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Enjeux et acteurs : éléments de problématique

L’affaissement des loyers réglementés a entraîné une situation qui fait problème au moins à un quadruple point de vue :

- Cela étouffe la dynamique de la construction neuve privée. Pendant longtemps cela a pu paraître une heureuse chose en autorisant d’orienter vers d’autres fins les moyens qui y auraient été consacrés, notamment les produits de l’épargne : telle est notamment l’équation des temps de guerre. Mais cela devient un inconvénient dès lors que l’on se préoccupe de donner plus de dignité à l’habitat, puisque c’est d’abord par la construction neuve qu’un parc se renouvelle, se développe et finalement s’améliore. Avec une initiative privée défaillante et une initiative patronale qui demeure faible et qui – de surcroît – ne touche guère les grandes villes, on est inéluctablement renvoyé à la mobilisation des disponibilités financières centralisées au profit d’un usage que les décideurs d’un pays impérial peuvent considérer comme médiocre.334

331 Concernant les loyers anciens à la « surface corrigée » pour la région parisienne au 1er juillet 1965, une note destinée à la Table ronde déjà citée évalue respectivement le loyer mensuel d’un 4 pièces à 381 F dans la catégorie II A (pour 100 m2 habitables), à 105 F dans la catégorie III A (pour 60 m2) et à 27 F dans la catégorie IV (pour 45 m2). Voir : AN, versement 840230, art. C 6524.

332 Les valeurs retenues pour l’ancien correspondent à des moyennes pondérées reconstruites à partir des tableaux d’effectifs donnés plus haut. Cette procédure donne sensiblement une moyenne de 500 francs par an pour 1961, et de 1 800 francs par an pour 1970.

333 D’après l’enquête logement de 1967 ; source : "Le niveau des loyers en 1967 et leur évolution depuis 1963", Études et Conjoncture n°9, septembre 1968, p. 154

334 Voir par exemple Gondre qui, dans le cas d'un financement par l'État, craint de voir le financement du logement "lié à la situation et aux disponibilités budgétaires [de l'État]", et qui ne se sent pas "certain que les possibilités budgétaires soient suffisantes, compte tenu des priorités décidées au niveau de l'État" (GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963, p. 110).

- Cela étouffe l’entretien et l’amélioration de l’existant. De ce point de vue, ce qui est supportable sans grandes conséquences le temps d’une guerre conduit à un tout autre résultat au terme de 20, 30 ou 40 ans. La conjugaison d’un second œuvre qui se délite, de structures qui souffrent et d’un équipement désuet fait insensiblement passer une masse croissante du patrimoine de l’état de logements vétustes à celui de taudis. On rejoint alors un problème d’hygiène publique – la sécurité collective vis-à-vis des épidémies – avec l’idée que la solution qui s’impose est le remplacement par du neuf, ce qui ramène au problème précédent.

- Le marché du locatif éclate en deux sous-ensembles qui, obéissant à des logiques tout à fait différentes, tendent à devenir étanches entre eux. Il y a l’immense majorité que constituent les loyers de l’existant contraints par voie légale et il y a, ça et là, des constructions neuves en première location dont le prix continue d’être conditionné par les coûts et la rentabilité des capitaux. Il faut employer la circonlocution « construction neuve en première location », parce que dès que le temps a passé, ce produit se trouve intégré au champ de l’existant (avec toutefois un loyer de départ plus élevé que la fameuse « base 1914 »). Face aux loyers jugés trop chers de ce micromarché – qui se maintient d’ailleurs essentiellement pour une clientèle riche – la masse des locataires se cramponne à l’existant et plus précisément au logement qu’ils détiennent avec un bail qui, via la législation spéciale sur les loyers, leur garantit le maintien dans les lieux. Bénéficiaires d’une rente de situation, les locataires adoptent pour une part un comportement de propriétaires. On peut s’en réjouir quand on les voit prendre en charge des travaux, ce qui pallie quelque peu l’inconvénient souligné au point précédent. Mais leur immobilité accroît la « viscosité » du marché335, contrariant l’ajustement général entre les volumes disponibles et les « besoins » des ménages, ainsi que, plus spécifiquement, les changements de logement liés à la mobilité de l’emploi ou l’établissement des jeunes ménages336. Profitant aux plus âgés, qu'elle autorise à conserver sans peine excessive des logements « surdimensionnés »337, la "pétrification des loyers"338 constitue un frein aux dynamiques de l’emploi et de la démographie.

- Gêne aux dynamiques de l’emploi, mais gêne aussi à l’expansion des débouchés industriels. On s’aperçoit tardivement que des ménages maintenus dans des volumes étriqués et peu branchés sur les réseaux de fluides constituent, même s’ils sont solvables, une piètre clientèle pour les biens d’équipement domestiques : le seul genre d’investissement qui leur est véritablement ouvert concerne les engins motorisés que, pour un long moment encore, on pourra laisser gracieusement stationner sur la voie publique. Sous l’influence de l’exemple ou des conseils américains, un tournant des années 1950 consiste à reconnaître la fonction d’entraînement du logement en matière de demande d’équipement ménager.

La percée des idées liées à la société de consommation est toutefois lente à s’affirmer.

Dans la version originale, "The affluent society" n’est pas un titre écrit en français.

335 Le terme de « viscosité » est cher aux économistes. Il est notamment employé par Gondre (GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963) et par les rédacteurs du "rapport introductif" sur le logement dans le rapport Rueff-Armand (AN, versement 770815, art. CAB 28: RUEFF (Jacques), ARMAND (Louis), Rapport sur les obstacles à l'expansion économique, 2 tomes, Imprimerie nationale, Paris, 1960, tome II, Annexes : exposés introductifs p. 115-120).

336 C'est ainsi que les jeunes ménages se trouvent condamnés, selon l'expression de Gondre, au "purgatoire de la sous-location" (GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963, p. 216).

337 Une pratique qu'on ne conteste guère aux propriétaires vieillissants, mais qu'on dénonce avec force chez les locataires en faisant valoir les urgences nées de la crise. Voir par exemple Gondre ou Thourot (GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963; THOUROT (Jean), La Crise du logement et ses solutions, Droit, Paris, 1947).

338 Expression empruntée à: THOUROT (Jean), La Crise du logement et ses solutions, Droit, Paris, 1947.

L’idéologie de la consommation est bridée par les experts, qui n’y voient qu’une vaine dépense339, ou qui, tels Jean et Françoise Fourastié dans leur Histoire du confort prônent les petites pièces en donnant pour le comble du luxe les compartiments Pullman ou les cabines de paquebot340. Il n’empêche : lorsque le ministre Pierre Sudreau est interrogé sur Europe n°1 le 14 novembre 1959, il doit répondre à deux questions ; la première porte sur le niveau des loyers qui serait souhaitable à son point de vue; la seconde émane "d’un auditeur de Paris" qui

"présente son cas" : "Je peux m’acheter comptant une cuisinière, plus un réfrigérateur, plus la télévision, mais de toute façon c’est inutile car je n’aurai pas de place pour les mettre. J’habite deux pièces chez ma mère [...] je pourrai mettre 25 000 francs de loyer, mais je ne trouve pas de logement"341. Sommé de s'expliquer sur ce qui réfrène l'appétit d'équipement ménager, le ministre esquive en renvoyant à une saine morale : il faudrait d'abord penser à se loger, il faudrait épargner, etc. Et de vanter le tout nouveau système "d'épargne-crédit"342, qui occupe le plus gros de sa réponse. Il reste que l'anecdote montre qu'à la fin des années 1950 le problème était inscrit dans les consciences, au moins dans celles des animateurs de radio sélectionnant les "questions des auditeurs".

Les acteurs.

La problématique d’ensemble se construit généralement du point de vue de la recherche, de la connaissance de la situation et de ses dimensions socialisées, de « l’intérêt général » etc. bref d’un point de vue de Sirius qu’on est volontiers porté à associer, de façon indifférenciée, à celui de l’État. Il n’est pas nécessaire que cela corresponde aux œuvres ou à la parole de l’État. Il suffit que ce soit le point de vue que le locuteur voudrait voir adopter par ce régulateur suprême dont on attend qu’il mette un peu d’ordre dans un monde de conflits, un peu d’énergie dans la lutte contre un chancre, un peu d’espoir dans une tragédie. Constater, comme on a pu le faire dans la partie dévolue aux antériorités, que les choix de l’État ont longuement nourri le chancre ne sert pas d’antidote. Il suffit, là encore, de déclarer qu’il

« faut » une autre politique : tel est le propre du mouvement de projection subjective qui conduit un locuteur à se saisir de l’intérêt général à partir des questions qui se posent dans tel ou tel aspect de la vie sociale.

Si nécessaire que soit ce mouvement dans une démocratie, si généreux qu’il puisse être dans ses intentions, il ne dispense pas d’un détour par les logiques d’acteurs dans lesquelles les dilemmes s’incarnent. A cet égard, on peut prendre comme point de départ une ambivalence qui forme le plan d’un passage de la thèse de Gondre : le loyer, "dépense du locataire" et

"revenu du propriétaire"343.

339 On a déjà évoqué les positions d'Isaac ou d'Olchanski dans la partie consacrée aux antériorités. On doit souligner que Gondre reprend encore le thème en 1963 (GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963).

340 FOURASTIÉ (Jean et Françoise), Histoire du confort, PUF, Paris, collection Que sais-je? n°449, 1ère édition:

1950, 3ème édition: 1973, p. 19

341 AN, versement 770815, art. CAB 28. La proposition de "mettre 25 000 francs de loyer" est effectivement un peu courte. Comme on l'a vu dans les tableaux de l'approche statistique, la moyenne des loyers à la surface corrigée se tenait à 30 000 francs dès 1955.

342 Un « flop » sur lequel on reviendra brièvement dans le chapitre consacré au financement.

343 GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963, p. 82-93. L'opposition d'intérêts entre propriétaires et locataires constitue également le fil directeur du paragraphe que Danièle Voldman consacre à la loi du 1er septembre 1948 (VOLDMAN (Danièle), La Reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954, L'Harmattan, Paris, 1997, p.

328-339).

Sous l’angle de la dépense, il n’y a pas à douter que les locataires, « petits », « aisés », ou franchement riches, aient d’abord accueilli avec satisfaction le renversement trentenaire qui accroissait leur sécurité et réduisait la pression du loyer sur leurs revenus. Rançon du développement monopoliste de la propriété bailleuse en milieu urbain, le poids électoral des locataires n’est pas étranger aux tergiversations de l’Assemblée Nationale entre les deux guerres. Cette situation se prolonge. Dans les débats qui concernent la loi du 1er septembre 1948 et son évolution, on voit le Parti Communiste et la SFIO intervenir de façon répétée comme relais privilégiés de la défense des « petits locataires ». Et ce n’est sans doute pas par hasard qu’une seconde série de pas en direction du « retour au droit commun »344 se fait à l’occasion d’un renouveau de régime autoritaire - le Gaullisme des années 1958-62 - dont la contrepartie est bien évidemment l’affaiblissement de la gauche parlementaire.

Sous l’angle du revenu du propriétaire, tout un monde qui vivait de la rente s’est trouvé déclassé. En ce sens, les plaidoyers récurrents d’Isaac, d’Olchanski, de Thourot, de Gondre etc. en faveur d’une revalorisation des loyers ont en partie pour fonction de militer pour un rétablissement des propriétaires dans leur statut d'avant 1914. Certes pas le rétablissement de M. Vautour, l’inexcusable, mais celui d’un hypothétique honnête propriétaire dont le service mérite rémunération. Un exemple tardif, mais achevé, est donné par Gondre, lorsqu'il met en avant le cas du petit rentier qui, ayant investi son épargne dans l’immobilier, en attend un juste retour dont il a, du reste, besoin pour vivre345. Ces plaidoyers prendront effet trop tard et après trop d’incertitudes pour qu’on voie revenir une classe de grands propriétaires qui, en dehors d’elle-même, trouverait d’ailleurs fort peu de soutiens. En-dehors du monde des organismes d'HLM, les seuls grands propriétaires-investisseurs qui subsisteront sont les institutionnels, un surgeon du capital financier (notamment des sociétés d'assurances) qui, via des sociétés anonymes d'HLM, se moule à l'occasion dans l'horizon du logement social

Cette lecture qui conduit à opposer un « parti populaire » et un « parti des propriétaires » est tellement récurrente dans les thèses issues de la Faculté de droit qu’elle en devient

« classique ». Elle constitue au fond la matrice de positionnement de la question héritée des années de crise. Elle a certes l’avantage de plonger ses racines dans un incontournable point de droit – les parties au contrat – mais elle a l’inconvénient de conduire mécaniquement à un jugement simpliste sur l’entreprise publique de logement, d’éliminer du champ de vision les parties indirectes au contrat que sont les employeurs et, enfin, d’éluder tout regard sur l’attitude que les diverses fractions de l’appareil de l’État peuvent adopter à l’égard de la situation du logement.

Partant de la nécessité de revaloriser les loyers, Isaac, Olchanski, Gondre en viennent presqu’inéluctablement à adopter le point de vue spontané des propriétaires face à l’entreprise publique du logement. La construction sociale met sur le marché des logements à loyers minorés parce qu’elle bénéficie de financements privilégiés. Sous leur plume, cela devient des loyers « artificiellement bas », source d’une concurrence illicite, etc. Ils n’ont pas de mots assez durs pour stigmatiser cet intervenant qui pèse manifestement dans le mauvais sens.

Comme on l'a rappelé dans la partie dévolue aux antériorités, ils ne lui voient pas un grand avenir et, corrélativement, on voit Olchanski réclamer la banalisation des financements

344 Expression consacrée dans les thèses de droit et de sciences économiques pour désigner le retour à la liberté contractuelle, c’est-à-dire à la fois la liberté de fixation des loyers et la fin du maintien dans les lieux.

345 […] "il ne faut pas oublier que pour de très nombreux propriétaires, le revenu immobilier est un moyen de vivre. Et ne serait-ce que pour se nourrir, il n’est pas excessif de prévoir un prélèvement équivalent à 1% [de la valeur en capital]." (GONDRE (Jean-Marie), Bilan économique des limitations légales des loyers en France de 1914 à 1962, Sciences économiques, Paris, 1963, p. 92).

sociaux346: leur ouverture à tous les propriétaires privés qui rempliraient la même fonction que les HBM, une idée qui, on le sait rétrospectivement, finira par percer, au moins dans le secteur de l’accession à la propriété347.

La lecture qui veut que l’entreprise publique de logement soit un « palliatif » circonstanciel passe toutefois au second plan en 1945-1950. L’étendue des « besoins » reconnus et l’aplatissement de l’initiative du capital privé font de ce « palliatif » un intervenant incontournable, au moins pour un temps. Et surtout, point plus fondamental, le logement public est désormais confronté à des problèmes voisins de ceux de son concurrent privé.

L’analyse selon laquelle l’entreprise publique tendait à faire baisser les loyers avait peut-être une réalité quand les taux d’effort moyens des ménages se tenaient encore autour de 10%, mais elle a perdu toute signification en 1947, quand celui-ci est tombé au-dessous de 1,5%. A la fin des années 1930 déjà, les offices d’HBM avaient pu connaître des difficultés à placer leurs logements en raison du niveau de prix auquel ils parvenaient. Houdeville rappelle que l’OPHBM de Paris souffrait en 1936 d’un taux de vacance de 17,3% (sur 29 440 logements)348. Quant à l’OPHBM du Département de la Seine, ses administrateurs se plaignent dès 1932 des "pertes de loyers [que l'Office subit] du fait de locaux vacants"

cependant qu'au début de 1939 ils hésitent à relever leurs loyers au niveau qu'autoriserait la loi, alors même que les recettes ne couvrent plus guère que la moitié des frais courants et remboursements d'emprunts349. Or, après 1945, l‘écart entre les HBM neuves et l’ensemble du parc existant se maintient à un niveau propre à décourager la demande du neuf. A la suite de la loi du 3 septembre 1947 qui institue pour l’année 1947 des financements pour la construction HBM fondés sur des prêts spéciaux de l’Etat à 2% et à 65 ans350, les arrêtés d’application pris le 19 décembre 1947 fixent le maximum du loyer annuel des habitations

"nouvellement construites" à 13 725 francs pour les appartements de quatre pièces (au moins

346 Olchanski préconise un alignement des conditions de financement et du droit des locations pour l'ensemble des constructeurs-bailleurs, quel que soit leur statut social, et il conclut: "quant aux HBM, il sera facile également de les faire rentrer dans la ligne commune" (OLCHANSKI (Claude), Le Logement des travailleurs français, Droit, Paris, 1945, p. 171-172).

347 Le « prêt à taux zéro » de 1995 représente le parachèvement de la « banalisation » en matière d’accession à la propriété : ouverture à toutes les filières de production et ouverture à toutes les banques, sous réserve d’un

« agrément » du ministère des Finances.

348 HOUDEVILLE (Louis), préface de MENDÈS-FRANCE, Pour une civilisation de l'habitat, Les Éditions Ouvrières, Paris, 1969, p. 88.

349 SELLIER (Henri), Henri Sellier, une cité pour tous, textes réunis et présentés par MARREY (Bernard), Éditions du Linteau, Paris, 1998, p. 180-181 et 198-202.

350 J.O. du 4 septembre 1947, p. 8773-8774. La loi du 3 septembre 1947 prévoit un différé d’amortissement sur cinq ans au maximum, une remise des intérêts sur deux ans et de la moitié des intérêts sur les huit années suivantes, ce qui donne une annuité de remboursement sensiblement égale à 1,9 centime par franc emprunté de la troisième à la dixième année, et à 2,9 centimes par franc emprunté à partir de la onzième année. Le prix de réalisation d’une HBM de 4 pièces en 1947 peut être approché en actualisant des indications fournies en 1939 par la Fédération des SA d’HBM (cela donne 550 000 à 600 000 francs) ou en se fondant sur le rapport Deveaud de mars 1947 (qui retient une valeur de 750 000 francs). Au vu de cette fourchette, un endettement de 600 000 francs par logement de 4 pièces représente une estimation vraisemblable. Frais généraux compris, l’équilibre de gestion d’une opération implique alors un loyer supérieur à 13 000 francs par an de la troisième à la huitième année, et supérieur à 20 000 francs par la suite. Ces résultats sont tout à fait cohérents avec la prescription d’un loyer initial qui peut aller jusqu’à 13 725 francs, mais on note qu’ils présupposent la poursuite de hausses consistantes pour faire face aux échéances qui se succéderont à partir de la onzième année. Les calculs étant établis sur une base 1947 et les opérations réalisées dans le cadre de cette législation s’étalant inévitablement sur 1948 et 1949, on doit également rappeler que le coût de la construction continue d’augmenter rapidement jusqu’en 1949.

Rappel des sources : AN, versement 780321, art CAB 1040; Fédération des sociétés anonymes et fondations HBM de France et d'Algérie, Étude sur la révision fondamentale de la législation sur les habitations à bon marché, Paris, 1939 ; AN, versement 840230, art. C 6506; DEVEAUD (J.), Inspecteur général de l'économie nationale, Rapport sur le problème de la construction et du logement (Toulouse, 1947).

de 73 m2, avec WC et salle d’eau), alors que ce même maximum est borné à 2 721 francs (hors région parisienne) ou à 3 384 francs (en région parisienne) pour les quatre pièces HBM datant d’avant 1939351.

Même si on tient compte des différences de confort et de surface entre anciennes et nouvelles HBM ordinaires, même si on ajoute que le loyer du neuf reste somme toute modéré par rapport à un salaire ouvrier moyen qui s’élevait à 236 000 francs en 1950, le saut que représente une multiplication par quatre ou cinq apparaît tout à fait considérable. Le slogan du

« bon marché » n’est plus tout à fait de saison, et la modification sémantique introduite par la loi du 21 juillet 1950352, qui fait passer aux "habitations à loyer modéré" (HLM) est assurément pleine de sens. Si les organismes d’HBM veulent que leur offre nouvelle soit perçue comme attractive pour des clients qui comparent les prix, ils ne peuvent, eux aussi, que concevoir la « nécessité » d’un relèvement général et rapide des loyers de l’ancien.

Un autre problème que les loueurs HBM partagent avec les bailleurs privés tient sans doute au paiement effectif des loyers. Les aléas de la guerre – privations d'emploi, mouvements de

Un autre problème que les loueurs HBM partagent avec les bailleurs privés tient sans doute au paiement effectif des loyers. Les aléas de la guerre – privations d'emploi, mouvements de