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3 – Enjeux et tensions majeurs des agencements coopératifs étudiés

ils m’ont demandé quel était pour moi le plus gros défaut des structures culturelles et je me souviens d’avoir répondu (que) c’est de se croire différents des autres elles ont des singularités c’est sûr mais à force de se croire différentes

Cette partie est construite à partir d’une analyse de contenu détaillée des verbatim des quinze entretiens réalisés sur les trois cas étudiés. La richesse et le caractère direct et « sans fard »49 des échanges nous a conduit à présenter une part importante du matériau

recueilli. Ce choix permet une appréhension affinée des groupements coopératifs observés, d’autant que nos interlocuteurs n’ont pas hésité à évoquer précisément les difficultés rencontrées – ce qui permet d’aller plus au fond des choses – et les ajustements mis en œuvre pour les surmonter.

À nouveau donc, notre gratitude va à toutes les personnes interrogées et aux discours exprimant leur vérité propre qu’ils nous ont tenu, sans lesquels la compréhension tant des potentialités que des rudesses de ces aventures coopératives aurait été moins intensive.

Cette qualité des échanges permet également de proposer, au travers de ces expériences particulières et sous forme de quasi narration, un chemin de lecture d’enjeux plus généraux qui ressortent de l’expression des uns et des autres. D’où une présentation sous forme d’un parcours thématique, qui reprend les grands thèmes d’observation de l’étude mais qui s’agence également selon les points saillants que les locuteurs ont abordés et pour une part de manière spontanée.

Le principe de l’anonymat des restitutions des paroles prononcées a été une des conditions annoncées dès la première prise de contact et acceptées par la totalité des personnes interrogées. Dans la mesure où chaque cas comporte ses propres particularités, nous avons donc seulement conservé leur nom officiel quand il a été mentionné par un locuteur et indiqué par une lettre en fin de chaque citation à quelle expérience celle-ci se réfère50. Toutes les autres mentions de nom propre – d’ailleurs peu

utiles pour la compréhension du fonctionnement des agencements – ont également été anonymées51.

Au-delà de ce principe de confidentialité, l’objectif est bien aussi de fournir au lecteur un ensemble d’items qui compose une sorte de trame inductive d’observation pouvant être appliquée à d’autres cas. Ce jeu de lecture comparée s’applique d’ailleurs déjà au trio observé, le rapprochement de citations provenant de cas différents permettant une mise en résonance des unes avec les autres. D’assez nettes convergences sur certains thèmes apparaissent alors, tout en proposant également des déclinaisons que telle ou telle situation met plus nettement ou spécifiquement en exergue.

Au vu du matériau recueilli, nous avons opté pour des citations gardant le mode d’énonciation du locuteur concerné et laissant se déployer sa pensée. Pour la clarté de

49. Selon l’expression même d’une des personnes interrogées.

50. Soit (A) pour Artenréel, (B) pour l’AGEC et (C) pour la Coursive Boutaric.

certaines citations, nous avons quelquefois conservé une remarque ou relance personnelle qui permet de fluidifier ou de compléter le propos52. De même, quelques

très courts ajouts, de notre part, en amorce ou dans le corps de citations ont pour but de les rendre plus directement compréhensibles par le lecteur53.

Si ce parcours thématique relève pour une part irréductible de notre propre subjectivité, l’analyse de contenu systématique réalisée en préalable à cette mise en forme narrative lui assure un socle de validité, d’autant que l’intégralité des traits thématiques repérés y est mentionné.

Le cas d’Artenréel permet d’étudier tout à la fois le fonctionnement même de ce type d’agencement coopératif et des aspects de l’activité propre des entrepreneurs qui y participent. Il constitue donc l’exemple au travers duquel le plus grand nombre d’aspects thématiques peut être abordé, même si la limite induite par des projets d’abord portés par des individus doit être rappelée. Par le nombre et la variété des organisations adhérentes à l’AGEC, ce second cas fournit de nombreux compléments, entre autres sur les questions liées à l’emploi ou à la dimension systémique de ces expériences coopératives, même si sa limite est de ne justement pas avoir vocation à prendre en compte l’ensemble de l’activité de ses membres. La Coursive Boutaric apparaît alors comme une situation ne relevant pas, comme les deux précédentes, d’un cadre réglementé assez précis – y compris dans l’engagement contractuel et financier de ses membres adhérents –, ce qui fournit d’autres mises en perspectives.

Il va sans dire que ces trois cas ne prétendent à aucune exhaustivité des situations de groupement coopératif entre micro-entreprises culturelles54. Leur contraste permet

néanmoins d’esquisser une première cartographie d’enjeux aujourd’hui incontournables à considérer si l’on veut explorer de plus près ces nouvelles formes d’organisation, en préciser les lignes de force, les défis et les limites, ne serait-ce que pour mieux appréhender leur devenir possible. De ce point de vue, les récurrences et convergences qui apparaissent sur la base de ce trio de situations sont un encouragement à aller plus avant dans l’affinement de l’appréhension problématisée des dynamiques socioéconomiques et organisationnelles aujourd'hui à l’œuvre dans la diversité des démarches coopératives entre très petites organisations du domaine culturel, et plus particulièrement pour celles dont les buts sont d'abord autres que lucratifs.

52. Ces remarques ou relances sont signalées par une barre oblique (slash) de début et de fin. 53. Ces quelques ajouts sont signalés par une mise entre parenthèse.

54. Pour une première mise en perspective de cette pluralité, voir en particulier Marie Deniau, Étude

exploratoire sur les nouvelles pratiques de mutualisation ou de coopération inter-organisationnelles dans le secteur culturel, Rapport définitif, DEPS - Ministère de la Culture et de la Communication, juillet 2014. Pour

une approche d’autres études de cas, se reporter par exemple à Cécile Offroy, Regards croisés sur quatre

lieux de coopération artistique et culturelle de la Communauté d’agglomération de Plaine Commune (93),

Opale, avril 2017, ou à Cécile Offroy et Anouk Coqblin, Effets et impacts des dynamiques collectives dans