• Aucun résultat trouvé

ENCORE LOIN DU COMPTE !

Dans le document rapport complet (Page 93-96)

© CHRISTOPHE HARGOUES / SCCF

STATISTIQUES D’ACCUEIL 2018 SECOURS CATHOLIQUE – CARITAS FRANCE

Faire respecter le droit à un travail décent et favoriser la reconnaissance des compétences

Le Pacte mondial migrations se réfère à plusieurs conventions internationales protégeant le droit du travail, telle que la Déclaration universelle des droits de l’homme qui prévoit des conditions de travail dignes, un salaire égal et un travail assurant une existence conforme à la dignité humaine.

Plus précisément, le pacte se donne pour objectif no 6 de « favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et [d’]

assurer les conditions d’un travail décent ».

Il entend notamment protéger les travailleurs migrants de toute forme d’exploitation et de maltraitance.

En France, les étrangers qui sont en attente de statut ou sans papiers, représentant plus de la moitié des étrangers rencontrés par le Secours Catholique, n’ont, pour la plupart (92 % en 2018), pas le droit de travailler. Plus de huit de ces étrangers sur dix ont un niveau de vie inférieur à 200 € par mois. Le fait d’être sans droit au travail, avec, au mieux, une allocation de subsistance d’environ 200 € par mois (pour une personne seule en demande d’asile hébergée), place les personnes migrantes dans des situations de grande précarité, voire les pousse à se mettre en danger en acceptant de travailler dans des cadres précaires et non sécurisés.

Au Bangladesh, sur 62,5 millions de personnes en âge de travailler, plus d’un demi-million de travailleurs partent officiellement à l’étranger chaque année.

L’ONG Okup estime que le même nombre de personnes quitte le pays pour trouver un emploi à l’étranger via des voies non officielles. Cette migration se dirige surtout vers les pays du Moyen-Orient où de nombreux migrants se retrouvent dans des situations d’exploitation qui commencent dès le recrutement des candidats à l’émigration. Bien qu’une loi promulguée en 2013 l’interdise, des dalals, ou agents non agréés, imposent un prix extrêmement élevé pour émigrer. S’ajoutent, une fois sur place, une série d’exploitations : heures supplémentaires non payées, salaires confisqués, absence de jour de repos, etc.

Si les femmes ne représentent que 6,6 % des personnes émigrées du Bangladesh103, du fait de nombreuses interdictions limitant leur migration, elles sont particulièrement vulnérables. Une enquête d’Okup auprès de 110 femmes migrantes fait ressortir des violations massives de leurs droits : 61%

montrent des traces de tortures physiques, 86% ont subi des privations de salaire, notamment. Un travail colossal reste donc à mener pour aligner les conditions de travail des travailleurs migrants sur les conventions internationales.

La plupart du temps, les travailleurs migrants occupent des emplois très peu qualifiés, quel que soit leur niveau de compétences.

En Russie, ils sont employés dans les secteurs de la construction, de la voirie, dans les services d’aide à la personne et dans l’agriculture. De nombreux Bangladais sont employés pour effectuer des tâches dangereuses et dégradantes (également appelées les « 3D Jobs » pour « dirty, dangerous and demeaning »104). En Italie, le modèle d’immigration par le travail est aussi celui d’une immigration low cost. En effet, la majorité des travailleurs migrants occupe des emplois de travail domestique ou d’assistance, dans l’agriculture ou la construction. Selon le ministère du Travail, 70 % des étrangers occupent des métiers manuels et selon la Fondazione Moressa, les travailleurs étrangers composent 74 % de la main-d’œuvre domestique et 51,6 % des vendeurs de rue alors qu’ils représentent moins de 1 % des postes de managers, de professeurs ou d’ingénieurs. En France, selon un récent rapport de l’Insee, 36 % des immigrés en France considèrent être surqualifiés pour le métier qu’ils occupent105. De fait, par manque de reconnaissance, les compétences des travailleurs étrangers sont souvent gâchées, ce qui freine à la fois leur intégration dans le pays d’accueil et le développement dudit pays.

Pourtant, la migration est source de richesse, tant pour les pays d’accueil que de départ.

Les émigrés bangladais par exemple envoient environ 15 milliards de dollars américains par an à leurs proches. Le montant des transferts d’épargne des migrants vers le Bangladesh était 5,5 fois supérieur à l’Aide publique au développement (APD) entre 2011 et 2015. Les envois de fonds des travailleurs étrangers en Russie représentaient 30 % du PIB du Tadjikistan et du Kirghizistan en 2016. Selon la Banque d’Italie, plus de 5 milliards d’euros ont été envoyés par des travailleurs étrangers vers leur pays d’origine en 2017. Ces transferts, s’ils ne permettent pas de lancer des programmes structurels en matière de développement, permettent, entre autres, d’améliorer la santé et l’éducation des familles des personnes migrantes ainsi que de stimuler l’économie locale.

Analyser les violences générées par les frontières

La Déclaration universelle des droits de l’homme protège le droit à la vie (article 3) et proscrit la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 5). Le Pacte mondial migrations s’y réfère et se donne pour objectif no 7 de « s’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire ».

Plus précisément, il prévoit que les États signataires du pacte s’engagent à « répondre aux besoins des migrants qui risquent de se retrouver dans des situations de vulnérabilité en raison des circonstances de leur voyage ou des situations qu’ils rencontrent dans les pays d’origine, de transit ou de destination, en les assistant et en protégeant leurs droits de l’homme, conformément aux obligations que nous impose le droit international ».

Cette violence est en partie générée par la volonté de contrôler et de limiter à tout prix les migrations. Le Pacte mondial, sans en supprimer le principe, entoure la gestion des frontières de garanties visant à protéger les droits fondamentaux des personnes migrantes. L’objectif no 8, « sauver des vies », du pacte enjoint aux États d'« élaborer des procédures et des accords relatifs à la recherche et au sauvetage des migrants dont l’objectif premier soit de protéger le droit à la vie et qui fassent respecter l’interdiction des expulsions collectives, assurent une procédure régulière et des évaluations individuelles, améliorent les capacités d’accueil et d’assistance, et garantissent que la fourniture d’une aide de nature exclusivement humanitaire ne puisse être considérée comme illégale ».

Au Mexique, le gouvernement a adopté en 2014 le plan Frontera Sur qui, sous couvert d’une plus grande protection des personnes migrantes, se traduit par une politique de sécurisation des frontières. Celle-ci passe notamment par l’endiguement de l’émigration vers les États-Unis avec, entre autres mesures, l’interdiction de traverser le pays dans un train de marchandises, appliquée via des opérations massives de police et l’installation de services de sécurité privée à certains points de passage. Parmi les personnes migrantes recensées par le Redodem comme ayant été victimes d’un crime au cours de leur transit par le Mexique, plus des trois quarts ont été victimes de vol, 5 % de violences physiques, 4 % d’extorsion ou d’enlèvement106. En Méditerranée, l’Union européenne et ses États membres ont progressivement remplacé les opérations de sauvetage en mer par des

© SÉBASTIEN LE CLEZIO / SCCF

missions de sécurisation des frontières au détriment des droits fondamentaux, et notamment du droit à la vie, des personnes migrantes. Après avoir prescrit un « code de conduite » aux ONG de sauvetage en mer leur imposant notamment de ne plus opérer de missions de sauvetage dans les eaux libyennes, le gouvernement en place en Italie depuis juin 2018 a refusé à plusieurs reprises l’accès à ses ports aux ONG de sauvetage. Ce fut le cas pour l’Aquarius et ses 600 passagers à l’été 2018, ou en juin 2019, pour le Sea Watch conduit par Carola Rackete alors même que 42 personnes rescapées étaient à son bord. Conséquence de ces politiques, de nombreuses personnes sont maintenues en Libye où les traitements inhumains et dégradants à l’encontre des personnes migrantes sont largement répandus. Et le risque de perdre la vie en traversant la Méditerranée augmente : il était d’un décès sur seize personnes traversant la Méditerranée entre juin et juillet 2018, taux de mortalité le plus élevé enregistré ces dernières années107.

La fermeture des routes vers l’Italie a engendré une augmentation des passages vers l’Espagne : en 2018, 64 298 personnes

ont traversé la frontière sud, soit une augmentation de 131 % par rapport à 2017.

Cette hausse des passages s’accompagne d’une hausse encore plus importante du nombre de décès sur cette route, puisqu’ils sont passés, selon le HCR, de 202 en 2017 à 784 en 2018108, soit une augmentation de 288 %. Ce chiffre représente une estimation basse puisque l’Association de droits de l’homme andalouse considère que, sur la même période, 1 064 personnes ont perdu la vie sur cette route109.

Aux frontières intérieures de l’UE également, et notamment aux frontières françaises, le non-respect des droits fondamentaux des personnes migrantes augmente de fait la mortalité. À la frontière franco-italienne, les droits des personnes migrantes, le droit à demander l’asile en particulier, ne sont pas respectés. Lors d’une action d’observation interassociative organisée entre les 24 et 26 juin 2018, 156 personnes ont été refoulées depuis la France vers l’Italie sans prise en compte de leur souhait de demander l’asile, 76 ont été privées de liberté en dehors de tout cadre légal et 11 se déclarant mineures ont été refoulées sans prise en compte de leur minorité110.

Garantir le droit à l’éducation

L’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme rappelle que « toute personne a droit à l’éducation ». Ce droit est un outil essentiel pour la liberté et la dignité.

Pourtant, il est largement malmené pour les personnes migrantes. Le pacte mondial pour des migrations sûres ordonnées et régulières promeut l’accès à l’éducation pour les personnes migrantes. Son préambule cite de nombreux textes internationaux qui prônent un accès inconditionnel à l’éducation pour les personnes migrantes, telle la convention relative aux droits de l’enfant.

Nos partenaires internationaux constatent que de nombreux migrants n’ont pas accès à l’éducation au cours de leur parcours migratoire. Dans un rapport de 2018, le HCR rappelle ainsi que « quatre millions d’enfants réfugiés ne vont pas à l’école ». En France, si l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans, un grand nombre d’enfants migrants n’ont pas accès à l’éducation, par exemple lorsque leur minorité n’est pas reconnue ou encore lorsqu’ils vivent dans des habitats précaires et instables (bidonvilles, squats, hôtels, etc.). Une étude menée par le Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation (CDERE) en 2017 conclut

© SÉBASTIEN LE CLEZIO / SCCF

STATISTIQUES D’ACCUEIL 2018 SECOURS CATHOLIQUE – CARITAS FRANCE

que le taux de scolarisation des jeunes de 12 à 18 ans vivant en bidonville sur l’ensemble du territoire français n’est que de 47 %111. Dans un contexte où les politiques migratoires à l’échelle mondiale s’inscrivent dans une dynamique restrictive, la mise en œuvre du droit à l’éducation des personnes migrantes se heurte à de nombreux obstacles. Ces personnes se voient là privées d’un droit fondamental, ce qui renforce leur vulnérabilité et leur exclusion et rend de fait leur intégration dans le pays de destination plus difficile. En Turquie, Caritas Turquie soutient des projets d’enseignement du turc aux personnes migrantes. En 2018, plus de 250 enfants, adolescents et adultes réfugiés syriens en ont bénéficié. L’objectif est de promouvoir leur intégration dans la société par l’apprentissage de la langue. Dans la plupart des pays, de nombreux acteurs de la société civile doivent pallier l’inaction des États et tenter d’améliorer l’accès à l’éducation des personnes migrantes.

LES ACTIONS QUI FAVORISENT

Dans le document rapport complet (Page 93-96)