrer la saisonnalité serait : une station de ski ayant un partenariat avec un établissement offrant une activité intérieure afin de réduire sa dépendance par rapport aux mauvaises conditions climatiques. Considérant que les conditions sont peut-être plus variables en début et en fin de saison, cette association permet de réduire de risque perçu par le touriste potentiel.

D’autre part, la tenue de ces entrevues a permis de révéler le rôle important que joue l’assurance-chômage dans l’industrie du tourisme hivernal. Le chômage est considéré comme un « compétiteur » quant à l’embauche de personnel pour la saison hivernale. En effet, le montant reçu par les prestataires de l’assurance-chômage, lorsqu’ils sont dans une période de chômage, serait plus élevé que le salaire que les entreprises peuvent fournir pour un emploi saisonnier hivernal. Ce revenu aurait pour conséquence de réduire l’offre de main d’œuvre pour des emplois saisonniers. Voici un extrait tiré d’une des entrevues qui reflète bien ce point:

«Organisation: La saisonnalité c'est très complexe à gérer en terme de ressources parce qu’on a beaucoup d'employés et donc beaucoup de métiers différents. Il y a une pénurie de ressources dans certains secteurs d'activité. On parle de la restauration, mais il y a aussi de l'enneigement, de l'électromécanique. Il n'y a pas beaucoup de ressource de ce genre-là, étant donné qu'on est proche d'un bassin, celui de Québec, qui est quasiment au plein emploi. Donc, il n'y a pas assez de ressource disponible. En plus, il y a une vision péjorative du secteur touristique au niveau de l'emploi. L'emploi touristique n'est pas valorisé d'une manière générale au Québec. Ensuite, on a des concurrents par rapport aux emplois qu'on offre. […] La problématique qu'on a, c'est que nos concurrents, c'est l'assurance chômage parce que, ici, dans la région, il y a beaucoup de gens qui travaille dans le domaine de la construction l'été, avec des salaires qui sont relativement élevés. Alors que moi, quand j'offre à un opérateur de machinerie lourde de venir faire du damage 88 heures par semaine l’hiver... il n'est pas intéressé parce qu'il gagne plus avec l'assurance emploi que s’il travaillait pour nous durant l’hiver…[…] et c'est complètement aberrant...mon concurrent c'est l'assurance chômage! […].»

De plus, la réalisation et l’analyse des entretiens ont dévoilé l’importance de mettre en place des mesures afin de favoriser un meilleur maillage au niveau des produits touristiques hivernaux dans la région de Charlevoix. Autrement dit, améliorer les associations et partenariats entre les entreprises de plein air et d’autres acteurs du tourisme hivernal (les restaurants, les établissements d’hébergements, les entreprises avec des activités intérieures, etc.). D’ailleurs, il est à noter que, durant les entrevues,

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les activités intérieures disponibles durant l’hiver n’ont pas été mentionnées de quelconque façon par les entreprises et organisations interrogées, bien qu’elles représentent un élément pour contrer la saisonnalité. Par la suite, les entretiens ont aussi mis en lumière les lacunes quant à l’offre de produits et de services pour les familles. Enfin, différentes problématiques au niveau régional et provincial ont aussi été évoquées durant les entrevues : l’évolution démographique, la mauvaise perception de l’industrie touristique de la part des citoyens dans la région et quant aux emplois reliés au secteur du tourisme et la dynamique régionale.

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