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On fixe un corps algébriquement clos k.

3.1 Le théorème des zéros de Hilbert

Proposition 3.1.1 SiV est un ensemble algébrique affine, alors les idéaux maximaux dek[V] sont exactement les idéaux de la forme IV(P) oùP est un point de V. Démonstration. On a déjà vu dans le corollaire 2.3.5 que les idéaux de la forme IV(P)

sont les idéauxm tels que k[V]/m'k. Réciproquement, si m est un idéal maximal, alorsk[V]/mest une k-algébre de type fini qui est un corps. La version algébrique du théorème des zéros de Hilbert nous dit que c’est nécessairement une extension finie dek. Puisqu’on a supposé k algébriquement clos, on a en fait k[V]/m'k.

Remarque En d’autres termes, si on désigne par Smp(A) l’ensemble des idéaux maximaux d’un anneau, on a une bijection

V 'Spm(k[V]), P 7→IV(P).

On pourra remarquer que si K est un compact et C(K) désigne l’ensemble des fonctions réelles (ou complexes) continues sur K, alors on a aussi une bijection K 'Spm(C(K)).

Corollaire 3.1.2 SiI ⊂k[V] est un idéal, alorsI =k[V] ⇔V(I) =∅.

Démonstration. Seule la réciproque nécessite une démonstration et on sait que si I 6= k[V], alors I est contenu dans un idéal maximal, nécessairement de la forme IV(P), et on a donc {P}=V(IV(P))⊂V(I).

Corollaire 3.1.3 SiV est un ensemble algébrique affine irréductible, alors Γ(V) =

k[V].

Démonstration. En effet, si f ∈Γ(V), alors V(If) =∅ et on a donc nécessairement

If =k[V].

Remarque Plus généralement, si g ∈k[V], alors

Γ(D(g)) =k[V]g := f gr, f ∈k[V], r∈N :

en effet, la première projection V ×A1(k) → V induit une immersion ouverte W =V(gXn+1−1)→V dont l’image est exactement D(g)et on a un isomorphisme

k[W] =k[V][Xn+1]/(gXn+1−1)'k[V]g, Xn+1 7→ 1 g.

Théoreme 3.1.4 (des zéros de Hilbert) SiV est un ensemble algébrique affine et I ⊂k[V] un idéal, alors IV(V(I)) =√

I.

Démonstration. Seule l’inclusion directe nécessite une démonstration. D’autre part, le cas général se ramène immédiatement au casV = An(k) et on peut donc supposer V irréductible. On se donne alorsg ∈IV(V(I))et on considère l’immersion ouverte habituelle

j :W =V(gXn+1−1)→V

dont l’image est D(g). On a V(I) =V(IV(V(I)))⊂V(g)si bien que V(I)∩D(g) =∅. On en déduit queV(Ik[W]) =j1(V(I)) =∅si bien que Ik[W] =k[W] ou encore Ik[V]g =k[V]g. Cela signifie qu’il existe f ∈I et n∈ Ntels que f /gn = 1, c’est à

dire qu’il existe n∈Ntel que gn=f ∈I.

Corollaire 3.1.5 Les applicationsS7→V(S)et A7→IV(A) induisent des bijections réciproques entre les idéaux radicaux (resp. les idéaux premiers, resp. les idéaux maximaux) de k[V] et les sous-ensembles algébriques (resp. les sous-ensembles algébriques irréductibles, resp. les points) de V.

Démonstration. Si W est un sous-ensemble algébrique de V, alors I :=IV(W) est un idéal radiciel et W = V(I). Réciproquement, si I est un idéal radiciel, alors W := V(I) un sous-ensemble algébrique de V, et grâce au théorème des zéros, I = IV(W). Enfin, on sait que W est irréductible (resp. réduit à un point) si et

seulement si I est premier (resp. maximal).

Corollaire 3.1.6 Si V ⊂ An(k) est l’hypersurface d’équation F = 0, alors les composantes irréductibles de V sont les hypersurfaces définies par les facteurs irréductibles de F.

3.2 Passage du local au global 85

Démonstration. SiF :=Fr1

1 . . . Frm

m est la décomposition deF en produit de facteurs irréductibles, alors on a

V(F) = V(F1)∪ · · · ∪V(Fm).

De plus, les idéaux principaux(Fi)sont premiers puisque les Fi sont irréductibles. Et ils ne peuvent pas non plus être contenus les uns dans les autres et puisque lesFi sont premiers entre eux deux à deux. On en déduit que les V(Fi) sont irréductibles et ne peuvent pas être contenus les uns dans les autres.

3.2 Passage du local au global

Théoreme 3.2.1 Soit I un idéal de k[X1, . . . , Xn] etV :=V(I). Alors, V est fini si et seulement sik[X1, . . . , Xn]/I est (de dimension) finie, et on a alors

k[X1, . . . , Xn]/I ' Y P∈V

OAn(k),P/IOAn(k),P.

Démonstration. On a déjà vu dans la proposition 1.1.4 que V est nécessairement fini lorsque k[X1, . . . , Xn]/I est (de dimension) finie. On peut donc supposer dorénavant queV ={P1, . . . , Pr} avecP1, . . . , Pr distincts. Grâce au théorème des zéros, on a

r Y i=1 I(Pi) = r \ i=1 I(Pi) = I({P1, . . . , Pr}) =I(V(I)) =√ I

(la première égalité est satisfaite car les idéaux I(Pi)sont maximaux distincts et donc étrangers deux à deux). Puisque k[X1, . . . , Xn] est noethérien, il existe donc N >0

tel que r

Y

i=1

I(Pi)N ⊂I.

Remarquons au passage queI(Pi)N ⊂IOAn(k),Pi puisque I(Pj)OAn(k),Pi =OAn(k),Pi

lorsque j 6= i (par définition, on peut trouver F ∈ I(Pj) tel que F(P)i 6= 0). Le théorème du reste « chinois » moduloI nous fournit alors un isomorphisme

k[X1, . . . , Xn]/I ' r

Y

i=1

k[X1, . . . , Xn]/(I+I(Pi)N).

Puisque, pour touti= 1, . . . , r, on a

V I+I(Pi)N=V(I)∩V I(Pi)N)={Pi},

on peut remplacerI par l’un des I+I(Pi)N et supposer a partir de maintenant que V(I) ={P}1 ou, de manière équivalente, que √

I =I(P).

1. Mais ce n’est vraiment pas nécessaire et il suffirait alors de remplacerXk−ak parQri=1(Xk−

On écrit P =: (a1, . . . , an). On a alors pour tout k= 1, . . . , n, Xk−ak ∈I(P) = √

I,

ce qui signifie qu’il existe Nk tel que (Xk−ak)Nk ∈I. On peut donc exprimer pour toutk = 1, . . . , n, XNk

k comme combinaison linéaire de monômes de plus bas degrés moduloI et il suit que k[X1, . . . , Xn]/I est de dimension finie.

Pour conclure, il suffit de montrer que l’application canonique k[X1, . . . , Xn]/I → OAn(k),P/IOAn(k),P

est un isomorphisme. Puisque celle-ci est injective par construction, il suffit de montrer que l’application canonique

k[X1, . . . , Xn]→ OAn(k),P/IOAn(k),P

est surjective. Donnons nous une fraction rationnelleG/H avecH(P)6= 0. Si on pose c:=H(P), on a c−H ∈I(P) =√

I et il existe donc N >0 tel que (c−H)N ∈I. En développant, on peut écrire

(c−H)N =cN −HK

avec K ∈ k[X1, . . . , Xn]. On a alors HK ≡ cN mod I si bien que G/H ≡ 1 cNGK

modIOAn(k),P. Puisque c1NGK ∈k[X1, . . . , Xn], cela montre la surjectivité de notre application et termine ainsi la démonstration.

Exemple (Car(k)6= 2) Considérons l’idéal (voir figure 3.1) I := (Y2−X3+X, X2+Y2 −1)⊂k[X, Y].

On a

I = (1−X2−X3+X, Y2 −1 +X2) = ((X−1)(X+ 1)2, Y2 −1 +X2).

On en déduit que V(I)est réduit aux deux points P := (1,0) etQ:= (−1,0). On a IOA2(k),P = (X−1, Y2−1 +X2)

= (X−1, Y2),

En utilisant la version à un point du théorème (voir aussi remarque 1) ci dessous), on en déduit que

OA2(k),P/IOA2(k),P 'k[X, Y]/(X−1, Y2)'k[Y]/Y2. D’un autre coté, on a

IOA2(k),Q = ((X+ 1)2, Y2−1 +X2) = ((X+ 1)2, Y2−1−2X−1) = Y4, X + 1− Y 2 2

3.2 Passage du local au global 87

Figure 3.1 – Courbe elliptique et cercle

si bien que

OA2(k),Q/IOA2(k),Q =k[X, Y]/(Y4, X + 1−Y2/2)'k[Y]/Y4. Finalement, on voit que

k[X, Y]/(Y2−X3+X, X2+Y2−1)'k[Y]/Y2⊕k[Y]/Y4 (X 7→(1,−1+Y2/2)).

Remarques 1. Lorsque V(I) ={P}(ou V(I) =∅d’ailleurs), le théorème s’écrit k[X1, . . . , Xn]/I ' OAn(k),P/IOAn(k),P.

Rappelons que notre hypothèse signifie que I(P)⊂I, ou encore qu’il existe N ∈Ntel que I(P)N ⊂I. En pratique, lorsqueP = (a1, . . . , an), il faut montrer que pour tout i = 1, . . . , n, on peut trouver NiN tel que (Xi−ai)Ni = 0 mod I.

2. Si N ∈N, on a pour tout P ∈An(k)

k[X1, . . . , Xn]/(I +I(P)N)' OAn(k),P/(I+I(P)N)OAn(k),P :

en effet, on a V(I+I(P)N) ={P} (ou ∅).

3. Si V est un ensemble algébrique irréductible et P ∈V, alors ∀N ∈N, k[V]/IV(P)N ' OV,P/mNV,P :

en effet, on a (vérifier)

k[X1, . . . , Xn]/(I +I(P)N)'k[V]/IV(P)N

et

Nous aurons besoin plus tard du lemme suivant :

Lemme 3.2.2 SoitI ⊂k[X1, . . . , Xn] un idéal et P ∈An(k) un point quelconque. Si V(I) est fini, alors il existeN ∈N tel que

I(P)N ⊂IOAn(k),P. On aura donc

k[X1, . . . , Xn]/(I+I(P)N)' OAn(k),P/IOAn(k),P.

Démonstration. Comme I(P) est un idéal de type fini, il suffit de montrer que, si G∈I(P), alors il existeN ∈Ntel queGN ⊂IOAn(k),P. CommeV\{P}est fini, il est algébrique et il existe doncH∈I(V \ {P})tel que H(P)6= 0. On aGH ∈I(V) =√

I et il existe doncN tel que

GNHN = (GH)N ∈I ⊂IOAn(k),P.

CommeH(P)6= 0,H est inversible dansOAn(k),P et on a doncGN ∈IOAn(k),P.

Remarques 1. Un ensemble algébrique V est fini si et seulement si la k-algèbre k[V] est finie : en effet, il suffit de prendre I =I(V).

2. Si V est un ensemble algébrique irréductible et P ∈V, alors OV,P est toujours de dimension infinie à moins que V ={P} : en effet, si V est fini, comme il est irréductible, il est réduit à un point. Sinon, on a k[V]⊂ OV,P.

Théoreme 3.2.3 Si C est une courbe irréductible plane et P ∈ C, il existe un unique m∈Ntel que

∀n ≥m, dimmnC,P/mnC,P+1 =m.

Lorsque I(C) = (F)et P =O, on a m=val(F).

Démonstration. On peut supposer dès le départ queP =O. Il s’agit alors de montrer que si I(C) = (F),m :=val(F)et n≥m, on a

dimmnC,O/mnC,O+1 =m.

Comme conséquence du théorème 3.2.1, on a un isomorphisme k[X, Y]/((F) + (X, Y)n)' OC,O/mnC,O

et on va calculer la dimension de ces deux espaces. Pour cela, on considère l’application composée

u:k[X, Y]→F k[X, Y]k[X, Y]/(X, Y)n. On a

3.3 Courbes planes généralisées 89

si bien quekeru= (X, Y)nm. On en déduit une suite exacte courte

0 //k[X, Y]/(X, Y)n−m u //k[X, Y]/(X, Y)n

/

/k[X, Y]/((F) + (X, Y)n) //0.

On applique alors le théorème du rang qui nous donne

dimOC,O/mnC,O = dimk[X, Y]/((F) + (X, Y)n) = n(n+ 1)

2 −(nm)(nm+ 1)

2 =mn− m(m1)

2 .

On applique ensuite le théorème du rang à la suite exacte courte

0→mnC,O/mnC,O+1 → OC,O/mnC,O+1 → OC,O/mnC,O →0, ce qui donne

dimmnC,O/mnC,O+1 =m(n+ 1)−m(m1)

2 −mn+m(m−1)

2 =m.

Définition 3.2.4 Avec les notations du théorème, l’entier mP(C) := m est la multiplicité deP dans C. LorsqueP /∈C, on pose mP(C) := 0.

3.3 Courbes planes généralisées

Définition 3.3.1 Une courbe plane généralisée est une combinaison linéaire finie non nulleC = P

eiCi à coefficients dans Nde courbesirréductibles planes. On dit que ei est lamultiplicité de Ci dansC. Si ei 6= 0, on dit queCi est unecomposante irréductible de C. Si ei = 1, on dit que Ci est une composante simple et si ei >1, que Ci est multiple.

Si Φ est un changement de coordonnées dans le plan, on écrira Φ1(C) =

P

eiΦ1(Ci).

Remarques 1. Si l’on désigne par C l’ensemble de toutes les courbes planes irréductibles, on peut considérer le groupe abélien libre G engendré par C. C’est l’ensemble des combinaisons linéaires finies C =P

eiCi à coefficients dansZ, que l’on appelle des diviseurs du plan.

2. On voit donc qu’une courbe plane généralisée est un diviseur non nul à coeffi-cients positifs. Dans ce cas, on dit aussi que le diviseur est effectif.

3. Les courbes planes généralisées forment un semi-groupe abélien, c’est à dire qu’on peut les additionner et que l’addition est associative et commutative. 4. On a toujours Φ1(C+D) = Φ1(C) + Φ1(D) (autrement dit, Φ1 est un

Définition 3.3.2 Ledegré d’une courbe plane généraliséeC =P

eiCiestdeg(C) :=

P

eideg(Fi) si I(Ci) = (Fi).

Remarques 1. Si C etD sont deux courbes planes généralisées, alors deg(C+

D) = deg(C) + deg(D) (c’est un morphisme de semi-groupes) : clair.

2. SiΦ est un changement de coordonnées, alorsdeg(Φ1(C)) = deg(C): en effet, par additivité, on peut supposer que C est irréductible. On sait alors que, si I(C) = (F), alors V(Φ1(C)) = V(Φ(F)) etdeg(Φ(F)) = deg(F).

Définition 3.3.3 Si F :=Q

Fei

i est la décomposition d’un polynôme non constant en produit de facteurs irréductibles, alors le diviseur de F est

[F] :=XeiV(Fi).

Remarques 1. On dispose d’une bijection entre les courbes planes généralisées et les idéaux principaux propres non nuls de k[X, Y] en faisant correspondre le diviseur [F] et l’idéal (F). C’est en fait un isomorphisme de semi-groupes, qui sont d’ailleurs tous deux isomorphes au quotient (k[X, Y]\k)/k× (ou encore au semi-groupe des polynômes unitaires non-constants).

2. On a une bijection entre les courbes planes généralisées à composantes simples et les courbes planes usuelles faisant correspondre[F]etV(F)lorsqueF n’a pas de facteur carré, ou en terme de courbes irréductibles, en faisant correspondre

P

Ci et∪Ci.

3. Lorsque C est le diviseur d’un polynôme non constant F, on peut (mais on l’évitera) faire l’abus d’écriture I(C) = (F) et k[C] = k[X, Y]/(F), et même dire que C est la courbe généralisée d’équation F = 0. Par exemple, si ∆

désigne l’axe des X et C = 2∆, on auraitI(C) = (Y2) et k[C] =k[X, Y]/Y2 (qui n’est pas un anneau de fonctions !).

4. On a toujours [F G] = [F] + [G] (morphisme de semi-groupes) : clair.

5. Si Φ est un changement de coordonnées, alors Φ1([F]) = [Φ(F)] : en effet, par additivité, il suffit de rappeler que Φ1(V(F)) =V(Φ(F)).

6. Si F est un polynôme non constant, on adeg([F]) = deg(F): clair. Définition 3.3.4 Si C :=P

eiCi est une courbe plane généralisée, la multiplicité deP dans C est

mP(C) :=XeimP(Ci).

Remarques 1. On a toujours

mP(C+D) =mP(C) +mP(D) : clair

2. Si Φest un changement de coordonnées et P un point du plan, alors mP1(C)) =mΦ(P)(C) :

on peut supposer que C est une courbe irréductible et on a alors un isomor-phisme d’anneaux OC,Φ(P) ' OΦ−1(C),P.

3.3 Courbes planes généralisées 91

3. On a toujours mO([F]) =val(F): les deux opérations sont additives et coïn-cident sur les irréductibles.

Définition 3.3.5 SoitC une courbe plane généralisée et P un point du plan. On dit que P est unpoint deC si mP(C)>0, que P est singulier si mP(C)>1et que P estnon singulier si mP(C) = 1. On dit queC est une courbenon singulière (ou lisse) si tous les points de C sont non singuliers.

Remarques 1. Si C est le diviseur de F, on a P ∈C ⇔F(P) = 0 : en effet, si F :=Q

Fei

i est une décomposition de F en produit d’irréductibles, dire que P ∈C signifie qu’il existei tel que Fi(P) = 0, c’est à dire, que F(P) = 0. 2. Si Φ est un changement de coordonnées, alors P est un point (resp. un point

singulier, resp. un point non singulier) de Φ1(C) si et seulement si Φ(P) est un point (resp. un point singulier, resp. un point non singulier) de C : clair. 3. O est un point (resp. un point singulier, resp. un point non singulier) du diviseur

de F si et seulement si val(F)6= 0 (resp. val(F)>1, resp. val(F) = 1) : clair. 4. Une courbe (généralisée) non singulière n’a que des composantes simples et

celles-ci ne se rencontrent pas : en effet, si Pr

i=1mP(Ci) = 1, alors nécessaire-ment mP(Ci) = 0 pour tous les i sauf un. Autrement dit, si P ∈ C, alors il existe un unique i tel que P ∈Ci.

Exemple 1. La courbe réelle plane d’équationY2 =X3−X (voir figure 2.1) est non singulière.

2. La courbe d’équationY2 =X3−X2 (voir figure 3.2) possède un unique point singulier (à l’origine).

Figure 3.2 – Nœud

3. La courbe d’équation Y2 =X3 (voir figure 2.2) possède aussi un unique point singulier (à l’origine encore).

4. La courbe d’équation(Y2−X3+X)(X2+Y2−1) = 0 (voir figure 3.1) possède deux points singuliers (qui sont les points d’intersection de la courbe elliptique et du cercle).

5. Sur la courbe généralisée d’équation Y2 = 0, tous les points sont singuliers. 6. Une conique irréductible est non singulière.

Définition 3.3.6 Si Φ = (F1, . . . , Fn) :Am(k)→An(k)est une application polyno-miale, alors la matrice jacobienne deΦ est

Φ0 := dFi dXj ∈Mn×m(k[X1, . . . , Xm]).

Remarques 1. Si Φ est une application affine, alors Φ0 est la matrice de −→

Φ

(et elle est donc à coefficients dans k). En particulier, Φ0 = I si Φ est une translation : en effet, si

Φ = Xc1jXj +d1, . . . ,XcmjXj+dj

, alors Φ0 = [cij].

2. Si Ψ :An(k)→Ar(k) est une autre application polynomiale, on a

(Ψ◦Φ)0 = Φ00

avec Φ0) := [Φ(dGi/dXj)] si Ψ = [G1, . . . , Gn] : en effet, on a pour tout i= 1, . . . , r et j = 1, . . . , m, dGi(F1, . . . , Fn) dXj = X k dGi dXk(F1, . . . , Fn) dFk dXj. 3. Si F ∈ k[X1, . . . , Xn], alors Φ(F)0 = Φ(F00 avec Φ(F0) = [Φ(dF/dXj] : en effet, on a Φ(F)0 = (F ◦Φ)0 = Φ(F00.

Proposition 3.3.7 Un point P du diviseur deF ∈k[X, Y] est singulier si et seule-ment si F0(P) = 0.

Cela signifie donc que dF

dX(P) = dF

dY (P) =F(P) = 0.

Démonstration. On sait que si Φest un changement de coordonnées, on a

Φ(F)0 = Φ(F0)[−→

Φ ]

et que [−→

Φ ] est une matrice scalaire inversible. Il suit que la condition est invariante par changement de coordonnées. On peut donc supposer queP =O et on dispose de la formule de Taylor (à l’ordre un) qui s’écrit, puisqueF(O) = 0,

F ≡ dF

dX(O)×X+ dF

3.3 Courbes planes généralisées 93

On sait que le diviseur deF est singulier si et seulement si val(F)>1, ce qui signifie exactement que

dF

dX(O) = dF

dY(O) = 0.

Exemple On cherche les points singuliers du trèfle à trois feuilles (voir figure 2.3) d’équation

(X2+Y2)2−3X2Y +Y3 = 0. Il s’agit donc de résoudre le système

   (X2+Y2)2 −3X2Y +Y3 = 0 4X(X2 +Y2)−6XY = 0 4Y(X2+Y2)−3X2+ 3Y2 = 0 .

1. (Car(k)6= 2,3) On va montrer qu’il existe un unique point singulier et que c’est l’origine. Il est clair que l’origine est bien un point singulier et que sa multiplicité est trois. On vérifie ensuite qu’il n’y a pas d’autres points singuliers situés sur les axes des coordonnées. En effet, la condition Y = 0 conduit immédiatement à X = 0. De même la condition X= 0 fournit le système

Y4+Y3 = 0 4Y3+ 3Y2 = 0

qui implique que Y = 0 (sinon, on trouve les conditions Y =−1et 4Y =−3

qui sont incompatibles). On peut donc supposer dorénavant que ni X niY ne s’annulent. De la seconde équation, on tire alors 2(X2+Y2) = 3Y, puis on remplace dans la troisième pour trouver X2 = 3Y2, que l’on remplace alors dans les deux premières pour obtenir le système

16Y4−8Y3 = 0 16Y3−6Y = 0 .

On voit de nouveau que ces conditions impliquent que Y = 0 (car sinon, on aurait 16Y −8 = 0 et16Y −6 = 0 qui sont bien incompatibles).

2. (Car(k) = 3) On obtient la même conclusion mais les calculs sont plus simples car le système se réécrit alors :

   (X2+Y2)2+Y3 = 0 X(X2+Y2) = 0 Y(X2+Y2) = 0 . 3. (Car(k) = 2) On a alors (X2+Y2)2−3X2Y +Y3 = (X+Y)2(X2+Y2+ 1).

Notre courbe (généralisée) est donc l’union de la diagonale, qui a multiplicité deux, avec un cercle, dont on vérifie qu’il est non singulier et ne rencontre la droite qu’à l’origine. Les points singuliers sont donc exactement les points de la diagonale, et ils ont tous multiplicité deux sauf l’origine où la multiplicité vaut trois comme d’habitude. On remarquera en particulier qu’il y a une infinité de points singuliers (sur la courbe généralisée).

Remarque On peut modifier un peu l’algorithme qui cherche les points d’intersection de deux courbes afin de trouver les points singuliers d’une courbe. On calcule les résultants de dF/dX et dF/dY par rapport à Y , puis par rapport à X, ce qui nous donne des candidats pour les abscisses ainsi que pour les ordonnées des points singuliers et il suffit de tester si ces points annulent bienF, dF/dX et dF/dY.

Voici l’implementation en Sage :

def singular_points(F): G = diff(F,x) H = diff(F,y) Rx=G.resultant(H,x) Or=Rx.univariate_polynomial().roots(multiplicities=false) Ry=G.resultant(H,y) Ab=Ry.univariate_polynomial().roots(multiplicities=false) In =[] for a in Ab: for b in Or:

if F(a,b)==0 and G(a,b) == 0 and H(a,b) == 0: In = In + [(a,b)]

return In

Lemme 3.3.8 SiF ∈k[X, Y] n’est pas constant, alors dF

dX = dF

dY = 0⇔Car(k) =p > 0 et∃G∈k[X, Y], F =Gp.

Démonstration. La condition est clairement suffisante. Montrons qu’elle est nécessaire. Si on écritF =P

i,jai,jXiYj, on aura dF

dX =

X

i,j

iai,jXi1Yj,

et on voit donc que dF dX = 0⇔ ∀i, j ∈N, iai,j = 0. Et on en déduit que dF dX = dF

dY = 0⇔ ∀i, j ∈N, iai,j = 0 etjai,j = 0.

PuisqueF n’est pas constant, on aura nécessairement Car(k) =p > 0, et la condition s’exprime alors en disant que aij = 0 à moins que p | i, j. Puisque le corps k est algébriquement clos, il existe pour tout k, l ∈N, bk,l ∈k tel que bpk,l = apk,pl et on poseG:=P k,lbk,lXkYl. On a alors Gp = X k,l bk,lXkYl !p =X k,l bpk,lXpkYpl =X k,l apk,plXpkYpl =F.

3.3 Courbes planes généralisées 95

Remarque En particulier, si F ∈k[X, Y]est irréductible, alors dF

dX 6= 0 ou dF

dY 6= 0 :clair.

Proposition 3.3.9 Si uneC est une courbe plane usuelle (sans composante multiple), alors ses points singuliers sont en nombre fini.

Démonstration. Puisque deux courbes irréductibles distinctes se rencontrent en un nombre fini de points, on peut supposer que C est le diviseur d’un polynôme irréductibleF. Supposons que C ait une infinité de points singuliers. Cela signifie que l’ensemble algébrique

V F,dF dX, dF dY

est infini, ce qui est équivalent à dire que les trois polynômes ne sont pas premiers entre eux. Puisque F est irréductible, on a alors nécessairement

F | dF

dX et F | dF dY.

Pour des raisons de degré, on a donc dF/dX =dF/dY = 0. Or ceci est impossible

car F est irréductible.

Proposition 3.3.10 Une courbe irréductibleCest non singulière enP si et seulement siOC,P est un anneau de valuation discrète.

Démonstration. On sait déjà queOC,P est un anneau local intègre noethérien d’idéal maximal mC,P et de corps résiduel k. Or, nous avons montré dans la proposi-tion 0.9.4 qu’un tel anneau est un anneau de valuaproposi-tion discrète si et seulement

sidimmC,P/m2C,P = 1.

Remarques 1. SoitP un point non singulier d’une courbe irréductibleC et vC,P la valuation associée. On a alors, pour f ∈k(C),

vC,P(f)<0 ⇔ P est un pôle pourf ⇔ f /∈ OC,P, vC,P(f)≥0 ⇔ f est régulière en P ⇔ f ∈ OC,P, vC,P(f) = 0 ⇔ f est régulière en P etf(P)6= 0 ⇔ f ∈ OC,P× , vC,P(f)>0 ⇔ P est un zéro de f ⇔ f ∈mC,P.

2. Soit P un point non singulier d’une courbe irréductible C et f ∈ OC,P. On a alors

vC,P(f) = dimOC,P/f. On a aussi

3. Si F ∈ k[X] ⊂ OA1(k),O, alors vA1(k),O(F) = val(F) : en effet, on sait que vA1(k),O(F) ≥ n si et seulement si F ∈ mAn1(k),O = XnOA1(k),O. Mais, dire que F ∈ XnOA1(k),O signifie qu’il existe G ∈ k[X] avec G(P) 6= 0 tel que F G∈(Xn)⊂k[X], c’est à dire avec val(G) = 0et val(F) =val(F) +val(G) =

val(F G)≥n.

4. Sil est une uniformisante deOC,P, on dit aussi quel est uneuniformisante (ou un paramètre local) de C enP. Cela veut dire que c’est un élément irréductible (ou, de manière équivalent ici, premier) de OC,P. Alternativement, ça signifie

que l ∈mC,P mais quel /∈m2 C,P.

5. Si ϕ : C → C0 est une application polynomiale non constante entre deux courbes irréductibles non singulières et P ∈ C, il existe un unique entier naturel non nul eϕ,P tel que

vC,P ◦ϕP =eϕ,PvC0,ϕ(P) :

il suffit de poser eϕ,P :=vC,PP(l0)) ou l0 est une uniformisante de C en P. C’est l’indice de ramification de ϕenP. On dit que ϕest ramifiée (resp. non ramifiée) en P sieϕ,P = 1 (resp. eϕ,P >1).

Exemple 1. (a) X−a est une uniformisante de la droiteA1(k)en a.

(b) y − b est une uniformisante de la courbe C d’équation Y2 = X en P := (a, b) : en effet, la projection sur l’axe des Y est un isomorphisme. x−a est une uniformisante lorsque a6= 0 : en effet,

x−a= 1

x+a(y−b).

2. La courbeC d’équation Y2 =X est ramifiée à l’origine au dessus de l’axe des X mais nulle part ailleurs (voir figure 3.3). Désignons par p : C →A1(k) la première projection. Pour O6=P = (a, b)∈C, on a

pP :OA1(k),a ' OC,P. Par contre

pO :OA1(k),0 ,→ OC,O, X 7→x=y2, et on a donc ep,O = 2.

3.4 Multiplicité d’intersection

Définition 3.4.1 Si C etD sont les diviseurs respectifs de F et de G, et P est un point quelconque du plan, alors la multiplicité d’intersection deC etD est

(C·D)P := dimOA2(k),P/(F, G).

Remarques 1. Si Φest un changement de coordonnées, alors

1(C)·Φ1(D))P = (C·D)Φ(P) :

en effet, comme Φ induit un isomorphismeΦP :OA2(k),Φ(P)' OA2(k),P, il suffit de rappeler que Φ1(C) est le diviseur de Φ(F)et que Φ1(D) est le diviseur de Φ(G).

3.4 Multiplicité d’intersection 97

Figure 3.3 – Ramification

2. SiDest une courbe affine (irréductible)non singulière enP, siC est le diviseur de F et si f est la restriction de F à D, on a

(C·D)P =vD,P(f) :

en effet, on sait que vD,P(f) = dimOD,P/f et, si I(D) = (G), on a un isomor-phisme

OA2(k),P/(F, G)'(OA2(k),P/G)/F(OA2(k),P/G)' OD,P/f.

Exemple (Car(k)6= 2) On considère la courbe elliptiqueC d’équationY2 =X3−X et le cercle d’équation X2+Y2 = 1ainsi que les points P := (1,0)et Q:= (−1,0). On a calculé ci-dessus

(C·D)P = 2 et (C·D)Q = 4.

Théoreme 3.4.2 — de Bézout. Si C et D sont deux courbes planes généralisées sans composante commune, alors

X

P

(C·D)P ≤deg(C) deg(D).

Démonstration. On peut écrire C = [F] et D = [G] avec F, G∈ k[X, Y] de degrés respectifs d ete premiers entre eux. Si on pose R=k[X, Y], on dispose donc d’une suite exacte

avec s(A, B) =AF +BG et i(H) = (HG,−HF). Si on désigne par Rn l’espace des polynômes de degré strictement inférieur à n, on dispose pour tout N ∈ N, d’un sous-complexe

0 //RNde i //RNdRNe s //RN //R/(F, G) //0

qui est toujours exact enRN−d⊕RN−e. De plus, puisquedimR/(F, G)<∞, notre complexe est aussi exact en R/(F, G) pour N >>0. On applique alors le théorème du rang (conjointement au théorème 3.2.1) qui nous dit que

X

P

(C·D)P = dimR/(F, G)

≤dim(RN)−dim(RN−d⊕RN−e) + dim(RN−d−e) =N(N + 1) 2 −(N d)(N d+ 1) 2 − (N e)(N e+ 1) 2 + (N−d−e)(N −d−e+ 1) 2 =de.

Exemples 1. Si C est une courbe irréductible de degré d, alors toute droite coupe C en au plus d points.

2. « Par cinq points tels que trois d’entre eux ne soient jamais alignés, il passe au plus une conique »(voir exercice 3.11).

3. Soit C une cubique et ∆une tangente à C en P. Alors,

(a) si C est non singulière en P, ∆coupe C en au plus un autre point, (b) si C est singulière en P,∆ ne coupeC en aucun autre point à moins que

∆⊂C.

Lemme 3.4.3 SiC, D etE sont trois courbes planes généralisées et P /∈E, alors

(C·(D+E))P = (C·D)P.

Démonstration. SiF, G, H ∈k[X, Y] etH(P)6= 0, alors

(F, GH) = (F, G)⊂ OA2(k),P.

Proposition 3.4.4 Soient C et D deux courbes planes généralisées et P un point du plan. Alors,

1. (C·D)P = 06 ⇔P ∈C et P ∈D,

2. (C·D)P = +∞ ⇔C et D ont une composante commune passant parP.

Démonstration. On suppose que C et D sont les diviseurs deF et de G respective-ment.

3.4 Multiplicité d’intersection 99

On démontre la première assertion :

(C·D)P = 0⇔(F, G) = OA2(k),P,

⇔ ∃A, B ∈ OA2(k),P, AF +BG= 1, ⇔ ∃A, B ∈k[X, Y],(AF +BG)(P)6= 0, ⇔F(P)6= 0 ou G(P)6= 0,

⇔P /∈C ou P /∈D.

On montre maintenant la seconde assertion : tout d’abord, on peut supposer (en utilisant le lemme) que toutes les composantes deC et deDpassent parP. SiC etD n’ont pas de composante commune alorsV(F, G)est fini, si bien que k[X, Y]/(F, G)

est de dimension finie et il en va donc de même deOA2(k),P/(F, G) qui est facteur direct. Réciproquement, on suppose que C et D ont une composante irréductible commune E passant par P et on veut montrer que OA2(k),P/(F, G)est de dimension infinie. Si on pose, I(E) = (H), on a(F, G)⊂H et il suffit donc de rappeler que

OA2(k),P/(H)' OE,P

est toujours de dimension infinie.

Proposition 3.4.5 SiC,Det E sont trois courbes planes généralisées etP un point du plan, on a

(C·(D+E))P = (C·D)P + (C·E)P.

Démonstration. On suppose que C, D et E sont les diviseurs de F, G et H res-pectivement. En utilisant ce qui précède, on peut supposer que C et D n’ont pas de composante commune. On commence par montrer que le noyau de l’application composée

u:OA2(k),P G

−→ OA2(k),P OA2(k),P/(F, GH).

n’est autre que (F, H). En effet, on a GF, GH ∈ (F, GH) et donc (F, H) ⊂ keru. Réciproquement, supposons qu’il existe A, B, C, S ∈ k[X, Y], avec S(P) 6= 0, tels que GC S = A SF + B SGH

(ce qui signifie, quitte à réduire au même dénominateur, que C/S ∈keru). On en déduit alors l’égalité polynomialeAF =G(C−BH)et, puisqueF et Gsont premiers

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