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II. Modulation de la réponse immune par les AcM antiviraux

II.2. Effets vaccinaux des anticorps monoclonaux antiviraux

II.2. Effets vaccinaux des anticorps monoclonaux antiviraux

II.2.1. Modèle murin d’infection par le virus FrCasE :un modèle de

choix dans la mise en évidence des effets vaccinaux

des AcM antiviraux

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Le manque de considération pour les fonctions immunomodulatrices des AcM antiviraux a participé à réduire leur exploitation mais ce n’est pas la seule raison. Le manque de modèles adéquats d’infections virales, en particulier d’infections virales chroniques humaines, chez des animaux immunocompétents, est sous doute, une des raisons majeures qui a conduit à sous-estimer leur potentiel thérapeutique.

La plupart des modèles murins utilisent des animaux immunodéficients, ce qui empêche de pouvoir évaluer le potentiel immunomodulateur de l’AcM testé. Ceci est particulièrement vrai pour les études d’AcM anti-VIH qui utilisent des modèles murins immunodéficients qui malgré le fait d’être des souris humanisées ne possèdent qu’un système immunitaire partiellement reconstitué (Shultz et al., 2012). Les autres modèles d’animaux non murins sont des modèles de primates non humain, très utiles pour déterminer l’effet protecteur des AcM anti-VIH mais ils possèdent également de lourdes contraintes techniques et sont extrêmement couteux. En revanche, les modèles murins disposent de nombreux outils expérimentaux et immunologiques, et permettent de réaliser des études sur de larges cohortes d’animaux à un coût raisonnable. De plus, le fait de réaliser des expérimentations in vivo avec un AcM qui a été produit dans la même espèce, que celle sur laquelle il est expérimenté, permet de conserver les fonctions effectrices de cet AcM et d’évaluer son potentiel immunomodulateur.

Enfin, il est clair que les résultats obtenus à partir de modèles murins, bien qu’extrêmement utiles dans la compréhension des mécanismes d’action des AcM, ne sont bien sûr pas toujours

! %#! extrapolables à l’Homme, mais de telles expérimentations chez l’Homme, ne seraient pas réalisables en raison de limitations économiques, techniques mais surtout éthiques.

Afin d’étudier les effets immunomodulateurs des AcM antiviraux, le laboratoire dans lequel j’ai effectué ma Thèse a mis en place un modèle. Celui-ci est d’autant plus pertinent qu’il est l’un des rares modèles d’infections virales chroniques sur des souris immunocompétentes, ce qui permet d’étudier l’impact de l’immunothérapie par AcM sur la modulation de la réponse immune des animaux traités par immunothérapie.

L’infection est réalisée par le rétrovirus murin écotrope FrCasE(Portis et al., 1990). Ce virus est un hybride entre le virus de Friend auquel l’enveloppe a été remplacée par l’enveloppe du virus CasBr.

Plus précisément, ce modèle d’infection par le virus FrCasE est hautement reproductible avec une incidence de 100%. S’il est injecté entre 1 et 5 jours après la naissance des animaux, il va entrainer une neurodégénérescence fatale dans les 2 mois qui suivent. Le virus va alors d’abord se propager en périphérie avant d’atteindre le système nerveux central. (Gros et al., 2005) Par contre s’il est injecté 8 jours après la naissance il va déclencher une érythroleucémie fatale dans les 3 à 5 mois (Michaud et al., 2010) qui suivent l’infection ceci par intégration au niveau du locus fli 1 des érythroblastes (DesGroseillers et al., 1983).

Le développement de cette pathologie est associé à une faible réponse immune tant au niveau cellulaire qu’humorale.

L’AcM utilisé pour traiter cette infection, est l’AcM 667 (McAtee and Portis, 1985), d’isotype IgG2a. C’est un AcM neutralisant qui va reconnaitre la protéine d’enveloppe gp70 du virus FrCasE, permettant de cibler les virions libres mais aussi les cellules infectées qui expriment la gp70 à leur surface. De plus, c’est un AcM de souris ce qui permet de conserver les fonctions effectrices et d’étudier son rôle immunomodulateur de la réponse immune.

II.2.2. Mis en évidence des effets vaccinaux induits par une immunothérapie antivirale par AcM

En utilisant ce modèle d’infection, l’équipe a montré de façon originale que lorsque les animaux sont traités sur une courte période (trois injections à 1h, 2j et 5J post infection) par l’AcM neutralisant 667, ils survivent plus d’un an, sans le moindre symptôme.

Ce qui est d’autant plus important c’est que les fonctions effectrices jouent un rôle clé dans l’effet protecteur de cette immunothérapie antivirale par AcM (Figure 8).

En effet la survie et par conséquent la protection des animaux est le résultat d’un contrôle de la propagation virale mais surtout de l’induction d’une forte réponse immune endogène de type Th1. En particulier une forte réponse humorale endogène spécifique du virus et une réponse T cytotoxique dirigée contre les cellules infectées (Gros et al., 2008; Nasser et al., 2010)(Michaud et al, 2010). De plus, les animaux réexposés au virus et ayant reçu l’immunothérapie par AcM ont développé une forte réponse mémoire. L’établissement de ces réponses est dû aux différentes fonctions de l’AcM sur les cellules immunitaires par le biais notamment de mécanismes dépendant des récepteurs aux IgG, les FcγRs. (Nasser et al., 2010 ; Michaud et al, 2010)

Tout d’abord, l’AcM 667 de par sa fonction neutralisante, diminue la propagation du virus libre et limite l’infection entre les cellules. Par le biais de son fragment Fc l’AcM va induire la lyse de cellules infectées par divers mécanismes dont l’ADCC, avec la contribution des cellules natural killer (NK) (Michaud et al, 2010).

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Figure 8 : Induction d’une immunité protectrice sur le long terme contre le virus FrCasE, par

des AcM antiviraux neutralisants (Pelegrin et al., 2015).

L’administration d’un AcM antiviral neutralisant dirigé contre la glycoprotéine d’enveloppe virale, à des souris infectées par le virus FrCasE, limite la propagation du virus par neutralisation (a) et l’élimination des cellules infectées (b). En parallèle les complexes immuns (ICs) formés par le virus ou les cellules infectées qui expriment la glycoprotéine d’enveloppe à leur surface, prévient l’expansion des cellules T régulatrices (Treg) (c), ce qui est nécessaire au développement d’une réponse protectrice humorale (d) et cellulaire (e, f). En particulier les IC formés avec les cellules infectées et l’AcM thérapeutique activent les cellules dendritiques (DCs), ce qui engendre une augmentation de la réponse T-CD8 spécifique du virus. (f). Une fois que les anticorps thérapeutiques ont été éliminés des animaux infectés traités, c’est l’immunité adaptative qui contrôle la propagation virale à la fois par les anticorps antiviraux endogènes, induit par l’immunothérapie, (g, h) et par la maintenance de la réponse cellulaire T mémoire. Ceci requiert la formation d’ICs avec des cellules infectées résiduelles et l’activation des DC (i). Abbreviation : ADCC, antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity.

Par ailleurs, les IC formés à partir de l’AcM 667 et du virus ou des cellules infectées, sont reconnus par les FcγRs exprimés à la surface des cellules présentatrices d’antigènes (CPA) et notamment les cellules dendritiques (DC). La capture des IC par les DC entraine l’activation de ces dernières et mène à l’augmentation de la réponse cytotoxique des lymphocytes T (T CD8) spécifiques du virus FrCasE.

D’autre part, outre une potentialisation de la réponse cellulaire, l’immunothérapie antivirale par l’AcM 667 induit une forte production d’anticorps endogènes spécifiques du virus, démontrant un fort impact de l’immunothérapie sur la réponse humorale (Gros et al, 2005 ; Michaud et al, 2010).

! %%! De plus, la réponse adaptative ainsi mise en place (réponse CTL et réponse humorale), contribue à la maintenance d’une réponse T mémoire, permettant de protéger les animaux en cas d’infection secondaire.

De façon plus inattendue, l’immunothérapie par l’AcM 667 entraine non seulement l’activation d’une variété de réponses à la fois cellulaire et humorale mais permet également d’empêcher le développement de la réponse T régulatrice, renforçant ainsi l’induction la réponse immune protectrice. (Nasser et al, 2013)

Les travaux précédents de l’équipe ont aussi montré que les effets vaccinaux induits par l’immunothérapie antivirale par AcM était strictement dépendent du fragment Fc de l’AcM. En effet l’administration d’un anticorps d’un isotype différent, ou du Fab seul ne permet pas d’induire une forte réponse immune et de protéger les animaux (Nasser et al, 2010). Ces résultats montrent la dépendance du fragment Fc et dans l’effet immunomodulateur de l’AcM 667.

Ainsi, ces travaux ont permis d’établir la preuve de concept qu’une immunothérapie par AcM antiviraux pouvait être à l’origine « d’effets vaccinaux » par le biais de l’activation des cellules immunitaires (notamment les DC) par les IC via les FcγRs. En effet le modèle d’infection chronique par le virus FrCasE, a permis de montrer qu’une immunothérapie sur le court terme pouvait être à l’origine non seulement du contrôle de la propagation virale mais également de l’induction d’une immunité protectrice sur le long terme.

II.3. Effets vaccinaux induits par des AcM antiviraux dans le cadre