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11. O UVERTURE

11.1. Entrainement de l'intégration

Levine, Svoboda, Hay, Winocur, et Moscovitch (2002) ont mis au point la méthode de

l'Interview Autobiographique afin d'évaluer le degré de spécificité des souvenirs épisodiques. Des participants âgés étaient invités à choisir et à rappeler avec le plus de détails possibles des souvenirs particuliers liés à 5 périodes de leurs vies allant de l'enfance à la retraite. L'évocation de ces souvenirs prenait la forme de propositions dont le contenu était ensuite codé par les auteurs en tant que détails internes ou externes. Un détail interne est un détail concernant directement l'événement rapporté et spécifique au lieu et au moment de l'événement. Un détail externe est quant à lui non-spécifique à l'événement rapporté. Si l'on rapporte ces termes au modèle Act-in, les détails internes sont des détails spécifiques à une trace mnésique d'un événement particulier alors que les détails externes sont non-spécifiques et partagés par plusieurs traces. L'étude de Levine et al. (2002) a montré que l'évocation de détails spécifiques diminuait avec l'âge au profit des détails non-spécifiques plus généraux. Ces résultats sont cohérents avec la littérature sur le vieillissement (e.g. Piolino et al., 2006). Ces résultats ont suscité un regain d'intérêt pour les méthodes susceptibles d'améliorer l'évocation de détails

spécifiques. Une de ces méthodes, appelée Entretien Cognitif (EC), fut employée Fisher et

Geiselman (1992) afin de renforcer l'exactitude des témoignages dans le cadre d'affaires

criminelles. Cette méthode se fonde sur quatre techniques : a) la Réinstauration du contexte qui

stimule l'évocation mentale du contexte dans lequel se déroulait la scène; b) le Rapport Intégral

qui pousse les personnes interrogées à rappeler la moindre information, qu'elles la juge

importante ou non; c) le Changement d'ordre de rappel qui comme son nom l'indique invite les

interrogés à rappeler le même événement suivant différents ordres (dans l'ordre, à l'envers, en

partant du milieu) et d) le Changement de perspective qui encourage les personnes à rappeler

l'événement en se mettant à la place d'un autre témoin. L'efficacité de la méthode n'est plus à

prouver et il semblerait que la Réinstauration du contexte soit la technique la plus efficace.

Celle-ci implique des questions sur l'état émotionnel des personnes interrogées au moment de l'événement d'intérêt, sur des propriétés perceptuelles ou sur les actions réalisées. Ces derniers éléments font partie des éléments caractéristiques des souvenirs épisodiques et des propriétés typiquement intégrées au sein d'une trace en mémoire et on comprend pourquoi cette technique induit bel et bien une spécificité en mettant l'emphase sur un souvenir et une trace particulière. Récemment, au sein de notre équipe, une étude a été réalisée par Rudy Purkart et Rémy Versace en collaboration avec Guillaume Vallet (Clermont-Ferrand) (Purkart, Versace, & Vallet, 2017) afin d'étudier l'impact de l'induction de spécificité sur la génération de détails

141 positivement corrélées avec les performances d'intégration mesurées par l'association. Des analyses plus poussées des résultats ont montré que l'ordre d'administration de l'induction de spécificité n'affectait pas la génération de détails spécifiques laissant ainsi penser que les bénéfices de l'EC se sont transférés aux autres tâches quel que soit le moment auquel il a été réalisé.

De telles études constituent des pistes intéressantes sur les moyens d'améliorer l'intégration. L'utilisation d'entretiens orientés sur les associations entre différentes propriétés d'événements vécues ou à venir pourrait être la clef pour se passer de tâches informatisées et proposer des solutions plus écologiques notamment aux personnes âgées qui ne sont pas nécessairement familières de l'utilisation des technologies de l'information. Ce type d'étude soulève également l'idée que l'amélioration de l'intégration puisse se transférer à d'autres processus cognitifs, qu'il s'agisse de processus de bas niveau tel que l'exploration visuelle ou de plus haut niveau comme la résolution de problèmes. En effet, dans une conception incarnée et située, dans laquelle la cognition ne peut être que fondamentalement mnésique (voir Glenberg, 1997; Versace et al., 2014) améliorer l'efficacité de la mémoire en améliorant le mécanisme d'intégration devrait affecter d'autres fonctions cognitives. Il serait donc intéressant d'évaluer l'effet d'un entrainement à l'intégration sur des fonctions cognitives qui peuvent dépendre d'elle. Par exemple, L'émergence des connaissances implique nécessairement la simulation, ou reconstitution, des états perceptifs et moteurs issus des traces des expériences passées (Barsalou, 2008; Wu & Barsalou, 2009). Ainsi en améliorant l'intégration de ces propriétés au sein des traces cela devrait faciliter la simulation. Cela peut donc engendrer des images mentales plus claires ou plus détaillées. De là, améliorer l'imagerie mentale pourrait donc améliorer des fonctions comme la mémoire prospective (e.g. Grilli & McFarland, 2011) ou encore la planification.

Une question primordiale reste encore sans réponse. Existe-t-il un mécanisme d'intégration amodal dont l'amélioration engendrerait des bénéfices généralisables ou les différentes formes d'intégration reposent-elles sur des mécanismes distincts ? Dans le premier cas, entrainer l'intégration d'un item à sa position spatiale pourrait également améliorer l'intégration de la position temporelle. Dans le second cas, un transfert ne serait pas envisageable et entrainer un type d'intégration n'entrainerait que des bénéfices restreints. Les différents niveaux d'intégration, item ou item-contexte, suggèrent l'existence de mécanismes distincts reposant potentiellement sur des structures cérébrales distinctes. Tenter d'apporter une

réponse à l'unicité ou la multiplicité d'intégration tout en clarifiant les structures impliquées dans chaque type d'intégration permettrait d'envisager ou non la possibilité d'un transfert.

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