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3 L’INTEGRATION LINGUISTIQUE ET SCOLAIRE

3.2 Les disciplines enseignées

3.2.2 En structure fermée

L’enseignement disciplinaire est plus problématique en classe fermée. L’objectif est clair : il faut faire en sorte que les élèves puissent intégrer le plus aisément possible leur future classe. Un problème se pose cependant : les orientations diffèrent d’un jeune à l’autre et les élèves ne suivront pas forcément les mêmes enseignements dans les filières qu’ils rejoindront. Les disciplines choisies sont en général fonction des moyens (nombre d’heures dont la structure dispose) et des matières à privilégier. Pour les CLA de LP et les AAR-FLS, le plus souvent, les matières choisies sont les matières du tronc commun, enseignées dans tous les CAP et BEP même si les programmes et les exigences ne sont pas les mêmes. Ainsi, en dehors du français, les élèves ont souvent droit à 2 ou 3 heures de mathématiques, à 1 ou 2 heures d’anglais, à une ou deux heures d’histoire-géographie et à 2 heures d’EPS. Certaines structures sont parvenues à faire des groupes de niveaux occasionnels ou permanents pour ces matières. D’autres disciplines peuvent être abordées de manière plus aléatoire en fonction des choix des équipes et du potentiel du terrain. Les autres enseignements rencontrés sont l’informatique (la bureautique), l’enseignement technique en atelier (la métallerie en ce qui concerne l’AAR de Beauvais), la vie socio-professionnelle (VSP), les sciences (SVT et physiques) et les arts appliqués ou autres activités artistiques.

Différents problèmes peuvent être soulevés ici. Le cas de la langue vivante choisie en est un. L’anglais est la langue la plus enseignée, voire la seule enseignée, au LP. Cela favorise les anglophones et leur permettra peut-être d’obtenir une excellente note lors de leurs examens de fin d’étude116. En revanche, de nombreux élèves, par ailleurs plurilingues, ne maîtrisent pas l’anglais. Ce nouvel apprentissage les handicape grandement puisqu’ils doivent rattraper sans soutien et en très peu de temps le niveau de la classe qu’ils vont rejoindre alors qu’ils partent souvent de zéro. La circulaire de 2002117 stipule que les ENA peuvent, lors d’un examen de fin d’études, présenter en LV1 leur langue d’origine pour peu

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Pour preuve : nos élèves qui ont su suivre des cours en immersion avec une classe de Bac Pro première année. S’ils se démarquaient des autres, c’est par le fait qu’ils maîtrisaient souvent mieux l’anglais à l’oral qu’à l’écrit alors que les jeunes français étaient dans une position inverse.

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B.O. spécial n°10 du 25 avril 2002. Circulaire n° 2002-100 du 25-4-2002, pp.12-13. « On encouragera pour ces élèves la poursuite de l'étude de leur première langue de scolarisation comme langue vivante I ou II en classe ordinaire, ou dans le cadre des enseignements des langues et cultures d'origine. Dans le second degré, tout élève peut bénéficier d'une inscription au centre national d'enseignement à distance (CNED) prise en charge par l'établissement, si cette langue n'est pas enseignée dans l'établissement ou dans un établissement voisin. »

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qu’elle soit enseignée au CNED. Dans ce cas de figure, l’établissement doit prendre en charge les frais d’inscription au cours de manière à ce que l’élève puisse suivre les enseignements gratuitement comme il est d’usage dans l’enseignement public français. L’initiative est bonne mais quand les élèves ne sont pas autonomes et n’ont pas de bonnes bases à l’écrit en L1, il leur est difficile de travailler les cours du CNED en autonomie et il est rare que des dispositions soient prises pour qu’ils soient accompagnés dans cet apprentissage. Par ailleurs, la majorité des langues d’origine des élèves sont des langues orales ou rares qui ne sont pas proposées par le CNED. Les élèves arabophones ne sont pas plus favorisés car ils parlent un arabe dialectal souvent fort éloigné de l’arabe littéraire enseigné en France et choisir cette langue reviendrait donc à choisir une langue étrangère inconnue. De toute façon, cette mesure n’est pas valable assez longtemps pour que les élèves en profitent réellement. Les adolescents arrivés tardivement en France ne peuvent pas tous préparer un diplôme en deux ans et c’est pourtant pendant deux années seulement qu’ils peuvent profiter de l’enseignement dispensé par le CNED. Pour finir sur ce point, les programmes de CAP précisent que l’orientation vers certaines filières rend facultative la présentation d’une LV1, ce qui peut résoudre le problème d’une partie des élèves118.

Concernant les enseignements en informatique, en atelier de métallerie, en sciences voire en art appliqué, le problème qui se pose est d’un autre ordre. Il n’est pas du tout certain que les élèves retrouvent ces matières dans la filière qu’ils ont choisi ou vont choisir. De ce fait, certains enseignements n’ont pas de finalité précise et on peut se demander si l’élève n’aurait pas plus à gagner à étudier davantage le français ou les mathématiques par exemple. C’est d’ailleurs une réflexion parfois formulée par certains d’entre eux quand la matière leur déplaît. L’art appliqué est enseigné au LP mais il se décline sous différentes formes. Ainsi, certains feront du dessin technique alors que d’autres bénéficieront d’un enseignement en arts appliqué adapté à leur filière. Les sciences enseignées d’une filière à l’autre sont également distinctes. Certains auraient besoin de bases en électricité, d’autres de connaissances en biologie et au final, il est difficile de savoir quel programme mettre en place et comment travailler, d’autant que les enseignants de ces disciplines n’interviennent pas toujours dans tous les LP. Est-il nécessaire que les élèves suivent toutes les parties d’un programme aménagé alors qu’ils ne sont concernés que par certains aspects de celui-ci ? C’est une question complexe. Les enseignants de FLER de Paris se demandaient lors de leur réunion de bilan s’ils n’allaient pas tout simplement convertir ces heures d’enseignement scientifique en

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heures supplémentaires de mathématiques pour tâcher de résoudre un problème qui ne peut véritablement l’être à moins de bouleverser les techniques d’enseignement traditionnelles et de demander beaucoup à un intervenant occasionnel.

Le plus souvent les moyens octroyés n’ont pas permis de constituer des groupes de niveaux dans des matières autres que le français. Par endroit, il y a un dédoublement en mathématiques, en anglais, en histoire-géographie ou en sport (pour venir en aide à des élèves ayant des problèmes de motricité) mais ce n’est pas une règle générale119. Parfois des élèves NSA sont dispensés de certains apprentissages qui seraient trop complexes ou risqueraient d’interférer (l’anglais par exemple) ou qui demanderaient des aménagements difficiles à réaliser par un enseignant non initié à l’alphabétisation. C’est le cas dans notre LP pour l’enseignement de l’informatique qui n’est pas proposé aux élèves en cours d’alphabétisation même si nous souhaitons pouvoir initier ces adolescents au traitement de texte quand notre classe aura été équipée en matériel informatique à la rentrée. L’enseignant des DNL doit donc faire au mieux pour que chaque élève puisse aller le plus loin possible dans ses apprentissages. Ce n’est pas toujours simple surtout si l’effectif est important.

Il faut signaler également qu’il n’y a aucun programme officiel et donc aucun manuel pour ce type de classe. Les enseignants de CLA interrogés à ce sujet parlent de « rattraper le niveau CM, 6e ou 5e », « d’initier » les élèves et de leur faire « découvrir » certaines matières. D’autres s’appuient sur les pré-requis du LP. Une enseignante de CLA de collège apporte plus de précisions : « En règle générale et dans l’absolu, l’objectif est l’acquisition du vocabulaire de la discipline, des démarches propres à cette discipline et enfin les savoirs scolaires qui correspondent à la classe d’âge de l’élève. Le contenu précis est fixé en fonction des élèves. Ceci est un objectif, un axe, ce n’est malheureusement pas toujours possible120. »

L’absence de directives est à la fois une grande liberté et une source d’interrogations que l’enseignant ne peut pas toujours résoudre seul compte tenu de la complexité de la classe dans laquelle il intervient. Il est rare qu’il utilise un support fixe. Cela est possible en anglais même si le passage par la langue française peut être contraignant. En mathématiques, il est plus souvent d’usage d’avoir recours à des fiches photocopiables et à des fichiers autocorrectifs pour permettre une meilleure individualisation des parcours. Les enseignants de mathématique peuvent également s’aider d’un ouvrage édité par le CRDP de l’Académie

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Des groupes de niveaux ont été créés dans six établissements pour les mathématiques, dans trois pour l’anglais, dans deux pour l’informatique et dans un seul pour l’EPS, les sciences physiques et l’histoire géographie.

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de Créteil qui a pour titre Enseigner les mathématiques à des élèves non francophones ?121 et qui propose notamment des fiches pour enseigner la géométrie et le vocabulaire de la discipline en tenant compte de niveaux.