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ELEMENTS DE PROBLEMATIQUE 1. Réflexion thématique

CHAPITRE INTRODUCTIF

I. ELEMENTS DE PROBLEMATIQUE 1. Réflexion thématique

Dans les villes antiques, le bain a été introduit très tôt, vers le IIIe siècle avant J.-C et souvent financé par la ville, un haut fonctionnaire militaire, ou un évergète tant pour résoudre le problème d’hygiène et de santé de la population, que pour offrir des lieux de réunion pour les citoyens. Les thermes occupent en effet une position centrale dans la vie des cités antiques, aussi bien d’un point de vue pratique que social. Plusieurs personnes peuvent prendre le bain en même temps et en toute commodité, se réunir pour discuter, faire du sport, que du point de vue politique par les enjeux que les bains soulèvent en matière de propriété, de construction et de gestion. Les recherches sur les établissements balnéaires, avec toutes les activités qui s’y déroulent, touchent donc aux grandes interrogations relatives à l’histoire sociale, économique, et culturelle des sociétés de l’antiquité en particulier de la période romaine. Ces recherches font évoluer les problématiques de recherche et renouveler les connaissances sur ces questions.

Les vestiges archéologiques des sites algériens et particulièrement ceux de Timgad, Lambèse, et Djemila ne sont pas conservés dans leur intégralité (Foulche A.L, 2006) et la plupart peuvent ne pas être évocateurs. Les fouilles du dix neuvième siècle et début du vingtième siècle ont souvent consisté en des déblaiements énergiques, sans aucune étude stratigraphique; elles ont engendré peu de documentation et de publications.

Les établissements thermaux sont les édifices les plus répandus en milieu urbain. Si l’existence de certains sites archéologiques algériens a été souvent reconnue comme patrimoine d’une valeur inestimable, du point de vue urbanistique et architectural, les monuments qu’ils renferment sont décrits sommairement, mais rarement étudiés d’une manière approfondie. On constate depuis longtemps dans nos universités un manque d’intérêt pour l’étude et la compréhension de l’architecture romaine. Les études sont axées et même réalisées soit sur l’architecture moderne, soit l’architecture arabo-musulmane ou traditionnelle. Dans le domaine du patrimoine, particulièrement en ce qui concerne l’architecture antique en Algérie, les publications scientifiques algériennes sont très limitées, sinon très spécialisées. Pour peu que l’on détaille l’intitulé des programmes de recherche, ceux portant sur le patrimoine sont rares.

A part quelques synthèses récentes (Lezine A, 1960; Yegül F, 1992; Thébert I, 2003), aucune publication nouvelle concernant spécialement nos bains n’est apparue. Il est vrai que, les thermes ont été présentés de manière superficielle, du fait de leur architecture particulière

qui renfermait des difficultés d’interprétation lors des découvertes (Gsell, 1901, Ballu, 1903, 1910) ; ce sont des monuments très riches en information et les premiers chercheurs n’étaient pas outillés, ils n’ont pas pris le temps de les interroger. Les difficultés d’interprétation viennent sans doute de la complexité de ces édifices qui tient aux nombreux remaniements dont ils furent l’objet et à l’insuffisance des apports des sources littéraires antiques dans notre région.

Ces édifices balnéaires sont difficiles à appréhender et difficiles à comprendre, surtout pour quelqu’un qui les visite pour la première fois, même avec un guide en main. Ils se caractérisent par des installations techniques très complexes nécessitant la maîtrise de deux éléments importants qui sont l’eau et le feu (Bouet, 2003). Ces espaces de service rajoutés aux différentes salles de bain chauffées compliquent la compréhension des bâtiments thermaux.

Les bains ne sont pas épargnés par les destructions et le pillage et même si les matériaux assurent une grande résistance, avec le temps, l'usure, la chaleur, les incendies subis dans l’antiquité quand les bains fonctionnaient, les incendies provoqués par des visiteurs qui veulent s’isoler, se réchauffer et quelquefois comme un procédé sauvage de désherbage rapide, surtout à la veille des festivals internationaux ou bien des visites des responsables fragilisent les structures. Les bains sont très peu entretenus et mis en valeur par les responsables du patrimoine d’aujourd’hui. Les plantes sauvages qui poussent sur les murs et les pavements défigurent la vue et dérangent quelques fois les visiteurs. Actuellement, ils sont très peu visités, utilisés comme dépotoirs et souvent comme lieux d’aisance. Les odeurs nauséabondes dégagées de certains espaces comme les recoins de salles retirées et des sous-sols éloignent encore plus les visiteurs et le patrimoine balnéaire continue de rester méconnu.

Il nous semble que ces édifices méritent plus d’attention et de recherche. l’étude et la mise en valeur sont indispensables. Les étudier non seulement du point de vue morphologique, mais aussi étudier leurs ambiances et retracer l’histoire de ceux qui les ont fréquenté et ceux qui les ont financé, signifie, d’une certaine manière, les reconsidérer du point de vue social et économique. Ces édifices, par les activités thermales et non thermales qui s’y déroulaient, des plus petits bains de quartier aux plus grands complexes, constituent une source d’information inestimable et incontournable tant pour la compréhension de l’histoire des Anciens, que pour celle de l’histoire de l’architecture de la ville et l’architecture balnéaire.

Une recherche sur les bains romains dans la région peut paraitre banale, puisque la majorité des thermes sont connus ailleurs en d’autres pays. Cependant ces thermes sont les témoins, non seulement de savoir-faire techniques importés localement et adaptés mais surtout d’une manière de vivre particulièrement révélatrice des transformations socioculturelles que connurent les Anciens qui vivaient dans le Maghreb pendant les premiers siècles de notre ère.

Ce sont des bâtiments exceptionnels puisqu’ils représentent des lieux de rassemblement dans l’Antiquité où tous les habitants pouvaient se côtoyer et partager les mêmes espaces, se baigner ensemble, indépendamment de leur rang. Etudier les bains antiques représente une tentative de répondre à des questions que nous nous posons ou qui ne sont apparues qu’au moment de la reconstitution des détails architectoniques, de la restitution des objets, des inscriptions, des statues, de même que pendant les restitutions des espaces.

2. Constats

Notre choix s’est porté sur les trois cités antiques de Timgad, Lambèse et Djemila, trois sites prestigieux qui furent classés patrimoine national en 1900, deux d’entre eux Timgad et Djemila furent classés patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO en 1982. Ce classement mondial ne diminue en rien la cité de Lambèse, siège de la Troisième légion Auguste et de ce fait capitale militaire de toute l’Afrique du Nord durant deux siècles (IIe et IIIe siècles ap. J.-C.) et capitale de la province de Numidie pendant une bonne partie de cette période. Ce choix s’imposait du fait de la proximité des trois sites par rapport à la ville de Batna, ville où je réside et où j’enseigne à l’université. Une autre motivation réside, d’une part dans la richesse quantitative et qualitative des données disponibles propres aux édifices de bains (n’oublions pas que les trois cités antiques renferment un important corpus de vingt-deux bains publics qui sont connus actuellement) et d’autre part dans l’état de conservation de certains de ces édifices, parfois préservés jusqu’à six mètres de haut ce qui nous permet de les étudier.

La culture du bain public dans cette région ne semble pas apparaître avant le IIe siècle après J.-C. Les bains que nous étudierons remontent à la moitié du IIe siècle après J.-C siècle jusqu’au début du Ve siècle après J.-C.

Les deux sites de Timgad et Djemila sont surtout visités au printemps et pendant les vacances. La majorité de la population algérienne n’a pas où aller se distraire, au point de se diriger vers ces deux sites pour passer les journées libres en famille, entre amis. Les groupes scolaires représentent une part importante du public des jeunes de 8 à 18 ans. Pendant les autres saisons, les visiteurs ne sont pas nombreux. Ce sont surtout les jeunes gens qui n’ont guère où aller et les jeunes couples cherchant à s’isoler. Une majorité des visiteurs ne

s’intéresse pas vraiment aux ruines, ni à l’histoire de la ville; ce qui les intéresse le plus, c’est surtout être dans un site calme pour se reposer, loin du cadre habituel, loin de la ville et tous les problèmes qui lui sont liés, mouvements, circulation, bruits et pollution.

Pour tous ces publics les villes antiques paraissent de bons endroits relativement propres par rapport aux villes et villages où ils habitent. Les voies antiques sont réservées seulement aux piétons, les véhicules y sont interdits, c’est un véritable avantage et une particularité des trois sites archéologiques.

Le cas de Lambèse (Tazzoult), est particulier. Très peu d’habitants de Batna et de Lambèse connaissent le site et son importance. Les vestiges sont surtout visités par des délégations officielles, ou par des visiteurs étrangers, surtout les spécialistes de l’histoire, l’archéologie et l’architecture antique. Le site est traversé par des passants, l’utilisant comme raccourci, quelque fois visité par des jeunes à la recherche d’un endroit pour s’isoler.

S’agissant de certains bains, les murs y sont presque ruinés jusqu'aux fondations et sont peu lisibles. Du fait des constructions illicites envahissantes, certains bains se retrouvent désormais à l’intérieur du village moderne, étouffés par le bâti récent contigu, et défigurés par les mêmes riverains.

3. Questions de recherche

A partir de ce qui existe aujourd’hui comme restes des thermes, comment retracer fidèlement l’architecture et l’urbanisme romains des monuments en question ?

Les règles, les mesures, les recommandations énoncées par les auteurs anciens dont Vitruve, sont-elles toujours respectées ? Ou bien y-a-t-il eu des exceptions à la règle ? Quelles sont les particularités des systèmes constructifs romains dans les thermes de Lambèse, de Timgad et Djemila ? Quels sont les bains romains les plus en péril, et comment les sauvegarder.

Comment sensibiliser les pouvoirs publics et surtout le grand public, pour le respect de notre mémoire collective ?

4. Hypothèses

Les documents écrits et graphiques sur les établissements balnéaires, sont le fruit d’une époque révolue, celle de l’occupation coloniale qui a connu les premiers balbutiements de l’archéologie comme science naissante, œuvres d’historiens, d’archéologues, d’administrateurs et d’instituteurs, ne traduisent pas correctement les aspects architecturaux et urbains des sites anciens de Timgad, de Lambèse et de Djemila. Les documents écrits, graphiques, et les vestiges n’expriment pas fidèlement et clairement la spatialité de ces édifices. De nos jours, l’absence de stratégie claire en matière de sauvegarde du patrimoine archéologique et le comportement irresponsable des gestionnaires du domaine semblent, non

seulement mener à la dégradation de ce qui reste mais aussi à la mort de la mémoire collective.

5. Les objectifs

D’après de ce que nous venons de décrire de la situation déplorable des sites nos objectifs sont clairs :

- C’est de rassembler toute la documentation et toutes les traces de ces monuments qui sont très vulnérables et qui risquent de disparaitre en très peu de temps.

Le but de la présente recherche se propose de créer une base de données relative aux établissements thermaux des trois sites de Timgad, Lambèse et Djemila. Cette base de données reste ouverte et perfectible; elle servira dans le futur pour d’autres recherches à venir.

- Revoir et approfondir les travaux de recherche (voir bibliographie) inhérents à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine,

- Vérifier et mettre en évidence les anciens textes sur le patrimoine romain en Algérie et particulièrement dans la région. Il s’agira de relever, photographier, cataloguer et enfin d’archiver le maximum d’informations.

- Elargir et éclaircir les connaissances sur les sites de Timgad, de Lambèse et de Djemila.

- Retrouver les idées à l’origine des plans architecturaux et urbains à partir des vestiges qui subsistent encore.

- Etudier de manière directe le patrimoine sous ses différents angles à commencer par l’aspect architectural et arriver à l’élaboration des recommandations pratiques de sauvegarde en vue d’une meilleure prise en charge de notre patrimoine régional, fondamental pour notre histoire nationale.

6. Méthodologie.

- Etude bibliographique sur la construction romaine et plus particulièrement l’architecture balnéaire.

- Analyse critique de la documentation produite (publications, archives des services des Antiquités successifs d’Alger et à l’étranger) sur les sites de la région et sur la construction des bains en Algérie et plus particulièrement dans la région.

- Vérifier et compléter les relevés métriques par des sections et des volumétries.

- Relevés de détails architectoniques pour la reconstitution de certains éléments à leur place d’origine.

- Relevés des structures et systèmes constructifs.

- Diagnostic et expertise pour les thermes les plus en péril

- Constats, l'observation personnelle

- Etude de gestion de l’eau dans les trois sites archéologiques - Entretiens et questionnaires avec des responsables

- Choix et prélèvements de certains matériaux, liants et mortiers.

- Analyses physico-chimiques et mécaniques des échantillons dans des laboratoires algériens et à l’étranger.

- Exploitation des résultats.

- Analyses critiques et synthèses de la documentation écrite, de la documentation graphique.

- Proposition de restitution de certains détails dans leur contexte, proposition de maquettes virtuelles pour restituer les espaces disparus, des essais de restitution pour avoir une idée de leur aspect à l’origine, la masse thermale (leurs hauteurs, leurs volumes, leurs intérieurs, les ouvertures…) et enfin, une proposition de datation de certains thermes.

L’étude en elle-même constitue une revalorisation du patrimoine, la restitution est une mise en valeur douce, réversible et qui n’abime pas les vestiges.

7. Originalité

Témoins matériels, les vestiges des monuments représentent les meilleurs documents historiques. L’architecte qui s’intéresse aux cités antiques doit reproduire le plus fidèlement possible ce qu’il voit, sans rajouter ni retrancher. La finesse de l’analyse dépend de la précision et de l’état des relevés qui n’acceptent plus la partialité. La comparaison avec d’autres monuments de la même époque est à même de restituer le déficit et de mettre en exergue la spatialité et l’ambiance de n’importe quel site antique tant sur le plan architectural qu’urbain. En étudiant les détails architectoniques nous donnons la possibilité de reproduire les ordres des édifices balnéaires. Avec l’analyse des matériaux comme les briques, les pierres et marbres nous pouvons identifier les carrières d’origine. Les sorties répétées sur terrain nous apportent à chaque fois de nouvelles découvertes.

L’originalité de l’étude réside, nous semble t-il, dans la compréhension du fonctionnement des systèmes constructifs, la restitution des espaces architecturaux et urbains.

Les maquettes virtuelles peuvent être présentées dans un musée virtuel. Cette manière de présenter au public, manière de le sensibiliser au patrimoine est courante ailleurs dans d’autres pays; Force est de constater qu’elle est inexistante dans notre pays, pourtant elle ne requiert pas beaucoup de moyens.

8. Structure de la thèse Chapitre introductif

Ce chapitre introductif se propose de donner un aperçu du paysage balnéaire des trois cités antiques et un aperçu de l’état des vestiges. A travers l’analyse comparative de documents et des monuments encore en place et nos observations. Nous expliquerons que la mise en valeur des thermes peut se faire par l’étude.

Chapitre I

Nous présentons dans ce premier chapitre seulement une partie des documents écrits et graphiques concernant les thermes, qui ont été produits jusqu’à présent. Nous verrons que les documents concernant nos thermes datent de plus d’un siècle. Depuis, aucune étude n’est venue combler les lacunes, corriger, ou compléter les études antérieures.

Chapitre II

Le travail essentiel de ce chapitre II, intégré au début de notre thèse, offre une réflexion pertinente et structurée portant sur l’ensemble des concepts de base du patrimoine archéologique qui sous tendent notre sujet de thèse et aussi les stratégies qui ont été appliquées en Algérie.

Chapitre III

Nous examinerons dans le chapitre III plusieurs méthodes qui ont été appliquées pour la préservation et la mise en valeur des vestiges, les différentes «restaurations», les différentes

«muséalisations» et mises en valeur. La restauration n’est pas dans nos prérogatives en tant qu’enseignant chercheur, nous ne pouvons donner que des recommandations comme l’entretien et la consolidation des vestiges. Cependant, nous pouvons intervenir sur la mise en valeur dans le cas de «muséalisation» des vestiges.

Chapitre IV

Nous présenterons notre cas d’étude, à partir de la documentation sur les bains, des plans des sites antiques dressés par le Service des antiquités algériennes et publiés dans les guides et l’Atlas archéologique. Nous étudierons leur situation, leur orientation, leur insertion par rapport à d’autres monuments et par rapport à la ville antique. Nous présenterons aussi une réflexion sur la gestion de l’eau dans les trois cités.

Chapitre V

Dans le chapitre V sera présenté un état des lieux et le diagnostic des trois sites de Timgad, Lambèse et Djemila. L’état de dégradation avancé et les risques énormes. Nous verrons que si la législation préconise des plans de protection, les trois sites n’ont finalement pas bénéficié de ces plans.

Chapitre VI

L’étude du chapitre VI s’intéresse aux thermes publics des cités antiques de Timgad, Lambèse et Djemila. Pour les comprendre, il est nécessaire de revenir en arrière et de s’intéresser aux origines du bain et à son organisation dans des établissements spécifiques. L’étude comparative entre nos thermes les plus proches et ceux de l’Italie et la Tunisie déjà étudiés, était incontournable.

Chapitre VII

Avant de développer la méthode de restitution choisie pour notre recherche, nous verrons dans le chapitre VII, en premier, si la méthode a déjà été appliquée sur les sites archéologiques et particulièrement sur les édifices balnéaires étrangers grâce à des bases de données. Nous expliquerons comment nous avons constitué notre base de données et le choix de la méthode de restitution ainsi que notre démarche.

Chapitre VIII

Dans le chapitre VIII, nous démontrerons la relation qui existe entre les documents écrits, graphiques et les aspects architecturaux des thermes à partir des restitutions et nous essayerons de vérifier si l’étude et les restitutions archéologiques expriment la spatialité et mettent bien en valeur les thermes et, indirectement, les sites.

Conclusion.

La conclusion résume brièvement tous les chapitres et souligne aussi l’importance de l’étude historique et architecturale, fondamentale à toute intervention de protection et mise en valeur, aussi l’importance de la méthode de la restitution par la maquette virtuelle appliquée pour la valorisation des sites archéologiques et plus spécialement les édifices thermaux.

Afin de ne pas encombrer les légendes et d’éviter de nous répéter, précisons que, sauf indication contraire, toutes les photographies sont de l’auteur.

CHAPITRE I. LES THERMES – LES