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tomb´ee du soleil le sable chante de moins en moins bien pour ne plus du tout chanter une fois que la ros´ee s’est d´epos´ee. Ce comportement ´evoque fortement un m´ecanisme d’instabilit´e se d´eclenchant lorsqu’un param`etre de contrˆole d´epasse un certain seuil quantifiable, mˆeme si pour l’instant le seuil est exprim´e en nombre de doigts ; mais il pourrait aussi ˆetre du aux limites de l’oreille humaine, incapable de percevoir des sons de trop basse intensit´e : nous l`everons cette ambigu¨ıt´e ult´erieurement.

Qui qu’il en soit, l’analyse du seuil est difficile avec ce seul voyage car la diff´erence n’est pas tr`es marqu´ee entre les dunes Ω1 et Ω2, mais elle peut l’ˆetre plus si on compare des dunes qui chantent qui ne sont pas au mˆeme emplacement g´eographique.

2.3

Emplacements g´eographiques

D’autres dunes peuvent chanter dans le monde, et certaines d’entre elles sont situ´ees `a Oman o`u nous avons effectu´e notre deuxi`eme mission.

Al-Qabil

Emirats Arabes Unis

Nizwa

2 km

Dune étoile "Al-Wagan"

Fig.2.12: Dune ´etoile chantant faiblement dans la r´egion de Al-Wagan, `a 1 km de la fronti`ere avec les ´Emirats Arabes Unis (23.714639 Nord, 55.636997 Est).

Pr`es de la fronti`ere avec les ´Emirats Arabes Unis, une route indiqu´ee “Al-Wagan” m`ene `a des bras de sable au milieu desquels se trouvent des dunes ´etoiles. Une dune ´etoile est form´ee par des vents changeant de direction de mani`ere cyclique, et dont la moyenne est nulle [34]. Cela a pour effet de conserver le sable au mˆeme endroit et de former un tas ayant globalement autant de face que de directions de vent - trois faces pour la plupart des dunes d’Al-Wagan.

Apr`es bien des essais infructueux, nous avons d´ecouvert que la plus grande des dunes ´etoiles de la r´egion pouvait chanter, `a condition d’ˆetre trois en mˆeme temps `a pousser le sable en avalanche comme si notre vie en d´ependait. Le son ´emis est alors plus grave qu’`a Sidi Aghfinir

120 100 80 60 40 te mp s (s) Fréquence (Hz) Hz

Fig.2.13: Chant de la dune Al-Wagan en repr´esentation temps-fr´equence (par ondelettes). La fr´equence est assez pure, et ne varie pas trop dans le temps, avec une distribution comportant un pic `a 80 Hz.

(environ 80 Hz — fig. 2.13), et malgr´e tous nos efforts il a ´et´e impossible de faire chanter ce sable `a la main5. Il n’est `a priori pas ´etonnant que la fr´equence du chant soit assez diff´erente de

celle de la dune Ω1 au maroc, ´etant donn´e que les grains n’ont pas du tout la mˆeme taille ni la mˆeme composition et que la dune n’a pas non plus la mˆeme forme ni la mˆeme dynamique. A l’extrˆeme est d’Oman, juste avant l’entr´ee de la ville cˆoti`ere d’Al-Askharah se trouvent deux dunes barkhanes imbriqu´ees l’une dans l’autre. Ces deux barkhanes sont compos´ees d’un sable clair, de taille moyenne de 250µm, mais avec un ´ecart-type tr`es important. Cette double-dune chante avec une telle facilit´e que la plupart des avalanches accidentelles sont chantantes. Le chant est assez variable suivant l’endroit o`u on d´eclenche l’avalanche. Il est le plus souvent mono-fr´equenciel, mais la fr´equence n’est pas forc´ement la mˆeme selon l’endroit o`u est d´eclench´ee l’avalanche, et les variations de fr´equence sont plus importantes que sur la face d’avalanche de Ω1. Les battements sont aussi beaucoup plus importants, `a tel point qu’on ne reconnaˆıt plus parfois la fr´equence du chant et qu’on n’entend plus qu’un son rugueux, rauque, comme un bruit plutˆot qu’un son : on comprend mieux maintenant pourquoi certaines descriptions du chant des dunes comparent le son `a un roulement de tambour, ce qui semblait absurde en entendant seulement

2.3 Emplacements g´eographiques Fréquence (Hz) T e mp s (s) 400 300 200 100 0 Fréquence (Hz) Spectre moyen

Fig.2.14:Repr´esentation temps-fr´equence du chant de la dune Al-Askharah (ondelettes). La fr´equence est beau- coup moins marqu´ee, et comporte plusieurs pics larges de fr´equences. Pr´ecisons qu’il s’agit l`a d’une seule avalanche, car sur cette dune d’autres exp´eriences donnent une r´epartition diff´erente de fr´equences (voir en annexe).

le chant de Ω1 au maroc, qui comporte peu de battements.

Beaucoup plus pr`es de Paris et encore plus pr`es de Bordeaux, le sable des Landes est aussi capable d’´emettre des sons. Contrairement aux autres exemples pr´ec´edents, ce sable n’a pas fait l’objet d’une mission, mais a ´et´e remarqu´e au d´etour de vacances par plusieurs membres s´epar´es de l’´equipe. Le son ´emis par le sable des plages est avant tout radicalement diff´erent de celui ´emis par le sable d’une dune : les fr´equences sont beaucoup plus ´elev´ees, et il ne comporte pas de faces d’avalanches, donc il faut toujours le solliciter car il ne coule pas naturellement. Pour faire chanter ce sable, il faut aussi le cisailler, donc plonger sa main dedans et pousser un paquet de sable. Mais il faut aller beaucoup plus vite que pour le sable des dunes, sans quoi

il reste silencieux, et il est incapable de chanter de mani`ere spontan´ee6. Les fr´equences ´emises

´etant beaucoup plus hautes (entre 600 et 1000 Hz, ce qui correspond aux notes dans les aigus retranscrites par C.H. Bolton[17], fig. 1.5), on ne parle plus vraiment de sable qui chante mais de sable qui “couine”, ou “couineur” (”to squeek” dans la langue de Darwin). A la sortie du bassin d’Arcachon, le banc d’Arguin est compos´e d’un tel sable, et le promeneur s’en rend vite compte lorsque chacun de ses pas d´eplace du sable avec un petit sifflement. Il y a du couineur sur beaucoup d’autres plages de la cˆote landaise, mais contrairement au banc d’Arguin, `a chaque fois le sable ne chante pas partout sur la plage : les zones qui chantent semblent localis´ees dans une bande parall`ele `a la cˆote, `a quelques m`etres du front des vagues. De plus, la premi`ere chose que nous avons remarqu´ee sur les ´echantillons de ce sable ramen´e `a paris est qu’ils perdent leurs propri´et´es de chant au bout de quelques semaines, et que pour les faire r´eapparaˆıtre, il faut arroser un peu ce sable, bien m´elanger, et attendre que l’humidit´e soit bien r´epartie et homog`ene, sans agr´egats. Ce sable ne peut chanter que s’il est un peu humide , mais pas trop : sur une plage l’humidit´e du sable d´ecroˆıt lorsque l’on s’´eloigne de la mer, et les deux valeurs limites d’humidit´e entre lesquelles le sable peut chanter d´efinissent une bande `a peu pr`es parall`ele `a la cˆote.

Fig.2.15:Carte du monde avec marqu´e les emplacement des dunes. En rouge : dunes visit´ees depuis 2007 par l’auteur de cette th`ese. En bleu : dunes visit´ees par S. Douady. En violet : emplacements de dunes trouv´es dans la litt´erature. En jaune : quelques emplacements de plages sonores.