lalecture pouvait lui avoir suggérées et à y répondreselon son opinion.
Nous donnons
le résultat de ce travail.Demande. —
Quelle était l’existence des nègres enAmérique?
Réponse. —
Ils étaientopprimés, maltraités pireque
des brutes.On
les em-pêchaitde dire leurs prières, on les torturait d’unemanière
inouïe, etc.Demande. — Les
propriétaires avaient-ils raison de direque
les nègressont nés pour être esclaves et qu’ils n’ont pas d’âme,comme
les blancs ?Réponse. — Non,
le nègre estun homme comme
tout autre,43 —
Demande. — A
quoi l’esclavage conduisait-il les nègres?Réponse. —
Il les poussaitau
suicide, à l’oubli de Dieu.Demande. —
Qui estcoupabledu
maintien de l’esclavage ?Réponse. — Ceux
qui élaboraientou
sanctionnaient des lois làdessus ;ceux
qui approuvaient l’esclavage et les indifférents qui ne prenaient pas fait et cause pour les esclaves.Demande
.—
Qu'est-ce qui amis Eyaen mesure
de vaincre lemal
et l’igno-rance ?Réponse. — La
bonté, sonamour
et sa piété.Demande. — Y
avait-ilparmi
les nègres deshommes
prêts à se sacrifierpour
l’amourdu
prochain?Réponse. —
• Oui.Tom,
par exemple, supportait les plus cruelles tortures et prémunissait sescompagnons
contre le mal, en leur rappelant Dieu. Aussi lemartyredecet
homme
debienporta-t-ilau
repentir des malfaiteursendurciscomme Quimbe
etJambo.
Demande. — Par
quoiTom
a-t-il mérité le Paradis ?Réponse. —
Parce qu’il aimaittoute l’humanitéet indiquaità tout lemonde
le
chemin
dela vérité.Nous
avons dit plus hautque
le peuple russe est particulièrement porté à compatiraux
souffranceshumaines. Ce
traitcaractéristique ressortsurtout de l’im-pression qu’a produite sur despaysans
la lecture de la nouvelle «Le Manteau
» de Gogol. L’auteur décrit dans cet ouvrage les misères d’un fonctionnaire subalterne.N’oublions pas
que
touthomme
portant l'habit galonné inspire à notrepaysan une
certaine méfiance,une
crainte de persécution, sentiments fort regrettables si l’on veut,mais
qui sont justifiés jusqu’àun
certain point par lesabus que
commettaient jadis les fonctionnaires ;nous avons
été surprisde voircombien
les auditeurs pre-naient àcœur
les joies et les souffrances d’unhomme
atrophié etconstamment
persécutépar
lesort, telqne
le petitemployé
présenté par Gogol.Avant
d’exposer 1 s observationsque nous avons
faites sur nos auditeurs pendantlalecturedu
récit de Gogol, nous croyons utile de dire quelquesmots
sur cet écrivain, dont lesœuvres
sontmalheureusement
encore peuconnues en
Europe.Pousohkine
et Gogol sont les grands piliersde la littérature russe. Gogol a fait école aussi biendans
ledrame, que dans
leroman,
la satire etdans
la littérature humoristique.La vogue
de la littérature russe à l’étrangerne
dateque
de ces derniers temps, et il est tout naturelque les traducteurs sesoientempressés d’offrirau pub
ic tout ce qu’il y avait de plus récenten
fait de productions littéraires russes. C’est ainsiqu’ona
successivementtraduitTourguéniew,
Dostoïevsky, Tolstoy, Ûstrovsky", Echtehedrine-Saltykbw, Garsehine, Korolenko, etc.Cependant Gogol
reflètemieux que
tout autre l’esprite: la viedu
peuple russe. Aussirecommandons-nous
partir culièrement la lecture desouvrages
de Gogol à tousceux
qui veulentse familiariseravec nos
mœurs
nationales. • s44
Le
fonctionnaireque Gogol nous
présentedans
son récit estun
petitem-ployéde chancellerie, d’un extérieur insignifiant et qui se voit
constamment
exposéau
despotisme des supérieursetaux
railleries des collègues.Voici d’ailleurs
comment Gogol
décritlui-même
son personnage:Notre héros s’appelait de son
nom
de fam'lle Basckrnaschkine. 11 senom-mait de son
prénom
et de celui de son pèreAkaki
Akakiévitch.Peut-être le lecteur trouvera-t-il ces
noms un
peu étranges etun
peu re-cherchés,mais
je puis luidonner
l’assurance qu’ils ne le sont point etque
les cir-constances m’ontmis dans
l’impossibilité d’en choisird’autres.Voici en effetce qui s’est passé :
Akaki
Akakiévitch vintau monde dans
la nuitdu
28 mars.Feu
sa mère, qui avaitépouséun
fonctionnaire et qui étaitune bonne
petitefemme,
s’occupa aussitôt,comme
il était bien séant, de faire baptiser son nouveau-né.A
sa droite se tenait debout le parrain, Ivan-Ivanovitch Jéroschkine,personnage
très impor-tant, qui était chargé d’enregistrer les actesdu
Sénat, et, à sagauche, la marraine,Arina Sémenowna Biélowrouschkow, femme
d’un inspecteur de police.On
proposa troisnoms au
choix de l’accouchée :Mokine,
Ivokine et Chor-dasakius.—
«Non,
dit-elle,aucun
des trois neme
plaît. »Pour
répondre à ses désirson
ouvrit l’almanach àun
autre endroit eton
mitle doigt surdeux
autresnoms
: Trifili etVarackatius.—
«Mais
c’estune
punitiondu bon Dieu
», s’exclama la mère. A-t-on jamaisvu
desnoms
pareils ! C’est la première fois dema
vieque
j’en entendsparler.
Si c’était encore
Varadat ou
Baruch,mais
Trifili et Varackatius1On
feuilleta denouveau
l’almanachet l’on trouvaPavsikakhi
etVàchli-si.«
Non,
vrai dit, la mère, c’est jouer de malheur, s’il n’y a pasmieux
à choisir, qu’ilgarde lenom
de son père.Le
père s’appelle Akaki.Eh
bienque
le filsse
nomme
aussi Akaki. »Et voilà
comment
on le baptisaAkaki
Akakiévitch.A
quelleépoque
etcomment Akaki
Akakiévitchentradans lachancellerie, personne aujourd’hui ne pourrait le dire.Mais
les supérieurs de tout ordre avaientbeau
se succéder,on
le voyait toujours à lamême
place,dans
lamême
attitude,occupé du même
travail, gardant lemême rang
hiérarchique, si bien qu’on était forcé de croire qu’il étaitvenu au monde
tel qu’il était, avec lestempes chauves
etson
uniforme
officiel.Dans
la chancellerieoù
il était employé, personne ne lui témoignait d’é-gards. Les garçons debureau eux-mêmes
ne se levaient pas devant lui lorsqu’il entrait, ils ne faisaient pas plus cas de luique
d’unemouche
qui aurait passéen
volant. Ses supérieurs le traitaient avec toute la froideurdu
despotisme.Les
aidesdu
chef debureau
se gardaient bien de lui direune
parole aimable,quand
ils luijetaient
au
nez unemontagne
de papiers. Sescollègues, plus jeunesque
lui, fai-saient de luiun
objet de leurs railleries et la cible de leurs traits d’esprit tout autant que desemployés
de chancellerie puissent prétendre à l’esprit.Mais Akaki
— 45 —
n’avait pas
un mot
de réplique à toutes ces attaques, il faisaitcomme
s’il n’y avait eu personne autour de lui. Toutes ces petites vexations n’avaientaucune
influence sur son assiduitéau
travail. Lorsque la raillerie devenait par trop intolérable, lors-qu’on le prenait par lebras et qu’on l’empêchait d’écrire, il disait :—
« Laissez-moi donc!Pourquoi
vouloirabsolument me
déranger dansma
besogne? »
Et
il y avait quelque chose de particulièrement touchantdans
ces paroles et dans lamanière
dontil les prononçait.Dès
le débutdu
récit,on
devineque
la viedu pauvre
fonctionnaire doit être pleine d’agitations et dejoies plusou moins
puériles.Mais
plus les petites souf-frances de cethomme
persécuté par le sortnous
paraissent enfantineset plus elles frappent par leurgrande
simplicité l’imagination del’homme du
peuple, toujours prêt à s’associeraux
douleurs d’un frère avili et sans défense.Aussi fallait-il voir avec quel intérêt nos auditeurs suivaient la lecture
du
«
Manteau
».Leur commisération
pourAkaki
Akakiévitch semanifestasurtoutà lascène
où
l’auteurdécritl’affaissementmoral du
pauvrepetitemployé,quand
celui-ci s’aperçoit que son uniquemanteau,
objet incessant des railleries de ses impitoya-bles collègues, n’est plus qu’une misérable guenille.Le
refus formeldu
tailleur deraccommoder
la «guenille » et sa sentencesolennelle: «Vous
devezvousfaire faire
Dans le document
QUE FAUT-IL. Pour les Femmes à Ivharlto w L ÉCOLE DU DIMANCHE. f v r PARIS Y. ABRAMOFF ET LE LIVRE
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