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6.1 Les enjeux dans l’intervention des professionnels chez une clientèle atteinte d’un

6.1.1 Les enjeux de formation et de sensibilisation des intervenants

La formation des intervenants se décline ici sous deux formes. D’une part, les participants font référence à un manque de temps pour se former et d’autre part, ils évoquent le manque d’opportunités offertes par l’employeur afin de parfaire leurs connaissances et compétences. Les besoins de formation évoqués par les participants sont parfois communs, parfois ils revêtent des formes plus individuelles, selon les différents savoirs possédés ou non par l’intervenant. Quelle que soit la nature des manques observés, tous les intervenants ont évoqué leur désir d’être mieux formés.

Face à une réalité aussi complexe que celle des personnes ayant un CP+TMG, on pourrait imaginer que les intervenants souhaiteraient développer des

connaissances/compétences dans le champ où ils se sentent en déficit. Par exemple, on pourrait imaginer des intervenants en santé mentale qu’ils souhaitent en apprendre davantage sur le cancer et les soins palliatifs et vice-versa. Les entrevues ne confirment pas cette intuition : la plupart des intervenants ont tendance à continuer de se former en relation avec leur champ d’action principal même s’ils sont invités à s’inscrire à d’autres types de formations, comme par exemple le suivi de plaies.

« Il faut suivre des formations car on n’est pas formé mais des fois ils nous invitent à des formations, on a des feuilles avec pleins de formations et ils regardent si on est intéressés à faire telle ou telle formation. Je me dis dans ma tête que je travaille en santé mentale et que quand même que j’irais faire un suivi de plaies je n’en ai rien à faire. » (Participant 6)

En revanche, un des participants de l’étude a pris des formations suites à cette intervention qui a été plus difficile.

« Cette année même si je suis en soins palliatifs, j’ai choisi des formations en santé mentale. Je ne sais pas s’ils vont être acceptés mais je me suis dit que ça pouvait être intéressant et aidant pour le futur. » (Participant 8)

Serait-ce l’effet du manque de temps ou encore du manque d’intérêt envers l’autre problématique ? De qui relève la responsabilité de la formation ? S’agit-il d’une responsabilité individuelle, collective, partagée ? À cette dernière question, les propos des participants sont unanimes à l’effet qu’il appartient à l’employeur de mettre en place des formations permettant aux employés de se familiariser avec des réalités émergentes. Plus encore, les professionnels semblent considérer qu’il est de la

responsabilité de l’autre département (soins palliatifs ou psychiatrie) de fournir les informations et les expertises nécessaires concernant la pathologie moins connue.

Cette perception va un peu à l’encontre des écrits indiquant que pour mieux comprendre la situation de la personne malade, il faut de bonnes informations sur la personne, claires et précises, partager entre tous les intervenants de l’équipe, mais également avoir de bonnes compétences de chaque professionnel de la santé qui prend soin de celle-ci (Dauchy et al., 2016; Lopez et Dauchy, 2010 ; Pélicier, 2007 ; Reich et Bonneterre, 2012). Selon les données de la littérature, on explique que la formation passe surtout par la collaboration entre les professionnels des soins palliatifs et de la santé mentale sur une base régulière (Grohens et al., 2015). Cette collaboration qui facilite les connaissances sur l’une ou l’autre des problématiques est également apparue facilitante dans notre recherche. La politique de soins palliatifs et de fin de vie (2015- 2020) de même que le plan d’action en santé mentale (2015-2020) s’inscrivent dans la lignée de ce qu’indiquent les intervenants c’est-à-dire celle du transfert de connaissances interprogrammes (MSSS, 2015, p.13 ; MSSS, 2015, p.14).

Les intervenants expliquent toutefois que l’employeur offre très peu de formation « hors champs » : c’est-à-dire sur des thématiques qui dépassent la spécificité du programme. Selon les répondants, cela semble s’expliquer par un manque de budget de l’organisation et par un manque de temps organisationnel. Dauchy et al., (2016) ainsi que Durdux (2010), identifiaient aussi un manque de formations et d’outils offerts

aux intervenants dans le domaine, mais ils n’indiquaient pas, comme mentionné dans cette étude que cela venait d’un manque de budget ou de temps organisationnel.

De plus, Brazil et al., (2006) pointaient le fait que le manque d’éducation concernant la maladie mentale, le manque d’outils et le manque de spécialistes, faisaient en sorte que les personnes atteintes d’un problème de santé mentale étaient moins susceptibles de recevoir des soins palliatifs. Nous avons également pu constater que les participants de l’étude trouvent qu’il n’y a pas de formations disponibles à propos de la population spécifique des personnes ayant à la fois à un CP et un TMG, de leurs besoins et des interventions qui seraient à privilégier. Le manque d’outils adaptés de même que l’absence du psychiatre ont également été maintes fois soulevés par les intervenants en soins palliatifs. De la même manière, il semblerait que les membres d’une équipe de psychiatrie n’ont pas nécessairement reçu de formations sur l’approche palliative, ce qui est d’ailleurs conforme à la politique indiquant que seulement quelques professions bénéficient d’une formation initiale en soins palliatifs et de fin de vie (Politique de soins palliatifs et de fin de vie, 2010, p.31). Ainsi, on constate, avec Horjus et al., (2010) que les professionnels de la santé n’ont pas beaucoup de connaissances sur l’autre programme, qu’il s’agisse des soins palliatifs ou des troubles mentaux.

On pourrait émettre l’hypothèse que puisque certains CLSC établissent les priorités au détriment de l’une ou l’autre des clientèles, c’est-à-dire qu’ils portent davantage d’attention au cancer plutôt qu’au trouble mental, cela pourrait expliquer le

fait que les intervenants ne prennent pas la peine de s’informer sur l’autre problématique.

En outre, certains auteurs soulèvent l’idée que l’angoisse, notamment celle de mort, peut amener certains intervenants à ne pas souhaiter s’informer sur ces thématiques confrontantes que sont la santé mentale et la fin de vie (Vernet, 2011). Dans nos résultats, il est plutôt mis de l’avant que c’est d’abord par manque d’intérêt, plutôt que par peur envers l’une des problématiques, que les professionnels ne cherchent pas à s’informer à l’extérieur des heures de travail. Toujours est-il que, pour une personne qui travaille en santé mentale et qui n’est pas formée en soins palliatifs ou en oncologie, il demeure difficile d’intervenir.

Face à ces lacunes apparentes de la formation des intervenants aux particularités de l’intervention auprès des personnes souffrant de CP+TMG, il existe des modèles qui pourraient être utiles pour améliorer cette situation. La psycho-oncologie (Thekkumpurath et Sharpe, 2009) et la psychiatrie palliative (Trachsel et al., 2016) qui ont toutes deux pour objectif de ne pas prendre seulement prendre en considération le cancer ou le trouble mental mais plutôt de prendre la personne dans son ensemble en s’adressant à la personne même. De ce fait, il serait intéressant de pouvoir offrir aux intervenants ce type de formations pour améliorer leurs connaissances, mais également améliorer la prise en charge de ce type de clientèle. Ces formes d’interventions ne semblent pas être données au Québec. En revanche, il est important de spécifier que certains cursus de formation en psychiatrie ou en soins palliatifs offrent la possibilité

de recevoir un cours en soins palliatifs ou en psychiatrie. Ces cours demeurent toutefois optionnels.

Un autre enjeu important concernant les difficultés des équipes de soins palliatifs d’intervenir auprès des personnes ayant un TMG est de trouver une demeure convenable pour ce type de clientèle. Effectivement, lorsque la personne malade ne peut plus rester à domicile vu la détérioration de son état, il n’y a aucun endroit autre que l’hôpital pour la prendre en charge du fait notamment qu’elle est à risque d’être agressive et de ne pas respecter les règles. Les études portant sur ce sujet confirment ce constat à l’effet que les personnes qui souffrent par exemple de schizophrénie sont de deux à trois fois moins susceptibles de recevoir des soins palliatifs au sein d’un milieu hospitalier ou communautaire; elles sont plutôt placées dans des unités psychiatriques ou des maisons pour les personnes en situation d’itinérance (Chochinov et al., 2012 ; Huang-Chih Chou, 2011).

Ainsi, il apparaît un manque de formations offertes auprès des professionnels de la santé qui aimeraient en apprendre davantage sur des sujets autres que leur premier champ d’expertise. Certes, certains des participants ne voient pas l’intérêt de suivre une formation par exemple sur la santé mentale lorsqu’ils sont en soins palliatifs. Mais ces participants nous ont également exprimé que, après avoir un eu cas de CP+TMG, une attention particulière sera portée vers d’autres formations. Pour finir, on peut émettre l’hypothèse qu’une formation en psycho-oncologie ou en psychiatrie palliative serait utile lors des études en santé et en services sociaux.