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Effet des configurations résonantes entre Prométhée et Pandore

uni-quement à leurs interactions mutuelles et aux effets de marée dus à la planète et aux anneaux. Ils ont testé si les configurations résonantes (résonances de Lindblad excentriques du premier ordre) rencontrées par les deux satellites au cours de leur évolution orbitale pouvait augmenter le temps de vie du système. Goldreich (1965) a en effet montré que les résonances observées dans le système solaire sont très souvent la conséquence de l’évolution par effet de marée des orbites des satellites. Lorsqu’au cours de leur évolution, deux satellites entrent en résonance de moyen mouvement isolée, le résultat dépend de leur configuration orbitale : si les orbites des deux corps sont divergentes, alors les effets de marée et les effets de la résonance s’ajoutent et les satellites ne restent pas piégés en résonance. Par contre, si les orbites sont convergentes, alors la capture peut être maintenue.

Rappelons comment les satellites évoluent sous l’effet des couples dus aux anneaux et ma-rées du corps central. Tout d’abord, la migration orbitale d’un satellite de masse MS soumis au couple d’un anneau de rayon r, de largeur ∆r et de densité de surface Σ est donnée par

(Goldreich et Tremaine, 1982) : ˙ a a '0.8nr∆rΣMS M2 P  a ar 4 (8.1) L’équation (8.1) suppose(ar)/a  1 et(ar)2/a2  ∆r/a  (ar)/a. La condition

r  (ar)signifie que l’anneau est étroit, et (ar)2/a r assure que de nombreuses

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l’ensemble des résonances isolées. Enfin, la condition(ar)/a 1 signifie que le satellite est proche de l’anneau. D’autre part, l’attraction du bulbe de marée créé par un satellite sur une planète à l’extérieur de l’orbite synchrone entraîne un gain de moment cinétique du satellite. Le demi grand-axe augmente alors avec le taux suivant :

˙ a a =3  G MP 1/2 k2PR5P QP MS a13/2, (8.2)

MP, RP, QP and k2P sont la masse, le rayon, le coefficient de dissipation et le nombre de Love de la planète (Burns, 1977). Ce dernier paramètre peut être relié au coefficientJ2de la planète :k2P = 4πPJ2P2, où ρP et ΩP désignent la densité et la vitesse de rotation de la planète. Très souvent, l’évolution orbitale due à cette effet de marée est difficile à estimer car le coefficient de dissipationQPest mal connu.

La plupart des résonances entre les satellites internes de Saturne et les anneaux sont si-tués dans l’anneau A. Les ondes de densité créées par ces satellites ont permis de déduire une densité de surface de l’anneau Σ ' 40 g cm−2 (Rosen et al., 1991). La comparaison des taux d’expansion en demi grand-axe (Eqs. (8.1) et (8.2)) montre que l’effet de l’anneau A est consi-dérablement plus important que l’effet de marée de la planète pour tous les satellites à l’inté-rieur de l’orbite de Mimas (de l’ordre de 1000 fois plus grand pour Prométhée, par exemple). L’équation (8.1) donne une limite supérieure pour l’âge de Prométhée et Pandore : ces derniers ont ainsi migré respectivement du bord externe des anneaux à leur position actuelle en 10 et 70 millions d’années, pour une densité de 1.2 g cm−3. D’autre part, puisque le taux d’expansion du demi grand-axe est proportionnel à la masse et àa5/(ar)4, l’évolution de Prométhée est plus rapide que celle de Pandore, si bien que les orbites de ces deux satellites convergent en l’absence d’autres interactions. La figure 8.1, tirée de Poulet et Sicardy (2001), montre l’évo-lution orbitale de Prométhée et Pandore sous l’effet des forces de marée dues à la planète et du couple exercé par les anneaux. Elle indique (par des droites verticales) les résonances du permier ordre rencontrées par les satellites. On constate que les orbites de Prométhée et Pan-dore convergent rapidement, et que les deux satellites entrent très fréquemment en résonance. Poulet et Sicardy (2001) négligent les interactions de Prométhée et Pandore avec les autres sa-tellites (Mimas, Janus ou Epiméthée), car la probabilité de capture en résonance du premier ordre est faible (quelques %). De plus, Prométhée et Pandore rencontrent peu de résonances du premier ordre avec ces satellites au cours de leur évolution.

Le résultats de cette étude sont les suivants : en l’absence d’interactions avec d’autres satel-lites, le système Prométhée-Pandore a un temps de vie court (inférieur à 20 millions d’années) si les orbites convergent sans qu’il y ait capture en résonance. Le piégeage de Pandore en réso-nance avec Prométhée augmente le temps de vie du sytème de quelques dizaines de millions d’années. Cependant, les résonances ne sont pas bien séparées, et une capture en résonance crée des mouvements chaotiques. Les résonances secondaires ont aussi pour effet de détruire les configurations résonantes de premier ordre. Dans tous les cas, une rencontre proche ou une collision catastrophique entre les deux satellites se produit.

Ce problème d’évolution des satellites internes de Saturne est directement lié à l’âge des an-neaux. Deux scénarios de formation des anneaux de Saturne sont généralement avancés pour rendre compte des échelles de temps courtes (inférieures à quelques dizaines de millions d’an-nées) de leur évolution. Le premier est la destruction d’un satellite interne par un impact comé-taire (Esposito, 1986), le second la destruction d’une comète lors d’une rencontre proche avec la planète (Dones, 1991). Cependant, de tels événements sont probablement rares sur les cent

der-FIG. 8.1:Variation du rayon de Prométhée et Pandore en fonction du temps, sous l’effet du couple des anneaux et des forces de marée de Saturne (d’après Poulet et Sicardy, 2001). Les résonances du premier ordre rencontrées par les deux satellites sont indiquées par des droites verticales. L’origine temporelle correspond à la configuration actuelle.

niers millions d’années (Lissauer et al., 1988; Dones, 1991; Colwell, 1994; Colwell et al., 2000). Poulet et Sicardy (2001) ont donc proposé un nouveau scénario : des collisions récurrentes entre des satellites internes (suite à la convergence d’orbites du même type que celle entre Promé-thée et Pandore) alimentent les anneaux. Chaque collision peut ensuite briser un satellite en plusieurs gros fragments et de nombreuses particules. Les fragments les plus gros migrent vers l’extérieur, en raison du transfert de moment cinétique avec les anneaux, jusqu’à ce qu’une nouvelle collision entre deux corps se produise. Cela crée ensuite soit un anneau, soit un satel-lite plus gros s’il y a accrétion. L’âge des anneaux correspond alors au temps d’évolution des petits satellites depuis la dernière collision. L’exemple de Prométhée et Pandore donne ainsi un âge de quelques dizaines de millions d’années. Si une évolution de ce type est récurrente, l’âge des anneaux est alors supérieur à 100 millions d’années, validant ainsi le scénario de formation par destruction d’une comète ou d’un satellite.

Ce modèle comporte tout de même quelques problèmes. Si initialement les anneaux pro-viennent de la destruction d’un satellite, ce dernier a une taille au moins comparable à celle de Mimas. La faible masse des satellites internes (environ la moitié de la masse de l’anneau A) indique alors que l’on observe aujourd’hui les dernières phases de ce processus de régénéra-tion. Pas assez de matériau contenu dans les satellites semble disponible pour réalimenter les anneaux. La question du résultat des collisions est aussi problématique : l’énergie produite par une collision est-elle suffisante pour empécher la réaccrétion des fragments ? Comment d’autre part créer des particules centimétriques à partir d’objets de plusieurs dizaines de kilomètres ?

Nous avons envisagé dans cette thèse les autres alternatives pouvant résoudre le problème du temps d’évolution de Prométhée et Pandore : d’une part les interactions résonantes avec Mimas et Téthys, d’autre part celles avec les co-orbitaux Janus et Epiméthée. La