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Annexe II.1 : les diagrammes de phase des métaux d’apport candidats au report IMC

III.2. c.2 Effet du temps de mise en œuvre : mécanisme de croissance des phases IMCs

Conditions expérimentales : Température de report T=250°C ; Vitesse de chauffage 1,5°C/min ;

Pression appliquée P=5 KPa ; Temps de mise en œuvre t=[0-10h]

Dans un premier temps, nous cherchons à déterminer l’effet de l’insertion d’une barrière de diffusion Cu3Sn sur les processus de diffusion et de croissance des phases IMCs. Pour cela, des reports IMCs sont réalisés à différents temps de mis en œuvre, dans les conditions d’élaboration optimales déterminées précédemment. Les différentes étapes de croissance des grains IMCs en fonction du temps sont illustrées sur la figure III.28.

Figure III.28 : Microstructures des joints IMCs (épaisseur 22 µm), élaborés par report IMC avec barrière de diffusion IMC à 250°C après : (a) Chauffage (0 min) ; (b) 5 mins ; (c) 15 mins ; (d) 30

mins ; (e) 1 h ; (f) 1h30 ; (g) 2 h à 270°C ; (h) 10 h à 330°C

Sur ces micrographies, nous pouvons constater que l’insertion d’une barrière de diffusion entre les substrats et le métal d’apport modifie considérablement les processus de diffusion. En effet, la croissance des grains IMCs ne s’effectue pas en forme de « scallops » de l’interface avec les substrats cuivrés vers le centre du joint, mais préférentiellement sous forme de précipités au centre du joint. Ainsi, ce nouveau procédé permet d’éviter la formation de macro-pores au centre du joint. Un mécanisme de croissance des phases IMCs lors du report TLPB avec barrière de diffusion IMC, en cinq étapes, est proposé ci-dessous :

(1) Dissolution de la barrière de diffusion dans le métal d’apport (figure III.28.a). La couche Cu3Sn n’étant pas en équilibre thermodynamique avec Sn, elle est transformée en Cu6Sn5 puis diminue en épaisseur par diffusion des atomes de cuivre dans le métal d’apport. La dissolution de la barrière continue jusqu’à saturation de la phase liquide en cuivre (xcu=3%). La dissolution

homogène de la barrière de diffusion (au lieu du substrat cuivré aux joints de grains) dans la phase liquide permet de diminuer la concentration en cuivre à l’interface substrat/métal d’apport et ainsi d’éviter la formation de « scallops » IMCs. En effet, la concentration en cuivre à

Développement du procédé de report IMC TLPB et caractérisation des joints IMCs Chapitre III

130 l’interface avec la barrière IMC est trop faible pour sursaturer la phase liquide et former un germe IMC dont la croissance s’effectuerait en forme de « scallop » à partir du substrat,

(2) Saturation de la phase liquide et précipitation de grains IMCs au centre du joint (figure III.28.a). Du fait des gradients de concentration dans la phase liquide, le cuivre diffuse vers le centre du joint, où les flux atomiques provenant de chaque substrat engendrent la sur-saturation de la phase liquide et ainsi la précipitation de grains IMCs,

(3) Solidification isotherme au centre du joint (figure III.28.a-f). On distingue deux types de phases IMCs, séparées par un couloir de phase liquide : des précipités IMCs qui croissent au centre du joint et une couche IMC à chaque interface avec les substrats qui évolue peu avec le temps. En effet, une fois les grains centraux précipités, la croissance IMC s’effectue préférentiellement au centre du joint par un mécanisme de mûrissement d’Ostwald en phase liquide. Ce mécanisme repose sur la dissolution des grains IMCs interfaciaux de petites dimensions dans la phase liquide, puis sur leur reprécipitation au niveau des plus gros grains au centre du joint, afin de minimiser leur énergie interfaciale. Du fait de la dissolution de la couche IMC interfaciale, la phase liquide en contact n’est pas sursaturée en cuivre, empêchant la croissance des grains en forme de « scallops ». La croissance lente de la couche IMC aux interfaces s’effectue alors principalement par diffusion d’étain à travers cette couche vers le substrat en cuivre, formant la phase Cu3Sn (en phase solide),

(4) Coalescence des grains centraux et interfaciaux (figure III.28.f). La présence de couloirs d’étain liquide libres permet à l’interconnexion d’accommoder la variation de volume associée à la réaction de formation des IMCs et ainsi d’éviter la formation de macro-pores. Cependant, en fin de réaction, les grains IMCs centraux et interfaciaux vont coalescer. Des contacts locaux entre les deux phases vont entrainer une fixation du volume du joint, alors que l’étain n’est pas entièrement consommé. Ainsi, une porosité, très inférieure à celle induite par la croissance colonnaire des grains IMCs, est formée malgré la croissance plane des IMCs,

(5) Homogénéisation du joint (figure III.28.g-h) : formation d’un joint IMC homogène, constitué des phases Cu6Sn5 et Cu3Sn, ainsi que de précipités Ag3Sn.

Afin de confirmer ce mécanisme, les profils de concentration en cuivre dans la phase liquide lors du report IMC avec et sans barrière de diffusion ont été comparés, à partir de cartographies et de profils en ligne Auger. Sur la cartographie d’un joint élaboré sans barrière de diffusion (figure III.29.b), nous observons que la concentration en cuivre dans la phase liquide est importante à l’interface avec la phase IMC, montrant la précipitation de cette dernière à partir du substrat en cuivre. Sur la ligne Auger, cette précipitation est illustrée par un faible gradient de concentration (voir figure III.29.c). A l’inverse, sur la cartographie d’un joint élaboré avec une barrière de diffusion (figure III.30.b), la concentration en cuivre dans la phase liquide, à l’interface avec la phase IMC, est faible, c’est pourquoi cette dernière ne précipite pas. Ce résultat est confirmé par le fait que, sur la ligne Auger figure III.30.c, aucun gradient de concentration n’est observé entre la phase IMC et la phase liquide.

Figure III.29 : Analyse chimique AES d’un joint élaboré par report IMC sans barrière de diffusion, après chauffage à 250°C : (a) Micrographie MEB ; (b) Cartographie de la concentration atomique en

cuivre ; (c) Concentration atomique en cuivre en fonction de la distance de la ligne

Figure III.30 : Analyse chimique AES d’un joint élaboré par report IMC avec barrière de diffusion, après chauffage à 250°C : (a) Micrographie MEB ; (b) Cartographie de la concentration atomique en

cuivre ; (c) Concentration atomique en cuivre en fonction de la distance de la ligne

Ces analyses chimiques confirment les différents mécanismes de précipitation des phases IMCs définis précédemment et qui sont résumés schématiquement sur la figure III.31 ci-dessous :

Figure III.31 : Mécanisme de précipitation de la phase IMC Cu6Sn5 durant le report IMC : (a) Sans barrière de diffusion ; (b) Avec barrière de diffusion

La barrière Cu3Sn a donc pour objectif de ralentir la diffusion du cuivre dans le métal d’apport durant les premières étapes du report, afin d’éviter la formation de « scallops ». Ainsi, en début de réaction,

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132 les cinétiques de croissance des phases IMCs sont plus lentes que celles observées sans barrière de diffusion. Par exemple, après chauffage à 250°C, quelques grains de faibles diamètres (3 µm) sont formés au centre du joint (voir figure III.28.a), tandis que des « scallops » de 7 µm d’épaisseur sont observés sans barrière (voir figure III.19.a). Cependant, avec l’avancement de la réaction, les cinétiques de croissance, avec et sans barrière de diffusion, deviennent similaires.

Enfin, sur les micrographies précédentes, nous pouvons remarquer que les grains IMCs, précipitant au centre du joint, sont très facettés. Ces facettes sont caractéristiques d’une croissance particulière, suivant la forme d’équilibre du cristal. Un cristal adopte sa forme d’équilibre lorsque son énergie de surface est minimisée dans toutes les directions de l’espace. Il existe une construction géométrique, appelée construction de Wulff, qui permet de représenter la variation de l’énergie de surface suivant les différentes orientations du cristal. En prenant l’énergie minimale, il est alors possible de prédire la forme d’équilibre du cristal. L’IMC Cu6Sn5 (η) cristallise dans une structure monoclinique. D’après le théorème de Wulff, sa forme d’équilibre correspondante est un polyèdre à base hexagonale, représentée sur la figure III.32 ci-dessous :

Figure III.32 : Forme d’équilibre caractéristique d’un précipité cristallisant dans une structure monoclinique, d’après le théorème de Wulff : polyèdre à base hexagonale

(Center for Theoretical and Computational Materials Science – « Wulffman Working group »)

Sans barrière de diffusion, la croissance IMC à partir des substrats est contrainte, entrainant la formation de grains IMCs arrondies en forme de « scallops ». Par contre, grâce à l’ajout d’une barrière de diffusion, la croissance IMC s’effectue librement au centre de la phase liquide, ce qui permet aux grains de minimiser leur énergie de surface et ainsi d’adopter la forme d’équilibre du cristal. Ainsi, comme illustré sur la figure III.33, les grains IMCs se présentent sous la forme d’hexagones sur la vue en section et sous la forme de prismes hexagonaux sur la vue de dessus (après attaque chimique à l’acide chlorhydrique afin d’éliminer l’étain résiduel).

Figure III.33 : Géométrie des grains IMCs élaborés par report IMC avec barrière de diffusion : (a) Vue de section ; (b) Vue de dessus

Dans la suite de cette partie, nous chercherons à étudier l’effet des paramètres d’élaboration sur la formation de défauts dans les joints IMCs. L’objectif est de déterminer si l’insertion d’une barrière de diffusion permet, en plus d’éviter la formation de macro-pores, d’optimiser le procédé de report. En particulier, l’utilisation d’une vitesse de chauffage élevée et d’une pression intermédiaire nous

intéresse particulièrement, afin de minimiser la durée du report tout en évitant d’endommager les matériaux à assembler.