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Effets du changement de biodiversité sur la dynamique du C dans les tourbières Exemple de la tourbière de La Guette (SO,

Valorisation scientifique : Valorisation scientifique :

II.4. Effets du changement de biodiversité sur la dynamique du C dans les tourbières Exemple de la tourbière de La Guette (SO,

OSUC ; Projet régional ResoNat du CPER –OSUC, INRA, BRGM)

II.4.1. Cadre du projet

Ces recherches sont menées en collaboration étroite avec S. Gogo, actuellement chercheur contractuel à l’ISTO, et avec S. Binet (Polytech’Orléans et ISTO) pour les aspects portant sur le fonctionnement hydrologique de la tourbière. Bien qu’amorcée depuis 2004, cette thématique de recherche a véritablement été mise en place à l’ISTO en 2008 lors du recrutement de S. Gogo comme post-doctorant (financement CG-45). Ce travail dont j’ai assuré la coordination est mené dans le cadre du projet SPATIOFLUX «Flux aux interfaces des sols d’écosystèmes naturels et cultivés», un des projets du cluster de la région Centre ResoNAT (cluster de compétences sur les sols, eaux et forêts) mis en place dans la cadre du CPER 2007 – 2013. ResoNAT qui regroupe 4 laboratoires de 3 organismes (INRA, BRGM, Université d’Orléans) se donne pour objectifs de comprendre et de prévoir les émissions de gaz à effet de serre dans deux systèmes d’observation ins trumentés de l’OSUC et de l’INRA : la tourbière de la Guette (Sologne) et les Sols agricoles de Villebon (Beauce). Au niveau de l’OSUC, ce travail s’insère dans la thématique transversale portant sur les réactivités et les transferts à l’interface Géo-Hydrosphère-Atmosphère.

Localement, ces travaux ont initié de nombreuses collaborations : (i) le bureau d’Etude Géo-Hyd11 (D. Pierre et A. Aurouet), (ii) le CEDETE, Université d’Orléans

(Bertrand Sajaloli)12, (iii) le LBLGC (Franck Brignolas et Isabelle Lejan)13, (iv) le LPC2E (Valéry Catoire et Christophe Guimbaud)14, (v) le CEMHTI (P. Echegut)15. La proximité

du site d’étude a permis de développer au laboratoire un axe de recherche associant expérimentation/mesures sur le terrain et expérimentations/analyses en laboratoire. A ce titre, depuis son instrumentation, ce site a accueilli plusieurs stages du Master STUE de l’OSUC, de la 4ème année d’élèves ingénieur de Polytech’Orléans, et du Master Biologie-

Biochimie des Ecosystèmes Terrestres de l’Université d’Orléans.

Le laboratoire ECOBIO de l’Université de Rennes (André-Jean Francez)16 et le laboratoire Chrono-Environnement de l’Université de Franche-Comté (Philippe Binet)17 participent également à ces recherches.

Pour les aspects touchant à la réhabilitation du site, nous avons mis en place, depuis 2008, un comité de pilotage formé de divers partenaires socio-économiques : le CREN Centre (Conservatoire Régional d’Espaces Naturels), l’ONF, l’association SNE (Sologne, Nature, Environnement), le Pôle National Relais Tourbières, la Commune de Neuvy-sur-Barangeon (18), propriétaire du site, la Communauté de Communes des Villages de la Forêt, gestionnaire du site et La Maison de l’Eau de Neuvy-sur- Barangeon.

II.4.2. Contexte scientifique et objectifs

L’un des problèmes les plus récurrents observés dans les tourbières à sphaignes est le changement des communautés végétales, le plus souvent suite aux perturbations dues à des activités humaines (i.e. drainage, apports de nutriments). Sous l’impact de

11 Pour l’étude hydrologique, SIG et MNT

12 Pour la phytosociologie de la tourbière et l’inventaire floristique des placettes d’étude. 13 Pour les expériences in situ et en laboratoire menées sur les Bouleaux

14 Pour la mesure des émissions de CH

4 avec le spectromètre infrarouge SPIRIT 15 Pour l’analyse spatiale des températures de surface par caméra infrarouge 16 Pour la mesure du C et du N microbiens

ces perturbations, les plantes typiques de ces milieux humides, i.e. les sphaignes, rares et très souvent protégées par la loi, sont en effet remplacées par des plantes vasculaires (states herbacée et arborée) ((Berendse et al., 2001) qui n’ont pas toujours les mêmes capacités d’enfouissement du C (Limpens et al,, 2008). Ceci peut d’une part affecter la dégradabilité des litières déposées (Gartner et Cardon, 2004) et d‘autre part promouvoir les associations mycorhiziennes dans la rhizosphère (Cornelissen et al., 2001). La composition biochimique des nouvelles litières peut modifier les cinétiques des processus intervenant dans la décomposition (activités enzymatiques, respiration) ainsi que la structure des communautés microbiennes associées à ces processus. De plus, dans ces milieux, connus pour être pauvres en nutriments, l’installation d’une flore vasculaire s’accompagne souvent de la mise en place de symbioses avec des champignons mycorhiziens spécifiques à ces milieux (Cornelissen et al., 2001). L’installation de tels microorganismes, par leurs activités et la supériorité que leur confère la symbiose, peut profondément modifier la capacité des tourbières à garder le C récalcitrant stocké dans la tourbe humifiée. Un des processus de minéralisation de la MO s’opère par l’assimilation par les microorganismes du C labile nouvellement injecté par les excrétions racinaires dans la tourbe humifiée, i.e. priming effect (Blagodatskaya and Kuzyakov, 2008, Gogo et al., 2011b). Cette voie de recherche nécessite notamment la connaissance des champignons mycorhiziens et des microorganismes associés dans la rhizosphère, ainsi que l’étude des activités enzymatiques liées à la dégradation de la MO humifiée. Par la connaissance des processus impliqués, ces recherches permettent ainsi de tracer les origines des flux de CH4 et de CO2 mesurés en surface.

Enfin, d’une manière générale, le boisement que subissent de nombreuses tourbières est la cause de multiples perturbations écologiques : perturbation du fonctionnement de la nappe d’eau, assèchement du milieu, forte évapotranspiration, interception des précipitations, ombrage défavorable au développement des espèces typiques. Aussi, afin de déterminer l’impact des changements de végétation sur le cycle du C dans les tourbières, convient-il d’étudier l’effet des espèces végétales envahissantes sur le fonctionnement de ces systèmes.

Dans le cas précis de la tourbière solognote de la Guette (Neuvy-sur- Barangeon), on assiste depuis plus d’une vingtaine d’années à une envahissement du site par le Bouleau (Betula sp) et, depuis peu, par la Molinie (Molinia caerulea, graminée) qui, outre leur impact sur le paysage (« fermeture » du milieu) et sur la biodiversité (disparition des sphaignes), affectent très probablement les flux de C. La pérennité de cet écosystème passe donc obligatoirement par le maintien de sa capacité à accumuler de la tourbe, et donc par l’étude des effets du Bouleau et de la Molinie sur son fonctionnement.

L’objectif majeur de cette recherche est donc de répondre à la question suivante : l’envahissement par le Bouleau et la Molinie de la tourbière de la Guette favorise t-il la fuite de C vers l’atmosphère au détriment de son stockage durable dans le sol ?

De cet objectif général, découlent trois interrogations :

1) quelles caractéristiques physico-chimiques et biologiques présentent la tourbe (des zones boisées vs non boisées), l’eau de la tourbière et l’eau des rivières associées à la tourbière ?

2) comment les racines du Bouleau affectent-elles la structure, la chimie et la biologie de la tourbe en comparaison avec les espèces autochtones ?

3) la MO issue des parties foliaires du Bouleau et de la Molinie est-elle plus ou moins décomposable que la litière d’espèces végétales autochtones (sphaignes) ?

Pour répondre à ces questions, les approches analytique et expérimentale suivantes ont été adoptées :

1) Analyses physico-chimiques des eaux et analyses biochimiques de la tourbe (mesures in situ et analyses en laboratoire).

2) Des expériences in situ et en laboratoire (expérience en pot) menées sur le Bouleau permettant d’étudier l’effet de ses exsudats racinaires sur la qualité de la tourbe.

3) Des expériences in situ (litter bags) et en laboratoire (en tubes) consistant à mettre à incuber des espèces invasives et des espèces autochtones (en monoculture et en mélange) et de suivre la cinétique de leur décomposition au travers de différentes variables (perte de masse, émissions de CO2, C organique dissous…).

II.4.3. Site d’étude : caractéristiques et intérêt

La tourbière de la Guette est située dans la commune de Neuvy-sur-Barangeon dans le Cher (Z.N.I.E.F.F., Natura 2000) (alt. 154m, T°C moy. : 11°C, précip. Moy. : 883 mm/an). Outre sa superficie de 50 hectares qui fait d’elle la zone tourbeuse la plus étendue de Sologne, ce site abrite de nombreuses espèces typiques des tourbières acides (Sphagnum spp, Eriophorum vaginatum, Drosera rotundifolia). Il présente en outre une mosaïque de formations végétales très diversifiées dont certaines sont patrimoniales et abrite 7 espèces protégées et 4 communautés végétales d’intérêt européen. Or, une étude réalisée en 2002 par Sologne Nature Environnement (SNE) en collaboration avec Géo-Hyd et l’Université d’Orléans a mis en évidence une forte dynamique de boisement par le Bouleau (Betula spp) et, plus récemment une invasion du site par la Molinie (Molinia caerulea), qui mettent en grand péril les différents habitats et espèces protégées et à terme, menacent la pérennité de la tourbière.

II.4.4. Instrumentation du site

L’instrumentation de la tourbière qui a débuté en 2008 a consité à délimiter des placettes expérimentales qui font l’objet de suivis hydrologique, floristique, bio- géochimique et de mesures de gaz (CH4 et de CO2). Ces placettes ont été choisies en

fonction du degré d’humidité du sol et de la composition floristique :

Figure 13 : Enregistrement du niveau de la nappe d’eau dans la station amont fermée de la tourbière entre juin 2008 et août 2010 (fluctuations allant de ca. 0 à -50cm de profondeur)

- Stations aval vs stations amont (niveau de la nappe élevé vs niveau de la nappe bas). Les deux dernières stations se trouvent dans une zone alimentée par intermittence par un drain collectant des eaux provenant de parcelles forestières avec une végétation de lande sèche en sous bois.

- Stations « ouvertes » vs stations « fermées » (végétation autochtone vs végétation envahissante). -60 -50 -40 -30 -20 -10 0

Des capteurs (Orphimèdes et Orpheus Mini) de suivi automatique du niveau de la nappe d’eau ont été installés dans ces placettes (Fig. 13) et en position extrême amont et aval de la tourbière. Nous y avons installé récemment une station météorologique Campbell CR800 pour la mesure de la température de l’air, pluviométrie, pression atmosphérique, luminosité et vitesse du vent. Des thermistances connectées à la station météorologique ont été mises en place pour suivre la température du sol (à -5 cm et à -20 cm) dans 2 communautés

végétales (Sphagnum spp. et

Molinie/Bouleau) (Fig. 14). Enfin, pour le suivi de gaz, 17 embases ont été mises en place afin de réceptionner la chambre d’accumulation : (i) celle reliée au Spectromètre InfraRouge In situ Troposphérique (SPIRIT-Sol) pour la mesure du CH4 et (ii) celle reliée à la

sonde VAISALA® pour la mesure du CO 2.

Figure 14 : Enregistrement de la température de l’air et du sol (à -5 cm et -20 cm) entre décembre 2010 et janvier 2011.

II.4.5. Résultats majeurs

Qualité biochimique de la tourbe et chimie de l’eau

L’analyse géochimique globale de la MO a été effectuée dans des carottes de tourbe de 50 cm de long extraites dans chaque station : la densité apparente, la perte au feu, l’indice pyrophosphate, les teneurs en C, N, S et les paramètres de la pyrolyse Rock Eval (IH, IO, COT) ont été mesurés avec un pas de 5 cm. A chaque profondeur, une MANOVA a été réalisée. Une analyse saisonnière de la qualité des eaux de surface de la tourbière et des cours d’eaux adjacents a également été effectuée.

Les résultats des MANOVAs (cf. Fig ci-contre) montrent qu’en profondeur, la tourbe présente une grande variabilité dans sa composition chimique liée probablement à la variabilité des précurseurs botaniques. Les différences entre les stations tendent à diminuer jusqu’à ne plus être significatives à la profondeur 7,5 cm. A la surface (2,5 cm de profondeur), on retrouve de nouveau des différences significatives (p<0,05) entre les stations étudiées. En effet, en surface, la MO y est plus décomposée et les teneurs en éléments sont moindres dans les stations envahies par Betula sp et Molinia caerulea par rapport aux stations « ouvertes ». L’impact des espèces invasives sur la dynamique du C serait donc d’ores et déjà enregistré dans la tourbe superficielle (Gogo et al., 2011b).

Les résultats de la chimie de l’eau montrent que le drain entrant apporte des eaux chargées en K, Al, Fe et Si dont les concentrations diminuent au fur et à mesure que l’on

F - MANOVA 0 10 20 30 40 50 0 5 10 15 Pr of on de ur ( cm ) P <0.05 P >0.05

s’éloigne de ce drain (l’exemple de l’Al est donné dans la Fig. 15). Ces nutriments auraient ainsi d’importants effets sur la décomposition de la MO, particulièrement celle des zones envahies, à cause des contraintes stœchiométriques (Gogo et al., 2011b). De fortes concentrations en Fe ont aussi été mesurées dans les stations envahies. Cet élément qui est alors concentré dans les litières des végétaux envahissants (Bouleau et Molinie) doit stimuler l’activité des microorganismes participant ainsi à une plus forte une décomposition de la MO dans les zones envahies.

Al (mg/l) Al (mg/l)

Figure 15 : concentration en Al dans la tourbière et dans les drains entrant et sortant de la tourbière

Cinétique de décomposition des litières

La cinétique de décomposition des litières autochtones (sphaignes) et envahissantes (feuilles de Bouleau et de Molinie) a d’abord été appréhendée par des expérimentations de terrain. Des sacs remplies de ces mêmes litières ont été mis à incuber in situ en monoculture (cinétique sur 2 ans) et en mélange (cinétique sur 1 an). Les résultats de ces expériences montrent que (i) les feuilles de Bouleau, plus riches en azote, se décomposent plus vite que les sphaignes et la Molinie et (ii) la litière de Sphagnum rubellum se décompose significativement