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L : -Donc déjà par rapport aux élèves, de quels pays proviennent-ils et connaissez-vous les raisons de leur arrivée en France ?

Mme V : Donc la provenance, sur Nantes, on va avoir pas mal d’élèves qui viennent du Caucase, donc Tchétchénie, Daghestan, Arménie, Azerbaïdjan, donc ça c’est une grosse partie, mais cette année, je n’en ai aucun, voilà.

Chaque année peut-être complètement différente, mais normalement tous les ans, j’avais un groupe assez important de ses élèves qui sont souvent russophones, ce n’est pas le ur première langue, mais une langue qui est apprise à l’école. Ensuite, il y a les élèves d’Afrique du Nord, du Maghreb et puis ces trois dernières années on a eu pas mal d’élèves européens notamment portugais, espagnols, italiens dû à la crise dans ces pays.

Après pourquoi est-ce qu’ils viennent ici, donc au niveau de ces élèves parcequ’il y a aussi Afrique noir, un petit peu d’Asie, etc., mais c’est plus sporadique, ça dépend des années. Cette année, j’ai beaucoup d’Afrique Noir avant j’en avais un petit peu moins. Ils viennent soit dans le cadre du regroupement familial (ex : papa il est là depuis un moment, il a cherché du travail, il a trouvé du travail, il fait venir sa famille, 1an, 2ans où plus longtemps après), donc c’est une migration économique. On a une partie aussi importante de demandeurs d’asile, donc des personnes qui sont en cours d’instructions de leurs dossiers, qui sont accueillis par le CADA qui instruit leur demande d’asile et en attendant ils sont logés dans des structures, on va dire temporaires, soit des centres d’accueil, soit à l’hôtel, voilà mais leur situation est toujours compliquée, parce que, ils n’ont pas de ressources, ils n’ont pas le droit de travailler et puis quelques fois le dossier est rejeté donc à ce moment-là, ils peuvent être renvoyé de leur pays du jour au lendemain. Donc ça ce sont les demandeurs d’asile. On en a moins à Saint- Herblain mais beaucoup sur Nantes, ce sont les mineurs isolés. Donc des jeunes qui arrivent seuls, sans famille, qui sont donc repérés par l’ASE, et qui sont hébergés soit en foyer, soit dans des familles d’accueil. Donc en gros, c’est ça, les situations administratives de ces jeunes.

L : Et pour la dernière catégorie, ce sont les parents qui ont envoyé les jeunes où c’est les jeunes qui viennent comme ca tout seul ?

Mme V : Alors quand, ils arrivent tout seul, il y a surement un projet familial derrière, ca peut arriver aussi, il y a une année où j’avais un élève, ba qui avait perdu ses parents en fait. C’était un élève qui venait du Congo. Et puis il avait réussi à retrouver sa sœur et son frère, parce qu’ils avaient été dispatchés, donc voilà.

79 Après il y a en a d’autres qui peuvent avoir une famille avec qui ils restent en contact et puis peut être que l’idée, c’est que l’enfant, après sa scolarité, trouve un métier qui puisse aider la famille qui est restée au pays.

L : Est-ce qu’ils étaient scolarisés avant dans leur pays d’origine ?

Mme V : On a toutes les situations, normalement en UPE2A, on doit avoir des élèves qui ont été tous scolarisés, mais dans la réalité, il arrive qu’on ait un élève qui n’a jamais été scolarisé ou très peu, on les appelle NSA, donc ça veut dire pas du tout d’école, ou un petit peu en fait, un niveau scolaire en très grand décalage par rapport à leur âge et donc lorsque ces élèves sont situés dans la proximité de ce collège, ils ne peuvent pas accéder à l’UPE2A NSA, il n’y en a qu’une seule sur Nantes, qui est à Nantes Est, près du rond-point de Paris, donc par défaut, ils viennent ici en UPE2A, alors que la structure n’est pas normalement adapté pour eux, donc par exemple, cette année, j’ai 6 non-lecteurs.

L : Et sinon vous avez combien d’élèves ?

Mme V : On va jusqu’à 20 et lundi matin, j’accueille le dernier élève, le vingtième. C’est entré toute l’année, tant que l’on n’arrive pas à 20 élèves. J’ai commencé avec 14 ou 15 élèves et puis petit à petit, ça s’étoffe.

L : Ils restent combien de temps ?

Mme V : Dans l’UPE2A, normalement, c’est une année. Ici, chaque département peut procéder différemment, ici, c’est une année, parce qu’il n’y a que 4 UPEA2A et beaucoup d’élèves.

L : De quel milieu social sont-ils originaires ?

Mme V : Je n’ai pas de données la dessus, je la demande pas, il peut arriver qu’ils en parlent, mais c’est rare, car souvent si c’est des demandeurs d’asile leur profession d’origine n’est pas du tout prise en compte ici, parce qu’ils n’ont pas les diplômes reconnus, parce qu’ils ne parlent pas français.

L : Après, ils peuvent avoir des diplômes qui leur permettent après d’aider leurs enfants ? Oui les aider à la maison. Alors si c’est dans le cadre de parents qui sont capables d’aider les enfants, c’est vraiment variable, mais ceux qui sont en capacité comme nous, on l’entend, qui vont leur demander qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui à l’école, qu’est-ce que tu as comme devoirs, est-ce que je peux regarder, est-ce que je peux t’aider ?, c’est une minorité, c’est vraiment une minorité. Après il y a ceux qui vont être là à tous les rendez-vous, qui vont s’inquiéter si leur enfant ne travaille pas bien, mais ils ne vont pas être en capacité de les aider, soit parce qu’ils ne parlent pas la langue française, soit parce qu’ils n’ont pas eu un cursus scolaire non plus voilà…

80 C’est une des difficultés le travail à la maison, parce qu’il en faut, et j’ai beaucoup de mal à leur faire faire leurs devoirs à la maison même si ça reste du travail très simple, je pense que c’est parce qu’il n’y a pas aussi cette aide, ce relais à la maison quoi.

L : Donc du coup, vous n’avez pas trop d’infos sur le milieu social ?

Mme V : Ba ca dépend vraiment, moi, je n’en demande pas. Par exemple, cette année, j’ai eu une élève qui est chez sa tante, elle est mexicaine, ses parents sont au Mexique, l’ont envoyé ici comme un voyage d’une année scolaire à l’étranger. Sa tante l’a accueillie, donc elle fait une année et si ça se passe bien, elle restera peut-être et ses parents, elle est fille unique d’après ce que j’en sais, sont d’un milieu social très élevé. Donc c’est vraiment un cas particulier. Après j’ai des personnes qui viennent d’Afrique Francophone et qui vivaient dans des villages en bordure du désert, je pense notamment à une petite mauritanienne et le papa est très gentil, mais c’est très très dur pour lui de l’aider. Elle, en arrivant ici, à chaque fois que je lui montré une image d’animal, elle me disait chameau, donc voilà, là, c’est vraiment une culture complètement différente.

L : Avez-vous des dispositifs pour aider les parents ?

Mme V : On n’en a pas ici, on n’a pas l’école ouverte aux parents. L : Ou la mallette des parents ?

Mme V : Je sais qu’au collège du Breil, ils le font, ils le font beaucoup en REP, en ZEP, ici, ça ne se fait pas.

L : Est-ce que vous pouvez m’expliquer brièvement le fonctionnement d’une UPE2A ?

Mme V : Donc une UPE2A, c’est une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, donc arrivants, ça signifie moins de 1 an en France normalement. Cette structure, elle accueille 20 élèves maximums, qui viennent de tous les horizons, toutes cultures sociales, tout niveau scolaire, tout âge, c’est une classe collège, c'est-à-dire 11 à 17 ans, avec tout ce que ca peut engendrer aussi comme difficultés. Donc voilà, les cultures différentes, les langues différentes, les âges différents et les niveaux scolaires aussi, des élèves qui peuvent être trè s brillants et des élèves qui sont vraiment en train de construire les bases de leur apprentissage. Donc ils sont accueillis ici quand ils arrivent, on leur fait passer un test pour savoir s’ils sont vraiment allophones, s’ils doivent bénéficier de cette structure. Ensuite, ils peuvent rester normalement 1 an maximum, il y a quelques petites dérogations, justement pour la petite mauritanienne qui est arrivée l’année dernière, je l’ai gardé cette année et depuis 2012, on suit une circulaire sur les allophones et les enfants du voyage donc qui stipule que l’on doit les inclure en classe ordinaire au minimum sur deux matières. Ici, on le fait systématiquement, on va dire pour ceux qui arrivent en moins de septembre en EPS, arts plastiques et puis musique.

81 Et ensuite en fonction des niveaux de chacun, il va y avoir un projet différent, cette année, j’ai quelques élèves qui suivent l’anglais, quand ils sont anglophones ou hispanophones, je leur fais suivre l’anglais et l’espagnol. Les mathématiques, j’en ai pas mal cette année qui suivent les cours de mathématiques. En gros, c’est ça et puis tout au long de l’année, ba, on régule, je sais qu’au mois de janvier, j’ai un élève qui va intégrer les sciences, j’en ai un autre qui est très francophone à l’oral, je pense que d’ici la fin de l’année, il va être très très inclus, donc j’espère le mettre dans des matières humanistes.

L : Donc au bout d’un an, ils retournent dans leur collège de secteur ?

Mme V : Donc il faut préparer ça, donc le collège est au courant que l’élève doit revenir, c’est assez difficile, moi j’essaie d’avoir un suivi, donc là, j’attends les résultats du premier trimestre de mes élèves de l’année dernière. Voilà, juste le premier bulletin, généralement, ils n’envoient pas les autres, ca me permet d’avoir une idée. Mais c’est sûr qu’en sortant d’une année d’UPE2A, ils ne sont pas prêts, on sait qu’il faut entre 2 à maximum 7 ans, on va dire pour qu’ils rattrapent le niveau des Français selon les élèves, on va dire une moyenne de 4, 5 ans, donc s’il n’y pas une prise en charge ou un regard sur le fait que c’était bien un élève allophone et qu’il continue à être allophone même si maintenant, il se débrouille en français et tout, ça peut être très très compliqué, même quelques fois traumatisant pour les élèves, mais on est obligé de les lâcher.

L : Alors par rapport aux difficultés, quelles relations entretiennent-ils avec les autres jeunes, est-ce qu’ils se mélangent, est-ce qu’ils restent entre eux, comment ça se passe ?

Mme V : Avec les inclusions, on a gagné en intégration, parce que auparavant, on avait la CLA, la classe d’accueil, qui était une classe plutôt fermée, donc les élèves restaient entre eux, là maintenant comme ils sont en UPE2A et que de temps en temps, ils partent chacun dans leur classe, ils ont lié amitié avec des élèves des classes, mais comme même ce n’est pas tous les jours facile et régulièrement au niveau de la vie scolaire, j’ai des retours « le groupe UPE2A reste trop fermé ensemble », ou il peut y avoir aussi d’autres soucis de comportement etc..

L : Il y a des remarques par rapport aux autres élèves ?

Mme V : Les autres élèves ne viennent pas me le dire directement, mais quelques fois, je peux entendre dans les couloirs des remarques qui ne sont pas forcément agréables oui.

L : Hum, hum comme quoi ?

Mme V : C’est la classe des élèves qui sont un peu demeurés par exemple, c’est un peu l’image que ça…

82 Mme V : Oui, oui parce qu’il y a une peur, une peur de l’autre et comme il y a aussi un grand décalage entre l’âge et le niveau scolaire il y a un manque de confiance souvent de ses élèves là vis-à-vis des élèves français. Et on peut le dire, les élèves français n’accueillent pas à bras ouvert, chaque groupe se jauge du regard et voilà ce n’est pas ba « Tu viens de quel pays, vient nous montrer ta culture, nous parler de ta langue », ce n’est pas comme ça que ça se passe ici en France.

L : Et les élèves du collège, est-ce qu’ils ont des origines diverses ? Mme V : Oui oui

L : Car du coup ca pourrait peut-être aider..

Mme V : Oui, oui, c’est vrai que j’ai joué sur ça pour des inclusions, je pense aux turcophones qui ont quelques fois beaucoup de difficultés, le système linguistique est très très différent entre le français et le turc, donc une élève d’origine turc peut tutorer un autre élève.

L : A oui vous avez des systèmes comme ca de tutorat ?

Mme V : Alors, ce n’est pas institutionnalisé, ça se fait de fait, voilà. Après oui, cette année, j’ai mis en place du tutorat pour les non-lecteurs sur le temps du midi avec des 3è me

qui étaient volontaires. Ca ne me plait pas trop, car je n’aime pas rajouter du temps de travail à des élèves qui sont déjà en difficulté, j’aurais préféré que ça soit sur le temps de classe, mais on n’a pas réussi à trouver d’arrangement au niveau des emplois du temps.

Après si les profs en inclusion, donc moi, je leur fais un projet pour chaque élève, je les incite à chercher un tuteur au sein de la classe d’inclusion pour l’élève allophone, généralement ça se fait.

L : Pensez-vous que l’environnement social dans lequel le jeune évolue, peut avoir une influence sur son orientation ?

Mme V : Je pense que oui, mais je n’ai jamais trop eu le cas de parents qui allait décréter que leur enfant allé devoir faire si ou ça. Généralement, j’ai des parents qui vo nt plutôt suivre les conseils qu’on leur donne. Même si au début, ils vont plutôt proposer telle ou telle chose. Donc est-ce que c’est dû à leur milieu socio-culturel ? Généralement, les élèves qui arrivent en troisième, là on est vraiment au cœur de la problématique ou de la 4ème, c’est très très

compliqué, parce qu’il y a ce décalage, un décalage important avec le niveau scolaire. Et on est dans une urgence de l’orientation à cause de l’âge, on ne peut pas leur laisser le temps, il aurait besoin de temps en fait, il aurait besoin d’encore 2 années et ils arrivent à peine et on leur dit « Ba qu’est-ce que tu veux faire comme métier l’année prochaine ? ». Les parents disent, il aime bien faire ci ou faire ça, mais, oui ils influencent, mais ils ont plutôt te ndance à faire confiance à l’école, à ce qu’on propose.

83 L : D’accord

Mme V : Généralement pour les garçons, c’est souvent d’abord footballeur ou bien médecin et puis après on leur explique un peu la réalité des choses, puisque ce sont souvent des élèves qui ont un très très grand décalage scolaire et puis ba l’orientation ne sera pas à 100% mais presque professionnelle.

L : Par rapport à la scolarité, que représente l’école pour ces jeunes, est-ce qu’ils ont un rapport à l’école différent des autres adolescents accueillis au sein du collège ?

Mme V : En général oui je trouve, pour eux c’est vraiment, ils aiment venir à l’école, pour c’est une façon de s’intégrer, d’avoir des copains français etc., ils veulent être comme les autres, jouer à la PlayStation etc., et l’idée soit d’avoir un diplôme, soit de réussir ses études, soit d’avoir un bon métier etc., elle a du sens pour eux, en tout je pense que leur famille aussi leur montre ça, que il y a un lien entre aller à l’école tous les jours, travailler et puis ensuite trouver un bon métier.

L : Donc même si ils ne peuvent pas forcément les aider, ils les encouragent.

Mme V : Oui, oui, donc moi je trouve que ce sont des élèves qui sont toujours très motivés. Bon, il y a toujours des petits cas évidemment, mais très motivés par l’école.

L : Est-ce que ces jeunes éprouvent des difficultés à s’adapter au système scolaire français par rapport aux horaires, aux méthodes etc. ?

Mme V : Il peut y en avoir mais là ça va être très culturel en fait. L : Quels obstacles rencontrent-ils dans leur apprentissage ?

Mme V : Il y a beaucoup d’obstacles mais tout ca c’est pareil, c’est culturel, ca dépend des élèves car il y a en a qui vont tout de suite suivre etc.

Alors si un obstacle, pour certains élèves, ceux pour qui c’est le plus compliqué ca va être le fait qu’ils n’ont pas choisi leur migration et qu’il y a peut-être eu quelque chose dans le pays qui s’est passé auparavant, qui va induire en fait des problèmes psychologiques et là, on est vraiment dans des gros gros obstacles, donc là sur une année, j’en ai toujours au moins 3 des fois 4.

L : Donc en fait des traumatismes qui vont en fait empêcher l’élève de suivre correctement sa scolarité.

Mme V : Oui tout à fait, de progresser ou d’être concentré. Et ces obstacles sont quelques fois difficiles à faire passer auprès des parents puisque nous, on va orienter vers un COP et le COP, c’est un psychologue, et c’est un mot qui est difficile à faire passer dans certaines cultures. Donc voilà. De ce côté là, j’ai quelques fois eu des refus d’orientation de la part de certains parents.

84 L : Des refus d’orientation ?

Mme V : SEGPA notamment.

L : A parce que là c’était des élèves qui relevaient d’une SEGPA ?

Mme V : Oui, des élèves qui ont des difficultés de concentration, de mémorisation, la psy appelle ca la mémoire de travail, le fait de gérer plusieurs tâches en même temps etc.

Donc après par rapport à l’orientation ca peut bloquer.

L : Est-ce que vous voyez d’autres obstacles que peuvent rencontrer les élèves allophones dans l’obtention de leurs choix d’orientation ?

Mme V : La langue et notamment la langue écrite puisqu’on est dans un système scolaire qui est normalement basé sur l’écrit.

L : Donc la langue ca joue beaucoup dans l’obtention de leurs choix. Mme V : Oui bien sûr.

L : J’ai des élèves qui vont vraiment faire des progrès, être très bons et comme ils ne peuvent pas écrire encore un texte, etc. Il y a aussi la culture scolaire française avec cette capacité à conceptualiser et aussi à avoir l’esprit critique qui n’est pas forcément enseigné dans tous les systèmes éducatifs et qui peut aussi déstabiliser beaucoup. Style, on va demander à l’élève de réfléchir et de prendre plusieurs choses de son cours et à partir de là de pouvoir répondre à une tâche alors que lui l’élève va apprendre son cours par cœur et il va ressortir tout son cours, mais on retrouve ça chez les élèves en difficulté français aussi. Ca ça arrive souvent. J’ai eu un élève l’année dernière, il était vraiment très très brillant et en fin d’année, il était en 3ème et ensuite, il n’était plus en UPE2A, je l’ai suivi quand même, il a passé le DNB, il l’a eu avec une mention assez bien, mais il m’a dit à la fin de l’année « moi, je n’ai toujours pas