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Chapitre IV : L’EPA, un acide gras qui vous veut du bien

IV) L’EPA et les adipokines

2) Effets de l’EPA sur les adipokines bénéfiques

L’expression et la sécrétion d’adiponectine sont diminuées en condition d’obésité et de résistance à l’insuline et ce, de façon inversement proportionnelle à la masse grasse. Chez des patients atteints de maladie coronarienne, les taux plasmatiques d’EPA sont corrélés avec les taux d’adiponectine [Rasmussen, et al. 2009], et chez des femmes obèses, le ratio AA/EPA est négativement associé à l’adiponectinémie et à l’expression de l’adiponectine dans le tissu adipeux viscéral [Caspar-Bauguil, et al. 2012].

L’EPA est capable d’augmenter l’adiponectinémie de sujets obèses après 3 mois de supplémentation [Itoh, et al. 2007], et en association avec un programme de perte de poids, une supplémentation en EPA+DHA permet d’augmenter l’adiponectinémie [Wong, et al. 2013] de sujets obèses. Chez des femmes hypertriglycéridémiques en surpoids, l’augmentation de la consommation de saumon a le même effet sur l’adiponectine plasmatique [Zhang, et al. 2012a]. Chez des patientes obèses atteintes de polykystose ovarienne, un traitement à l’EPA+DHA augmente l’adiponectinémie, accompagnée d’une diminution de l’HOMA-IR [Mohammadi, et al. 2012].

Chez le rongeur, le même effet est constaté, que ce soit chez des rats nourris avec un régime normal [Duda, et al. 2009b], un régime hyperlipidique [Svegliati-Baroni, et al. 2006] ou chez des souris sous HFD [Flachs, et al. 2006] ou ob/ob [Itoh, et al. 2007].

L’augmentation de l’adiponectinémie pourrait être le simple reflet d’une moindre masse grasse, mais un effet direct de l’EPA est observé sur la production d’adiponectine. Dans le tissu adipeux ou les adipocytes, l’expression [Flachs, et al. 2006], [Svegliati-Baroni, et al. 2006] et la sécrétion [Tishinsky, et al. 2011], [Lefils-Lacourtablaise, et al. 2013] de l’adiponectine est augmentée par l’EPA.

Contrairement aux effets de l’EPA sur le métabolisme lipidique, ses effets sur la production d’adiponectine ne semblent pas être médiés par PPARα. L’étude de Neschen et al a montré que chez des souris supplémentées en huile de poisson, l’augmentation de l’adiponectinémie est toujours observée chez les souris PPARα-/-, mais n’est pas observée

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lorsque les souris wt reçoivent un inhibiteur de PPARγ [Neschen, et al. 2006]. L’effet spécifique de l’EPA sur la production d’adiponectine par les adipocytes est lui aussi médié par l’activation de PPARγ, car l’utilisation d’un inhibiteur empêche la sécrétion d’adiponectine par des adipocytes primaires humains stimulés à l’EPA [Tishinsky, et al. 2011]. De façon intéressante, le traitement de ces adipocytes avec l’EPA en association avec la Roziglitazone, un agoniste de PPARγ, entraîne une plus forte augmentation de la sécrétion d’adiponectine que celle obtenue par ces deux composés séparément [Tishinsky, et al. 2011], confirmant le rôle de PPARγ dans cet effet de l’EPA.

L’activation de l’AMPK est aussi capable d’induire l’expression d’adiponectine dans le tissu adipeux humain ex vivo [Lihn, et al. 2004], et le traitement d’adipocytes avec l’EPA active cette protéine kinase. Il est donc possible que l’activation de l’AMPK suite à l’administration d’EPA entraîne l’expression d’adiponectine, ce qui reste à être confirmé, aussi bien in vitro qu’in

vivo.

Les eicosanoïdes issue de l’EPA peuvent également induire la production d’adiponectine, comme cela a été montré pour la prostaglandine 15-désoxy-δ12,14-PGJ3 (15d-

PGJ3) dans des adipocytes 3T3-L1, et cette voie d’induction est également dépendante de

PPARγ [Lefils-Lacourtablaise, et al. 2013]. Un rôle possible de cette prostaglandine dans l’amélioration du métabolisme énergétique due aux traitements à l’EPA est donc envisageable, d’autant que l’EPA est spontanément transformé en 15d-PGJ3 dans le tissu adipeux de souris

nourries avec de l’EPA [Lefils-Lacourtablaise, et al. 2013].

Comme expliqué précédemment, l’EPA et ses métabolites sont de nature anti- inflammatoire, et il peut ainsi agir de façon indirecte sur la production d’adiponectine. La mise en co-culture d’adipocytes 3T3-L1 et d’une lignée immortalisée de macrophages RAW264, a permis de montrer que non seulement la présence de macrophages diminue l’expression et la sécrétion adipocytaire d’adiponectine, mais aussi qu’un traitement à l’EPA ré-augmente la sécrétion d’adiponectine, et cet effet est en partie du à une diminution de l’expression de TNFα dans la co-culture [Itoh, et al. 2007].

Cependant, certaines études ne rapportent aucun effet de l’EPA ou d’autres ω3 sur l’adiponectine. La supplémentation en ω3 de patients insulino-résistantes pendant 3 mois ne modifie pas l’adiponectinémie [Spencer, et al. 2013], et dans une étude clinique comparant l’effet de l’EPA à celui d’une statine chez des patients diabétiques et hyperlipidémiques, la

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supplémentation en EPA n’a pas augmenté les taux d’adiponectine, contrairement à la statine [Nomura, et al. 2009]. De même, l’expression de l’adiponectine n’est pas modifiée par l’EPA dans le tissu adipeux de rats nourris avec un régime cafétéria [Perez-Matute, et al. 2007].

La leptine, impliquée dans le phénomène de satiété, est augmentée dans le plasma en condition d’obésité et de résistance à l’insuline [Maffei, et al. 1995], qui est également considérée comme un état de résistance centrale à la leptine. Comme évoqué précédemment, son expression dans le tissu adipeux est proportionnelle à la masse grasse, mais l’administration de leptine exogène est bénéfique en limitant le stockage ectopique des lipides [Shimabukuro, et al. 1997].

Une étude menée sur des rats rendus obèses par un régime cafétéria a montré, outre une prise de poids importante, une légère augmentation de la leptine plasmatique et, lorsque les rats reçoivent une dose quotidienne d’EPA par gavage, la leptinémie est quasiment doublée par rapport à celles des rats obèses [Perez-Matute, et al. 2007]. De plus, l’expression génique de la leptine est augmentée dans le tissu adipeux épididymaire, alors que ce dépôt adipeux n’est pas plus développé chez ces animaux et qu’ils prennent moins de poids. Ceci confirme un rôle direct de l’EPA sur l’expression de la leptine, indépendamment de la masse grasse. Les effets de l’EPA dans cette étude sont également associés à une réduction de la prise alimentaire [Perez-Matute, et al. 2007], pouvant participer à l’amélioration globale observée. La régulation de la leptine par l’EPA semble être spécifique du dépôt adipeux considéré, ce qui est suggéré par l’étude de Raclot et al, qui montre que chez le rat nourri avec un régime HFD, la présence d’EPA dans le régime diminue l’expression génique de la leptine dans le tissu adipeux rétropéritonéal alors qu’elle n’est pas modifiée dans le tissu adipeux sous-cutané [Raclot, et al. 1997].

La leptine étant produite et sécrétée majoritairement par les adipocytes, des études in

vitro ont tenté de décrire le mécanisme par lequel l’EPA peut induire son expression. La sécrétion de leptine est stimulée par l’insuline, mais il a été démontré qu’elle est plus sensible à l’utilisation de glucose qu’à l’insuline [Wellhoener, et al. 2000]. Ceci a été confirmé par l’étude de Murata et al qui montre que l’augmentation de l’expression et de la sécrétion de leptine, stimulée par l’EPA dans des adipocytes 3T3-L1, est inhibée par un inhibiteur de la voie de biosynthèse des glucosamines [Murata, et al. 2000]. Dans cette étude, l’activation des PPARs n’a aucun effet sur la production de leptine. Une association entre le catabolisme du glucose et

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la production de leptine a également été observée dans des adipocytes isolés de rats traités in

vitro à l’EPA [Perez-Matute, et al. 2005].

Une régulation négative de la leptine par l’EPA a été rapportée par une étude montrant une diminution de l’expression génique de la leptine dans des adipocytes 3T3-L1 traités avec 500µM d’EPA [Reseland, et al. 2001]. L’étude de Murata et al a raporté un moindre effet de la dose 1000µM par rapport aux doses plus de 100 et 200µM d’EPA, en ce qui concerne l’expression de la leptine [Murata, et al. 2000]. A ces doses de 500 et 1000µM, plus élevées que celles classiquement utilisées in vitro pour l’étude des lipides, à savoir en-dessous de 300µM, les cellules semblent répondre différemment à l’EPA. Il est possible qu’à des concentrations trop fortes, la péroxydation de l’EPA entraîne des effets délétères du stress oxydant, mais aucune explication n’a pu être apportée par ces études.

Certaines études animales et cliniques n’ont cependant pas observé d’effets de l’EPA sur la production de leptine. Une étude menée sur des rats nourris avec des régimes gras riches en ω6 ou en ω3, a montré que l’expression de la leptine est augmentée dans le groupe ω6, mais pas dans le groupe ω3 [Takahashi and Ide 2000]. Ce manque d’effet a également été retrouvé chez des souris nourries avec un HFD supplémenté en EPA+DHA pendant 5 semaines [Flachs, et al. 2006].

La visfatine est une adipokine bénéfique pour la sensibilité à l’insuline, et sa concentration plasmatique est diminuée en condition d’obésité [Pagano, et al. 2006]. Chez des femmes diabétiques, la supplémentation en EPA+DHA a permis de doubler la concentration plasmatique de visfatine [Hajianfar, et al. 2011], et une étude menée chez le rat a permis de montrer que l’EPA a un effet propre sur la production de visfatine. L’étude de Pérez-Echarri et al montre qu’un régime cafétéria diminue son expression dans le tissu adipeux viscéral de rat après 5 semaines, et que l’administration d’EPA par gavage durant ces 5 semaines limite légèrement mais significativement cette diminution. En revanche, aucune modification de son taux plasmatique n’est observée chez ces animaux [Perez-Echarri, et al. 2009]. In vitro, le traitement d’adipocytes primaires de rats avec l’EPA augmente l’expression et la sécrétion de visfatine, et cet effet est dépendant de l’activation de l’AMPK [Lorente-Cebrian, et al. 2009].

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