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CULTURE SCIENTIFIQUE

II. SYNTHESE DES TRAVAUX SYNTHESE DES TRAVAUX DE DE RECHERCHE

II.2. Contexte scientifique et objectifs:

Les stocks importants de tourbe accumulée, notamment dans les tourbières à sphaignes de Scandinavie, de Russie et du Canada, constituent depuis fort longtemps une ressource industrielle très exploitée pour différents usages (combustible, support d’horticulture, amendement de cultures…). Cependant, l’exploitation des tourbières n’est pas sans conséquence sur leur fonctionnement. D’abord, le drainage, préalable à toute exploitation, entraîne des modifications profondes qui se traduisent par une augmentation de l’activité microbienne et de la décomposition de la tourbe (Laiho, 2006) aboutissant alors à un accroissement des émissions de gaz, notamment de CO2 dans

l’atmosphère, voire une remise en circulation d’une partie du C historiquement accumulé (Gorham, 1991). Ces modifications font que d’un fonctionnement en “ puits ” de C, l’écosystème en devient une “ source ” (Francez, 2000). C’est ainsi que la fonction de puits de C aurait diminué de 20 à 30% dans les tourbières de Finlande et de Russie et de 50% dans celles de l’Europe de l’Ouest (Francez and Vasander, 1995). Il n’en reste pas moins que dans beaucoup de régions de ces mêmes pays, l’exploitation de la tourbe a été, et continue d’être, une source non négligeable de revenus pour les communautés concernées, essentiellement rurales.

Tout de même, les tourbières ayant fait l’objet d’exploitation de tourbe dans le passé, et actuellement en régénération (spontanée ou volontaire), peuvent, dans certains cas, fonctionner en puits de C (Chapman et al. 2003). Aussi, maints efforts sont-ils fournis pour encourager le retour et le rétablissement d’espèces végétales accumulatrices de tourbe, i.e. les sphaignes et la linaigrette (Grosvernier et al., 1995 ; Gorham and Rochefort, 2003 ; Lavoie et al., 2003). Cependant, si le retour d’espèces végétales

3 Consortium des partenaires académiques de RECIPE : 1. MLURI, Aberdeen, UK / 2. Univ. Helsinki, Finlande / 3. GSF,

Inst. of Soil Ecology, Neuherberg, D / 4. WSL-AR et EPFL, Lausanne, CH / 5. UMR 1137 CNRS, INRA - Nancy / 6. UMR 6553 CNRS, Rennes 1 / 7. EA 3184, USC INRA, Besançon / 8. UMR 6565 CNRS, Besançon / 9. ISTO, UMR 6113 CNRS, Orléans

4 Consortium des partenaires socio-économiques de RECIPE : 1. Northern Peat and Moss, Caithness, Scotland / 2.

Guinness UDV Distilling Limited, Moray, Scotland / 3. Scottish Natural Heritage, Inverness, Scotland / 4. S.B.I., Baupte, Normandy, France / 5. VAPO Oy, Jyväskylä, Finlande / 6. The Association of Finnish Peat Industries, Kuokkalantie, Finlande / 7. LIN'eco consultant, Suisse.

typiques sur les surfaces dénudées peut être considéré comme un indicateur de réussite de la restauration, l’adéquation entre l’installation de ces espèces nouvelles et les processus d’accumulation à long terme du C dans le sol, reste à démontrer.

De nombreux travaux concernant la dynamique du C dans les tourbières régénérées ont été menés au travers des mesures de flux de CO2 et de CH4 en surface ou du suivi de

végétation (Harriss et al., 1985 ; Moore and Knowles, 1989 ; McNeil and Waddington, 2003 ; Bortoluzzi et al., 2006). Par contre, peu de recherches se sont focalisées sur les processus se produisant dans le sol, comme par exemple les interactions du substrat carboné de la tourbe et des communautés microbiennes, connues pour avoir d’importantes implications sur le fonctionnement de l’écosystème. En effet, les propriétés physico-chimiques et biologiques de la litière et de la tourbe sous-jacentes affectent significativement (i) le développement des sphaignes (Grosvernier et al., 1997 ; Buttler et al., 1998) et (ii) les émissions de gaz vers l’atmosphère (Buttler et al., 1994 ; Charman et al., 1994). Par ailleurs, il a été montré que la structure et la diversité des communautés microbiennes varient fortement en fonction des gradients écologiques et suite à des perturbations de l’écosystème, e.g. apports de nutriments ou augmentation des concentrations de CO2 atmosphériques (Francez, 1991 ; Gilbert et al., 1998a,b ;

Mitchell et al., 2003).

C’est dans cette problématique que se sont inscrites les recherches menées au sein du projet RECIPE. L’objectif général du projet était d’appréhender la dynamique de régénération spontanée de tourbières anciennement exploitées et destinées actuellement à la restauration. Plus précisément, Il s’agissait d’identifier des indicateurs (combinaison entre végétation, communautés microbiennes, flux de CO2 et CH4,

physico-chimie du substrat tourbeux, conditions hydrologiques…) favorables au rétablissement des espèces végétales clés des tourbières et à la restauration des processus d’accumulation à long terme du C (Chapman et al., 2003). Un volet socio- économique a aussi été développé, avec comme objectif d’évaluer dans chaque pays concerné l’impact des pratiques d’extraction de tourbe et de restauration sur la dynamique de régénération ; le but final étant de fournir un guide de gestion durable des tourbières.

Les tourbières étudiées ont, en partie ou en totalité, fait l’objet d’extraction de tourbe, arrêtée suivant les sites depuis 50, 40, 30 ou 10 ans. Nos études ont ainsi porté sur des chronoséquences de 10 à 50 ans de 5 tourbières réparties suivant un trend Nord - Sud de l’Europe : Finlande, Ecosse, Jura français et suisse et Normandie. La plupart de ces tourbières contiennent des zones qui n’ont pas été exploitées servant de référence à notre étude. Parallèlement, des fosses expérimentales ont été installées in situ dans trois tourbières (France, Ecosse et Finlande) avec un contrôle du niveau de la nappe d’eau et une revégétalisation par des espèces pionnières (sphaignes et linaigrette). L’objectif ici était d’étudier l’effet de ces espèces-clés et du degré d’humidité du sol sur la séquestration du C dans les phases précoces de succession végétale.

Ma contribution au sein du projet RECIPE, en collaboration avec mes collègues de l’ISTO5 a consisté à déterminer la composition biochimique de la tourbe et les modalités de dégradation/préservation de la MO dans les premiers stades de succession végétale (i) dans les chronoséquences en cours de régénération et (ii) dans les zones témoin.

Les études combinant des analyses élémentaires (C, N) et micromorphologiques (microscopie photonique et cryoMEB) ainsi que la caractérisation des carbohydrates ont été menées sur des carottes de tourbe (50 à 70 cm de long) à différents stades de

5 La caractérisation moléculaire est menée en collaboration avec J.-R. Disnar avec l’assistance technique de N. Lottier, et

régénération, et comparées aux profils de référence des zones non exploitées. Les résultats de ces analyses ont été comparés à ceux des végétaux vivants caractéristiques des tourbières (9 espèces de sphaigne et 2 espèces de Linaigrette) afin d’identifier des marqueurs de source de la MO de la tourbe. Enfin, les synthèses microbiennes ont particulièrement été recherchées dans la fraction granulométrique fine de la tourbe (fraction < 200 "m).