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2. LA VEILLE TECHNOLOGIQUE

6.1. AMELIORER LA PRODUCTION ET LA REMONTEE

6.1.1. Eléments d’un système de suggestions 168

Il est généralement composé de quatre grandes étapes : collecte des fiches, gestion des suggestions reçues, réalisation des suggestions retenues et attribution de récompenses sous différentes formes. Pour chaque étape, des consignes doivent être observées, notamment pour le bon déroulement et pour le bon fonctionnement de ce dispositif. Des espaces de communication, des démarches de mobilisation ainsi qu’une animation quotidienne rendent cet outil utile et opérationnel.

Une fois en place et amorcé, il constituera un réseau de collecte des « doléances93 »

sur le travail, et qui peut conduire à du désengagement. De plus, ce type d’information, capital au demeurant, est occulté par la lourdeur des organisations ou par les nombreuses strates du management.

93 Ce terme est approprié tant les salariés se plaignent de ces petits tracas du quotidien dans le travail

Sch. 7 : Graphique des étapes et composantes d’un système de suggestions

Cette représentation du processus de suggestions correspond aux aspects tangibles que nous avons mis en place dans cette entreprise, avant de tester l’efficacité de différentes démarches pour faire produire et remonter de l’information.

Comme dans de nombreux dispositifs technologiques, une phase de promotion doit aboutir à une appropriation et à une participation. Or, celle-ci n’est pas toujours évidente et les résultats loin de traduire une réussite. Aussi, la communication et la perception de changements positifs impulsent des « postures » qui encouragent ceux qui sont convaincus de poursuivre, et fait évoluer favorablement les attitudes des plus septiques. Conformément à la théorie sur l’acception de la technologie, les perceptions d’utilité et de facilité d’utilisation sont parties intégrantes de la stratégie de mise en œuvre. La conduite du changement par la publication ainsi que la présentation des résultats positifs issus du terrain sont des procédés qui semblent avoir quelques vertus pédagogiques et pragmatiques. En effet, les prises de conscience des résultats encourageants et des changements amorcés, ou en bonne voie, exercent un renforcement positif auprès des sujets concernés par la démarche.

Plusieurs analyses de la situation d’implantation, de l’utilisation du système de suggestions ainsi que des tâches afférentes ont permis de dresser ce tableau général.

Tab. 8 : Tableau descriptif des tâches et fonctions d’un système de suggestions

Ce tableau synthétise tous les aspects importants du dispositif de suggestions. Il montre bien le rôle des différents acteurs, leurs tâches, leurs spécificités, les relations entretenues dans le cadre de ce système, ou encore les difficultés à surmonter. Il laisse également entrevoir les aspects concrets, le fonctionnement et les résistances. Grâce à ce tableau de bord, des indicateurs peuvent être induits afin d’aboutir à une représentation plus fine de son efficacité. Des aménagements du dispositif pourront concerner quelques éléments ou l’ensemble, mais également les acteurs humains.

L’intervention s’est déroulée sur le site de production et de distribution d’une entreprise internationale basée au Luxembourg. L’entreprise évolue sur le marché de la fabrication des produits plastiques à usage domestique et professionnel. Ces produits plastiques peuvent être des jouets, des ustensiles, des bacs de différentes formes et couleurs. Au moment de l’intervention, le nombre de salariés, intérimaires compris, était proche de 350. Cela étant, l’intervention concernait qu’une partie de l’entreprise dans la mesure où l’expérimentation a été restreinte à la « zone de production ». La généralisation du système de suggestions devait intervenir après les résultats de cette recherche.

A partir des premiers contacts jusqu'à la restitution des résultats, une période de cinq

mois s’est écoulée. Des réunions fréquentes et régulières94 avec la responsable des

ressources humaines et le responsable de production ont permis de déterminer les actions, les modalités d’intervention ainsi que la forme du système de suggestions. Les réunions avec les salariés ont également permis de déterminer les besoins et les attentes. Il a été possible de s’imprégner du climat qui résultait de la situation de l’entreprise actuelle et de ses antécédents, des formes de communication réelles, des marges de liberté et des caractéristiques des salariés (ancienneté, leader, syndicaliste). Aussi, au fil des entretiens, des échanges informels avec les acteurs de l’entreprise, les enjeux psychosociaux tels que le vécu, les craintes, les relations avec la hiérarchie ou le manque de considérations, ont été mis à jour. Ceux-ci viennent éclairer les attentes et les besoins, mais surtout les résultats de cette première intervention. Une intervention s’inscrit obligatoirement dans un contexte social, ainsi que dans une histoire organisationnelle et humaine. Des moments de satisfaction et

certains plus douloureux95 cristallisent des relations sociales qui font partie des

caractéristiques de l’intervention.

Un dispositif de suggestion est un système sociotechnique qui se compose (cf. schéma ci-dessous) de l’entreprise, du dispositif de suggestions et des utilisateurs. Ces éléments forment un ensemble et définissent le cadre des interactions sociales et techniques observées. Aussi, des attentes organisationnelles (direction) cohabitent avec des attentes des salariés, même si elles ne sont pas totalement convergentes.

94 Quatre réunions pour la coordination de l’intervention ainsi que cinq réunions et de recueil

d’informations pendant l’intervention proprement dite d’un mois.

95 Dans cette entreprise, il s’agissait de la disparition d’avantages en nature (jouets pour les enfants,

repas d’entreprise avec la famille, etc.) et des primes. Des périodes de conflits importantes (grèves,

restructuration, etc.) laissent des séquelles très longtemps chez les salariés. Des fortes

attentes de part et d’autre

Les positions idéologiques96, de part et d’autre des protagonistes de l’entreprise, ont été à l’origine du climat organisationnel qu’on peut qualifier de préoccupant sans

être dans l’excès. Ainsi, il a été relevé les remarques97 suivantes :

Du côté des salariés : manque de considération, pénibilité du travail,

rémunération faible, suppression d’avantages, nouvelles organisations du travail et nouvelles pratiques de management.

Du côté de la direction : manque d’engagement des salariés,

absentéisme important, attitudes non professionnelles. Cela étant, la direction a une vraie volonté politique d’impliquer et d’améliorer les relations dans l’entreprise (entre salariés ; entre salariés et direction). Du reste, un socle commun minimum rassemblait l’ensemble des acteurs de cette situation pour impulser un nouveau départ.

Graph. 3 : Graphique des éléments et objectifs du système de suggestions

Dans la mesure où le salarié est porteur d’innovations (suggestions) sur son travail et sur les processus de réalisation, il lui faut un dispositif lui permettant d’exprimer ses attentes, d’en informer les décideurs et de réunir les conditions d’acceptation et d’utilisation.

96 Représentées par les positons des syndicats et de la direction de l’entreprise.

En outre, ce type de système de veille est un outil au service des salariés et de son organisation. Vis-à-vis du système de suggestions, il nous est apparu opportun d’intervenir car de grandes similitudes existent avec un dispositif de veille. En effet, le tableau ci-dessous présente les points communs telles la remontée d’information ou la formalisation de l’information informelle. L’action de formalisation ou de remontée de l’information est identique dans les deux cas. Aussi, ces systèmes sont des outils de centralisation et de mémorisation de l’information ainsi que des outils de pilotage organisationnel.

De plus, sur le plan expérimental il était facile de mesurer les effets des différentes

démarches sur un comportement objectif (remplir une fiche ; déposer une

suggestion, formalisation d’une information).

système de veille Formalisation de l’information informelle Remontée de l’information Centralisation de l’information Capitalisation de l’information interne Outil de pilotage Formalisation de l’information informelle Remontée de l’information Centralisation de l’information Capitalisation de l’information interne système de suggestions Outil de pilotage

Tab. 9 : Correspondances entre un système de suggestions et un système de veille

D’autres analogies les réunissent comme la problématique d’utilisation du dispositif ou celle de l’implication des utilisateurs. Quant aux enjeux, ils servent la performance organisationnelle mais également la productivité des salariés. A des degrés divers, ces deux systèmes demandent une participation de l’ensemble des salariés, une communication visant à fédérer et une volonté forte de la direction. Sa mise en place entraînant différents processus qui peuvent s’apparenter à des aspects de culture d’entreprise (valeurs, enjeux, identité, singularité, etc.).

Le recueil auprès des différents membres de l’entreprise des traces du travail et des souhaits d’aménagement est synthétisé ci-dessous :

Tab. 10 : Recueil des traces du travail et des souhaits ergonomiques

La méthodologie employée a permis de s’appuyer sur plusieurs sources d’information (direction, salariés, shift leader) et sur des données du travail formelles et informelles lors d’entretien ou de questionnaire. De plus, des analyses ergonomiques de documents professionnels ont contribué aux améliorations formulées. Le tableau ci-dessus reprend, de manière synthétique, les outils utilisés, le type de traitements employés et les personnes « ressource ».

6.1.2. Procédure et méthodologie de l’intervention

L’objectif de cette recherche était de mesurer l’efficacité de la démarche d’intervention sur le comportement de veille de l’opérateur dans son propre environnement professionnel. Il s’agissait de définir plusieurs manières (procédures) d’intervenir pour susciter plus d’utilisation du système de remontée d’informations.

En procédant ainsi, nous pouvions comparer l’efficacité de chaque procédure sur certains critères, tels que le nombre de fiches de suggestions, le nombre de participants. On peut notamment remarquer que quatre groupes sont prévus et que les différentes modalités doivent conduire à l’émission de suggestions.

Sch. 8 : Schéma des mesures d’efficacité des procédures

En procédant ainsi, il est non seulement possible d’apprécier l’engagement, les changements obtenus et les effets de la procédure mais également d’apprécier les facteurs qui favorisent l’acceptation technologique. Des objectifs secondaires, inhérents à l’immersion dans l’entreprise, devaient nous permettre d’affiner notre compréhension du fonctionnement humain dans la remontée d’informations et des relations qu’il entretient avec ses dispositifs techniques. Il était aussi question de variables intervenant dans son engagement vis-à-vis de l’organisation, et vis-à-vis d’un dispositif technique. Finalement, cette intervention rassemble une situation écologique et une démarche expérimentale, au sein d’une approche peu classique au profit des salariés, de l’entreprise et des connaissances scientifiques.

Afin de mieux comprendre la démarche méthodologique envisagée pour mesurer l’efficacité des démarches d’influence sur le comportement de remontée d’information, nous apportons les informations complémentaires suivantes :

6.1.2.1. Groupe A : Effet soumission librement consentie

La démarche est dite psychosociale, car le processus qui doit conduire les salariés à accepter d’émettre des suggestions, s’appuie sur des actions indirectes étant de nature psychosociale. A travers les actions réalisées par le salarié, ce dernier établit des liens entre ses actions en faveur des conditions de travail, de l’importance et de l’intérêt porté au système, et de l’utilisation du système de suggestion. De plus, le salarié est invité à se prononcer librement et publiquement sur l’utilité et l’utilisation du dispositif. L’état psychologique inconfortable qui résulte d’une contradiction entre des actions réalisées, des valeurs affichées librement et publiquement, et la non-émission de suggestion peut encourager l’utilisation du système.

6.1.2.2. Groupe B : Effet utilisabilité

La démarche est dite ergonomique car les actions mises en place visent l’engagement des salariés par la participation à l’amélioration du système de suggestions. En effet, des entretiens de 40 minutes sont prévus afin que les salariés en groupe proposent des corrections au système en place. La participation des salariés, l’adaptation et les corrections du système, la facilité d’utilisation et de perception, doivent influencer davantage les salariés à l’utilisation du système.

6.1.2.3 Groupe C : Effet cumulatif A et B

Cette dernière réunit les éléments d’engagement de la première démarche et ceux de la seconde démarche. En fin de compte, celle-ci présuppose un effet lié à un engagement psychosocial et à un engagement lié à l’utilisabilité (ergonomie). Ainsi, le processus doit influencer positivement l’utilisation du système de suggestions par les actions ergonomiques et les actions engageantes prévues.

6.1.2.4. Groupe contrôle : Sans effet

La démarche reste dans sa forme la plus classique car elle ne vise qu’à informer les salariés de la mise en place du dispositif de suggestions et à les inviter à participer. L’impact de cette démarche repose uniquement sur le pouvoir de la communication à utiliser le système. Aussi, les résultats en nombre de suggestions qu’obtiendrait ce groupe seront notre point de repère quant à l’efficacité des démarches. Cette intervention vise des connaissances sur la mise en place d’un système de remontée d’informations, sur les modalités d’acceptation et d’utilisation. Elle convoite également des réponses sur les processus d’implication et de stratégies psychosociales d’engagement (engagement efficient et efficace).