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Effets des traitements sur les caractéristiques et les rendements des engrais verts

5. Discussion générale

5.1 Effets des traitements sur les caractéristiques et les rendements des engrais verts

Le premier objectif spécifique du projet consistait à comparer la production de biomasse issue des engrais verts implantés en intercalaire et en dérobée ainsi que de comparer les caractéristiques de cette biomasse. Les résultats obtenus ont démontré qu’en terme de biomasse, le mélange de trèfles rouge et blanc était beaucoup plus productif que les autres engrais verts et ce, aux deux sites durant les deux années. Dans tous les cas, les rendements de l’engrais vert de trèfles ont toujours été au moins le double du rendement des autres engrais verts, ce rendement pouvant même parfois être jusqu’à sept fois plus élevé. Le radis huileux et la moutarde blanche ont produit des rendements intermédiaire alors que l’avoine et le pois fourrager ont quant à eux représenté les engrais verts les moins productifs.

La concentration en azote de la biomasse aérienne du pois fourrager a toujours été la plus élevée au cours des quatre essais. Le radis huileux a quant à lui toujours été parmi les engrais verts contenant le moins d’azote dans sa biomasse aérienne. Pour la concentration en C, lorsque l’effet de l’EV est significatif, l’avoine, le pois fourrager et le trèfle obtiennent généralement les valeurs moyennes les plus élevées alors que la moutarde blanche et le radis huileux ont une concentration plus faible dans tous les cas. Le rapport C/N étant fortement influencé par la concentration en N des tissus végétaux, le pois

fourrager est l’engrais vert qui a obtenu le C/N le plus bas lors de chacun des essais. Le trèfle a eu un rapport C/N stable autour de 13 alors que les engrais verts d’avoine, de radis et de moutarde ont eu des rapports C/N variant entre 11 et 16. Le trèfle est donc l’engrais vert qui a accumulé le plus d’azote dans tous les cas, alors que le pois fourrager, le radis huileux et la moutarde blanche accumulent généralement des quantités d’azote similaire et intermédiaires, et que l’avoine en accumule le moins.

Ces résultats viennent confirmer en totalité l’hypothèse 1, à savoir que le mélange de trèfles implanté en intercalaire produira plus de biomasse et accumulera plus d’azote que les engrais verts implantés à la dérobée. L’hypothèse 2, qui affirmait que les légumineuses auraient un rapport C/N plus faible que les non-légumineuses, est quant à elle partiellement confirmée. Le pois fourrager a effectivement été l’engrais vert avec le rapport C/N le plus bas dans tous les cas, cependant le mélange de trèfle a eu un rapport C/N équivalent à au moins un autre engrais vert lors de chacun des essais, malgré que celui-ci ait toujours été dans le groupe d’engrais vert dont le rapport C/N était le plus bas après le pois fourrager. La bonne performance du mélange de trèfles rouge et blanc s’explique en grande partie par le fait qu’il a été implanté en intercalaire de la culture d’orge qui a précédé les autres engrais verts, qui eux ont été implantés à la dérobée plusieurs jours suite à la récolte de l’orge. L’engrais vert de trèfle avait donc plusieurs semaines de croissance d’avance sur les autres engrais verts, ce qui devait nécessairement paraitre dans les résultats. Il faut aussi souligner que le trèfle est une légumineuse capable de fixer l’azote de l’air; les rendements n’ont donc probablement pas été affectés négativement par la compétition de l’orge pour l’azote, qui était vraisemblablement en quantité limitée si on se fie à la faible quantité d’azote résiduel présent dans le sol lors de la récolte de l’orge.

Au contraire, les rendements des engrais verts d’avoine, de moutarde blanche et de radis huileux ont possiblement souffert de la faible quantité d’azote résiduel présent dans les sols suite à la récolte de l’orge, d’autant plus que les engrais verts n’ont reçu aucune fertilisation supplémentaire et que ces plantes, contrairement au trèfle, sont dépendantes de l’azote du sol pour leur croissance. C’est d’ailleurs une observation partagée par Vyn et al. (2000) qui, en Ontario, ont fait pousser des engrais verts d’avoine et de radis huileux à la dérobée d’une

71 blé d’hiver sans fertilisation supplémentaire et qui ont eux aussi obtenu des rendements faibles avoisinant 1,0 t MS ha-1. Au contraire, leur trèfle rouge implanté en intercalaire a

produit en moyenne près de 3,0 t MS ha-1, ce qui ressemble beaucoup aux résultats obtenus

dans notre recherche.

Les résultats sur les engrais verts de graminées et de crucifères ne sont pas étonnants et ne doivent pas nécessairement décourager leur utilisation. Une utilisation de ces engrais verts à la dérobée sans un apport en fertilisant additionnel, comme nous l’avons fait, ne constitue pas la norme dans les conditions du Québec. Ces engrais verts sont souvent utilisés à la dérobée sur des fermes d’élevage qui profitent de la fin de l’été et de l’automne pour appliquer leurs engrais de ferme dans leurs champs. Les engrais verts peuvent donc servir dans ce cas-ci à capter l’azote de ces engrais en l’utilisant pour leur croissance, tout en diminuant les pertes hivernales potentielles par la séquestration des éléments fertilisants dans leur biomasse (Askegaard et al., 2011; Drury et al., 2014).

Il faut également noter que les engrais verts semés à la dérobée de l’orge après la mi-août ont poussé majoritairement lors des mois de septembre et d’octobre, une période de l’année qui n’est pas idéale pour la croissance des plantes dans les conditions climatiques du Québec. Les températures moyennes enregistrées durant les trente dernières années pour le mois de septembre et octobre sont respectivement de 12,5 °C et 6,2 °C pour le site de Saint- Augustin et de 10,3 °C et 4,1 °C pour le site de Normandin. En Ontario, sous un climat un peu plus chaud, un engrais vert de radis huileux a produit une biomasse moyenne de 3,2 t MS ha-1 en étant semé au moins deux semaines plus tôt au début du mois d’août suite à une

récolte de céréale (Dapaah et Vyn, 1998). Au Québec, un engrais vert de moutarde blanche a produit en moyenne 3,0 t MS ha-1 après 60 jours de croissance durant les mois de juin et

juillet (N’Dayegamiye et Tran, 2001). Il semble donc qu’il soit possible d’obtenir de bons rendements avec ces engrais verts, à condition de leur donner les meilleures conditions de croissance, par exemple par un semis le plus hâtif possible après la récolte de la culture principale.

Les rendements en engrais verts entre les sites et les années ont été assez semblables, à l’exception de la première année (2011) au site de Saint-Augustin, où les rendements de tous les engrais verts semés à la dérobée ont été les plus bas des quatre essais. Considérant que les engrais verts ont profité d’un nombre de jours de croissance égal lors des deux années, que la température moyenne au mois de septembre a été plus élevée de près de deux degrés en 2011 par rapport à 2012 au site de Saint-Augustin et que les analyses de sol démontrent des quantités semblables de N, P et K dans les sols préalablement à l’établissement des engrais verts (Annexe B), la seule variable qui puisse expliquer ce rendement plus faible pourrait être celle des précipitations. Lorsqu’on regarde de plus près les données de précipitations, on remarque que l’année 2011 à Saint-Augustin est celle qui a reçu le plus de précipitations durant la période où les engrais verts étaient au champ (229 mm comparativement à 168 mm pour 2012, alors que le site de Normandin à reçu 154 mm et 179 mm en 2011 et 2012, respectivement). On remarque également que près de la moitié de ces précipitations, soit 105 mm, sont tombées durant les dix premiers jours suivants le semis, ce qui correspond aux dix derniers jours du mois d’août (moyenne mensuelle de 116 mm). Il s’agit donc de précipitations importantes qui ont peut-être compromis la germination des engrais verts, tout en lessivant potentiellement une bonne quantité d’azote des sols, ce qui aurait pu nuire à la croissance et au rendement des engrais verts par la suite. On reconnait en général que le rapport C/N est plus faible dans les résidus de légumineuses que de non-légumineuses et que celui-ci est fortement affecté par le stade de maturité de la plante, puisque les plantes vieillissantes, approchant de la maturité, diminuent leur ratio feuilles/tiges et augmentent la concentration en lignine et en glucides structuraux, ce qui a pour effet de faire grimper le rapport C/N (Gallaher, 1991; Ranells et Wagger; 1993; Reeves, 1994). Tous les engrais verts dans notre recherche avaient des rapports C/N inférieurs à 20, alors qu’en général, les engrais verts de non-légumineuses devraient avoir un rapport C/N supérieur à 30 à maturité (Reeves, 1994). Leur rapport C/N est donc possiblement expliqué par le stade de maturité peu avancé lors de l’enfouissement, étant donné que ceux-ci ont été implantés à la dérobée et qu’ils n’ont pas pu profiter d’une pleine saison de croissance. C’est pourquoi l’hypothèse 2 n’est que partiellement confirmée. Si les non-légumineuses avaient pu atteindre une plus grande maturité, il est probable que leur

73 rapport C/N eut été beaucoup plus élevé. Normalement, un rapport C/N inférieur à 20 devrait conduire à une minéralisation nette rapide de l’azote des résidus (Aulakh et al., 1991).