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enquête préliminaire suite à des indices d’irrégularités

Dans le document Journée 2006 de droit bancaire et financier (Page 162-168)

Créer et Gérer Des trusts en suIsse

I. enquête préliminaire suite à des indices d’irrégularités

Avant d’aborder le déroulement de l’enquête préliminaire (cf. sous-titre D), il fau-dra nous attarder brièvement sur la différence entre l’activité de surveillance et celle d’exécution (enforcement) de la CFB (cf. sous-titre A), sur le contenu de la procédure selon les différentes lois de surveillance prudentielle (cf. sous-titre B) ainsi que sur l’organisation de la CFB dans sa fonction d’enforcement (cf. sous-titre C).

* Directeur adjoint du Secrétariat de la Commission fédérale des banques, chef du service juri-dique. Je remercie Diana Ivosevic, Léonard Bôle, David Wyss et Oliver Zibung pour la récolte de la documentation, leurs commentaires ainsi que pour la traduction de cette contribution.

J’exprime mes opinions personnelles qui ne lient pas la Commission fédérale des banques.

Etat des liens internet au 23 décembre 200.

A. Processus clés de “surveillance” et d’“enforcement”

La loi sur les banques (LB) attribue à la CFB la tâche de “surveiller les banques, les fonds de placement, les bourses et les négociants en valeurs mobilières, la pu-blication des participations importantes et les offres publiques d’acquisition de sa propre autorité” (art. 23 al. 1 LB) conformément à la LB, la loi sur les bourses (LBVM) et la loi sur les fonds de placement (LFP)1.

Dans la pratique, cette activité de surveillance a pris ces dernières années di-verses formes.

La CFB a délibérément développé ses procédures internes, en distinguant no-tamment l’activité de surveillance (supervision en anglais) de l’activité d’exécution (enforcement en anglais)2.

A mon avis, elle a fait cela à raison. Certes, les deux activités se touchent et se recoupent à divers égards. Néanmoins, leurs contenus diffèrent sur plusieurs points essentiels, ce qui fait que leurs déroulements respectifs affichent chacun une dynamique différente.

– La surveillance d’un établissement est un processus continu. Elle est claire-ment orientée vers l’avenir. L’analyse, le consensus et l’échange d’informations caractérisent cette procédure. L’activité de surveillance ne revêt généralement aucune forme particulière. La correspondance écrite est cependant fréquente.

– L’activité d’enforcement est en revanche clairement limitée dans le temps. Elle a un début et une fin clairs. Les événements passés y jouent souvent un rôle essentiel, même si, à la différence de la procédure pénale, l’enforcement pru-dentiel est entièrement orienté vers la prévention. La divergence des vues et le débat caractérisent l’enforcement, ce qui n’exclut pas le consensus. Les moda-lités procédurales prévues par la loi doivent être observées.

B. La procédure dans le cadre de l’activité de surveillance de la CFB En 2005, la CFB a ouvert 34 “procédures administratives contraignantes” et a prononcé 34 “décisions contraignantes”3. Cette notion, inconnue du droit

admi-1 Dans les développements qui suivent, ces trois lois seront regroupées sous la dénomination de “lois de surveillance prudentielle”. Cette dénomination n’inclut toutefois pas la loi sur le blanchiment d’argent (­LBA) qui sera mentionnée comme telle. En effet, en vertu de l’art. 1 de cette loi, la CFB est également chargée de fixer les modalités d’application de la loi par les autorités de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

2 Toutefois, l’emploi traditionnel de l’expression “exécution” (­Vollstreckung) ne reflète qu’en partie l’idée d’enforcement : souvent, il s’agit de l’exécution des décisions finales. Or, l’enfor-cement d’une autorité de surveillance englobe toutes les activités qui lui sont conférées de par la loi, visant à appréhender les violations de la loi et autres irrégularités, à les éliminer et, le cas échéant, à les sanctionner.

3 Le nombre égal des procédures ouvertes et des décisions prises est fortuit. Toutes les procé-dures ouvertes en 200 n’ont pas été terminées au cours de la même année.

nistratif général, sera expliquée ultérieurement. De même, les développements qui suivent vont brièvement exposer dans quels domaines de surveillance inter-vient l’activité de l’enforcement. Nous laissons de côté les décisions prises dans le cadre de l’entraide administrative internationale (art. 38 LBVM). Certes, ce qui sera dit pour les procédures examinées dans cette contribution vaut, en principe, également pour les procédures d’entraide administrative internationale. Néan-moins, le contenu de celles-ci, qui sont dirigées contre les clients des banques, diffère fondamentalement de procédures dirigées contre les établissements sur-veillés. Nos réflexions se concentreront sur ces dernières. Seront également ex-clues les procédures relatives aux offres publiques d’achat et à la publication des participations importantes dans des sociétés cotées. En effet, dans ces cas, la CFB agira avant tout lorsqu’une partie n’accepte pas une recommandation émise par la Commission des OPA ou par l’Instance pour la publicité des participations4. – En 2005, 12 procédures et 9 décisions de la CFB ont concerné des banques et

des négociants en valeurs mobilières autorisés. Ces procédures ont eu notam-ment pour objet la violation des devoirs d’organisation et de diligence prévus par les lois sur les banques ou sur les bourses, mais aussi par la loi sur le blan-chiment d’argent. La question de savoir si les organes de l’établissement, voire l’établissement lui-même, “présentent toutes les garanties d’une activité irré-prochable” se pose sous plusieurs angles5. Depuis 2004, la CFB agit également en tant qu’autorité de faillite pour les banques et les négociants en valeurs mobilières6.

– La CFB surveille de façon continue uniquement les établissements qui ont obtenu une autorisation conformément aux lois de surveillance prudentielle.

La loi l’oblige également à examiner si une personne exerce en Suisse sans autorisation une activité soumise à surveillance, c’est-à-dire en violation du droit en vigueur7. Ces dernières années, le nombre de procédures à l’encontre d’établissements non autorisés, (“procédures d’assujettissement”) a fortement augmenté, et ce dans tous les domaines faisant l’objet de la surveillance. Rien qu’en 2005, la CFB a ouvert 19 procédures et a prononcé 22 décisions. C’est dans le cadre de ce type de procédure que la CFB a prononcé la plupart des décisions de faillite depuis 2004, en se fondant sur les nouvelles dispositions en matière de faillite bancaire8.

4 Rares ont été les cas dans lesquels la CFB s’est saisie d’office d’une affaire, comme le prévoit le droit boursier (­art. 22 al. 4 let. a et art. 3 al. 3 let. a OBVM-CFB ; RS 4.13).

Art. 3 al. 2 let. c LB, 10 al. 2 let. d LBVM.

Art. 2 ss LB.

Cf. notamment le Bulletin de la CFB no 4, p. 3 ou encore no 4, p. 10. Ces dernières années, le Rapport annuel de la CFB a traité à plusieurs reprises de ce sujet.

Cf. à titre d’exemple la décision du Tribunal fédéral du 13 avril 200 dans l’affaire PWM AG (­2A. /2004), publiée dans le Bulletin de la CFB no 4, p. .

– Un des domaines soumis à la surveillance de la CFB est le négoce de valeurs mobilières. Certes, la CFB n’est pas autorisée à prononcer des décisions à l’é-gard de personnes qui ne sont pas soumises à sa surveillance, notamment contre des investisseurs actifs sur le marché des valeurs mobilières9. Toutefois, elle veille au respect des “règles de marché”10 par les négociants en valeurs mobilières soumis à sa surveillance, par leurs organes ou même – une parti-cularité du droit boursier – par leurs collaborateurs responsables11. Il s’agit des règles sur les conflits d’intérêts12, les “cours coupés”13 ou des dispositions re-latives aux devoirs de diligence, de loyauté ou d’information découlant de l’ar-ticle 11 LBVM14. Par rapport aux procédures mentionnées au premier point, ces procédures se distinguent donc uniquement par leur objet (examen des faits reprochés). Mais elles sont aussi dirigées contre les organes des négo-ciants en valeurs mobilières, ou bien contre les négonégo-ciants eux-mêmes. Dans la plupart des cas, ces derniers sont des banques autorisées conformément à la LB15. En 2005, la CFB a ouvert trois procédures de ce genre et a prononcé une seule décision.

– Ces dernières années, les procédures dans le domaine de la surveillance des fonds de placement ont été rares16. Ainsi, en 2005, la CFB a prononcé une seule

“décision contraignante” à l’encontre de la direction d’un fond de placement17. Ce chiffre s’explique par la priorité qui a été donnée à l’élaboration de la nou-velle loi sur les placements collectifs (LPCC). Reste à voir si les procédures qui seront engagées selon la nouvelle LPCC seront plus fréquentes. Sous l’em-pire de la nouvelle loi, ces procédures porteront sur le respect des conditions

Rapport de la CFB sur les sanctions d’avril 2003, p. 24 ss, disponible sur www.ebk.admin.

ch/f/archiv/2003/2003002/m0300202-f.

10 En pratique, la CFB utilise le terme “surveillance des marchés” (­Marktaufsicht). L’Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent comprend par le même terme la “chasse” aux intermédiaires financiers non autorisés exerçant une activité soumise à au- torisation. La FINMA sera certainement obligée de mettre de l’ordre dans cette confusion terminologique.

11 Art. 3 al. 3 let. lb LBVM, voir comme exemple le Bulletin de la CFB no 4, p. 12.

12 Cf. le cas Biber, TF 2.02.2000, 2A.230/1, Bulletin de la CFB no 40, p. 3.

13 Cf. à titre d’exemple le Bulletin de la CFB no 4, p. 1.

14 Cf. à titre d’exemple le Bulletin de la CFB no 4, p. 12.

1 Parmi les 411 banques et négociants en valeurs mobilières soumis à la surveillance, 3 n’ont que le statut de négociants en valeurs mobilières, alors que 2 établissements sont exclu-sivement des banques. Les 313 institutions restantes sont assujetties à la fois en tant que banque (­en vertu de la LB) et en tant que négociants en valeurs mobilières (­source : site inter-net de la CFB, état : novembre 200).

1 Avec l’entrée en vigueur de la LPCC fixée pour le 1er janvier 200, le fond de placement ne devient qu’une des diverses formes du placement collectif. Cf. art. ss LPCC (­projet de loi soumis au référendum, FF 200 33).

1 Cf. Bulletin de la CFB no 4, p. 1.

d’autorisation18 et des règles de conduite19. Elles pourront être dirigées contre les titulaires des autorisations, leurs organes, ou encore contre des placements collectifs déterminés.

La CFB n’exerce certes pas de surveillance continue sur les réviseurs20 en vertu de la LB et de la LBVM. Néanmoins, pour exercer leur activité dans les domaines couverts par les lois de surveillance prudentielle, ceux-ci et leurs réviseurs res-ponsables doivent être “reconnus” par la CFB (art. 20 LB). La LB exige que l’insti-tution chargée de la révision procède “avec toute la diligence requise d’un réviseur sérieux et qualifié”. En cas de doute, la CFB ouvre une procédure contre cette institution et, si nécessaire, prend des mesures21. En 2005, elle l’a fait une seule fois. Depuis lors, aucune autre procédure n’a été ouverte. Formellement, la procé-dure est dirigée exclusivement contre l’institution de révision, mais peut avoir des effets directs sur certains réviseurs responsables.

C. Organisation de l’“enforcement” de la CFB

Les différences mises en évidence ci-dessus ne sont pas sans incidence sur l’or-ganisation de l’activité d’enforcement au sein de la CFB et de son Secrétariat. Les différentes procédures s’achèvent toutes par une décision de la Commission. En revanche, au sein du Secrétariat, trois unités (services) sont actuellement chargées de tâches d’enforcement.

– Le service Autorisations/Fonds de placement est en charge des procédures contre les fonds de placement autorisés, bientôt “placements collectifs” auto- risés, ou plutôt contre les titulaires des autorisations.

– Les procédures contre les négociants en valeurs mobilières, leurs organes et leurs collaborateurs responsables, ayant pour objet la violation des “règles de marché”22, sont menées par le service Bourses et Marchés.

– Le Service juridique est en charge de la conduite de toutes les autres procé-dures. Celles-ci comprennent les procédures à l’encontre des banques auto-risées, des négociants en valeurs mobilières autorisés (à l’exclusion des cas de violation des “règles de marché”), celles dirigées contre les établissements non autorisés pour violation du devoir d’obtenir une autorisation sous l’angle de

1 Cf. art. 14 LPCC.

1 Cf. art. 20 ss LPCC.

20 Les nouvelles circulaires de la CFB sur l’audit (­Circ.-CFB 0/1, 0/2 et 0/3, cf. site internet de la CFB) ainsi que le projet de loi sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés fi-nanciers, FF 200 22 (­ci-après P-LAUFIN), utilisent le terme “sociétés d’audit” (­Prüfgesell-schaften). La nouvelle loi sur la surveillance de la révision (­cf. projet de loi soumis au réfé-rendum, FF 200 ) garde le terme “entreprises de révision”.

21 Cf. les trois cas publiés dans le Bulletin de la CFB no 4, p. ss.

22 “Surveillance des marchés” ; sur la terminologie, voir plus haut n. 10.

l’ensemble des lois de surveillance prudentielle, de même que les procédures dirigées contre les organes de révision. Le Service juridique est en outre res-ponsable du développement de la stratégie d’enforcement de la CFB et de la coordination interne.

Le temps nous dira si la mise en place de la FINMA aboutira à une organisation similaire, ou si elle conférera un plus grand nombre, voire toutes les fonctions d’enforcement à une seule unité de type transsectoriel (Enforcement Division).

Comme souvent, les deux variantes comportent chacune des avantages et des in-convénients. Ainsi, la séparation au niveau du personnel (à l’heure actuelle déjà partiellement réalisée) entre les tâches de surveillance et celles d’enforcement écarte le danger que les relations qui s’inscrivent dans la durée entre le surveillant et l’établissement surveillé soient mises à mal en raison d’une procédure contrai-gnante. Une centralisation faciliterait également une mise en œuvre cohérente de la stratégie d’enforcement et améliorerait la coordination dans la gestion des différentes procédures. Toutefois, les surveillants en charge d’un secteur parti- culier sont quotidiennement au contact des faits, ce qui plaide en faveur de la décentralisation.

D. Déroulement de l’enquête préliminaire

En tant que phase préparatoire à la procédure, l’enquête préliminaire crée de mul-tiples points de contact entre la surveillance et l’enforcement. Au sein de la CFB, en ce qui concerne le domaine des banques autorisées, elle sera effectuée en partie par le service en charge de la surveillance (Service Banques et Négociants en va-leurs mobilières), en partie par le service juridique chargé de l’enforcement. Une enquête préliminaire peut être déclenchée sur la base d’informations provenant de sources diverses. Dans le cas des établissements autorisés, les indices mis en évidence par les rapports de révision des sociétés d’audit sont importants. Les informations provenant des autorités étrangères ou suisses, ou encore des médias sont également susceptibles d’initier l’enquête préliminaire. Dans le domaine des

“règles de marché”, les instances d’enquête de la bourse fournissent d’importantes informations23. Enfin, il n’est pas rare que l’enquête préliminaire soit ouverte à l’encontre d’établissements non autorisés à la suite de publicités ou de demandes de renseignements adressées par les investisseurs.

L’enquête préliminaire se réalise par le biais de différents moyens d’investiga-tion, la plupart du temps sans formalités particulières. Toujours est-il que la CFB exige souvent des personnes concernées des renseignements et des prises de po-sition par écrit. A ce stade, des entretiens informels ont également lieu. L’enquête préliminaire se termine par un choix. Si les soupçons persistent ou si l’affaire n’est

23 Art. al. 2 LBVM.

pas terminée de façon informelle et que l’on s’attend à une décision de la part de la CFB, une procédure administrative contraignante sera ouverte. Dans les cas aggravés, ce choix sera fait sans procéder à des clarifications approfondies. Ce qui nous amène au deuxième acte de notre drame.

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