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Comparaison des fr´equences : loi en �g/d

La carte du monde de la figure 2.15 dresse une liste importante (mais non exhaustive) de lieux o`u se trouve du sable chantant. Les lieux concern´es sont assez bien r´epartis dans le monde, surtout aux tropiques, ce qui est logique quand on consid`ere que la majorit´e des d´eserts de sables sont situ´es aux tropiques. Le tableau de la partie suivante (tab. 4.1) d´etaille les coordonn´ees de latitude et longitude de ces lieux, avec en plus le diam`etre moyen des grains et la fr´equence du chant (lorsqu’ils sont connus). Parmi les endroits rep´er´es se trouvent aussi `a titre indicatif quelques lieux de plages chantantes, mais le ph´enom`ene est beaucoup plus courant que celui de chant des dunes, et ne saurait ˆetre efficacement r´epertori´e avec les moyens dont nous disposons : nous l’avons dit, H.C. Bolton a r´epertori´e en 10 ans plus de 50 plages [15] chantantes pour les seuls Etats-Unis, et pour notre part, il n’´etait pas rare qu’un visiteur du laboratoire nous parle d’une nouvelle plage chantante qu’il avait vue ou dont il avait entendu parler dans tel ou tel pays. La seule remarque que nous pouvons faire sur ces plages est que contrairement aux dunes qui chantent, elles ne sont pas limit´ees aux lieux d´esertiques, et on en trouve un bon nombre en zone temp´er´ee (Cˆote landaise, Angleterre, Danemark, Japon, cˆote est des Etats-Unis, ...)

2.4

Comparaison des fr´equences : loi en

�g/d

A travers ces descriptions du chant des dunes sur le terrain, nous voyons que les dunes qui chantent peuvent ˆetre assez diff´erentes, ne pas ´emettre `a la mˆeme fr´equence, ne pas chanter beaucoup, ou au contraire ˆetre de vraies divas. Mais tous ces cas ont un point commun : `a chaque fois, le son est produit lorsque le sable est mis en mouvement, i.e. lorsqu’il est cisaill´e. Lorsque le sable chante `a la main, il est difficile d’´evaluer ce cisaillement, en revanche les ´ecoulements d’avalanche sont caus´es par la gravit´e uniquement, et ont un taux de cisaillement relativement constant [41, 42]— nous d´evelopperons dans le prochain paragraphe un calcul qui ´etablit ce r´esultat.

Nous pouvons alors d´eduire ce taux de cisaillement par analyse dimensionnelle pour une dune compos´ee de grains du mˆeme diam`etre d : le taux de cisaillement ˙γ a la dimension de l’inverse d’un temps. Il d´epend `a priori de l’angle φ de la face d’avalanche, du diam`etre des grains d et de l’acc´el´eration de la gravit´e g. Comme les avalanches ne diff`erent pas notablement si on les d´emarre `a mi-hauteur de la dune, ce taux ne d´epend donc pas d’autres param`etres comme la

taille de la dune. Nous avons alors 4 variables et 2 dimensions, ce qui nous permet d’exprimer la loi reliant le cisaillement aux autre param`etres avec seulement deux nombres sans dimensions. Le premier est naturellement l’angle φ, le second s’´ecrit alors ˙γ�d/g, et la loi de cisaillement peut s’´ecrire :

˙γ = f (φ)� g

d .

En pratique, l’angle d’avalanche d’un mat´eriau granulaire d´epend de beaucoup de param`etres microscopiques des grains qui le composent ; toutefois pour du sable cet angle est en moyenne de 30◦

et varie peu d’un sable `a l’autre (Nous avons mesur´e des angles variant de 29◦

` a 31, 5◦

sur les dunes ´evoqu´ees plus haut). Ainsi, pour une avalanche `a la surface d’une dune, le coefficient f (φ) pourra ˆetre consid´er´e comme constant, et on trouve en pratique [42, 43, 44, 45] :

˙γ = 0, 4� g

d . (2.1)

Cette analyse dimensionnelle peut tout `a fait ˆetre conduite pour la fr´equence, qui a la mˆeme dimension que le taux de cisaillement, et on trouve de la mˆeme mani`ere

f = a� g

d , (2.2)

o`u a est un coefficient inconnu. Il convient donc de comparer la mesure de f avec l’estimation du taux de cisaillement pour les cas o`u nous avons ces informations.

Cette intuition se trouve r´ecompens´ee puisque la fr´equence trac´ee figure 2.16 en fonction du cisaillement donne une droite, ce qui indique qu’en moyenne ces deux grandeurs sont ´egales. Certes la relation ne se fait pas sur plusieurs d´ecades, tout simplement parce que la granulom´etrie du sable qui chante ne s’´etend pas non plus sur plusieurs d´ecades (ce point sera abord´e plus en d´etail dans le chapitre 4). Cette relation ne rend pas compte des fluctuation de fr´equence et des battements que nous avons pu observer sur le terrain : la relation entre le cisaillement et la fr´equence du chant en avalanche n’est sˆurement pas si simple lorsqu’on ne regarde plus seulement les valeurs moyennes, mais cette courbe confirme que le chant des dunes est tr`es fortement li´e au cisaillement du sable. Il faut ˆetre prudent toutefois dans la construction de cette courbe avec les cas o`u la taille des grains n’est pas bien d´efinie : si on prend par exemple

2.4 Comparaison des fr´equences : loi en �g/d 120 100 80 60 120 100 80 60 Cisaillement Moyen (s-1) F ré q u e n ce Mo ye n n e (H z)

Sand Mountains, USA

Cerro Bramador, Chili

Mar de Dunas, Chili

Al-Wagan, Oman

Al-Askharah, Oman

Tarfaya, Maroc

1

Fig.2.16: Fr´equence des dunes en fonction du cisaillement moyen impos´e par la gravit´e en avalanche (calcul´e selon la loi empirique : γ = 0, 4�g/d. Notons les trois points provenant de la mˆeme dune d’Al-Askharah, en jaune.

la dune d’Al-Askharah `a Oman, on a vu qu’elle ´etait capable d’´emettre un son tr`es rugueux, avec de tr`es forts battements. Si on regarde la composition spectrale de ce son, on constate la pr´esence de plusieurs pics de fr´equences, or la granulom´etrie de ce sable comporte aussi plusieurs pics, et heureusement, trois de ces pics de fr´equence correspond aux trois pics de granulom´etrie dans la relation fr´equence-cisaillement. Dans d’autres cas, comme pour Al-Wagan, la relation est moins ´evidente puisqu’il n’y a qu’une seule fr´equence pour plusieurs pics de taille des grains. Mais heureusement encore, cette fr´equence correspond `a l’un des pics en particulier : il est donc l´egitime de supposer que pour cette dune, seuls les grains de cette taille ont des propri´et´es de chant, et que les propri´et´es de s´egr´egation des avalanches [46] les trient des autres grains, ce qui leur permet d’´emettre un son comme s’ils ´etaient seuls en avalanche. Cette hypoth`ese est coh´erente avec le fait qu’il faut mobiliser beaucoup de grains pour faire chanter cette dune en particulier.

Ces subtilit´es expliquent sans doute les r´esultats ´etranges trouv´es par Vriend et al. sur les dunes de Dumont et Kelso en Arizona : les grains de ces dunes sont beaucoup moins tri´es que ceux d’autres dunes chantantes comme les barkhanes g´eantes de la r´egion de Sidi Aghfinir ; aussi, lorsque l’on calcule le cisaillement `a partir de la taille moyenne des grains, on commet une erreur

1.0

0.5

0.0

200

100

Fréquence (Hz) Amp lit u d e (n o rm. ) 60 80 100 115

Fig.2.17: Diff´erents spectres obtenus lors d’avalanches sur la dune d’Al-Askharah. On voit nettement 4 pics apparaˆıtre, dont 3 correspondent `a des pics dans la granulom´etrie de la dune (voir la partie granulom´etrie).