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Effet à la marge du niveau de couverture : analyses empiriques exploitant les couvertures

1.9. Couverture assurantielle et accès aux soins

1.9.4. Effet à la marge du niveau de couverture : analyses empiriques exploitant les couvertures

Ettner (1997) analyse le lien entre le fait de bénéficier d’une couverture Medigap, complétant les remboursements du programme Medicare, et les consommations de soins. Le programme Medicare est une couverture publique destinée aux personnes âgées aux Etats-Unis. En 1991, date à laquelle ont été collectées les données utilisées par Ettner, Medicare offrait une couverture des soins hospitaliers (Medicare part A) et des soins de médecins (Medicare part B). Pour ces soins, ce programme laisse à la charge des patients des dépenses substantiels (sous la forme de franchises et de taux de coassurance). De plus, en 1991, Medicare ne remboursait pas les médicaments et offrait une couverture limitée des soins de long terme. La couverture Medigap permet de couvrir tout ou partie des coûts laissés à la charge des patients sur les soins dans le panier de biens et services médicaux de Medicare. Elle peut également offrir une couverture des médicaments et des séjours en institution. Les contrats Medigap diffèrent donc selon le niveau de couverture et le panier de soins couverts. Les contrats Medigap peuvent être obtenus par l’intermédiaire de l’ancien employeur, par Medicaid ou souscrits par une démarche individuelle.

Bien que le but principal de l’étude d’Ettner soit l’analyse de l’antisélection dans le choix de souscrire ou non Medigap et dans le niveau de couverture choisi, elle fournit également des résultats sur l’aléa-moral chez les souscripteurs de ce type de couverture. Les données utilisées sont issues du Medicare current beneficiary survey (MCBS), réalisée en 1991. Cette enquête recueille auprès des bénéficiaires de Medicare, des données sur leurs caractéristiques sociodémographiques, leur état de santé, leur couverture santé et des données administratives sur les consommations de soins présentées au remboursement de Medicare. Ces données ne portent donc que sur des types de soins couverts par le dispositif de base : sont ainsi disponibles les remboursements totaux par Medicare, les remboursements par Medicare Part A, Part B, les dépenses et remboursements pour les hospitalisations, les soins de médecins et les soins ambulatoires autres que ceux de médecin ; pour les soins de médecin, on dispose également du nombre de visites et pour les soins hospitaliers du nombre de jours d’hospitalisation.

Ettner régresse les différents indicateurs % de consommations médicales sur le niveau de couverture Medigap et les variables de contrôle (état de santé, caractéristiques sociodémographiques et socio- économique) au moyen d’une procédure en deux étapes : tout d’abord la probabilité E % > 0| d’avoir au moins un soin dans l’année est estimée au moyen d’un modèle probit puis %|% > 0, est estimée chez les consommant par une régression linéaire. Ceux-ci sont appréhendés par le fait de bénéficier de ne pas bénéficier de contrat Medicap, (la référence) de bénéficier d’un contrat Medicap basique (variable « BASIC ») et le fait de bénéficier d’un contrat Medigap « généreux »

(variable « BASIQUE+ »). Un contrat Medigap est considéré comme généreux s’il rembourse les médicaments et ou les séjours en institution. On peut en effet faire l’hypothèse que le fait de couvrir ces soins non-assurés par Medicare est corrélé au niveau de remboursement des restes à charges sur les soins couverts par Medicare : cette variable est donc un proxy du niveau de remboursement des soins analysés. Le phénomène d’antisélection est testé et contrôlé en s’appuyant sur les individus couverts par l’intermédiaire de leur employeur, a priori moins sujets à l’antisélection que les individus couverts par une démarche individuelle. En effet, ils sont moins sensibles au prix du contrat puisque l’employeur paie une partie de la prime, ils ont un choix plus restreint de niveaux de couverture et bénéficient d’une meilleure péréquation des risques au sein de leur entreprise (Couffinhal, 1999)43. Concrètement, la sélection adverse est prise en compte en introduisant dans la régression la variable « ADVERSE » et « ADVERSE+ » qui indiquent tous deux si le contrat a été souscrit par une démarche individuelle et respectivement si le contrat est basique ou généreux. La mesure du risque moral est ainsi donnée par la valeur des coefficients « BASIQUE » et « BASIQUE+ ».

Les résultats font apparaître que le fait de bénéficier d’une couverture Medigap basique plutôt que de ne pas bénéficier de couverture Medigap n’a un effet significatif que sur le nombre de visites chez le médecin. En revanche, le fait de bénéficier d’une couverture Medigap généreuse a un effet significatif sur les remboursements totaux, de Medicare Part B, les remboursements de soins de spécialistes, les remboursements des autres soins ambulatoires, ainsi que sur le nombre de visites chez le médecin.

En France, plusieurs travaux sur l’effet des couvertures complémentaires santé sur les consommations médicales ont été menés. Etant donné que les couvertures complémentaires réduisent fortement les restes à charges laissées par l’Assurance maladie obligatoire, elles sont susceptibles d’avoir une forte influence sur les consommations de soins. Plusieurs études se sont donc attachées à mesurer l’ampleur de cet effet, entre autres Caussat et Glaude (1993), Chiappori et

al (1998), Genier (1998) et Albouy et Crépon (2007). Les analyses ont porté sur différents types de

soins observés sur différentes périodes. Ces travaux ne mettent pas en évidence d’effet significatif de la complémentaire santé sur les consommations de soins hospitaliers, ce qui peut s’expliquer d’une part par le fait que ces soins sont déjà fortement remboursés par l’Assurance maladie obligatoire et d’autre part présentent un caractère essentiel voire vital (les individus, mêmes non couverts sont donc peu enclins à y renoncer). En ce qui concerne les soins ambulatoires, la complémentaire santé a un effet significatif sur la probabilité de recourir au moins une fois aux soins sur une période donnée ;

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Par contre, les contrats d’entreprise aux Etats-Unis peuvent en général être souscrits de manière facultative, à la différence de la France où la majeure partie des couvertures complémentaires santé collectives sont à caractère obligatoire.

il est par contre moins net sur le volume des soins ou la dépense engagée lorsqu’il y a recours. Il faut noter que ces travaux ne cherchent pas à évaluer si le surplus de consommation de soins ambulatoire occasionné par la complémentaire santé reflète, au moins partiellement, un meilleur accès aux soins, où seulement de la surconsommation. Si on considère qu’il est nécessaire d’avoir régulièrement un contact avec le système de santé à titre préventif, alors l’effet de la complémentaire santé sur la probabilité de recours peut être interprété comme positif. Néanmoins, ce raisonnement est plus normatif et qu’économique. D’autre part, à l’exception de Chiappori et al (1998) qui analysaient l’effet d’avoir un coassurance plus ou moins élevé chez des personnes couvertes, les autres travaux utilisent comme variable d’assurance le fait d’être couvert plutôt que non-couvert par une complémentaire santé. Or, la non-couverture par une complémentaire santé ne concerne que 7% environ de la population, le reste étant couvert à des degrés très variables (cf Couffinhal, Perronnin, 2004). Au sein des personnes assurées, l’effet de la couverture peut être très différent suivant le niveau de couverture choisi. Enfin, sur un plan purement technique, notons qu’à l’exception de l’étude de Chiappori et al qui utilise une expérience naturelle et des données longitudinales, l’ensemble des travaux cités utilisent des données en coupe transversale. Elles contrôlent donc le biais d’autosélection (lié au choix des individus d’être plus ou moins assurés selon leur niveau de consommation de soins) en utilisant des hypothèses instrumentales qui peuvent être contestées.

Au-delà de ces limites, l’intérêt qu’il peut y avoir à traiter les problématiques de risque moral et d’accès aux soins dans le cadre français n’est a priori pas évident. En effet, les problèmes d’accès aux soins chez les plus pauvres semblent avoir été traités grâce aux dispositifs à destination des ménages pauvres (AMG puis CMU-C et Aide complémentaire santé). Mais il faut souligner que malgré ces dispositifs, il reste selon l’enquête ESPS une part non négligeable d’individus déclarant renoncer à des soins pour raison financière. En ce qui concerne la question de l’efficience, elle ne semble à première vue pas se poser. En effet, les individus ayant en principe le libre choix de leur couverture complémentaire, ils peuvent sélectionner le contrat qui est optimal pour eux en termes d’arbitrage entre couverture du risque et réduction du risque moral. Néanmoins, ce raisonnement suppose que chaque individu paie la totalité du surcoût lié au niveau de couverture qu’il a choisi. Or, ce n’est que partiellement vrai puisqu’une partie des dépenses est socialisée par le biais de l’Assurance maladie obligatoire : l’éventuelle surconsommation de soins liée aux complémentaires santé peut se répercuter sur le Régime obligatoire et participer ainsi à son déficit. De plus, le coût de nombreux contrats de couverture complémentaire (les contrats de groupe obligatoire, les contrats ouvrant le droit à l’ACS) est réduit du fait d’un subventionnement public, ce qui peut conduire à un arbitrage inapproprié entre risque moral et réduction du risque financier.

Chapitre 2.

Access to physician services:

does supplemental insurance matter?

Evidence from France

Tomas C. BUCHMUELLER (University of California, Irvine and NBER, USA, IRDES), Agnès COUFFINHAL (IRDES), Michel GRIGNON (IRDES), Marc PERRONNIN (IRDES)