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4.2.1. Choix terminologiques

Certains linguistes et didacticiens partent du discours comme unité linguistique pour décrire le fonctionnement de la langue car ils estiment que la linguistique phrastique est insuffisante pour cela. Ils définissent le discours comme une succession de phrases qui sont

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en relation avec le contexte d’énonciation, ce qui implique qu’il est étroitement lié à ses conditions d’élaboration (Kucharczyk, 2009 : 78). Comme il a été mentionné plus haut, le CECR emploie le concept de texte pour définir « toute séquence discursive orale ou écrite que les usagers/apprenants reçoivent, produisent ou échangent » (2001 : 75). Les textes remplissent des fonctions dans la vie quotidienne qui se présentent sous forme de différents supports utilisés dans des buts et contextes variés. Ils diffèrent dans leur structure et leur présentation. C’est ainsi que les textes peuvent être classés selon « des types différents appartenant à des genres différents » (CECR, 2001 : 75). Les émissions de radio sont évoquées dans le CECR comme support et les spectacles, les commentaires sportifs et les informations radio sont cités à titre d’exemples comme genres et types de textes (2001 : 76). Je retiendrai la terminologie de Beacco qui emploie plutôt la notion de genre de discours ou genre discursif qui se réfère aux « formes prises par la communication telle qu’elle s’effectue dans une situation sociale et une communauté de communication données, identifiées comme telles par des paramètres (lieu, type de participants...) et où prend place une forme discursive spécifique comme : une conférence, un fait divers, une anecdote, une dispute, un mythe, une prière… » (2007 : 96). J’ai donc choisi de retenir le concept de genre de discours plutôt que types de textes pour spécifier la composante situationnelle et sociale de la compétence de communication. De même, le concept de composante discursive a été préféré à celui de compétence pragmatique utilisée dans le CECR (2001 : 96) car selon Beacco (2007 : 96), il caractérise la compétence proprement communicationnelle et langagière de l’utilisateur alors que la compétence pragmatique du CECR fait plutôt référence à une compétence cognitive de l’apprenant qui lui permet de structurer des phrases en ensembles cohérents. Dans le CECR, il s’agit en effet des compétences de l’apprenant à savoir gérer et structurer le discours par rapport à son organisation thématique, sa cohérence et cohésion, ses relations logiques, son style et registre (2001 : 96).

4.2.2. Une structuration des enseignements/apprentissages

Après cette spécification terminologique, il convient de définir cette approche de l’enseignement communicatif par la compétence discursive. Selon Beacco (2004 : 110), un locuteur ne se définit pas selon son degré de maîtrise de la langue mais selon sa capacité individuelle à utiliser les formes génériques de la communication verbale selon la situation et ses besoins. Il s’appuie sur les travaux de Bakhtine concernant la question des genres

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(1984) lorsqu’il postule que les représentations liées au texte sont fondamentalement génériques (fable, exposé, conférence, etc.). Les locuteurs reconnaissent en effet immédiatement les genres et s’y conforment dans leurs productions. Ces énoncés présentent en effet certaines régularités indépendantes des énonciateurs et sont donc identifiés par les membres d’une communauté culturelle donnée comme appartenant à un genre. Le caractère consensuel de son identification permet donc d’identifier le genre discursif comme « une catégorie métalinguistique relevant de la connaissance ordinaire mais formellement descriptible, bien que la nature de ces formes ne soit pas définie. » (Beacco, 2004 : 111). Les genres discursifs peuvent ainsi être considérés comme une catégorisation linguistique et didactique destinées à structurer les enseignements dans la mesure où ils rendent possible une approche à partir des réalisations particulières que prend la communication dans une situation précise. Cette approche permet par conséquent de stabiliser les éléments formels des pratiques face à la variété des pratiques langagières mais aussi de doter les étudiants de moyens d’analyse des conditions sociales effectives de réception et de production de textes. En outre, une approche par les genres permet d’agir efficacement sur les capacités langagières des apprenants car le genre représente une unité de travail qui leur offre une vision d’ensemble de leur processus d’apprentissage. Comme l’expliquent Dolz et Schneuwly (1998 : 85), le choix de textes correspondant à un genre spécifique permet de viser des objectifs à la complexité variable et rend possible une approche en spirale où le même genre peut être abordé plusieurs fois avec donc les mêmes objectifs mais une difficulté croissante. Le regroupement des genres facilite ainsi la détermination de critères visant des objectifs qui sont homogènes quant aux ordres de capacités langagières. D’un point de vue didactique, la diversification des genres travaillés est régulée par les regroupements des genres et permet de définir, en les comparant, des spécificités de fonction des genres.

4.2.3. Un cadre d’analyse

Dans leur ouvrage consacré à l’enseignement de l’oral en langue maternelle, les auteurs Dolz et Schneuwly (1998) préconisaient déjà le choix de « textes empiriques oraux » comme objet de travail pour l’enseignement de l’oral car le texte permet de « travailler les phénomènes de textualité orale en rapport étroit aux situations de communication, d’étudier différents niveaux de l’activité langagière et de rendre l’enseignement plus significatif » (1998 : 63). Ils expliquent en effet que le travail sur les

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genres fournit un cadre d’analyse des contenus, de l’organisation de l’ensemble du texte et des unités linguistiques et paralinguistiques associées à la textualité. Pour cela, les auteurs font également référence aux travaux de Bakhtine (1984) et plus particulièrement aux trois dimensions qui définissent le genre. Cela leur permet de déterminer un cadre d’analyse et de s’en servir de base pour l’élaboration de séquences didactiques visant le développement de compétences de production orale. En premier lieu, les contenus dont la pertinence et le caractère dépendent du sujet de l’intervention deviennent dicibles à travers le genre. La deuxième dimension fait référence à la structure communicative qui est l’organisation discursive des textes et qui varie en fonction de son appartenance à un genre spécifique comme par exemple l’exposé oral, dans lequel les contenus, l’organisation du plan, la progression des thèmes, le marquage linguistique du texte ou encore les stratégies de l’orateur sont différents d’un discours. Enfin, la dernière dimension concerne les configurations spécifiques d’unités linguistiques qui sont des traces de la position énonciative de l’énonciateur, des ensembles particuliers de séquences textuelles et de types discursifs qui forment sa structure (Dolz & Schneuwly, 1998 : 65). Les étudiants doivent également acquérir un savoir-faire consistant à maîtriser un ensemble de relations entre les phrases : les relations entre thème et rhème, information donnée et information nouvelle, cause et conséquence, succession, etc. (Beacco, 2007 : 96). Cette capacité à concevoir une série d’énoncés articulés entre eux en termes de cohérence, cohésion, organisation rhétorique, logique est aussi évoquée dans le CECR (2001) dans le cadre des activités de production.

4.2.4. Un modèle didactique

L’approche par les genres discursifs sert à la fois des objectifs de communication et d’apprentissage. Dolz et Schneuwly (1998) et Beacco (2007) proposent ainsi des modèles didactiques de genres qui sont assez semblables. Les premiers considèrent que le genre se caractérise par le lieu social de la production, dans le cas de mon projet il s’agit de la radio, car il détermine un contexte bien précis dans la mesure où les énonciateurs jouent des rôles distincts. La radio implique en effet que le public est dans une certaine mesure inconnu mais l’interaction n’y est pourtant pas inexistante mais potentielle ou virtuelle (Beacco, 2004 : 208). On peut par exemple imaginer que des questions pourraient être posées ou que des précisions pourraient être demandées comme c’est le cas à la fin d’une conférence. On sait également qu’une communication a lieu entre le lecteur et l’auteur dans les œuvres

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littéraires. Pour la webradio qui sera diffusée sur un blog, on peut considérer que l’option de laisser un commentaire pour chaque émission publiée constitue une forme de communication avec l’auditeur. Beacco (2007 : 94) propose un modèle de l’approche de l’enseignement communicatif par compétence spécifique sur lequel j’ai basé l’élaboration du module de webradio. Deux structurations différentes sont données, l’une proposant une entrée par la composante stratégique, l’autre par la composante discursive. J’ai opté pour la seconde option dans la mesure où elle s’adapte mieux aux besoins langagiers de mes étudiants dans le cadre de la création radiophonique car ces besoins sont identifiables et analysables en termes de répertoire de genres discursifs à acquérir comme par exemple le reportage, le flash info, l’interview, etc. Voici la structuration proposée (Beacco, 2007 : 94) :

« Structuration II :

– Composante discursive commandant la catégorisation des objectifs d’apprentissage par genre de discours ;

– composante stratégique organisant des activités d’appropriation portant sur des savoir-faire langagiers et cognitifs et visant la maîtrise de genres de discours ; – composante formelle (éventuelle) relative à l’acquisition par systématisation des

régularités du système de la langue à l’œuvre dans les genres discursifs ; – produit : maîtrise en production /réception de certains genres discursifs ;

– produit escompté : mise en place d’une compétence à communiquer langagièrement. »

A ce modèle qui situe les enseignements au niveau de composantes hiérarchiquement élevées comme l’est la compétence communicative langagière, j’ai articulé une compétence qui a un caractère plus opérationnel en classe : la compétence phonologique qui est indispensable pour le projet de webradio. Je me suis ainsi appuyée sur les recommandations de Dolz et Schneuwly (1998 : 72) qui proposent un modèle dans lequel le but des situations de communication influence l’organisation textuelle du discours, l’emploi du vocabulaire et des formes langagières et où la prononciation et la prosodie occupent une place importante.

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