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Aspects successoraux

Dans le document Journée 2006 de droit bancaire et financier (Page 139-142)

Créer et Gérer Des trusts en suIsse

II. Aspects successoraux

A. Droit de renseignement des héritiers

La gestion de fortune pour la clientèle privée implique souvent la planification successorale. Dans ce contexte s’est développée toute une jurisprudence relative à divers véhicules successoraux, tels que des trusts, des sociétés offshore ou des fondations, constitués par ou à la demande des clients. Après leur décès, leurs héritiers cherchent à obtenir des renseignements sur l’existence et les modalités de ces véhicules ainsi que sur les avoirs qui leur ont été transférés par le de cujus.

Il s’agit donc d’avoirs dont le défunt n’était plus le titulaire au moment du décès, mais seulement l’ayant droit économique. Parmi les affaires récentes de ce genre, les deux plus intéressantes émanent de la Cour de justice de Genève et ont donné lieu à des décisions en sens contraire.

• Droit de renseignement des héritiers réservataires. Trust

Dans la première29, le droit de l’héritier réservataire d’obtenir de la banque des renseignements sur les avoirs transférés par le défunt à un trust ou une entité analogue a été admis dans le cadre de l’établissement d’un inventaire civil. Les juges ont considéré que la communication aux héritiers réservataires de l’identité du titulaire d’une relation bancaire dans laquelle le de cujus intervenait en qualité d’ayant droit économique pouvait être exigée dans la mesure où la banque avait connaissance de la relation fiduciaire entre le de cujus et l’entité en question. Ils ont précisé à cet égard que, contrairement au cas d’une demande de séquestre émanant d’un créancier, il n’était pas indispensable que l’héritier réservataire in-dique le nom de l’entité tierce dont le de cujus serait l’ayant droit économique.

• Droit de renseignement des héritiers non réservataires. Trust

Dans le second cas30, en revanche, s’agissant également d’un trust constitué à l’étranger par le de cujus, la requête d’un héritier en reddition de compte a été

2 Cour de justice GE, décision du 1.11.200 (­C/230/2003, DAS/21/0) : www.commercial arbitration.ch → Diritto Bancario → 13.03.200, obs. Troller ; [R 20].

30 Cour de justice GE, décision du 1.02.200 (­ACJC/14/200) : www.commercialarbitration.ch

→ Diritto Bancario → 30.0.200, obs. Lombardini ; [RR 41] ; Thévenoz L., “La banque doit-elle informer le bénéficiaire ?”, www.unige.ch/cdbf, actualité CDBF no 443 du 1.0.200.

refusée en l’absence de la qualité d’héritier réservataire. Ces décisions se placent ainsi dans le sillage d’une jurisprudence désormais bien établie, qui considère que l’héritier réservataire doit avoir les informations nécessaires pour vérifier que sa réserve n’a pas été éventuellement lésée par le transfert d’avoirs à un véhicule successoral tel qu’un trust, une société offshore, une fondation ou un établisse- ment du même genre, alors qu’il n’y pas de raison de faire bénéficier l’héritier non réservataire d’une telle prérogative. En plus de ce droit propre de l’héritier réservataire d’obtenir des renseignements fondé sur le droit successoral, tout hé-ritier, même non réservataire, peut en principe faire valoir un droit aux rensei-gnements fondé sur les relations contractuelles dans lesquelles il a succédé au de cujus, chaque héritier pouvant notamment demander individuellement au man-dataire de rendre compte de l’exécution d’un mandat donné par le de cujus. C’est ainsi que, dans la seconde espèce, l’héritier légal a fait valoir que la défunte aurait chargé la banque de l’assister dans la création du trust en question. A défaut de

“preuve liquide” de l’existence d’un tel mandat, les juges n’ont pas donné suite à cette demande en procédure sommaire. On pourrait être tenté d’en conclure a contrario que l’héritier aurait obtenu les renseignements demandés s’il avait pu établir l’existence d’un tel mandat, mais peut-être est-ce donner trop d’impor-tance à une décision rendue dans des circonsd’impor-tances très particulières. Même s’il faut se garder d’en tirer des conclusions prématurées, il convient cependant de garder cette possibilité à l’esprit chaque fois qu’une banque assiste un client dans sa planification successorale.

• Héritière légale. Renseignements sur la gestion d’une société offshore Dans une autre affaire31, le client avait donné mandat à sa banque de constituer et de gérer une société offshore. Au décès du client, une héritière légale avait de-mandé des renseignements par la voie de mesures provisionnelles, invoquant un droit de nature successorale. La demande a été déboutée en procédure sommaire, la compétence du juge suisse étant restée indécise, les conditions d’urgence et de nécessité n’étant pas remplies. Il ne semble pas que la demanderesse ait invo-qué en l’espèce un droit aux renseignements de nature contractuelle fondé sur sa succession au mandat, mais peut-être n’était-il pas possible de faire valoir un tel argument en procédure sommaire.

• Héritiers non réservataires. Fondation du Liechtenstein

On mentionnera encore le cas d’une fondation du Liechtenstein, sur laquelle un héritier non réservataire demandait des comptes à la banque du de cujus32. Le

31 TF, 1.0.200 (­Ire Cour civile, A. c. B.) : C.12/200 ; [R 21].

32 Tribunale d’Appello TI, 01.12.2004 (­T. c. Banca X.) : NRCP 200 32 ; [R 22] ; confirmé par TF 2.0.200, P.40/200.

Tribunal d’appel tessinois a rappelé que le droit d’un héritier institué de l’ayant droit économique à obtenir de la banque des informations sur une société de do-micile titulaire d’un compte doit être apprécié selon les circonstances concrètes du cas et selon le principe de la proportionnalité. Dans cette évaluation, il y a lieu de prendre en compte la volonté du de cujus au maintien du secret bancaire, l’intérêt des héritiers à ces informations ainsi que les rapports entre les héritiers et le de cujus. Les héritiers institués doivent être renseignés sur les biens qui rentrent dans la masse successorale, ce qui exclut tous les biens au nom de véhicules successo-raux étrangers, tels qu’une fondation, une Anstalt du Liechtenstein ou un trust. Il n’en serait autrement que s’il s’agissait de pures simulations (Scheingeschäfte), ce qui n’avait pas été établi ni même rendu vraisemblable en l’espèce.

• Restriction du droit aux renseignements par contrat

Enfin, une décision de Bâle-Ville33 précise que le droit aux renseignements des héritiers ne saurait être restreint par une clause insérée, notamment par incorpo-ration de conditions générales, dans un contrat de gestion de fortune conclu par le de cujus avec la banque.

B. Instructions post mortem

• Forme des instructions post mortem

Toujours en matière successorale, mais dans un contexte tout à fait différent, on mentionnera un arrêt du TF relatif à la forme d’instructions post mortem d’une cliente très âgée et handicapée de la vue, rédigées avec l’assistance de son banquier34. La majeure partie de ces instructions était dactylographiée, la partie manuscrite se réduisant aux mots “En totalité à l’église protestante pour fond (sic) Cathédrale”, en plus de la date, du lieu et de la signature. Les juges ont consi-déré qu’il s’agissait de dispositions à cause de mort, assujetties aux exigences de forme du testament olographe et qu’une interprétation à la lumière du texte dac-tylographié entourant le texte manuscrit n’était pas possible. En l’occurrence, les mots écrits de la main de la testatrice n’avaient pas de sens en eux-mêmes et ne renfermaient pas tous les éléments essentiels, à savoir l’indication qu’il s’agissait de dernières volontés et l’objet des libéralités. Pour cette raison, l’Etat du Valais et la Commune de Nendaz ont bénéficié de la succession de plus de 5 millions de francs, à défaut d’héritiers, en lieu et place de l’Eglise nationale protestante de Genève. On peut se demander si le banquier, qui a manifestement mal conseillé sa cliente et ne lui a pas permis de concrétiser de manière juridiquement valable

33 Appellationsgericht BS, 2.03.2004 (­F. A. c. Bank X.) : BJM 2/200, 100 ; [R 1].

34 TF, 01.0.200 (­IIe Cour civile, Etat du Valais et Commune de Nendaz c. Eglise nationale protes-tante de Genève) : ATF 131 III 01 ; C.2/200 ; [R 1].

ses intentions de libéralité à cause de mort, n’encourt pas une responsabilité, au moins sur le plan moral ; sur le plan juridique cependant, à défaut de lien contrac-tuel avec le lésé ou d’acte illicite, une telle responsabilité paraît difficile à mettre en œuvre.

III. Crédits et sûretés

Dans le document Journée 2006 de droit bancaire et financier (Page 139-142)