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Les entreprises en diffi culté en droit du droit du travail

B. La liquidation des entreprises en diffi culté : la loi du 8 août 1997 sur les faillites

II. Les entreprises en diffi culté en droit du droit du travail

61. Lorsqu’une entreprise rencontre des diffi cultés telles qu’elle est conduite à la réorganisation sous l’autorité de la justice ou, pire, à la fail-lite, elle se voit appliquer diverses règles propres au droit du travail, que l’on abordera selon la distinction classique, en commençant par les rela-tions collectives de travail (A) avant d’envisager le sort des droits indivi-duels des salariés (B). Deux précisions s’imposent avant d’aller plus loin, en raison de deux différences majeures entre les droits québécois et belge.

62. Premièrement, en droit belge, les sources des obligations des par-ties sont organisées autrement qu’au Québec. Le contrat de travail et la convention collective de travail ne s’excluent pas mutuellement. Il n’existe pas d’unité d’accréditation.

La relation de travail unissant un travailleur subordonné à un employeur du secteur privé reçoit la qualifi cation juridique de contrat ; ce contrat est appelé contrat de travail. Il est gouverné par des normes d’origines diverses.

204 Voir notamment : Mons, 30 janvier 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1373 ; J.T., 2006, p. 197 ; Liège, 28 septembre 2006, J.L.M.B., 2008, p. 15 ; Liège, 16 mars 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1376 ; Liège, 10 février 2005, J.L.M.B., 2006, p. 1352 ; Comm. Gand, 19 juin 2006, T.G.R.-T.W.V.R., 2006, p. 282 ; Comm. Charleroi, 30 janvier 2007, J.L.M.B., 2008, p. 38.

205 Voir supra, n° 57.

Tout d’abord, la loi occupe une place prépondérante parmi les normes régissant la relation de travail ; on vise ici la loi au sens large, c’est-à-dire autant la production du pouvoir législatif que le règlement de l’autorité administrative. On notera que, si les règles régissant le contrat de travail ne sont plus inscrites dans le Code civil, elles ne sont pas pour autant codi-fi ées. Une constellation de lois et d’arrêtés royaux – pour s’en tenir au droit fédéral – ont vocation à régir le rapport de travail.

Ces dispositions sont marquées du sceau de l’impérativité, voire de l’ordre public206. Cette forte impérativité se traduit, entre autres, par l’ar-ticle 6 de la Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail207, qui énonce :

« Toute stipulation contraire aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d’exécution est nulle pour autant qu’elle vise à restreindre les droits des travailleurs ou à aggraver leurs obligations ». La créativité des parties au contrat de travail se trouve bridée par le car actère impératif de la matière, en tout cas de la plupart de ses dispositions.

La relation de travail est également régie par des normes d’origine pro-fessionnelle. L’ordre juridique étatique reçoit un certain nombre d’entre elles et leur confère des effets juridiques. La plus répandue est la conven-tion collective de travail.

Enfi n, le contrat de travail lui-même est une source d’obligations pour les parties, qui, dans les limites très étroites de l’autonomie des volontés individuelles que tolèrent la loi et les conventions collectives impératives, peuvent aménager leurs relations.

Le contrat et les conventions collectives ne sont pas exclusifs l’un de l’autre : les deux se conjuguent dans toutes les entreprises. Sauf de très rares exceptions, aucun employeur du secteur privé n’échappe à l’emprise des conventions collectives de travail. L’existence de celle-ci n’exclut pas qu’une part de liberté soit laissée aux parties, pour déterminer, par la voie de la convention individuelle, une partie des conditions de travail.

63. Ensuite, le droit belge favorise les relations collectives et la concer-tation sociale à plusieurs niveaux. Pour simplifi er, on n’évoquera ici que

206 Sur les relations qu’entretient le droit du travail avec l’ordre public, voir : Fabienne KÉFER, Précis de droit pénal social, 2e éd., Limal, Éditions Anthemis, 2014, p. 24 et suiv.

207 Loi n° 1978070303 du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, M.B. du 22 août 1978, p. 9277 (ci-après « Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail »).

certains des niveaux et organes de négociation et de concertation sociale.

Au sommet, on retient le Conseil national du travail208. Ses membres sont des délégués des organisations les plus représentatives du patronat et du salariat. Son champ d’action s’étend à diverses branches d’activité et à l’ensemble du pays ; ses conventions collectives de travail traitent des pro-blèmes sociaux intéressant en principe toutes les entreprises du Royaume209. Au rang suivant, celui des b ranches d’activités, sont instituées des com-missions paritaires, aux compétences multiples, et dont le rayon d’action s’étend à un secteur d’activité préalablement défi ni par arrêté royal210. Enfi n, à l’échelon de l’entreprise, la négociation et la concertation s’exer-cent, notamment, au sein du conseil d’entreprise et de la délé gation syndi-cale. Le conseil d’entreprise est un organe paritaire, dont la délégation représentant les salariés est composée à la suite d’élections sociales ; il ne doit être institué que dans les entreprises occupant habituellement en moyenne au moins cent travailleurs211. Si ce seuil n’est pas atteint, l’em-ployeur n’a pas l’obligation d’instituer un conseil d’entreprise. Il se peut qu’il soit tenu de laisser fonctionner une délégation syndicale, si une ou plusieurs organisations de travailleurs lui en font la demande ; le statut de celle-ci est déterminé par la voie de conventions collectives conclues, d’une part, par le Conseil national du travail212 et, d’autre part, par la commission paritaire dont relève l’entreprise concernée. L’obligation de l’employeur de laisser fonctionner une délégation syndicale est subordonnée à un nombre minimum de travailleurs, qui varie d’un secteur d’activité à l’autre.

208 Loi n° 1952052902 du 29 mai 1952 organique du Conseil national du travail, M.B.

31 mai 1952.

209 Loi n° 1968120503 du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, M.B. 15 janv. 1969, p. 267, art. 7 (ci-après Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires).

210 Par exemple, le secteur des employés de l’industrie de l’habillement et de la confection, le secteur des employés de l’industrie alimentaire, etc.

211 Loi n° 2011012074 du 28 juillet 2011 déterminant le seuil applicable pour l’institution des conseils d’entreprise ou le renouvellement de leurs membres à l’occasion des élections sociales de l’année 2012, M.B. 31 août 2011, p. 55664, art. 2 ; cette loi déroge à l’article 14§1 de la Loi n° 1948092002 du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie, M.B. 27 sept. 1948.

212 Convention collective de travail n° 5 du 24 mai 1971 concernant le statut des délégations syndicales du personnel des entreprises, en ligne :< http://www.cnt.be/CCT-COORD/

cct-005.pdf> (consulté le 15 janvier 2015) (ci-après « Convention de travail n° 5 du 24 mai 1971 »).

Le droit belge se caractérise par un certain pluralisme syndical. La liberté syndicale permet la création de multiples organisations pro fession-nelles. Néanmoins, seules celles dites représentatives (il faut pour cela réu-nir un certain nombre de conditions213) sont habilitées à siéger dans les organes mentionnés ci-dessus. Concrètement, seules trois organisations syndicales sont tenues pour représentatives214.

L’une des prérogatives des organisations représentatives de travailleurs est la conclusion de conventions collectives de travail ; celles-ci peuvent être conclues aux différents échelons de la concertation sociale : le Conseil national du travail, la commission paritaire ou l’entreprise. Lorsqu’un employeur est lié par une convention collective, celle-ci le lie à l’égard de l’ensemble de ses salariés, qu’ils soient affi liés ou non à une organisation syndicale représentative.

A. L’impact de la faillite et de la réorganisation judiciaire