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Effet de l’oxygène moléculaire sur les propriétés électroniques du graphène

Graphène/SiC(0001) : effet de l’oxygène

4.2 Effet de l’oxygène moléculaire sur les propriétés du graphène sur SiC

4.2.2 Effet de l’oxygène moléculaire sur les propriétés électroniques du graphène

Nous avons étudié aussi l’effet de l’oxygène moléculaire à travers des mesures de photoémission. Les spectres larges de XPS présentés dans la figure 4.2.2 nous informent sur les éléments chimiques présents dans l’échantillon et leur concentration. Dans la figure 4.2.2a nous comparons le spectre large avant et après oxydation tandis que pour la figure 4.2.2b, la comparaison est faite entre l’échantillon oxydé et après le recuit. Nous observons dans tous ces spectres la contribution typique du graphène sur SiC, à savoir le pic du Si-2p, Si-2s, C-1s et les Auger du carbone. Nous nous intéressons particulièrement au pic O-1s qui apparait après le processus d’oxydation. Le traitement de surface pour le graphène vierge nous a permis d’enlever toute contamination préalable de la surface due à l’exposition à l’air comme nous pouvons le voir dans la figure 4.2.2a (courbe noire). Lors du processus d’oxydation moléculaire, l’oxygène a créé des liens dans notre échantillon ce qui se traduit par l’apparition du pic à 532 eV d’énergie de liaison (courbe bleue). Ces liaisons vont être étudiées par la suite à travers le XPS à haute résolution. Après recuit à ~1000°C de l’échantillon oxydé, le pic d’oxygène diminue de 30% (figure 4.2.2b, courbe rouge).

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Figure 4.2.2 : Spectre large de photoémission d’un échantillon graphène vierge (courbe noire),

après le processus d’oxydation de 6h30 avec une pression d’oxygène moléculaire de 2.10-5 mbar (courbe bleu) et après un recuit de 40 min à ~1000°C (courbe rouge) en utilisant une énergie de photon de a) 825

eV et b) 870 eV.

La photoémission à haute résolution nous a permis d’étudier les liaisons que l’oxygène moléculaire crée dans l’échantillon. Nous nous intéressons aux spectres des niveaux de cœur du carbone et du silicium représentés dans la figure 4.2.3.

En utilisant une énergie des photons incidents de 340 eV nous avons pu nous placer dans un mode très sensible à la surface. Dans la figure 4.2.3a nous pouvons voir les spectres bruts (disques rouges) après soustraction d’un fond parabolique pour l’échantillon vierge (panneau du haut), après oxydation moléculaire pendant 6h30 avec une pression d’oxygène moléculaire de 2.10-5 mbar (panneau du milieu) et après le recuit de 40mn à ~1000°C (panneau du bas).

133 Nous trouvons dans ces trois spectres les trois contributions typiques du graphène sur SiC(0001) : i) les liaisons sp2 entre atomes de carbone dans le graphène (G, en bleu), ii) les liaisons Si-C dans le substrat (SiC, en vert) et iii) finalement les liaisons Si-C entre le substrat et la couche d’interface (IL en rouge). Trois faits marquants sont à noter après l’oxydation moléculaire :

 Premièrement l’intensité de la contribution de la couche d’interface diminue de ~30% lors du processus ce qui atteste, tout comme pour le cas de l’oxydation atomique mais dans une moindre mesure, le découplage partiel (~30%) de la couche de graphène grâce à la rupture des liaisons Si-C.

 Le deuxième fait marquant est aussi une preuve du découplage de l’interface. L’énergie de liaison de la contribution du substrat change après l’oxydation pour passer de 283.7 eV (avant oxydation) à 283.4 eV (après oxydation), c'est-à-dire un décalage de -0.3 eV. Comme nous avons pu le voir pour le cas de l’oxygène atomique, ce décalage est le produit de la saturation des liaisons pendantes du silicium à la surface du substrat. Ce qui provoque une courbure de bande différente et donc une énergie de liaison différente pour les photoélectrons issus du substrat [13, 14, 29].

 Nous n’avons pas de nouvelles contributions dues à la présence d’oxygène. L’oxygène moléculaire étant moins réactif que l’oxygène atomique, il ne réagit pas avec la surface du graphène et il n’y a pas de formation de groupe époxy. D’autre part l’oxygène moléculaire ne migre pas dans le substrat (absence de pic Si-O-C) à cause de sa taille plus importante vis-à-vis de l’oxygène atomique. Après le processus de recuit (figure 4.2.3a, panneau du bas), nous retrouvons les mêmes contributions ce qui démontre la stabilité de notre échantillon. Nous observons deux changements dans le spectre C-1s :

 La contribution IL augmente (~25%) en intensité ce qui est en accord avec les mesures LEED de la figure 4.2.1. Le processus de découplage avec l’oxygène moléculaire est donc un processus réversible.

 L’énergie de liaison du substrat passe de 283.4 eV à 283.6 eV c’est-à-dire que nous avons un décalage de +0.2 eV pour la contribution SiC. Ceci s’explique par l’apparition d’une partie des liaisons pendantes du silicium après le recuit et donc une modification de la courbure de bandes qui tend vers la situation initiale (avant oxydation) sans toutefois l’atteindre. En effet, en comparant les spectres avant oxydation et après recuit (panneau du haut et panneau du bas dans la figure 4.2.3a respectivement) nous avons une différence de -0.1eV pour l’énergie de liaison du SiC.

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Ce phénomène de courbure de bande doit se retrouver aussi dans le niveau de cœur Si-2p dans lequel nous avons imposé un décalage pour toutes les composantes de -0.3 eV après oxydation et de -0.1 eV après recuit par rapport au spectre avant oxydation. L’énergie de liaison de la couche d’interface reste inchangée comme nous avons pu le voir dans le niveau de cœur C-1s. Nous avons dû procéder de cette manière car nous n’avions pas de référence pour calibrer les énergies du spectre. D’autre part le décalage du SiC dans le niveau de cœur C-1s est bien présent ce qui veut dire que pour le niveau de cœur Si-2p nous devrions avoir le même comportement.

Pour le graphène vierge nous avons trois contributions différentes, celle du substrat (SiC, en bleu

imposé à 101.5 eV), celle des défauts (Def, en vert à 100.9 eV) et celle de la couche d’interface (IL, en rouge à 102.1 eV).

Avec le processus d’oxydation moléculaire (6h30 avec une pression de 2.10-5 mbar d’oxygène moléculaire), nous voyons l’apparition de deux nouvelles contributions [30]:

 La première oxydation du silicium (Si+ à 102 eV).  La troisième oxydation du silicium (Si3+ à 103.3 eV).

Les contributions des défauts et celle du SiC apparaissent à 100.6 eV et 101.2 eV respectivement et les contributions de IL et Si+ ayant à peu près les mêmes énergies de liaisons (à 0.1 eV près) nous avons décidé de les ajuster avec un seul pic.

Après le processus de recuit (40 min à T~1000°C), nous observons les changements suivants pour le spectre du niveau de cœur Si-2p (panneau du bas dans la figure 4.2.3b) :

 La composante du substrat et des défauts sont de nouveau décalés de +0.2 eV par rapport au spectre Si-2p après oxydation. Leurs énergies de liaison sont : 101.4 eV et 100.8 eV respectivement.  La contribution du Si3+ augmente légèrement après le chauffage ce qui prouve que ces liaisons sont

très stables et qu’une partie de l’oxygène présent dans l’échantillon (notamment sous forme de Si+) forment des liens Si3+ qui sont plus stables. Ceci est cohérent avec l’observation suivante (diminution du pic Si+). Ce pic se trouve à 103.5 eV d’énergie de liaison.

 La diminution du pic IL/Si+ ne peut être due qu’à la diminution des liaisons Si+. Nous pouvons voir cela par le fait que le pic IL augmente dans le niveau de cœur du carbone 1s après recuit donc nous devons avoir ce même comportement au niveau du silicium. C’est-à-dire que la diminution du pic IL/Si+ ne peut venir que d’une forte diminution des liaisons Si+. Cette contribution se trouve à 102.2 eV d’énergie de liaison.

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Figure 4.2.3 : Photoémission à haute résolution après soustraction de fond parabolique pour

chaque spectre du niveau de cœur a) C-1s à 340 eV (énergie des photons incidents) et b) Si-2p à 140 eV pour un échantillon vierge (panneau du haut), après oxydation moléculaire de ce même échantillon (panneau du milieu) et après recuit (panneau du bas). La fonction Doniach-Sunjic a été utilisée pour la composante du graphène au niveau de cœur C-1s. Les paramètres de ces courbes peuvent être vus dans le

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Cette étude nous a permis de mieux comprendre les différences importantes entre l’oxydation atomique vue dans la partie 1 de ce chapitre et l’oxydation moléculaire. En effet l’oxygène atomique est bien plus réactif et nous trouvons notamment dans le niveau de cœur du silicium 2p des configurations supplémentaires. L’efficacité de découplage de la couche d’interface de notre échantillon est clairement supérieure avec le procédé utilisant l’oxygène atomique puisque 30 min ont suffi pour découpler 50% de l’interface contre 6h30 pour découpler 30% de l’interface avec le procédé utilisant l’oxydation moléculaire.