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Un effet de SOCS2 sur la reproduction ?

CHAPITRE V. DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES

I. Un effet de SOCS2 sur la reproduction ?

Dans le Chapitre III., nous avons montré que les brebis homozygotes pour la mutation SOCS2 avaient un risque d’échec à l’IA 1,3 fois supérieur aux brebis homozygotes sauvages. En revanche, le nombre de petits par portée n’était pas impacté chez les brebis fécondées. Ces résultats sont confortés par une analyse populationnelle récente qui a montré un déficit d’homozygotes dans la région du gène SOCS2 pour les béliers génotypés pour la sélection génomique (Maxime Ben Braiek, communication personnelle). Par ailleurs, nous avions constaté la difficulté à procréer des individus T/T au domaine de La Fage, mais les fréquences des différents génotypes n’étaient pas significativement différentes des effectifs mendéliens attendus. Les données accumulées au cours de la thèse ne nous permettaient pas toutefois de déterminer à quel stade physiologique (production et fonctionnalité des gamètes chez le mâle ; ovulation, fécondation, implantation et développement embryonnaires, etc. chez la femelle) la protéine SOCS-2 pouvait intervenir dans la régulation de ce phénomène complexe qu’est la reproduction.

Chez la brebis, l’activité sexuelle est saisonnière (jours courts, automne-hiver) et se caractérise par des cycles œstraux d’une durée moyenne de 17 jours. Ces cycles se décomposent en deux phases : folliculaire (3 à 4 jours) et lutéale (13 à 14 jours). La phase folliculaire est une phase de croissance des follicules, structures sphériques présentes dans l’ovaire contenant l’ovocyte, le gamète femelle potentiellement fécondable. Cette phase se caractérise par une production croissante d’œstradiol et se termine par les chaleurs (ou œstrus) et le phénomène d’ovulation,

i.e. la libération d’un ou plusieurs ovocytes hors de l’ovaire dans les voies génitales. La phase

lutéale est une phase où un follicule ayant libéré son ovocyte devient une structure lutéale (ou corps jaune) et sécrète fortement une autre hormone, la progestérone. Si la brebis n’est pas fécondée, cette phase lutéale est interrompue par régression de la (des) structure(s) lutéale(s) et laisse place à un nouveau cycle (une nouvelle phase folliculaire).

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Il serait envisageable d’apporter plus d’information quant au rôle que joue SOCS-2 dans ce phénomène de reproduction grâce au dispositif expérimental actuellement en place au sein de l’unité expérimentale INRA La Fage. En effet, à La Fage, des individus porteurs et non porteurs de la mutation SOCS2 sont produits et suivis pour différents protocoles de recherche. Les brebis sont mises à la reproduction chaque année au cours de l’été pour une mise-bas prévue en novembre-décembre. Actuellement, le suivi de la reproduction se fait exclusivement par un diagnostic de gestation par échographie transabdominale deux à trois fois au cours de la gestation, ce qui permet de détecter les brebis non fécondées ou ayant avorté, et ainsi de décider de la conduite à adopter (écartement de la brebis, remise à la reproduction).

Une première hypothèse concernant le rôle de SOCS-2 dans la fertilité femelle serait que le système endocrinien induisant l’ovulation (axe somatotrope) est dérégulé par la mutation. Il a été montré en bovin que la voie JAK/STAT et notamment la protéine SOCS-2 semblait être impliquée dans la régulation de ce phénomène d’ovulation. En effet, d’une part, la voie JAK/STAT, et plus particulièrement la protéine JAK-3, voit son expression diminuer dans la phase terminale du développement folliculaire en particuliers lors du pic pré-ovulatoire d’hormone lutéinisante (LH) (Ndiaye et al., 2016). D’autre part, l’expression de SOCS2 atténuerait la voie de transduction du signal de l’hormone de croissance hypophysaire via son récepteur, au moment de l’augmentation des taux d’œstradiol juste avant l’ovulation des génisses (Mense et al., 2015). Par ailleurs, le récent atlas ovin d’expression génique montre que

SOCS2 est bien exprimé dans l’ovaire adulte (Clark et al., 2017). L’étape d’ovulation pourrait

être suivie plus finement à La Fage par des échographies transrectales ou par cœlioscopie grâce au dénombrement précis des corps jaunes. Cette mesure permettrait de déterminer si la protéine SOCS-2 a une influence sur le taux d’ovulation.

Une seconde hypothèse concernant le rôle de SOCS-2 serait au niveau de l’endomètre et du placenta après ovulation : effet néfaste de la mutation sur la reconnaissance maternelle, influences du génotype maternel et/ou fœtal. En bovin, des gènes (dont les SOCS) ont été identifiés comme marqueurs du phénomène de reconnaissance maternelle et d’implantation (Carvalho et al., 2014). En outre, le placenta est le tissu dans lequel SOCS2 est le plus exprimé d’après le récent atlas ovin d’expression génique (Clark et al., 2017).Autour du moment de l’ovulation, des prélèvements de sang pourraient être effectués régulièrement à La Fage afin de suivre précisément l’évolution des différentes hormones tels que l’œstradiol ou encore la progestérone. Sur ces prélèvements pourraient également être effectuées des analyses transcriptomiques qui devraient mettre en lumière les gènes importants dans ce phénomène. De manière moins invasive, des échographies transabdominales plus rapprochées à partir du 15ème

jour de gestation (après l’implantation) devraient permettre de déterminer si la reconnaissance maternelle de la gestation et l’implantation embryonnaire a bien été effectuée, et suivre plus finement les cas d’avortement s’il y en a, à intégrer avec les données sanguines pour expliquer les raisons de l’avortement.

L’effet potentiellement néfaste de la mutation SOCS2 sur la reproduction est important à estimer pour la filière en raison des coûts supplémentaires engendrés par une brebis non fécondée au cours d’une campagne de reproduction, que ce soit dans la filière laitière ou dans la filière bouchère. Dans la population Lacaune au contrôle laitier, le taux de réussite à l’IA est actuellement de 68% (communication personnelle, Rachel Rupp) et l’on peut estimer la fréquence des brebis C/T à environ 20% de la population. Nous avons trouvé dans ce travail de thèse que les brebis C/T avaient une risque d’échec à l’IA 1,06 fois supérieur en comparaison des brebis de type sauvage. Si la mutation était éradiquée dans les élevages, ce taux moyen de réussite à l’IA pourrait donc potentiellement dépasser rapidement les 70% d’après notre étude. Actuellement, la reproduction ne fait pas partie des caractères en sélection en Lacaune mais des réflexions sont en cours pour la prise en compte de phénotypes liés à ce caractère dans les index, voire l’implémentation d’informations de marqueurs génétiques associés (gènes de fertilité vus dans le Chapitre I., gène SOCS2, ou autres QTL avec des méthodes pondérées), pour répondre aux attentes de la filière.