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Les acides gras polyinsaturés, essentiels au fonctionnement de l’organisme

Chapitre IV : L’EPA, un acide gras qui vous veut du bien

I) Les acides gras polyinsaturés, essentiels au fonctionnement de l’organisme

Les acides gras saturés, ou SFA (Saturated Fatty Acids) possèdent uniquement des liaisons covalentes simples entre leurs atomes de carbones, souvent pairs. Les acides gras monoinsaturés, ou MUFAs (Mono-Unsaturated Fatty Acids), possèdent une double-liaison ou insaturation, et les acides gras polyinsaturés ou PUFAs (Poly-Unsaturated Fatty Acids) en possèdent plusieurs.

Les MUFAs et les PUFAs sont dits "coudés", car chaque insaturation cis introduit une angulation de 120° de la molécule. Ainsi, en augmentant leur occupation spatiale, les insaturations confèrent aux MUFAs et PUFAs la propriété d’augmenter la fluidité des membranes biologiques. Plus un acide gras a d’insaturations, plus il contribue à la fluidité des membranes, qui est nécessaire à de nombreuses fonctions vitales, comme la transmission synaptique [Zimmer, et al. 2000] ou le bon fonctionnement des érythrocytes [Poschl, et al. 1996].

La nomenclature qui sera utilisée tout au long de ce manuscrit est la numérotation oméga, qui prend en compte le 1er carbone impliqué dans une insaturation, en partant de l’extrémité méthyle (Tableau 2). Ainsi, l’acide eicosapentaénoïque (EPA) est représenté par "C20:5 ω3", car il possède 20 atomes de carbone, et 5 insaturations dont la première est située sur le 3ème carbone en partant de l’extrémité méthyle.

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Tableau 2. Classification et nomenclature des acides gras saturés, mono-insaturés et poly- insaturés. EPA : acide eicosapentaénoïque, DHA : acide docosapentaénoïque.

2) Sources de PUFAs dans l’alimentation

Les acides gras essentiels sont ceux que notre organisme ne peut pas biosynthétiser, à savoir les PUFAs des familles des ω3 et des ω6. En effet, nous ne possédons pas l’enzyme capable de créer une insaturation en position ω3 ou ω6 [Ratnayake, et al. 2009], nous les trouvons donc dans l’alimentation. L’acide α-linolénique (ALA, C18:3 ω3) est contenu dans les végétaux comme les graines de lin et de colza, dans les noix, le soja ou encore le chanvre. L’EPA (acide eicosapentaénoïque, C20:5 ω3) et le DHA (acide docosahéxaénoïque, C22:6 ω3) par contre, sont trouvés majoritairement dans les poissons gras et les huiles de poisson comme l’huile de foie de morue. Les poissons ne les synthétisent pas eux-mêmes, mais les absorbent lorsqu’ils ingèrent les algues et le plancton. Les ω6, eux, sont contenus dans la viande, les œufs, les noix, et dans la plupart des huiles alimentaires utilisées dans les sociétés occidentales.

3) Biosynthèse des PUFAs

En ingérant les précurseurs de ces familles, il nous est possible de les convertir en d’autres acides gras essentiels. Les PUFAs de la famille des ω3 sont synthétisés à partir de leur précurseur, l’ALA (C18:3 ω3) (Figure 17). L’enzyme Δ6-désaturase, après l’ajout d’une

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insaturation, le transforme en acide stéaridonique (C18:4 ω3), puis sa chaîne aliphatique est allongée, après l’ajout de deux atomes de carbone par l’élongase Elovl5, pour donner l’acide eicosatetraénoïque (C20 :4 ω3). C’est l’action de la Δ5-désaturase qui le transforme alors en EPA (C20:5 ω3). La biosynthèse se poursuit, alternant les réactions d’élongations et de désaturations, pour aboutir au DHA (C22:6 ω3). Une rétroconversion du DHA en EPA est possible grâce à une étape de β-oxydation peroxysomale, et a été observé in vitro [Gronn, et al. 1991], [Sprecher 2000] et in vivo [Lefils, et al. 2010].

Les ω6, eux sont synthétisés à partir de l’acide linoléique (LA, C18 :2 ω6). Il entre en compétition avec l’ALA pour la Δ6-désaturase [Parker-Barnes, et al. 2000], pour donner un acide γ-linolénique (GLA, C18:3 ω6), qui après élongation par l’Elovl5, devient l’acide dihomo-γ- linolénique (DGLA, C20:3 ω6), précurseur de l’acide arachidonique (AA, C20:4 ω6). Ici aussi les réactions se succèdent pour aboutir à l’acide docosapentaénoïque (DPA, C22:5 ω6).

Ainsi, en théorie, l’organisme des mammifères peut synthétiser l’EPA et le DHA à partir de l’ALA. Pourtant, des études suivant le devenir d’ALA radioactif après son injection chez l’Homme et des rats montrent qu’un très faible pourcentage d’ALA est convertit en EPA (8%) ou en DHA (<0,1%) [Williams, et al. 2006], [Attar-Bashi, et al. 2007], [Burdge, et al. 2003], rendant importante la consommation d’aliment en contenant.

4) Métabolites actifs dérivés des PUFAs

Les ω3 et ω6 peuvent également servir de précurseurs à des dérivés cyclisés et oxygénés, à savoir les prostaglandines (PG), les prostacyclines (PGI) et thromboxanes (TX) via l’action de la cyclo-oxygénase (COX), et les leucotriènes (LT) via l’action de la lipo-oxygénase (LOX) sur l’EPA et l’AA majoritairement (Figure 17). Ils sont regroupés sous le nom d’eicosanoïdes, étant dérivés d’acides gras possédant 20 carbones, et leurs rôles seront détaillés par la suite. Les époxydes et les oxylipines font aussi partie de ces eicosanoïdes [Poudyal, et al. 2011].

Les prostaglandines sont synthétisées dans tous les organes, les prostacyclines sont synthétisées particulièrement dans l’endothélium et les cellules musculaires lisses vasculaires, alors que les thromboxanes sont surtout synthétisées dans les plaquettes sanguines. Les

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leucotriènes, eux, sont synthétisés par les leucocytes, monocytes et macrophages au cours de la réponse immunitaire.

De façon globale, les eicosanoïdes dérivés de l’EPA (PGE3, PGI3, PGD3 ; TXA3 ; LTB5, LTC5, LTD5) sont anti-inflammatoires et anti-coagulants, alors que ceux issus de l’AA (PGE2,

PGI2, PGD2 ; TXA2 ; LTB4, LTC4, LTD4) sont pro-inflammatoires et thrombogènes. De façon

intéressante, le DGLA (C20:3 ω6) peut lui aussi être le précurseur d’eicosanoïdes, qui sont de puissants anti-inflammatoires, vasodilatateurs, et anti-coagulants [Kapoor, et al. 2006].

Le ratio entre les eicosanoïdes pro et anti-inflammatoires dépend de la disponibilité de leurs précurseurs. Par exemple, l’augmentation d’ALA (C18:3 ω3) dans le régime de rats a pour effet de réduire la production de prostaglandines issues de l’AA (C20:4 ω6) [Hwang, et al. 1980].

Les eicosanoïdes possèdent leurs propres récepteurs, qui sont transmembranaires, de type RCPG, ou intracellulaires comme les PPARs, qui ont des rôles distincts au cours de différentes réponses physiologiques.

Les eicosanoïdes sont eux-aussi des précurseurs de molécules actives. Parmi elles, les résolvines des séries E et D, sont respectivement synthétisées à partir d’EPA et de DHA [Serhan 2007], par action de la COX et de la LOX. Les résolvines permettent un retour des tissus à l’homéostasie après un événement inflammatoire. Dans les macrophages, le DHA peut générer des protectines et des marésines [Serhan, et al. 2009], qui participent également à la résolution de l’inflammation. Parmi les autres molécules dérivées des eicosanoïdes, on retrouve les lipoxines, les neuroprotectines, les hépoxilines et les éoxines, dont la synthèse requiert l’action de la COX et de l’aspirine, ou de plusieurs LOX.

Figure 17. La biosynthèse des acides gras poly-insaturés (PUFA) des familles ω3 et ω6. (page suivante)

D’après Poudyal, et al. 2011. Les désaturases et élongases (elovl) sont impliquées dans la biosynthèse des deux familles de PUFAs, qui sont donc en compétition pour ces enzymes. L’action de la cyclo- oxygénase (COX) génère les prostaglandines (PGE, PGD), les prostacyclines (PGI) et les tromboxanes (TXA); la lipo-oxygénase (LOX) génère les leucotriènes (LT) ; le cytochrome P450 (CYP) génère les époxydes, les éoxines, et les hépoxilines. L’EPA et le DHA sont également les précurseurs des résolvines des séries E et D, respectivement, après l’action de la COX et de la LOX.

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