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Effets immunologiques et toxicologiques des produits de la réaction de Maillard (PRM)

1. La réaction de Maillard

1.6. Effets immunologiques et toxicologiques des produits de la réaction de Maillard (PRM)

L’aspect négatif de la réaction de Maillard le plus souvent évoqué est la diminution de la biodisponibilité des acides aminés, et notamment des acides aminés essentiels. Il existe d’autres phénomènes ayant des conséquences physiologiques néfastes dues à l’apport exogène de PRM par l’alimentation ou à la modification des protéines par la réaction de Maillard.

1.6.1. Effets sur les propriétés allergisantes des protéines

Les préoccupations des consommateurs vis-à-vis des allergies alimentaires sont grandissantes. Des recherches sur les cacahuètes ont montré que le grillage augmente leurs caractères allergènes en conférant aux protéines allergisantes une plus grande résistance à la digestion (Maleki et al., 2000 ; Maleki et Yamaki,

2007).

Cependant, l’effet inverse a également été constaté dès 1990 pour les protéines de soja par Oste et al. (1990) qui suggèrent que les sites responsables de réponses allergènes puissent être modifiés par des chauffages modérés en présence de sucres. Plus récemment, Gruber et al. (2004) ont montré que le chauffage de la protéine rPru av 1 – allergène majeur des cerises – avec du glucose ou du ribose, et de façon plus marquée avec du glycéraldéhyde ou du glyoxal induit une forte diminution de son pouvoir allergène en raison sans doute d’un changement de conformation de l’épitope par la réaction de Maillard. Plus précisément, Hayase et

al. (2006) mettent cause des mélanoïdines issues du chauffage de mélange xylose-lysine pour expliquer la

suppression de réactions allergiques. Cet effet anti-allergisant de la réaction de Maillard a également été étudié par van de Lagemaat et al. (2007) en glycatant des protéines de soja avec du fructose ou des fructo- oligosaccharides : jusqu’à 90 % de l’antigénicité des protéines est réduite du fait de leur glycation.

1.6.2. Effets mutagènes

Les études de la génotoxicité des PRM mettent en œuvre des tests utilisant des bactéries (Salmonella

thyphimurium, Escherichia coli), des levures (Saccharomyces cerevisiae), des insectes (Drosophila melanogaster) et des cellules de mammifères in vitro (cellules ovariennes de Hamster chinois) et des

mammifères in vivo (souris). Les systèmes de test de la mutagénicité sont basés sur l’observation des altérations de l’ADN à plusieurs niveaux : les mutations ponctuelles, c’est-à-dire des changements au niveau de l’ADN touchant un à trois nucléotides, les effets chromosomiques (ruptures, délétions et translocations) et les transformations cellulaires (développement de tumeurs). Depuis le début des études sur la mutagénicité des composés, les chercheurs se sont tournés vers la réaction de Maillard avec des résultats aussi variés que peuvent l’être la nature des PRM et les conditions dans lesquelles se développe la réaction de Maillard.

L’étude de Spingarn et al. (1983), utilisant la souche de salmonelles TA 98, porte sur la mutagénicité de PRM issus du chauffage sous reflux pendant 3 h de systèmes modèles ainsi que sur les produits de chauffage des acides aminés seuls. Les résultats obtenus montrent que le ratio acide aminé / glucose formant le plus de colonies revertantes varie beaucoup d’un acide aminé à l’autre (tableau 3). Ceci suggère que les acides aminés ne sont pas seulement des sources d’azote mais ont leur propre réactivité avec le glucose. De plus, les acides aminés chauffés sous reflux seuls sont également mutagènes. L’effet mutagène de la cystéine est confirmé sur la souche TA100 (Glatt et Protic-Sabljic, 1983 ; Glatt et Oesch, 1985 ; Glatt et al., 1990).

Tableau 3 : Mutagénicité des PRM issus de systèmes modèles acide aminé – glucose chauffés (adapté de Spingarn et al., 1983).

Mutagénicité b

revertants / mmol

Acide aminé Stœchiométrie a

a / réactants / acide / glucose Acide aminé c

alanine 9 : 1 160 190 1300 0,0 arginine 1,5 : 1 30 60 70 0,3 cystéine 1 : 1 50 100 110 0,5 acide glutamique 6 : 1 50 60 440 0,4 glycine 6 : 1 650 810 4200 0,0 histidine 1 : 1 10 20 20 0,0 lysine 1,5 : 1 15 20 30 0,5 phénylalanine 4 : 1 170 250 1000 4,0 proline 6 : 1 120 150 900 0,5 sérine 3 : 1 360 500 1500 0,3 thréonine 3 : 1 750 1400 3800 0,1 tryptophane 9 : 1 20 20 200 2,0 valine 3 : 1 100 140 430 0,5

a : Ratio molaire acide aminé : glucose qui entraîne la plus haute mutagénicité par mole de réactant

b : Mutagénicité observée à la stœchiométrie optimale en présence de S9 exprimée en nombre de colonies revertantes par mmol de réactants (acide aminé + glucose), d'acide aminé et de glucose

La concentration totale en réactants est fixée à 2,0 M. Les mélanges sont ajustés à pH 10,5 (NH4OH) avant leur dilution dans un

volume final de 100 mL et le chauffage à reflux pendant 3 h.

Cette propriété mutagène est discutée par Powrie et al. (1986) : les produits primaires de la réaction de Maillard et de la caramélisation ont des effets mutagènes alors que la fraction insoluble des cafés lyophilisés ou les mélanoïdines des systèmes modèles auraient des propriétés antimutagènes en inhibant la mutagénicité de composés mutagènes reconnus (aflatoxines, nitrosoguanidine et benzo(a)pyrène). En 1993, Kitts et al., ont étudié plus particulièrement la mutagénicité sur des cellules bactériennes et mammaliennes de différentes fractions de PRM issus du chauffage d’un mélange glucose-lysine. Les fractions acides et neutres de bas poids moléculaires ainsi que les mélanoïdines, donnent des réponses positives dans les deux types de tests. Les auteurs notent également que l’induction de la mutagénicité et des aberrations chromosomiques par les différentes fractions de PRM est largement réduite après incubation en présence d’un système d’oxydation métabolique composé d’extrait de foie de rat et de cofacteurs.

Yen et al. (1992) ont observé des effets contradictoires des PRM. Ces auteurs étudient le pouvoir anti- mutagène par le test d’Ames de PRM préparés par chauffage de trois oses (fructose, glucose ou xylose) avec quatre acides aminés (arginine, glycine, lysine et tryptophane) à 100 °C pendant 10 h. Aucun effet mutagène ou toxique des différents PRM n’a été observé sur la souche TA98 en présence de S9. Certains PRM (fructose-glycine ou fructose-arginine) augmentent la mutagénicité de certains composés. Au contraire, les PRM issus du tryptophane ou ceux issus du xylose inhibent fortement la mutagénicité de différents composés mutagènes en présence de d’activation métabolique (S9). Les auteurs notent par ailleurs une corrélation entre l’effet antimutagène et le pouvoir antioxydant et réducteur des PRM. Ces recherches confèrent aux PRM des propriétés co-mutagènes ou antimutagènes selon les conditions de la réaction de Maillard.

Les études récentes modulent également les propriétés anti-/pro- mutagènes des PRM en considérant les concentrations pour lesquelles apparaît un pouvoir mutagène. Ainsi une étude sur des PRM issus du chauffage de glutathion ou de cystéine avec du fructose ou du glucose montre qu’aucun effet mutagène n’a été observé pour la souche TA98 et que seuls les PRM chauffés pendant des temps courts et aux plus fortes concentrations (> 5 %) ont montré un pouvoir mutagène chez la souche TA102 (Wagner et al., 2007).

Les furannes et leurs dérivés, en particulier le furfural, sont parmi les premiers composés hétérocycliques identifiés dans les PRM. Ceux-ci ont montré un faible pouvoir mutagène en comparaison avec le benzo(a)pyrène. Le furfural, 5-hydroxyméthylfurfural (HMF) et le 5-méthylfurfural sont mutagènes chez S.

typhimurium TA100 et possèdent la capacité de rompre l’ADN en présence de cuivre (II) (Yamashita et al.,

1998). Ces composés font actuellement l’objet d’observations par l’US Food and Drug Administration

(2006). Cependant, bien qu’ayant des activités cytotoxiques, génotoxiques et tumorigènes, le HMF, utilisé comme agent aromatisant, ne semble pas poser de problèmes de santé même si les concentrations élevées

en HMF (1000 ppm) de certains aliments (fruits secs, caramels…) approchent les concentrations pour lesquelles il a été observé des effets biologiques dans les systèmes cellulaires (Janzowski et al., 2000).

Dès sa découverte en 1912, Louis Camille Maillard comprit la complexité de cette réaction et en imagina toutes les implications en physiologie humaine, en physiologie des plantes, en agronomie et en chimie analytique. Les publications récentes montrent que l’histoire de la réaction de Maillard est loin d’être terminée, mais les travaux de recherche s’orientent désormais plutôt sur les implications de la réaction de Maillard in

vivo. En effet, comme le démontrent les travaux présentés lors du huitième symposium international sur la

réaction de Maillard (Baynes et al., 2004), l’étendue du rôle de cette réaction dans les pathologies liées au vieillissement (l'arthrite, l'athérosclérose, les diabètes et les maladies neuro-dégénératives) est devenue un axe majeur de la recherche médicale.

Beaucoup de recherches devront donc être menées pour savoir quels sont les risques et les bénéfices associés à la consommation de PRM, pour connaître les voies métaboliques des PRM exogènes au niveau cellulaire puis au niveau de l’organisme tout en étudiant les voies de formation et les effets des PRM in vivo. La réaction de Maillard, que ce soit en sciences alimentaires ou en sciences médicales restera donc certainement un domaine de recherche très actif et riche de découvertes dans les années à venir.

2. LE

BRUNISSEMENT

ENZYMATIQUE

DES

FRUITS ET LEGUMES

Parmi les caractéristiques organoleptiques des aliments, la couleur est l’une des propriétés principales pour évaluer la qualité des aliments par les consommateurs. Le brunissement enzymatique est l’une des réactions qui affecte le plus la couleur des fruits et des légumes. Mais ce phénomène peut également se produire lors de la transformation et le stockage de certains fruits de mer. Il ne sera ici question que du brunissement enzymatique des fruits et légumes catalysé par la polyphénoloxydase (1,2 benzènediol ; oxygène oxydoréductase, EC.1.10.3.1) notée PPO. Cette appellation regroupe également les termes de phénoloxydase, phénolase, monophénoloxydase, diphénoloxydase et tyrosinase.