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On fixe un corps infini (même si cette hypothèse n’est pas nécessaire au début) k ainsi que, la plupart du temps, un entier naturel n, et parfois aussi un autre entier naturelm.

1.1 Zéros de polynômes

Définition 1.1.1 L’espace affine de dimension n sur k est l’ensemble An(k) :=kn. La droite affine est A1(k)et le plan affine est A2(k). Si S ⊂k[X1, . . . , Xn], le lieu d’annulation oulieu des zéros de S dans An(k) est

V(S) :={P ∈An(k), ∀F ∈S, F(P) = 0}.

On écrira plus simplement V(F1, . . . , Fr) :=V({F1, . . . , Fr}) et on négligera en général d’écrire les parenthèses intérieures.

Proposition 1.1.2 1. V(1) =∅ et V(0) =An(k).

2. Si {Sα}α∈Λ est un ensemble de parties de k[X1, . . . , Xn], alors ∩αV(Sα) =V(∪αSα).

3. Si S, T ⊂k[X1, . . . , Xn], alors V(S)∪V(T) =V(ST).

4. Si S ⊂T ⊂k[X1, . . . , Xn], alors V(T)⊂V(S).

Démonstration. 1. Puisqu’un polynôme constant non nul ne s’annule jamais, on a bien V(1) =∅. Et puisque le polynôme nul s’annule toujours, on a V(0) = An(k).

2. On a P ∈ ∩αV(Sα)⇔ ∀α ∈Λ, P ∈V(Sα) ⇔ ∀α ∈Λ,∀F ∈Sα, F(P) = 0 ⇔ ∀F ∈ ∪αSα, F(P) = 0 ⇔P ∈V(∪αSα). 3. On a P /∈V(S)∪V(T)⇔P /∈V(S)et P /∈V(T) ⇔ ∃F ∈S, F(P)6= 0 et∃G∈T, G(P)6= 0 ⇔ ∃F ∈S, G∈T,(F G)(P) =F(P)G(P)6= 0 ⇔P /∈V(ST).

4. SiP ∈V(T)etF ∈S, alorsF ∈T et doncF(P) = 0si bien queP ∈V(S).

Remarque On a en fait V(F) =An(k)⇔F = 0 : en effet, siF(P) = 0 pour tout P ∈An(k), alors F = 0 puisque k est infini.

Proposition 1.1.3 Si F, G∈k[X, Y] sont premiers entre eux, alors V(F, G) est fini. Démonstration. On note V =V(F, G)et on applique le théorème de Bézout à F et G dans k(X)[Y] qui est un anneau principal. Puisque F et G sont premiers entre euxk[X, Y], ils le sont aussi dans k(X)[Y]. Ils sont donc étrangers dans cet anneau. Il existe alors A, B ∈ k(X)[Y] tels que AF + BG = 1. En d’autres termes, on peut donc trouverR ∈k[X] non nul et A, B ∈ k[X, Y] tels que AF +BG=R. Si P = (a, b)∈V, on a doncR(a) =A(P)F(P) +B(P)G(P) = 0si bien que a∈V(R). On donc V ⊂V(R)×A1(k) et V(R)est un ensemble fini car R6= 0. De même, on auraV ⊂A1(k)×V(S)avec V(S) fini et donc finalement V ⊂V(R)×V(S)qui est

fini.

Remarques 1. Dans cette démonstration, on peut avantageusement remplacerR par le résultant de F et G enY afin d’obtenir une version explicite du résultat. Cela fournit un algorithme très simple pour trouver les points d’intersection : on calcule les résultants de F et G par rapport à Y et à X, ce qui nous donne des candidats pour les abscisses et pour les ordonnées des points d’intersection et il suffit de tester si ces points annulent bien F et G.

Voici l’implementation en Sage :

def intersection_points(F,G): H=gcd(F,G)

if H != 1:

print ’the curve’,H,’=0’ else:

Rx=F.resultant(G,x)

1.1 Zéros de polynômes 31 Ry=F.resultant(G,y) Ab=Ry.univariate_polynomial().roots(multiplicities=false) In =[] for a in Ab: for b in Or:

if F(a,b)==0 and G(a,b) == 0: In = In + [(a,b)]

return In

2. On peut aussi utiliser les résultants pour trouver une équation d’une courbe paramétrée : Soient f, g ∈k[t] et

S :={(f(t), g(t)) :t∈k} ⊂A2(k).

Si

F := Rest(f(t)−X, g(t)−Y),

alors S ⊂V(F) avec égalité sik est algébriquement clos et S n’est pas réduit à un point.

3. On remarquera que, dans la démonstration de la proposition, tout repose sur la propriété suivante

∀F ∈k[X], F 6= 0⇔V(F) fini.

4. Cela peut sembler un peu snob d’écrire An(k)au lieu de kn. Il y a (au moins) deux raisons pour cela. La première est que nous ne nous intéressons qu’à l’ensemble sous-jacent à kn (sans structure algébrique ou topologique). La seconde est que la théorie dispose d’un analogue projectif en remplaçant l’espace affine An(k)par l’espace projectif Pn(k) (ensemble des droites vectorielles de kn+1).

Exemple On cherche l’intersection des deux coniques d’équationsX2+ 2Y2−3 = 0

etX2+XY +Y2−3 = 0 dans le plan réel. En d’autres termes, on veut résoudre dans R le système

X2+ 2Y2−3 = 0

X2+XY +Y2−3 = 0.

En retranchant une des équations de l’autre, on peut la remplacer parY(X−Y) = 0

et on obtient Y = 0 X2−3 = 0 ou X−Y = 0 3(X2−1) = 0.

On trouve donc les quatre points de coordonnées(√

3,0),(−3,0),(1,1),(−1,−1)

Figure 1.1 – Intersection de coniques

-2 -1 0 1 2

-1 1

Proposition 1.1.4 Si I ⊂ k[X1, . . . , Xn] est un idéal et k[X1, . . . , Xn]/I est (de dimension) finie, alors V(I)est fini.

Démonstration. Supposons que k[X1, . . . , Xn]/I est de dimension d < ∞. Pour chaque i = 1, . . . , n, les classes de 1, Xi, . . . , Xd

i sont nécessairement linéairement dépendantes moduloI. Cela signifie qu’il existe un polynôme Fi ∈k[Xi] non nul (de degré au plusd) tel que Fi ∈I. On a donc

V(I)⊂V(F1, . . . , Fn) =V(F1)× · · · ×V(Fn)

et chaque V(Fi) est fini puisqueFi 6= 0.

1.2 Ensembles algébriques affines

Définition 1.2.1 Une partie V ⊂An(k) estalgébrique s’il existe S ⊂k[X1, . . . , Xn]

tel que V = V(S). C’est une hypersurface de degré d > 0 s’il existe F ∈ k[X1, . . . , Xn]de degrédtel queV = V(F). Unecourbe plane est une hypersurface dans le plan. C’est une conique, unecubique, etc. sid = 2,3,etc.

On utilisera parfois l’épithète « affine » pour insister sur le fait qu’il s’agit de sous-ensembles de l’espace affine (on peut en effet définir des sous-esembles algébriques dans les espaces projectifs par exemple). LorsqueV =V(F), on dit que «F = 0» est uneéquation (algébrique) pour V. Lorsque V = V(S), on dit aussi que les «F = 0» avecF ∈S forment un système d’équations (algébriques) pour V.

Remarques 1. An(k) et∅ sont des ensembles algébriques : en effet, nous avons An(k) = V(∅)et ∅=V(1).

1.2 Ensembles algébriques affines 33

2. Toute union et toute intersection finie d’ensembles algébriques est un ensemble algébrique : c’est aussi une conséquence de la proposition 1.1.2

3. Toute partie finie de An(k) est algébrique : grâce à la remarque précédente, il suffit de montrer que tout point P est algébrique. Or si P =: (a1, . . . , an), on a

{P}=V(X1−a1, . . . , Xn−an).

4. Tout ensemble algébrique non vide est intersection d’hypersurfaces : en effet, on aura

V(S) = V(∪F∈S{F}) =∩F∈SV(F).

Notons que, puisque V(S)6=∅, aucun F ∈S ne peut être constant.

5. Dans A1(k), les sous-ensembles algébriques sont les ensembles finis (dont le vide) et la droite elle même : en effet, tout polynôme non nul en une variable sur un corps a un nombre fini de zéros.

6. Attention : lorsque k = R par exemple, on voit que ∅ = V(X2 +Y2 + 1) et {O}=V(X2+Y2)sont des courbes planes et même des coniques.

Proposition 1.2.2 Si V ⊂An(k)et W ⊂Am(k)sont des sous-ensembles algébriques, alors V ×W ⊂An+m(k)est aussi un sous-ensemble algébrique.

Démonstration. Tout polynôme F ∈k[X1, . . . , Xn] peut être vu comme un élément de k[X1, . . . , Xm+n]et on a alors F(P, Q) =F(P) lorsque P ∈Am(k) etQ∈Am(k). De manière analogue, si G∈k[X1, . . . , Xm], on peut considérer

Gn+ :=G(Xn+1, . . . , Xn+m)∈k[X1, . . . , Xm+n]

et on aura Gn+(P, Q) =G(Q). ÉcrivonsV =V(S) et W =V(T) et notonsTn+:=

{Gn+, G∈T}. On aura alors

(P, Q)∈V ×W ⇔P ∈V et Q∈W

⇔ ∀F ∈S, F(P) = 0 et ∀Q∈T, G(Q) = 0

⇔ ∀F ∈S, F(P, Q) = 0 et ∀Q∈T, Gn+(P, Q) = 0

⇔(P, Q)∈V(S∪Tn+)

Remarques 1. Un hyperplan de An(k) est une hypersurface de degré un : en effet, par définition, H est un hyperplan si et seulement si il existe P ∈H et une forme linéaire non nulle ϕ:An(k)→k telle que

H ={Q∈An(k), ϕ(−→ P Q) = 0}. Si on pose P = (a1, . . . , an), Q= (b1, . . . , bn) et ϕ(x1, . . . , xn) = α1x1+· · ·+αnxn, on aura Q∈H ⇔α1(b1−a1) +· · ·+αn(bn−an) = 0⇔F(Q) = 0

avec F = α1(X1−a1) +· · ·+αn(Xn−an). Comme tout polynôme de degré1

2. Une partie non vide E de An(k) est un sous-espace affine si et seulement si E = V(S) ou S est un ensemble de polynômes de degré un : puisqu’un sous-espace affine est une intersection non vide d’hyperplans, cela résulte de la première assertion.

Proposition 1.2.3 1. Si L est une droite affine dans An(k) et V est un sous-ensemble algébrique deAn(k)ne contenant pas L, alors L∩V est fini. 2. Si C est la courbe affine plane d’équation F = 0 avec F irréductible et V est

un sous-ensemble algébrique du plan ne contenant pas C, alors C∩V est fini.

Démonstration. 1. On peut supposer que V est une hypersurface d’équation F = 0 et écrire L comme image d’une l’application affine

Φ :A1(k)→An(k), t7→(α1t+β1, . . . , αnt+βn)

(forme paramétrique). Si on pose G=F(α1T +β1, . . . , αnT +βn)∈k[T], on aura

L∩V ={P ∈An(k),∃t ∈k, P = Φ(t)et F(P) = 0}= Φ(V(G))

et on sait que V(G)est soit fini, soit égal à A1(k)tout entier. Il suit que L∩V est soit fini, soit égal à L.

2. On peut supposer queV est une courbe affine plane d’équation G= 0 si bien que C∩V =V(F, G). Si C∩V est infini alors F et G ne sont pas premiers entre eux et, comme F est irréductible, cela signifie que F | G si bien que

C =V(F)⊂V(G) = V.

Remarque Si V et W sont des sous-ensembles algébriques deAn(k) et L⊂An(k)

une droite affine, alors

L⊂V ∪W ⇒(L⊂V ouL⊂W) :

en effet, puisqu’une droite sur un corpsinfini est infinie, les hypothèses impliquent queL∩V ouL∩W est infini.

1.3 Fonctions polynomiales

Définition 1.3.1 1. Si V est un ensemble algébrique affine, alors une fonction f :V → k est polynomiale s’il existe F ∈ k[X1, . . . , Xn] tel que pour tout P ∈V, on aitf(P) = F(P). On désigne leur ensemble par k[V].

2. Plus généralement, une application

ϕ:W →V, P 7→(f1(P), . . . , fn(P))

entre deux ensembles algébriques affines est polynomiale si ses composantes f1, . . . , fn sont des fonctions polynomiales. On désigne leur ensemble par Hom(W, V).

1.3 Fonctions polynomiales 35

Remarques 1. Si V est un ensemble algébrique affine, alors les fonctions coor-données

xi :V →k, P = (a1, . . . , an)7→ai

sont polynomiales : elles sont induites par les polynômes Xi.

2. Si W est un sous-ensemble algébrique d’un ensemble algébrique V, alors l’inclusionW ,→V est polynomiale : en effet, ses composantes sont les fonctions coordonnées. Cela s’applique en particulier à l’identité.

3. SiV etW sont deux ensembles algébriques affines, alors les projectionsV×W → V etV ×W →W sont des applications polynomiales : en effet ses composantes sont (encore) des fonctions coordonnées.

4. Une application W → V est polynomiale si et seulement si elle se prolonge en une application polynomiale Am(k)→An(k): en effet, une application est polynomiale si et seulement si ses composantes se prolongent en des fonctions polynomiales.

5. Si P est un point, alors k[P] = k : en effet, toute fonction est constante et toute constante est polynomiale.

6. Une fonction polynomiale ne ressemble pas toujours à un polynôme : voir par exemple la fonction (a, b) → b/a sur l’hyperbole d’équation XY = 1 ou la fonction (a, b)→a sur la super parabole réelle d’équation Y4 =X.

Proposition 1.3.2 La composée de deux applications polynomiales est une applica-tion polynomiale.

Démonstration. On se donne ψ : Z → W et ϕ : W → V polynomiales et on veut montrer que ϕ◦ψ est polynomiale. On sait queψ et ϕ se prolongent en des applications polynomiales Ψ :Ar(k)→Am(k) et Φ :Am(k)→An(k). Puisque, bien évidemment, Φ◦Ψ est un prolongement de ϕ◦ψ, il suffit de monter que Φ◦Ψ

est polynomiale. Puisque cette propriété, se vérifie sur les composantes, il suffit de s’assurer que si

Ψ :Ar(k)→Am(k), P 7→(G1(P), . . . , Gm(P))

est polynomiale etF ∈k[X1, . . . , Xm], alors F ◦Ψ est polynomiale. Pour conclure, il suffit de remarquer que si P ∈Ar(k), on a

F(Ψ(P)) = F(G1(P), . . . , Gm(P)) = F(G1, . . . , Gm)(P).

Remarques 1. L’image réciproque d’une hypersurface par une application po-lynomiale Φ :Am(k)→An(k) est soit vide, soit une hypersurface : en effet, si F ∈k[X1, . . . , Xn], alorsG:=F ◦Φest polynomiale et

Φ1(V(F)) ={P ∈Am(k), G(P) = 0}.

2. L’image réciproque d’un ensemble algébrique par une application polynomiale est algébrique : c’est une conséquence du résultat précédent puisque l’image réciproque commute aux intersections.

Définition 1.3.3 Une application polynomiale est un isomorphisme si elle est bijec-tive et l’application réciproque est aussi polynomiale. Deux ensembles algébriques sontisomorphess’il existe un isomorphisme entre eux. Une applicationϕ:W →V entre ensembles algébriques est une immersion fermée si c’est la composée d’un isomorphisme et de l’inclusion d’un sous-ensemble algébrique.

Remarques 1. Si ϕ : W ' V est un isomorphisme, V0 est un sous-ensemble algébrique deV etW01(V0), alorsϕinduit un isomorphismeϕ0 :W0 'V0 : c’est une application polynomiale bijective et sa réciproque est induite par la réciproque de ϕqui est aussi une application polynomiale.

2. Deux courbes isomorphes n’ont pas nécessairement le même degré : considérer la parabole d’équation Y = X2 et la droite d’équation Y = 0 (voir exercice 1.7).

3. Une application bijective polynomiale n’est pas nécessairement un isomorphisme comme le montre la projection de la courbe d’équation Y2 =X3 sur l’axe des Y (voir figure 2.2 et exercice 2.5 plus loin).

Proposition 1.3.4 Soient V et W deux ensembles algébriques et Γ⊂V ×W. Soit π = Γ→V l’application composée de l’inclusion Γ,→V ×W et de la première projectionV ×W V. Alors, les conditions suivantes sont équivalentes

1. Γest le graphe d’une application polynomiale,

2. Γest un sous-ensemble algébrique et π est un isomorphisme.

Démonstration. Par définition, Γ est le graphe d’une application ϕ:V → W si et seulement siπest bijective, et alorsϕest composée deπ1, de l’inclusionΓ,→V ×W et de la projectionV ×W →W : Γ  // π ' V ×W V ϕ //W (P, Q) // _ (P, Q_ ) P //ϕ(P) =Q.

En particulier, siπ est un isomorphisme d’ensembles algébriques, alors ϕest poly-nomiale comme composée d’applications polypoly-nomiales. Réciproquement, supposons que ϕ est polynomiale et que ses composantes sont induites par les polynômes F1, . . . , Fm ∈k[X1, . . . , Xn]. On a alors

Γ = (V ×W)∩Z avec Z =V(Xn+1−F1, . . . , Xn+m−Fm),

ce qui montre queΓ est algébrique. De plus π1 est induit par l’application poly-nomiale dont les composantes sont X1, . . . , Xn, F1, . . . , Fm, et π est donc bien un

isomorphisme.

Remarques 1. SoientE ⊂An(k) et F ⊂Am(k) des sous-espaces affines. Alors, une application ϕ:E →F est affine si et seulement si elle est induite par une application polynomiale dont les composantes sont des polynômes de degré un : puisque toute application affine se prolonge en une application affine

1.4 Topologie de Zariski 37

Φ :Am(k)→An(k), on peut supposer que E =An(k)et F =Am(k). De plus, l’application est affine si et seulement si il existe une une application linéaire − → Φ :Am(k)→An(k) telle que ∀P ∈Am(k), Φ(P) = Φ(O) +−→ Φ (−→ OP).

Cela signifie qu’il existe une matrice [aij] ∈ Mn×m(k) et un vecteur colonne

[bi]∈Mn×1(k) tels que Φ(x1, . . . , xm) = m X j=1 a1jxj+b1, . . . , m X j=1 anjxj +bn ! , c’est à dire Φ(x1, . . . , xm) = (F1(x1, . . . , xm), . . . , Fn(x1, . . . , xm))

avec Fi =ai1X1+· · ·+aimXm+bi pour touti= 1, . . . , n.

2. Toute application affine bijective entre sous-espaces affines est un isomorphisme : nous savons qu’une application affine est polynomiale, que la réciproque d’une application affine bijective est affine et qu’une application induite par une application polynomiale est polynomiale.

3. Tout sous-espace affine de An(k) de dimension d est isomorphe à Ad(k) : en effet, si deux espaces affines ont même dimension finie, il existe toujours une application affine bijective entre les deux.

1.4 Topologie de Zariski

Définition 1.4.1 La topologie de Zariski sur un ensemble algébrique V est la topologie pour laquelle les fermés sont les sous-ensembles algébriques de V. La fermeture algébrique d’une partie A ⊂ V dans V est l’adhérence de A dans V (pour la topologie de Zariski).

Remarques 1. Si W est un sous-ensemble algébrique de V, alors la topologie de Zariski sur W est la topologie induite par la topologie de Zariski deV : en effet, les sous-ensembles algébriques de W sont exactement les sous-ensembles algébriques de V qui sont contenus dans W.

2. Une application polynomiale est toujours continue : en effet, nous avons vu que l’image réciproque d’un sous-ensemble algébrique par une application polynomiale est un sous-ensemble algébrique.

3. Si C est une droite, ou bien une courbe plane (infinie) d’équation F = 0 avec F irréductible, alors toute partie infinie A ⊂C est dense : nous avons vu que les sous-ensembles algébriques propres sont finis.

4. SiV et W sont deux ensembles algébriques infinis, alors la topologie de Zariski sur V ×W est strictement plus fine que la topologie produit des topologies de Zariski sur V etW. En particulier, une applicationZ →V ×W dont les composantes sont continues n’est pas nécessairement continue ! Par exemple, les seuls fermés propres de A2(k)pour la topologie produit sont les unions finies de droites horizontales, de droites verticales et de points.

Proposition 1.4.2 Si V et W sont deux ensembles algébriques affines, alors les projections V ×W → V et V ×W → W sont ouvertes (pour les topologies de Zariski).

Démonstration. Par symétrie, il suffit de considérer la première projection p:V ×W →V.

On aV ⊂An(k)et W ⊂Am(k)si bien que V ×W ⊂An+m(k). SiQ:= (b1, . . . , bm)∈ Am(k) etF ∈k[X1, . . . , Xn+m], on pose

FQ :=F(X1, . . . , Xn, b1, . . . , bm)∈k[X1, . . . , Xn].

SoitU ⊂V ×W un sous-ensemble ouvert. SiZ désigne le complémentaire deU dans V ×W, on peut écrire Z = V(S) avec S ⊂ k[X1, . . . , Xn+m]. Nous allons montrer que le complémentaire de p(U) est un sous-ensemble algébrique de V. Soit P ∈V. On a

P /∈p(U)⇔ ∀Q∈W,(P, Q)∈/ U, ⇔ ∀Q∈W,(P, Q)∈Z,

⇔ ∀Q∈W,∀F ∈S, FQ(P) = F(P, Q) = 0.

On voit donc que le complémentaire dep(U)est l’ensemble algébriqueV ∩V(T)avec T ={FQ, F ∈S, Q∈W} ⊂k[X1, . . . , Xn]. Corollaire 1.4.3 Sin >0, alors tout ouvert non vide de An(k) est infini.

Démonstration. En utilisant la projection deAn(k)surAn−1(k), on se ramène au cas oun = 1et donc au fait qu’un polynôme non nul en une variable a un nombre fini

de zéros.

Lemme 1.4.4 (k algébriquement clos) Soit H ⊂ An(k) une hypersurface, p :

An(k)→An−1(k)la projection et L l’axe desXn. On se trouve alors dans l’un des deux cas suivants :

1. soit il existe une hypersurface H1An−1(k) telle queH =H1 ×L, 2. soit p(H) contient un ouvert non vide deAn−1(k).

Démonstration. On écrit H =V(F) avec

F :=FdXnd+· · ·+F1Xn+F0 ∈k[X1, . . . , Xn1][Xn]

et Fd 6= 0. On pose H1 := V(Fd). Si d = 0, alors F = F0 ∈ k[X1, . . . , Xn−1] et on voit que H =H1×L comme annoncé. Sinon, on désigne parU le complémentaire de H1 dans An−1(k). C’est un ouvert non vide : sinon, on aurait V(Fd) =An−1(k)et donc Fd = 0. Contradiction. Pour conclure, il suffit donc de montrer queU ⊂p(H) : or, siFd(a1, . . . , an1)6= 0, alors le polynômeG:=F(a1, . . . , an1, T)∈k[T] est de degré d >0 et possède donc une racine an dansk qui est algébriquement clos. Il suit que(a1, . . . , an)∈H et donc que (a1, . . . , an−1)∈p(H).

1.5 Ensembles algébriques irréductibles 39

Théoreme 1.4.5 (k algébriquement clos) Soit H une hypersurface de An(k). Alors, H 6=∅ si n≥1 etH est infinie si n≥2.

Démonstration. On procède par récurrence sur n. Dans le cas n = 1, l’assertion signifie quek est algébriquement clos. Pour n > 1, on a soit H =H1×L ou L est une droite, et donc infinie, etH1 non vide par récurrence, ou alors p(H)⊃U ouvert non vide,p désignant la projection surAn−1(k). Et on sait qu’un tel ouvert est infini. Il suit que p(H), et a fortiori H, est infini.

On termine avec la version géométrique duthéorème d’extension :

Proposition 1.4.6 (k algébriquement clos) Soitp:An(k)An−1(k)la projection sur lesn−1premiers facteurs. SoientF, G∈k[X1, . . . , Xn]de coefficients dominants respectifs Fd et Ge et de résultant R en Xn. Si Q /∈V(Fd, Ge), alors

Q∈V(R)⇔Q∈p(V(F, G)). Démonstration. On pose

FQ :=F(Q, X), GQ:=G(Q, X), fd=Fd(Q), ge =Ge(Q), r=R(Q). On a donc

Q∈V(R)⇔r= 0 et Q∈V(Fd, Ge)⇔fd =ge= 0.

Par symétrie, on peut supposer que fd 6= 0. On vérifie que si on pose eQ := degGQ, alors on ar =feeQ

d Res(FQ, GQ). On en déduit que r = 0 si et seulement si FQ et GQ sont ne sont pas premiers entre eux. Puisque k est algébriquement clos, cela signifie que FQ et GQ ont une racine commune a ∈k, ou en d’autres termes, qu’il existe P := (Q, a) tel que F(P) = G(P) = 0.

Remarque On dispose aussi du théorème d’élimination même lorsque k n’est pas algébriquement clos : on a toujours

∀P ∈V(F, G), π(P)∈V(R).

En effet, on sait que R∈V(F, G)∩k[X1, . . . , Xn].

1.5 Ensembles algébriques irréductibles

Définition 1.5.1 Un ensemble algébrique est irréductible s’il est irréductible pour la topologie de Zariski.

Exemple V(XY)⊂A2(k) n’est pas irréductible mais V(XY −1) l’est.

Remarques 1. Si ϕ:W →V est une application polynomiale dominante avec W irréductible, alorsV est aussi irréductible : en effet l’image d’un irréductible par une application continue est irréductible et l’adhérence d’un irréductible est irréductible. Cela s’applique en particulier lorsque ϕ est un isomorphisme.

2. SiΦ :An(k)→An(k)est un changement de coordonnées (ou plus généralement un isomorphisme) et V ⊂An(k)est un sous-ensemble algébrique irréductible, alors W := Φ1(V)est aussi un sous-ensemble algébrique irréductible : en effet, l’application induite est un isomorphisme W 'V.

3. Soit Γ le graphe d’une application polynomiale ϕ : V → W. Alors, Γ est irréductible si et seulement si V est irréductible : en effet, on sait que Γ est isomorphe, et donc homéomorphe, à V.

4. Les droites, ainsi que les courbes planes infinies d’équation F = 0 avec F irréductible, sont irréductibles : en effet, les fermés propres sont les ensembles finis.

Proposition 1.5.2 Si V et W sont deux ensembles algébriques affines irréductibles, alors V ×W est aussi irréductible.

Démonstration. Il s’agit de montrer que si, pour i = 1,2, Ui 6=∅ est un ouvert de V ×W, alorsU1∩U2 =6 ∅. Si p:V ×W →V désigne la première projection, on a nécessairementp(Ui)6=∅. D’autre part, il résulte de la proposition 1.4.2 que p(Ui)

est ouvert. Puisque V est irréductible, on a p(U1) ∩p(U2) 6= ∅ et il existe donc P ∈p(U1)∩p(U2). Quitte à remplacer Ui par Ui∩({P} ×W), on peut supposer que V ={P}. Par symétrie, on peut aussi supposer que W = {Q} et la question devient

alors triviale.

Corollaire 1.5.3 Un sous-espace affine E ⊂ An(k) est toujours irréductible (en particulier,An(k) lui même est irréductible).

Démonstration. On sait que E est isomorphe à un produit fini de copies de A1(k). Grâce à la proposition 1.5.2, on peut donc supposer queE est une droite.

1.6 Exercices 41

1.6 Exercices

Exercice 1.1 1. Tracer la courbe réelle plane d’équation Y2 =X3 en considé-rant son intersection avec des droites vectorielles de pente t∈R (d’équation Y −tX = 0).

2. Même question avec Y2 =X3+X2. 3. Même question avec Y2+X3+X2 = 0. 4. Même question avec Y2 =X2−X4. 5. Même question avec Y2 =X4−X6.

6. Même question avec (X2+Y2)3 = 4X2Y2.

Solution Traitons par exemple le cas 4). On a

V(Y2−X2+X4)∩V(Y −tX) = V(Y2−X2+X4, Y −tX) =V((tX)2−X2+X4, Y −tX) =V((X2−1 +t2)X2, Y −tX) =V(X2−1 +t2, Y −tX)∪V(X2, Y −tX) = O,( √ 1−t2, t√ 1−t2),(−1−t2,−t1−t2) si |t| ≤1 {O} sinon.

On vérifie aussi que V(Y2−X2+X4)∩V(X) ={O}. On voit donc que la courbe d’équation Y2 = X2 − X4 s’obtient par symétrie centrale à partir de la courbe paramétrée d’équation x=√ 1−t2 y =t√ 1−t2

qui est définie pour|t| ≤1. Puisquexest paire etyimpaire, on peut limiter l’intervalle d’étude à [0,1] et faire ensuite une réflexion verticale. On calcule les dérivées

(

x0 =−t 1−t2

y0 =−2t2−1 1−t2

et on en déduit que la pente de la courbe est

m =y0/x0 = 2t

2−1

t .

On a donc le tableau de variation suivant :

t 0 √

2 1

P (1,0) (√

2/2,1/2) (0,0)

m −∞ 0 1

On trace cette portion de courbe et on effectue les symétries pour obtenir le noeud papillon (figure 1.2).

Figure1.2 – Noeud papillon

-1 0 1

Exercice 1.2 (Car(k)6= 2) Déterminer les intersections de la courbe plane d’équa-tion

X2Y2+X2+Y2 = 2XY(X+Y + 1)

avec les droites verticales (d’équation X =a) ainsi qu’avec les diagonales (d’équa-tions Y =±X).

Solution Chercher l’intersection avec la droite d’équation X =a revient à résoudre a2Y2+a2+Y2 = 2aY(a+Y + 1)

ou encore

(a−1)2Y2−2a(a+ 1)Y +a2 = 0.

On trouve l’unique point (1,1/4) lorsque a = 1. Sinon, on calcule le discriminant

∆ = 16a3. On trouve donc de nouveau un unique point, l’origine, lorsque a = 0, aucun point si a n’est pas un carré et les deux points (a, a/(1±a)2) si a est un carré (et a 6= 0,1). Pour trouver l’intersection avec la diagonale Y = X, on doit résoudre X4 = 4X3 et on trouve l’origine ainsi que le point de coordonnées (4,4). Enfin, pour l’intersection avec la diagonale Y =X, on doit résoudre X4 = −4X2, ce qui donne de nouveau l’origine, ainsi que les deux points coordonnées (±2i,∓2i) si −1est un carré.

1.6 Exercices 43

Exercice 1.3 1. La courbe paramétrée C donnée par

   x(t) =t y(t) =t2 z(t) = t3 , t∈k

est elle algébrique ? 2. Même question avec

   x(t) =t y(t) =t2 z(t) = 1/t , t ∈k×.

3. Même question avec

x(t) =t2

y(t) = t3 , t ∈k. 4. Même question avec

x(t) =t2

y(t) = t4 , t ∈R. 5. Même question avec

   x(t) = t3 y(t) =t4 z(t) =t5 , t∈R.

6. Même question avec

     x1(t) =td1 .. . xn(t) =tdn , t ∈k

quand d1, . . . dn sont premiers entre eux non nuls. 7. Même question avec

x(t) =t

y(t) = sin(t) , tR.

Solution Dans la question 1), on a

(a, b, c)∈C ⇔ ∃t∈k,    a=t b=t2 c=t3 ⇔ b=a2 c=a3 si bien que C =V(Y −X2, Z−X3).

Pour la question 2), la même méthode fournit C =V(Y −X2, XZ−1).

On rencontre dans la question 4) une courbe qui n’est pas algébrique. En effet, supposons queF s’annule sur C et considérons le polynôme G= F(T, T2)∈k[T]. On aG(t2) = 0pour toutt∈Ret donc nécessairement G= 0si bien queF(−1,1) =

G(−1) = 0 et (−1,1)∈/C.

On considère maintenant la question 5). On trouve aisément une inclusion C ⊂V(X3−Y Z, Y2−XZ, Z2−X2Y).

Réciproquement, supposons que le point P := (a, b, c) satisfassea3 =bc, b2 =ac et c2 = a2b. Si a = 0, alors b =c = 0 et P = O ∈ C. Sinon, on pose t = b/a si bien queta=b. On calcule alors t3a2 =tb2 =tac=bc=a3 et puisque a6= 0, on trouve a=t3 et on en déduit que b =ta=t4. Enfin, en utilisant par exemple la seconde équation, on en déduit quet2a2 =b2 =acsi bien que c=t2a =t5.

On traite la question 6) en procédant de la même manière mais en étant plus méthodique. On voit tout d’abord aisément que

C ⊂V n Xdj i −Xdi j on i,j=1 .

Réciproquement, on dispose par hypothèse d’une identité de Bézoutu1d1+· · ·+undn= 1 avec u1, . . . , unZ. Si P := (a1, . . . , an) satisfait les équations adj

i = adi

j pour i, j = 1, . . . , n, il suffit alors de poser

t :=au1

1 · · ·aun

n

lorsque a1, . . . , an6= 0 et t= 0 lorsque P =O (les autres cas ne se présentent pas). Dans le premier cas, on aura bien pour touti= 1, . . . , n,

tdi =au1di 1 · · ·aundi n =au1d1 i · · ·aundn i =au1d1+···+undn i =ai.

La courbe de la question 7) n’est pas algébrique non plus car son intersection avec l’axe desX est infinie (et n’est pas égale à l’axe tout entier non plus) et ne peut donc être algébrique.

Exercice 1.4 1. Montrer que la courbe C :={(t, t2, t3), t∈k} ⊂A3(k)

n’est contenue dans aucun plan deA3(k).

2. Déterminer toutes les droites contenues dans la surface S d’équation X3 =

Y Z.

3. Montrer qu’il existe une unique droite contenue dans le sous-ensemble algébriqueV de A3(k) défini par les équations

X3 =Y Z Y2 =XZ.

1.6 Exercices 45

1. Montrer que l’intersection C :=S1∩S2 est contenue dans la réunion de deux plans.

Solution Supposons que la courbe C de la question 1) soit contenue dans le plan d’équationαX+βY +γZ+δ = 0. On a alors pour toutt∈k,αt3+βt2+γt+δ = 0

et, puisque k est infini, α=β=γ =δ= 0. De même, si la droiteD donnée par

   x(t) =a+αt y(t) =b+βt z(t) =c+γt

est contenue dans la surface S de la question 2), alors, pour tout t∈k, on a

(a+αt)3 = (b+βt)(c+γt).

Puisque k est infini, on a voit que α = 0, puis que βγ = 0. Si β = 0, on a obligatoirementγ 6= 0 (puisque D est une droite) et doncb = 0 et on trouve l’axe desZ. Si c’estγ qui est nul, on trouve l’axe des Y. Ces deux axes sont bien contenus

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