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2 Composante visuelle de l’adaptation à une altération des distances apparentes

2.2 EMP et demande en vergence fusionnelle

La composante de potentiation musculaire extra-oculaire (EMP) survient lors d’une demande en vergence fusionnelle soutenue. Ebenholtz & Wolfson (1975) et Paap &

Ebenholtz (1977) ont mis en évidence une relation linéaire entre le post-effet de distance lié à l’EMP et la demande en vergence. La fonction établie lors de l’exposition boucle ouverte aux prismes bases externes (article 2) relie linéairement le post-effet de distance lié à l’EMP aux variations de phories, c’est-à-dire à la réponse oculomotrice à la demande en vergence.

Les conditions d’exposition pour les prismes et le téléstéréoscope requéraient des demandes en convergence différentes. Les post-effets de distance liés à l’EMP obtenus lors de l’exposition à ces deux dispositifs optiques étaient cependant comparables (voir tableau 4).

Prismes bases externes Téléstéréoscope Distances de fixation apparentes 224 mm à 275 mm 129,2 mm à 178,5 mm

IPD moyen 61 mm 64 mm

Angles de vergence requis 12,7 ° à 15,6 ° 20,3 ° à 27,8 ° Moyenne géométrique des distances de fixation

(angle de vergence correspondant) 248 mm (14,1 °) 151,9 mm (24,1 °) Post-effet observé de distance ± SE 27,2 mm ± 5,9 mm 28 mm ± 10 mm

Tableau 4. Comparaison des post-effets de distance entre prismes bases externes et téléstéréoscope.

Les distances de fixation apparentes correspondent aux distances de fixation résultantes sous dispositif optique.

La moyenne géométrique de la gamme de fixation de b à c mm est égale à √(b*c). Le post-effet de distance observé lors de l’exposition boucle ouverte aux prismes est celui observé sur la main droite (voir article 1).

La comparaison directe de ces post-effets doit être prudente. Prismes bases opposées et téléstéréoscope modifient la demande en vergence de façon différente en fonction de la distance13. La relation entre vergence et accommodation est en outre altérée différemment par ces deux dispositifs optiques, cette altération étant plus marquée avec le téléstéréoscope. Les disparités de fixation qui sont augmentées par la discordance entre accommodation et vergence sont donc théoriquement plus importantes sous téléstéréoscope. L’importance des disparités de fixation peut affecter le post-effet de distance, car la modification de la vergence tonique engendrée par l’EMP dépend de la précision de l’alignement binoculaire pendant l’exposition (Ebenholtz, 1981). La pauvreté du stimulus accommodatif utilisé dans nos études, limitant le conflit entre accommodation et vergence, a cependant limité l’importance des disparités de fixation (Semmlow & Hung, 1979).

L’EMP se développe en fonction du temps d’exposition à la vergence soutenue. Il est également difficile de comparer directement les post-effets obtenus par prismes et par téléstéréoscope en fonction de la durée d’exposition. Les phases de pointage boucle ouverte avec ces deux dispositifs optiques étaient de durée comparable (10 min). Cette durée sous-estime la durée d’exposition à une vergence soutenue dans le cas du téléstéréoscope puisque la phase de pointage boucle ouverte était précédée par une période nécessaire d’entraînement à la fusion pouvant atteindre quelques minutes, afin de permettre au sujet d’effectuer la tâche.

L’EMP s’est développée durant l’exposition aux prismes bases externes selon une fonction linéaire du nombre d’essais (article 2). La durée d’exposition d’environ 10 min

13 Voir section 3.1 de la première partie

(100 essais) n’a pas permis d’atteindre de niveau asymptotique. A l’inverse, aucun effet temporel n’a été mis en évidence lors de la phase de pointage boucle ouverte sous téléstéréoscope (article 3). L’absence d’effet temporel dans ce cas pouvait être liée à l’obtention d’un état stable rapidement ou au masquage de l’effet temporel par le bruit observé pour le pointage boucle ouverte (Brown, et al., 2003; Wann & Ibrahim, 1992). Afin d’approfondir l’analyse de la relation entre amplitude de l’EMP et demande en vergence, il conviendrait d’utiliser des conditions expérimentales plus directement comparables. En particulier, l’usage d’une demande en vergence fusionnelle plus modérée pour le téléstéréoscope faciliterait la fusion immédiate et permettrait d’étudier le décours temporel de l’EMP au cours de l’exposition à ces deux dispositifs optiques, avec des durées d’exposition identiques.

Les post-effets de distance liés à l’EMP retrouvés dans nos études ont été obtenus par augmentation de la demande en vergence fusionnelle14. Des post-effets ont été mis en évidence lors de la fixation prolongée à une distance proche (Ebenholtz, 1981; Ebenholtz &

Wolfson, 1975), lors de l’introduction de prismes bases opposées (Paap & Ebenholtz, 1976;

von Hofsten, 1979) mais aussi de lentilles sphériques positives (Ebenholtz & Fisher, 1982).

Toutes ces conditions d’exposition ont en commun la modification de la vergence tonique par modification de la demande en vergence fusionnelle. En effet, l’introduction de lentilles positives induit une augmentation de la vergence fusionnelle par l’interaction de la vergence accommodative15.

Les ajustements oculomoteurs engendrant une modification de la perception des distances semblent donc limités à la vergence tonique. Cette hypothèse a été confirmée par les résultats des travaux d’Owens & Leibowitz : SDT corrélée à la dark vergence et indépendante du dark focus (Owens & Leibowitz, 1976), modification de la perception des distances parallèle aux seules variations de dark vergence après exposition à des prismes et lentilles (Owens &

Leibowitz, 1980). Le rôle de l’accommodation dans les modifications de la perception des distances ne semble donc pas direct, les modifications accommodatives affectant la perception des distances par le biais de l’interaction avec le système de vergence fusionnelle.

14 Voir article 1, étude 1 et article 3, étude 3

15 Voir section 1.2.2.3 de la première partie

Il existe cependant une observation d’Ebenholtz & Fisher (1982) excluant toute composante de vergence fusionnelle et suggérant selon les auteurs une entrée indépendante accommodative sur la perception des distances. Ebenholtz & Fisher (1982) ont observé un post-effet de distance réduit mais significatif lors d’une exposition monoculaire aux lentilles positives. Le post-effet de distance ne peut pas s’expliquer dans ce cas par le développement de l’ésophorie car la phorie ne peut pas être modifiée lorsque la vergence est en boucle ouverte.

Les post-effets maximum de distance (exprimés en équivalents angulaires) décrits dans la littérature atteignent des valeurs de l’ordre de 6 à 8 DP (Ebenholtz, 1974) et de 4° (von Hofsten, 1979). Ces niveaux sont atteints pour des durées de 8 à 10 min d’exposition. Le post-effet moyen après 10 min d’exposition aux prismes bases externes dans nos études était de l’ordre de 1°. Ces différences importantes de valeur s’expliquent très probablement par la richesse de l’environnement visuel et des interactions actives avec l’environnement dans les études d’Ebenholtz et de von Hofsten. Le post-effet de distance mesuré dans ces deux études reflétait donc probablement la combinaison du post-effet lié à la recalibration visuelle et du post-effet lié à l’EMP.

Avant de terminer cette section consacrée à l’EMP, il faut préciser que les modifications de perception des distances liées à l’EMP s’expriment essentiellement en environnement pauvre et diminuent voire disparaissent en environnement riche (Shebilske, et al., 1983). Cette observation est en accord avec l’hypothèse de diminution du poids de la vergence en environnement visuel riche (Landy, et al., 1995).

La composante liée à l’EMP survient lors d’une demande en vergence fusionnelle soutenue. L’EMP s’est développée durant l’exposition aux prismes bases externes selon une fonction linéaire du nombre d’essais (article 2). Par ailleurs, le post-effet de distance lié à l’EMP était significativement corrélé aux variations de phories de loin, c’est-à-dire à la réponse oculomotrice à la demande en vergence, appuyant l’hypothèse que la vergence tonique joue un rôle majeur dans la perception des distances en environnement pauvre.