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Dans les derniers paragraphes, nous avons pu avoir une idée des phénomènes qui se déroulent lorsqu’une particule est diffusée ou absorbée par la matière. L’interaction entre un rayonnement électromagnétique ionisant et le vivant va entraîner un certain nombre de conséquences au niveau moléculaire, cellulaire, tissulaire ainsi qu’au niveau de l’organisme. La chronologie de ces évènements s’étale des premières 10-15s jusqu’à de nombreuses années après l’irradiation. Elle comprend trois étapes : l’étape physique, chimique et enfin biologique.

3.3.1 Etape Physico-chimique

Le transfert énergétique réalisé au moment de l’étape physique est très bref (de l’ordre de 10-14s). C’est au cours de ce laps de temps que le rayonnement va interagir avec les atomes selon les modes que nous avons vu précédemment.

Considérons une dose de 10Gy qui correspond à 10-2 Joules par gramme de tissu. Cette dose ne va générer que 2.1015 ionisations par gramme et ses effets thermiques seront négligeables (de l’ordre de 2.10-3°C). Malgré cela, une irradiation de 10Gy en corps entier est létale pour un être humain alors que seules 2 molécules d’eau sur 107 seront concernées par ces ionisations.

Il existe donc un phénomène d’amplification qui va conduire à l’observation d’effets biologiques72; 73.

3.3.1.1Effets directs et indirects

Les effets des radiations ionisantes sur les molécules peuvent être directs (20%) ou indirects (80%) (Figure 3.5). Un effet direct est caractérisé par une excitation ou une ionisation d’une molécule biologique par un électron secondaire. Cette interaction peut entraîner une rupture d’une liaison covalente et donner naissance à deux radicaux extrêmement réactifs selon l’équation :

R-R → R● + R’●

Cependant, le corps humain est constitué d’approximativement 70% d’eau. Les radiations ionisantes vont pouvoir par un phénomène appelé radiolyse de l’eau donner également naissance à des espèces réactives de l’oxygène.

On qualifie d’effets indirects, les effets causés par ces espèces réactives issues de la radiolyse de l’eau sur des molécules biologiques.

Figure 3.5 : Effet direct et indirect des radiations ionisantes sur la molécule d’ADN.

3.3.1.2Radiolyse de l’eau

La figure 3.6 illustre le phénomène de la radiolyse de l’eau. Les radicaux H● et HO● générés par ce phénomène vont interagir avec les molécules biologiques72; 73.

3.3.1.3Rôle de l’oxygène

L’oxygène est un radiosensibilisateur puissant qui augmente les effets de l’irradiation. On définit l’Oxygen Enhancement Ratio (OER), le rapport des doses nécessaires pour obtenir le même effet selon des conditions d’anoxie ou d’oxygénation normale74; 73

.

Un exemple de réaction pouvant expliquer ce phénomène est donné par les équations suivantes :

H● + O2 → HO2● (moins oxydant que HO● mais plus stable)

HO2● + H● → H2O2

La plus grande stabilité des radicaux créés entraîne un effet beaucoup plus durable.

3.3.2 Etape biologique

Bien que les radiations ionisantes puissent interagir avec toutes les molécules biologiques et notamment au niveau des mitochondries et des membranes, nous nous intéresserons principalement à leurs effets sur la molécule d’ADN. Les principaux dommages causés par l’irradiation sont72; 74 :

- les cassures simple brin de l’ADN (SSB18) : elles correspondent à la rupture d’une colonne sucre-phosphate. Elles sont en général rapidement réparées par un mécanisme d’excision – re-synthèse. On en dénombre en moyenne 1000 par Gray et par cellule. - Les cassures double brin de l’ADN (DSB19) : elles correspondent à deux cassures

simple brin sur des brins opposés de la molécule à moins d’une dizaine de paires de bases de distance. Leur réparation est plus longue et peut conduire à la perte de l’information génétique se trouvant dans la zone lésée. On en dénombre en moyenne 40 par Gray et par cellule.

- Les altérations de bases : les bases, et notamment la thymine peuvent être hydroxylées par un radical OH●. D’autres altérations comme des pertes de bases ou des pontages sont également observés. Leur réparation est en général rapide. On en dénombre en moyenne 1500 par Gray et par cellule.

18 SSB : Single-Strand Break. 19

3.3.3 Conséquences Biologiques

Les dégâts générés par l’irradiation sur l’ADN de manière directe ou indirecte vont pouvoir être réparés par plusieurs types de mécanismes74. Malgré cela, toutes les lésions, notamment les DSB ne vont pas pouvoir être réparées ou une partie de l’information génétique va être perdue lors de la phase de réparation. Si la zone touchée se trouve dans une partie non codante ou si la lésion a lieue dans un gène qui n’est pas vital, les conséquences seront faibles. Cependant, si les lésions se trouvent dans des gènes vitaux ou si elle entraîne des aberrations chromosomiques, la cellule peut entrer dans un processus de mort cellulaire. On distingue plusieurs types de mort cellulaires radioinduits75, parmi les plus courant, on trouve :

- la mort mitotique. Elle est la plus fréquente et consiste en l’accumulation d’aberrations chromosomiques et de mutations entraînant l’incapacité pour la cellule de finir une mitose. Une cellule en état de mort mitotique ne pourra pas engendrer de colonies. Leur morphologie est assez caractéristique puisque leur taille est souvent très importante et elles peuvent présenter des micronoyaux (morceaux d’ADN expulsés hors du noyau).

- l’apoptose. Il s’agit d’une mort cellulaire « programmée ». Elle est caractérisée par une succession de processus visant à « digérer » la cellule.

- la nécrose. Phénomène anarchique pouvant générer de l’inflammation.

- la mort cellulaire immédiate. Encore mal expliqué, ce phénomène est essentiellement observé après des irradiations à très hautes doses.

Les effets de l’irradiation peuvent également être observés après plusieurs années. Des mutations générées dans certains gènes suppresseurs de tumeurs par exemple peuvent entraîner une cancérisation à long terme (Figure 3.7).

3.3.4 Implications pour la radiothérapie

L’objectif de la radiothérapie va donc être de réaliser un maximum de dégâts au niveau du volume tumoral sans léser les tissus sains.

La dose déposée au niveau des cellules tumorales devra donc être maximale mais la dose déposée au niveau des tissus sains devra être la plus faible possible. Le fractionnement de l’irradiation discuté en 2.3.3 apparaît comme une bonne solution ; cependant, d’autres approches comme l’irradiation en mode tomographique, la curiethérapie ou l’IMRT présentent un potentiel intéressant.

Comme nous venons de le voir, les effets des radiations ionisantes sur le vivant peuvent être directs ou indirects. La prédominance des effets indirects a d’ailleurs été avérée tout comme le rôle du niveau d’oxygénation des tissus. Ces deux paramètres sont de première importance dans la mise en place de tout nouveau protocole expérimental :

- l’oxygénation du tissu tumoral n’est pas homogène. Dans les gliomes de haut grade notamment, on peut retrouver des zones hypoxiques dans la tumeur mais également au niveau des infiltrations dans le parenchyme cérébral, c'est-à-dire au niveau des marges actives. Les cellules hypoxiques sont beaucoup plus radiorésistantes que des cellules en conditions normoxiques.

- les effets indirects, via les espèces réactives de l’oxygène, peuvent être améliorés, notamment par l’utilisation de molécules radiosensibilisantes pouvant se fixer au plus près de l’ADN afin que les espèces réactives de l’oxygène soient produites en quantité à proximité de leur cible. Cette radiosensibilisation ciblée permettra d’augmenter les effets de l’irradiation dans les cellules tumorales sans avoir à augmenter la dose qui touche également les tissus sains.

3.4 Rayonnement Synchrotron