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A. De quoi la personne a-t-elle besoin pour migrer vers un nouvel environnement de travail ?

3- Elle a besoin d’hospitalité lors de son arrivée

3.1 L’hospitalité des lieux

Marie déplore que lors de ses changements d’environnement de travail, le nouveau bureau ne soit pas nettoyé correctement. Au cours de ses différents déménagements, elle a dû parfois nettoyer elle-même son futur bureau tant il était « crasseux ». Pour elle, « pour bien travailler, il faut un environnement sain » et c’est un point capital : « les bureaux ne sont pas nettoyés et en fait on a passé énormément de temps à chaque fois [lors des déménagements] à nettoyer… on nous vide les poubelles, il y a un petit ménage très succinct qui est fait et je trouve incroyable que l’on ne travaille pas dans des locaux vraiment propres… personnellement j’ai un petit kit de nettoyage… en période hivernale on a déjà vu des tâches au sol de neige fondue rester pendant trois semaines… je pense qu’on est quand même tous suffisamment grands pour vider notre poubelle tout seul… il y aurait quand même quelque chose à réfléchir là-dessus… tous les soirs on vide notre poubelle, c’est pas quelque chose d’insurmontable, par contre consacrer ce budget-là au nettoyage des bureaux, ça serait vraiment pas du luxe… c’est vraiment un point qui me semble indispensable ».

Marie nous donne ici un exemple de l’une des caractéristiques de la grille d’analyse de Pfeffer (Morval, 2007) qui permet « de mesurer la qualité de l’environnement dans sa relation à l’appropriation de l’espace ». En effet, la propreté contribue à l’appropriation de l’espace par Marie, tout comme la sécurité, la décoration et la qualité de l’espace. Comme nous l’ont montré Pasquier et Rioux (2014) dans leur enquête, pour qu’il y ait attachement au lieu et par voie de conséquence satisfaction au travail, la personne a besoin de s’approprier son nouvel environnement de travail. Les deux chercheurs emploient le terme de « contrôle/privacité » qui s’inscrit ainsi dans leur modèle théorique : « ((Confort/Fonctionnalité  Contrôle/Privacité)  Attachement au lieu de travail)  Satisfaction au travail ».

Une migration positive, sans souffrance, passe par une « hospitalité » des lieux. Marie n’arrive pas dans un nouvel espace accueillant, elle le trouve impropre au travail. Elle précise que « pour bien travailler, il faut un environnement sain » et c’est un point qui lui semble indispensable.

L’hospitalité des lieux a été évoquée spontanément par Marie. Nous ne l’avions pas abordé avec Antoine car nous n’y avions pas pensé. Quant à Olivier, nous n’avons pas abordé ce

point car il a développé d’autres points que nous n’avions pas vus avec Marie comme celui de la représentation du bureau de directeur. Nous aborderons ce sujet un peu plus loin.

3.2 L’hospitalité des personnes

Marie attache moins d’importance à la pièce en elle-même qu’à l’accueil qu’elle peut recevoir. Elle a trouvé essentiel qu’elle ait eu l’opportunité de choisir son « colocataire » afin de pouvoir partager le bureau avec une personne qu’elle apprécie.

Dans notre première grille d’entretien, nous n’avions pas prévu d’aborder cette question et nous ne l’avons pas évoquée avec Antoine.

Olivier a connu une période d’arrivée assez délicate. Il a été mis en difficulté plusieurs fois : « ils souhaitaient [la direction] que je sois là à la rentrée, pour assurer que la rentrée se passe bien … il y avait l’autre directeur qui était là [période de transition de trois mois dont Olivier nous a parlé plus haut] mais ils n’étaient pas très clairs, ils auraient mieux fait de me faire arriver en novembre… [la rentrée] aurait été faite avec l’ancien directeur et moi j’aurais pu vivre ensuite l’année beaucoup plus tranquillement alors que je me rappelle, je suis arrivé le 2 septembre formellement et le 3 septembre je présentais l’école à une promotion de nouveaux élèves… je vous laisse imaginer ce que je pouvais raconter… j’avais préparé mais on ne m’avait pas dit que le lendemain je présenterais … c’est un peu ce genre de choses qui ont fait que jusqu’à janvier ça était un petit peu difficile ». Mais il avait le soutien de la directrice de l’école : « la directrice de l’école ne m’a pas lâché, donc au bout du compte ça s’est passé ». L’inhospitalité qu’Olivier a rencontré à son arrivée s’est poursuivie durant plusieurs mois : « avec l’équipe ça était dur justement au début parce qu’il fallait que je gagne leur confiance… la deuxième chose c’est que justement la personne que je remplaçais me tirait bien dans les pattes comme il fallait… elle considérait que je devais faire les choses autrement… j’avais une autre façon de travailler tout simplement et ça n’avait pas été évident… ensuite il y a eu un certain nombre de collègues … qui sont passés voir derrière mon dos la directrice… afin bon pour raconter plein de choses sur moi… de toutes façons j’étais absolument transparent par rapport à ma directrice, par rapport à eux-mêmes aussi et par rapport à tout le monde… ça a été assez difficile, assez stressant… en plus il y avait un gros changement de façon de faire… contrôler les choses alors que les gens disent « ben non,

c’est pas lui le chef, le chef est encore là, il est à trois bureaux à côté »… c’est du style on ne me prévenait pas de certaines choses, on le disait à l’autre personne et cette autre personne ne les renvoyait pas sur moi… j’ai dû m’expliquer plusieurs fois en disant … mais attends, tu ne peux pas faire ça, s’ils viennent te voir c’est très bien, ils ont parfaitement le droit de venir te voir et avoir un peu de mal avec moi, je suis nouveau, c’est différent mais tu dois toi les renvoyer sur moi s’ils viennent te voir… que tu ne me préviens pas toi, alors là ça ne va pas du tout ».

Olivier a été isolé, seule « la directrice de l’école ne m’a pas lâché » comme il l’a dit précédemment. Nous avons peut-être un début d’explication de l’attitude hostile de l’ancienne directrice du centre envers Olivier. Olivier n’était pas au départ la personne pressentie à ce poste : « la personne qui était directrice avant du centre était partie à la retraite… je faisais partie des personnes qui avaient été identifiées pour prendre la succession… je ne tenais pas la corde, c’était plutôt une personne qui devait l’être [nommée] mais… on avait découvert qu’elle avait un certain nombre de [problèmes] psychologiques, donc elle a été éliminée d’office et c’est moi qui me suis retrouvé en ligne pour ça… je pense que les choses ont été particulièrement acceptées [car] j’ai travaillé dans l’industrie… j’ai travaillé à l’international beaucoup et… je suis une personne qui justement fait les choses tout simplement, je ne cherche pas tellement à me faire voir, je préfère que les choses se fassent bien plutôt que l’on sache qu’elles se soient bien faites ou mal faites ». L’ancienne directrice de centre souhaitait peut-être que la personne évincée lui succède et elle a réagi en refusant toute légitimité à Olivier. Cette période a quand même duré quatre mois ; les choses se sont calmées un mois après le départ de l’ancienne directrice. L’attitude simple d’Olivier qui vise l’efficacité sans chercher à paraître a contribué à lui faire gagner la confiance de son équipe.

Marie nous a aussi révélé qu’elle craignait de devoir quitter son actuel environnement de travail pour un bureau éloigné de son équipe. Evette et Fenker (2011) dans leur étude sur la prévention des risques psychosociaux lors d’un changement d’espace de travail, nous montrent l’importance qu’il faut accorder à l’autonomie et l’interaction. Ils précisent en effet que les personnes étant très sensibles « à l’existence d’un espace personnel […] La proximité et le voisinage sont d’autant mieux supportés qu’ils correspondent à une interdépendance réelle dans le travail. Ils contribuent alors en retour à la cohésion du groupe. Le partage d’espace est ainsi mieux vécu s’il correspond à une réciprocité des apports et des contraintes dans les interactions ». Ce besoin d’être intégrée à sa nouvelle équipe a fait partie de ses premières impressions lors de son arrivée : « je sortais d’une période où tout tombait à l’eau,

il n’y avait plus de perspectives d’avenir, les activités s’arrêtaient, donc là tout était neuf, à construire, un nouveau métier, un nouveau projet, un projet ambitieux à mettre en place avec des personnes motivées … j’en ai un excellent souvenir, c’était un bel élan, un optimisme, de l’énergie, du dynamisme, … c’était ouvert, c’était possible ».

La transition a été d’autant mieux vécue que Marie y voyait des évolutions et des changements possibles. Elle y a vu une aventure qui l’a d’avantage motivée que fait peur.

B. De quoi la personne a-t-elle besoin pour travailler dans son environnement de