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2.1.3 La solidification de l’eau

2.1.3.3 Effet de la différence de densité

La modélisation du front de solidification par le problème de Stefan est basée selon

l’hypothèse d’égalité entre les masses volumiques des deux phases. En réalité, la masse

volumique de la phase liquide est supérieure à celle de la phase solide. Il en résulte une

dilatation volumique lors de la solidification. Cette augmentation de volume est de l’ordre

de 9%. La Figure2.14présente l’évolution de la hauteur d’une goutte en fonction du rayon

pour une expérience de solidification menée sur une goutte de volume initial de 20µL

à une température de 20 °C et déposée sur une paroi à une température de−18, 4 °C.

Une augmentation du volume de 9% est observée entre l’instant initial (goutte liquide)

et l’instant où la solidification est complète (t=11, 7 s). Sur la Figure2.9(h), il est

pos-FIGURE2.14 – Augmentation de volume d’une goutte après solidification. [74]

sible d’observer l’apparition d’une singularité à la fin de la solidification de la goutte. La

forme finale d’une goutte qui gèle sur une surface sous-refroidie a fait l’objet de

nom-breux travaux de recherche. Dans certains cas, une goutte d’eau déposée sur une plaque

sous-refroidie gèle et une "pointe" au sommet de la goutte apparaît comme l’illustre la

fi-gure2.15(A,B,C). Ce phénomène est tout à fait fascinant puisque la pointe apparaît dans

la partie supérieure de la goutte, zone correspondant à la fin de la phase de solidification.

De plus, la tension superficielle du liquide tend généralement à lisser tout type de

singula-rités sur des interfaces. La formation de la pointe est en fait due à la dilatation volumique

de l’eau lors de la solidification. En modélisant le front de solidification par un front

pla-naire, il est possible de reproduire la forme pointue de la goutte en fin de solidification [3]

[56]. Cependant, ces théories ne prédisent une singularité que lorsque le rapport entre les

densités solide et liquide est inférieur à 0, 75. Dans le cas de l’eau, le rapport de densité

est de 0, 92. Cette théorie ne permet donc pas d’expliquer l’apparition de goutte conique

dans le cas particulier de l’eau. Afin de résoudre ce problème, Marin et al [39] ont proposé

une explication du phénomène basée sur la géométrie du front de solidification : il a été

montré expérimentalement, et théoriquement, que le front de solidification développe

une forme sphérique qui se termine perpendiculairement à l’interface solide/air. La

Fi-gure2.15D) représente une expérience de solidification d’une goutte observée dans une

cellule de Hele-Shaw : il a été possible de mettre en évidence le caractère sphérique du

front de solidification. À l’aide de cette expérience, il est possible d’observer que le front

présente une forme convexe au début de la solidification, tandis qu’aux derniers instants,

la courbure est inversée vers une géométrie concave. Introduisons ici différents angles :

FIGURE2.15 – Observation de la "pointe" en fin de phase de solidification avec un angle de cône

α. L’expérience à été menée pour différents rapports d’aspect H/R et différentes températures

de surfaceT0. Cas A)α=147 °,T0= −34, 4 °C et H/R=4, 96. Cas B)α=141 °,T0 = −44, 1 °C et

H/R=1, 16. Cas C)α=139 °,T0= −20, 8 °C etH/R=0, 46. D) correspond au front de glace dans

une goutte observée dans une cellule de Hele-Shaw [39].

soitγl’angle entre le front de solidification et le bord de la goutte (Figure2.16) etαl’angle

du cône en fin de solidification (Figure2.15B)). Des calculs géométriques permettent de

𝑉

𝜃

𝛾

Front de

solidification

𝜙

Liquide

Glace

Substrat

𝑉

𝑧

0

𝑟(𝑧)

FIGURE 2.16 – Schéma indiquant les différentes grandeurs intervenant durant la solidification

d’une goutte d’eau

prédire l’angle de la pointe et sa formation pour tout rapport de densité. Cette théorie

est basée sur l’hypothèse selon laquelle la pointe est formée par un mécanisme

quasi-statique ainsi que par un front de solidification sphérique. En utilisant la conservation de

la masse, il est possible d’écrire que :

d

d z(VL+ψVS)=0 (2.48)

avecVL/Sles volumes des parties liquide et solide,ψle rapport de densité entre les phases

liquide et solide. Le volume total de liquide peut-être décomposé en une calotte

sphé-rique d’angleθet un volume inférieurVd(Figure2.16). Les volumes liquide et solide sont

donc :

VL=r3f(θ)+Vd, VS= −Vd+

Z z

0

d z0πr(z0)2 (2.49)

avecr(z) le rayon local etθ(z) l’angle de la goutte gelée. La géométrie d’une calotte

sphé-rique permet d’établir :

f(θ)=π

3

µ

2−3cos(θ)+cos3(θ)

si n3(θ)

(2.50)

Afin de fermer le problème, une expression deVd est nécessaire. Pour cela, il est possible

d’utiliser le fait que le front développe une forme sphérique avec un angle inférieurφ=

γθde telle sorte que le volume inférieur est :

Vd =r3f(γθ) (2.51)

Il est ainsi possible en utilisant les équations précédentes de déterminer une équation

pourr(z). Au niveau de la singularité,θsuit la loi :

f(γθ)+f(θ)=ψhf(γθ)+π

3t an(θ)

i

(2.52)

Connaissant l’angleθ, il est possible, pour tout rapport de densité, de prédire l’angleαde

la pointe par :

α=π−2θ (2.53)

Afin de prédire l’angleαde la pointe, la connaissance des anglesθouγest primordiale.

Dans le cas de gouttes et de fronts de solidification sphériques, il est impossible de

déter-minerαpar les méthodes usuelles d’ombroscopie. La Figure2.17présente le résultat de

mesure de l’angleγdans le cas d’une expérience réalisée en cellule de Hele-Shaw.

L’uti-lisation d’une cellule de Hele-Shaw permet de mesurer de manière directe l’angleγau

cours du temps. D’après ces expériences, un angleγ approximativement égal à 90° est

FIGURE2.17 – Évolution de l’angle de contact à l’interface air/liquide/glace en fonction de la

hau-teur relative [39].

obtenu. À ce stade, l’idée est de fixer la valeur deγ. Le résultat central de cette analyse

est que, combinée avec le résultat selon lequelγ=90°, l’équation2.52donne une

pré-diction de l’angle de la pointe des gouttes gelées selon une valeur unique deα=131°.

Marin et al. [39] ont trouvé que cet angle vaut 139±8° dans le cas d’une goutte déposée

FIGURE2.18 – Évolution de la racine carré l’angle de contactγ(γ=α+θ) en fonction du temps

normalisé. L’ajustement des résultats expérimentaux par l’équation2.54est ajouté [74].

sur une surface sous-refroidie. Rappelons ici que cette théorie est basée sur l’hypothèse

d’une valeur d’angle γconstante égale à 90°. La théorie prédit donc une valeur d’angle

αégale à 131° quelles que soient les conditions de solidification. Récemment les travaux

menés par Zhang et al. [74] ont eu pour objectif de modéliser la déformation d’une goutte

durant sa solidification. Cette modélisation, contrairement aux travaux précédents, est

basée sur une variation de l’angleγau niveau de l’interface triphasique. Il est nécessaire,

afin de modéliser l’évolution de la surface de la goutte, de déterminer au préalable une

loi de l’évolution deγau cours du temps. Zhang et al. [74] propose une loi de ce type.

Afin de déterminer, l’évolution de la surface libre de la goutte, une loi d’évolution deγest

proposée et validée par différentes expériences (Figure2.18) :

q

(γ)/θ0=

½

0.4133(τ−0.83)2+0.7153 , τ<0.83)

0.4133(τ−0.83)2+0.7153 , τ≥0.83) (2.54)

La loi de variation de l’angle de contact à l’interface liquide/glace/air dépend donc du

temps de solidification adimensionnelτ(rapport entre le temps et le temps de fin de

so-lidification) et de l’angle de contact initialθ0entre la goutte et la surface sous-refroidie.

Notons que les mesures d’angle ne sont pas directes : en effet, comme le montre la Figure

FIGURE 2.19 – Processus de solidification d’une goutte d’eau de 20µL déposée sur une surface

sous-refroidie a−18, 4 °C. Visualisation de la solidification par ombroscopie [74].

2.19, seules des mesures d’évolution du front de glace le long de la surface de manière

di-recte sont possibles par ombroscopie. L’utilisation de la loi de variation deγpermet donc

une modélisation complète de la forme d’une goutte durant le processus de solidification.

La Figure2.14présente une comparaison entre résultats expérimentaux et modélisation

de la solidification d’une goutte de 20µL déposée sur une surface à−18, 4 °C formant un

angle de contact de 78° avec cette dernière. Le modèle permet une bonne estimation de

l’évolution de la surface air/goutte au cours du temps et il prédit donc avec une bonne

précision deα.

La différence de densité entre les phases liquides et solides peut entraîner, durant

la solidification, des mouvements internes de types convectifs importants du liquide et

peut, dans certains cas, intensifier les transferts de masse et de chaleur [1].